Conseil d'État, 5ème et 4ème sous-sections réunies, 22/02/2008, 310394

Texte intégral

RÉPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS


Vu le recours, enregistré le 2 novembre 2007 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présenté par le MINISTRE DE L'INTERIEUR, DE L'OUTRE-MER ET DES COLLECTIVITES TERRITORIALES ; le MINISTRE DE L'INTERIEUR, DE L'OUTRE-MER ET DES COLLECTIVITES TERRITORIALES demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler l'ordonnance du 22 octobre 2007 par laquelle le juge des référés du tribunal administratif d'Orléans a suspendu l'exécution de la décision du 19 juillet 2007 du préfet d'Eure-et-Loir rejetant la demande de M. Jean-Manuel A tendant à la reconstitution de quatre points de son permis de conduire ;

2°) statuant au titre de la procédure de référé engagée, de rejeter la demande de suspension présentée par M. A ;




Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code de la route ;

Vu le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Jean-Yves Rossi, Conseiller d'Etat,


- les conclusions de M. Jean-Philippe Thiellay, Commissaire du gouvernement ;




Considérant que, pour suspendre l'exécution de la décision du 19 juillet 2007 par laquelle le préfet d'Eure-et-Loir a rejeté la demande de M. A tendant à la reconstitution de quatre points de son permis de conduire à la suite de la réalisation d'un stage de sensibilisation aux causes et conséquences des accidents de la route, le juge des référés du tribunal administratif d'Orléans a, par l'ordonnance attaquée contre laquelle le MINISTRE DE L'INTERIEUR, DE L'OUTRE-MER ET DES COLLECTIVITES TERRITORIALES se pourvoit en cassation, retenu comme de nature à créer un doute sérieux les moyens tirés, d'une part de ce que l'intéressé n'avait pas été informé des retraits de points antérieurs au 28 avril 2007 et de ceux intervenus entre le 5 juin et le 19 juillet 2007 et, d'autre part, de ce que l'auteur de la décision litigieuse était incompétent ;

Considérant que le troisième alinéa de l'article L. 223-6 du code de la route dispose que : Le titulaire du permis de conduire qui a commis une infraction ayant donné lieu à retrait de points peut obtenir une récupération de points s'il suit un stage de sensibilisation à la sécurité routière. (...) ; qu'aux termes de l'article R. 223-8 du même code : I. - La personne responsable d'une formation spécifique, titulaire de l'agrément prévu à l'article R. 223-5, délivre, à l'issue de celle-ci, une attestation de stage à toute personne qui l'a suivi en totalité. Cette attestation est transmise au représentant de l'Etat dans le département du lieu du stage, ou à l'autorité compétente de la collectivité d'outre-mer, dans un délai de quinze jours à compter de la fin de cette formation. / II. - L'attestation délivrée à l'issue du stage effectué en application des dispositions de l'alinéa 2 de l'article L. 223-6 donne droit à la récupération de quatre points dans la limite du plafond affecté au permis de conduire de son titulaire. Une nouvelle reconstitution de points, après une formation spécifique effectuée en application des mêmes dispositions, n'est possible qu'au terme d'un délai de deux ans. / III. - L'autorité administrative mentionnée au I ci-dessus procède à la reconstitution du nombre de points dans un délai d'un mois à compter de la réception de l'attestation et notifie cette reconstitution à l'intéressé par lettre simple. La reconstitution prend effet le lendemain de la dernière journée de stage. ;

Considérant qu'il résulte de ces dispositions que le préfet est tenu de rejeter toute demande de reconstitution de points acquis à la suite d'un stage de sensibilisation lorsque le conducteur a reçu, avant le dernier jour du stage, régulièrement notification d'une décision du ministre de l'intérieur l'informant que son permis de conduire a perdu sa validité par suite de l'épuisement de son capital de points ;

Considérant qu'il ressort des pièces du dossier soumis au juge des référés que si M. A produit une attestation, datée du 7 juillet, de participation à un stage de sensibilisation à la sécurité routière réalisé les 6 et 7 juillet 2007, il n'était plus titulaire le 7 juillet d'un titre de conduite du fait de la notification antérieure de la lettre par laquelle le ministre l'a informé de la perte de validité de son permis, qu'il a reçue le 19 juin 2007 ; que, par suite, le préfet était tenu de rejeter la demande de l'intéressé de reconstitution de son capital de points, sans que la circonstance alléguée que les retraits successifs ne lui ont pas été régulièrement notifiés n'ait d'incidence sur la légalité de cette décision ; que le juge des référés a ainsi commis une erreur de droit en retenant comme de nature à créer un doute sérieux le moyen tiré de l'absence d'information des retraits successifs de points du permis, qui était inopérant ;

Considérant que le juge des référés a également retenu, pour décider de la suspension de l'exécution de la décision litigieuse, le moyen tiré de l'incompétence de son signataire ; qu'il résulte toutefois de ce qui a été dit ci-dessus que l'autorité administrative était tenue de rejeter la demande de récupération de points dont l'avait saisie M. A ; que le juge des référés a par suite commis une erreur de droit en retenant comme de nature à créer un doute sérieux le moyen, qui ne pouvait être utilement invoqué, tiré de ce que le signataire de la décision n'aurait pas disposé d'une délégation régulière ;

Considérant qu'il suit de ce qui précède que l'ordonnance du juge des référés du tribunal administratif d'Orléans doit être annulée ;

Considérant qu'il y a lieu, en application de l'article L. 821-2 du code de justice administrative, de régler l'affaire au titre de la procédure de référé engagée ;

Considérant qu'aux termes de l'article L. 521-1 du code de justice administrative : Quand une décision administrative, même de rejet, fait l'objet d'une requête en annulation ou en réformation, le juge des référés, saisi d'une demande en ce sens, peut ordonner la suspension de l'exécution de cette décision ou de certains de ses effets, lorsque l'urgence le justifie et qu'il est fait état d'un moyen propre à créer, en l'état de l'instruction, un doute sérieux quant à la légalité de la décision (...) ;

Considérant, sans qu'il soit besoin de statuer sur l'urgence, que les moyens présentés par M. A au soutien de sa demande de suspension tirés de ce que le signataire de la décision litigieuse était incompétent, de ce qu'il n'a pas reçu notification des retraits successifs de points de son permis de conduire et de ce que le préfet aurait commis une erreur manifeste d'appréciation ne sont pas, en l'état de l'instruction, propres à créer un doute sérieux sur la légalité de la décision attaquée ; que la demande de M. A tendant à la suspension de l'exécution de la décision par laquelle le préfet d'Eure-et-Loir a refusé de procéder à la reconstitution du capital de points de M. A doit par suite être rejetée ; que ses conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent l'être par voie de conséquence ;




D E C I D E :
--------------

Article 1er : L'ordonnance du juge des référés du tribunal administratif d'Orléans est annulée.

Article 2 : La demande présentée par M. A devant le juge des référés du tribunal administratif d'Orléans est rejetée.

Article 3 : La présente décision sera notifiée au MINISTRE DE L'INTERIEUR, DE L'OUTRE-MER ET DES COLLECTIVITES TERRITORIALES et à M. Jean-Manuel A.

Retourner en haut de la page