Conseil d'État, 10ème et 9ème sous-sections réunies, 11/04/2008, 300302, Inédit au recueil Lebon
Conseil d'État, 10ème et 9ème sous-sections réunies, 11/04/2008, 300302, Inédit au recueil Lebon
Conseil d'État - 10ème et 9ème sous-sections réunies
- N° 300302
- Inédit au recueil Lebon
Lecture du
vendredi
11 avril 2008
- Président
- M. Martin
- Rapporteur
- Mme Fabienne Lambolez
- Avocat(s)
- SCP CAPRON, CAPRON
Texte intégral
RÉPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
Vu la requête sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 3 janvier et 2 avril 2007 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour Mme Peggy A, demeurant ... ; Mme A demande au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler l'arrêt du 6 novembre 2006 par lequel la cour administrative d'appel de Paris, faisant droit au recours formé par le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie contre le jugement du 21 avril 2005 du tribunal administratif de Paris accordant à Mme A la décharge des cotisations supplémentaires à l'impôt sur le revenu auxquelles elle a été assujettie au titre des années 1993 à 1995 ainsi que des pénalités y afférentes, a annulé ce jugement et rétabli la requérante au rôle de l'impôt sur le revenu au titre des années 1993, 1994 et 1995 à hauteur des sommes dont la décharge avait été ordonnée par le tribunal administratif ;
2°) réglant l'affaire au fond, de rejeter les conclusions d'appel du ministre de l'économie, des finances et de l'industrie ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat le versement d'une somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
Vu le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de Mme Fabienne Lambolez, Maître des Requêtes,
- les observations de la SCP Capron, Capron, avocat de Mme Peggy A,
- les conclusions de Mlle Célia Verot, Commissaire du gouvernement ;
Considérant que Mme A, qui exerce la profession de styliste, a fait l'objet d'une vérification de comptabilité portant sur les années 1993 à 1995 ; qu'à la suite de ce contrôle, le service a réintégré dans ses résultats imposables les sommes qu'elle avait déduites au titre de loyers relatifs à l'utilisation à des fins professionnelles d'une partie de sa résidence principale dont elle est propriétaire ; que Mme A se pourvoit en cassation contre l'arrêt du 6 novembre 2006 par lequel la cour administrative d'appel de Paris, après avoir annulé le jugement du tribunal administratif de Paris en date du 21 avril 2005 lui ayant accordé la décharge des compléments d'impôt sur le revenu auxquels elle avait été assujettie au titre des années 1993 à 1995 à raison de la réintégration des sommes en cause, a remis à sa charge les impositions litigieuses ;
Considérant qu'il ressort des pièces du dossier soumis au juge du fond qu'à l'appui de son recours contre le jugement du tribunal administratif, le ministre avait uniquement soulevé le moyen tiré de l'erreur de droit dont serait entaché le jugement pour violation de l'article 93 du code général des impôts ; que, pour annuler ce jugement, la cour s'est fondée sur l'absence de justification par Mme A du versement effectif des loyers ; qu'elle a soulevé d'office ce moyen sans avoir mis en oeuvre la procédure préalable prévue par l'article R. 611-7 du code de justice administrative ; que la lettre datée du 21 septembre 2006 par laquelle le greffe de la cour demandait la production de pièces établissant le caractère effectif du versement des loyers ne peut, compte tenu des termes dans lesquelles elle est rédigée et du fait qu'elle était adressée seulement au conseil de Mme A, être regardée comme l'information des parties prévue par l'article R. 611-7 ; qu'ainsi, l'arrêt attaqué a été rendu à l'issue d'une procédure irrégulière ; que Mme A est fondée à en demander l'annulation ;
Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de régler l'affaire au fond en application de l'article L. 821-2 du code de justice administrative ;
Sans qu'il soit besoin de statuer sur la fin de non-recevoir opposée par Mme A au recours du ministre ;
Considérant qu'aux termes de l'article 93 du code général des impôts : «1-Le bénéfice à retenir dans les bases de l'impôt sur le revenu est constitué par l'excédent des recettes totales sur les dépenses nécessitées par l'exercice de la profession (...). Les dépenses déductibles comprennent notamment : 1° Le loyer des locaux professionnels. Lorsque le contribuable est propriétaire de locaux affectés à l'exercice de sa profession, aucune déduction n'est apportée de ce chef au bénéfice imposable (...) » ;
Considérant d'une part, que si les dispositions précitées font obstacle à ce que le titulaire de bénéfices non commerciaux qui exerce son activité professionnelle à titre individuel dans des locaux lui appartenant qu'il a affectés à son activité professionnelle déduise de ses bénéfices des sommes représentatives d'un loyer à raison de l'utilisation de ces locaux à des fins professionnelles, elles ne s'opposent pas à ce que, lorsqu'il maintient ces locaux dans son patrimoine personnel et obtient, en contrepartie de leur utilisation pour les besoins de son activité professionnelle, une rémunération constitutive pour lui de revenus fonciers, il déduise de ses recettes professionnelles le montant des dépenses d'occupation effectuées à raison de l'utilisation des locaux nécessaires à son activité professionnelle ; qu'ainsi, contrairement à ce que soutient le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie, les charges afférentes à l'occupation par la contribuable, pour les besoins de son activité professionnelle, d'une partie de son logement, ne sont pas exclues par principe des dépenses déductibles pour la détermination de ses bénéfices non commerciaux ;
Considérant d'autre part, que, si Mme A fait valoir que l'appartement dont elle occupe une partie pour sa résidence principale et dont elle affecte l'autre partie à l'exercice à titre individuel de son activité de styliste ne figure pas au registre des immobilisations, qu'elle a informé le syndic de copropriété de l'exercice de son activité professionnelle dans ces locaux et qu'elle a déclaré des revenus fonciers pour l'occupation à titre professionnel d'une partie de son appartement, l'administration soutient devant le Conseil d'Etat que Mme A ne justifie pas avoir procédé au cours des années en cause à des versements effectifs représentatifs d'une indemnité d'occupation de sorte que la contribuable n'était pas en droit d'inscrire en déduction de ses recettes professionnelles des dépenses pour l'occupation à titre professionnel d'une partie des locaux lui appartenant ;
Considérant que, si l'administration peut, à tout moment de la procédure, justifier l'imposition en en modifiant le fondement juridique, une telle substitution ne saurait avoir pour effet de priver le contribuable de la faculté, prévue par les articles L. 59 et L. 59 A du livre des procédures fiscales, de demander la saisine de la commission départementale des impôts directs et des taxes sur le chiffre d'affaires, lorsque celle-ci est compétente pour connaître du différend relatif à une question de fait dont la solution commande le bien-fondé du nouveau motif invoqué par l'administration ; que la nouvelle base légale invoquée par l'administration, tirée de l'absence de versements effectifs représentatifs d'une indemnité d'occupation, soulève une question de fait ; que dès lors, la substitution de base légale proposée par l'administration ne peut être accueillie ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède que le ministre n'est pas fondé à demander l'annulation du jugement du tribunal administratif ayant accordé la décharge des compléments d'impôt sur le revenu auxquels Mme A avait été assujettie au titre des années 1993 à 1995 ; qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de mettre à la charge de l'Etat le versement de la somme demandée par Mme A au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ;
D E C I D E :
--------------
Article 1er : L'arrêt de la cour administrative d'appel de Paris en date du 6 novembre 2006 est annulé.
Article 2 : Le recours du ministre de l'économie, des finances et de l'industrie devant la cour administrative d'appel de Paris est rejeté.
Article 3 : L'Etat versera à Mme A la somme de 3 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 4 : La présente décision sera notifiée à Mme Peggy A et au ministre du budget, des comptes publics et de la fonction publique.
1°) d'annuler l'arrêt du 6 novembre 2006 par lequel la cour administrative d'appel de Paris, faisant droit au recours formé par le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie contre le jugement du 21 avril 2005 du tribunal administratif de Paris accordant à Mme A la décharge des cotisations supplémentaires à l'impôt sur le revenu auxquelles elle a été assujettie au titre des années 1993 à 1995 ainsi que des pénalités y afférentes, a annulé ce jugement et rétabli la requérante au rôle de l'impôt sur le revenu au titre des années 1993, 1994 et 1995 à hauteur des sommes dont la décharge avait été ordonnée par le tribunal administratif ;
2°) réglant l'affaire au fond, de rejeter les conclusions d'appel du ministre de l'économie, des finances et de l'industrie ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat le versement d'une somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
Vu le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de Mme Fabienne Lambolez, Maître des Requêtes,
- les observations de la SCP Capron, Capron, avocat de Mme Peggy A,
- les conclusions de Mlle Célia Verot, Commissaire du gouvernement ;
Considérant que Mme A, qui exerce la profession de styliste, a fait l'objet d'une vérification de comptabilité portant sur les années 1993 à 1995 ; qu'à la suite de ce contrôle, le service a réintégré dans ses résultats imposables les sommes qu'elle avait déduites au titre de loyers relatifs à l'utilisation à des fins professionnelles d'une partie de sa résidence principale dont elle est propriétaire ; que Mme A se pourvoit en cassation contre l'arrêt du 6 novembre 2006 par lequel la cour administrative d'appel de Paris, après avoir annulé le jugement du tribunal administratif de Paris en date du 21 avril 2005 lui ayant accordé la décharge des compléments d'impôt sur le revenu auxquels elle avait été assujettie au titre des années 1993 à 1995 à raison de la réintégration des sommes en cause, a remis à sa charge les impositions litigieuses ;
Considérant qu'il ressort des pièces du dossier soumis au juge du fond qu'à l'appui de son recours contre le jugement du tribunal administratif, le ministre avait uniquement soulevé le moyen tiré de l'erreur de droit dont serait entaché le jugement pour violation de l'article 93 du code général des impôts ; que, pour annuler ce jugement, la cour s'est fondée sur l'absence de justification par Mme A du versement effectif des loyers ; qu'elle a soulevé d'office ce moyen sans avoir mis en oeuvre la procédure préalable prévue par l'article R. 611-7 du code de justice administrative ; que la lettre datée du 21 septembre 2006 par laquelle le greffe de la cour demandait la production de pièces établissant le caractère effectif du versement des loyers ne peut, compte tenu des termes dans lesquelles elle est rédigée et du fait qu'elle était adressée seulement au conseil de Mme A, être regardée comme l'information des parties prévue par l'article R. 611-7 ; qu'ainsi, l'arrêt attaqué a été rendu à l'issue d'une procédure irrégulière ; que Mme A est fondée à en demander l'annulation ;
Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de régler l'affaire au fond en application de l'article L. 821-2 du code de justice administrative ;
Sans qu'il soit besoin de statuer sur la fin de non-recevoir opposée par Mme A au recours du ministre ;
Considérant qu'aux termes de l'article 93 du code général des impôts : «1-Le bénéfice à retenir dans les bases de l'impôt sur le revenu est constitué par l'excédent des recettes totales sur les dépenses nécessitées par l'exercice de la profession (...). Les dépenses déductibles comprennent notamment : 1° Le loyer des locaux professionnels. Lorsque le contribuable est propriétaire de locaux affectés à l'exercice de sa profession, aucune déduction n'est apportée de ce chef au bénéfice imposable (...) » ;
Considérant d'une part, que si les dispositions précitées font obstacle à ce que le titulaire de bénéfices non commerciaux qui exerce son activité professionnelle à titre individuel dans des locaux lui appartenant qu'il a affectés à son activité professionnelle déduise de ses bénéfices des sommes représentatives d'un loyer à raison de l'utilisation de ces locaux à des fins professionnelles, elles ne s'opposent pas à ce que, lorsqu'il maintient ces locaux dans son patrimoine personnel et obtient, en contrepartie de leur utilisation pour les besoins de son activité professionnelle, une rémunération constitutive pour lui de revenus fonciers, il déduise de ses recettes professionnelles le montant des dépenses d'occupation effectuées à raison de l'utilisation des locaux nécessaires à son activité professionnelle ; qu'ainsi, contrairement à ce que soutient le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie, les charges afférentes à l'occupation par la contribuable, pour les besoins de son activité professionnelle, d'une partie de son logement, ne sont pas exclues par principe des dépenses déductibles pour la détermination de ses bénéfices non commerciaux ;
Considérant d'autre part, que, si Mme A fait valoir que l'appartement dont elle occupe une partie pour sa résidence principale et dont elle affecte l'autre partie à l'exercice à titre individuel de son activité de styliste ne figure pas au registre des immobilisations, qu'elle a informé le syndic de copropriété de l'exercice de son activité professionnelle dans ces locaux et qu'elle a déclaré des revenus fonciers pour l'occupation à titre professionnel d'une partie de son appartement, l'administration soutient devant le Conseil d'Etat que Mme A ne justifie pas avoir procédé au cours des années en cause à des versements effectifs représentatifs d'une indemnité d'occupation de sorte que la contribuable n'était pas en droit d'inscrire en déduction de ses recettes professionnelles des dépenses pour l'occupation à titre professionnel d'une partie des locaux lui appartenant ;
Considérant que, si l'administration peut, à tout moment de la procédure, justifier l'imposition en en modifiant le fondement juridique, une telle substitution ne saurait avoir pour effet de priver le contribuable de la faculté, prévue par les articles L. 59 et L. 59 A du livre des procédures fiscales, de demander la saisine de la commission départementale des impôts directs et des taxes sur le chiffre d'affaires, lorsque celle-ci est compétente pour connaître du différend relatif à une question de fait dont la solution commande le bien-fondé du nouveau motif invoqué par l'administration ; que la nouvelle base légale invoquée par l'administration, tirée de l'absence de versements effectifs représentatifs d'une indemnité d'occupation, soulève une question de fait ; que dès lors, la substitution de base légale proposée par l'administration ne peut être accueillie ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède que le ministre n'est pas fondé à demander l'annulation du jugement du tribunal administratif ayant accordé la décharge des compléments d'impôt sur le revenu auxquels Mme A avait été assujettie au titre des années 1993 à 1995 ; qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de mettre à la charge de l'Etat le versement de la somme demandée par Mme A au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ;
D E C I D E :
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Article 1er : L'arrêt de la cour administrative d'appel de Paris en date du 6 novembre 2006 est annulé.
Article 2 : Le recours du ministre de l'économie, des finances et de l'industrie devant la cour administrative d'appel de Paris est rejeté.
Article 3 : L'Etat versera à Mme A la somme de 3 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 4 : La présente décision sera notifiée à Mme Peggy A et au ministre du budget, des comptes publics et de la fonction publique.