Conseil d'État, 8ème et 3ème sous-sections réunies, 26/07/2006, 284930

Texte intégral

RÉPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

Vu, enregistrée le 7 septembre 2005, au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, la requête présentée par la SOCIETE NATEXIS BANQUES POPULAIRES, dont le siège social est 45, rue Saint-Dominique à Paris (75007) ; la SOCIETE NATEXIS BANQUES POPULAIRES demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler le paragraphe II de l'instruction 14-A-7-97 du ministre de l'économie, des finances et de l'industrie du 15 décembre 1997 relative aux modalités d'imputation des crédits d'impôts attachés aux intérêts de source brésilienne visés à l'article 11 de la convention fiscale franco-brésilienne du 10 septembre 1971 ;

2°) d'annuler, à titre subsidiaire, la décision en date du 25 juillet 2005 par laquelle le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie a rejeté sa demande tendant à l'abrogation du II de ladite instruction ;



Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la convention entre la République française et la République fédérative du Brésil signée à Brasilia le 10 septembre 1971 ;

Vu le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

Vu le code de justice administrative ;


Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Jérôme Michel, Maître des Requêtes,

- les conclusions de M. Pierre Collin, Commissaire du gouvernement ;






Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que la SOCIETE NATEXIS BANQUES POPULAIRES a demandé le 11 octobre 2004 au ministre de l'économie, des finances et de l'industrie d'abroger les dispositions du II de l'instruction 14-A-7-97 du 5 décembre 1997 publiée au Bulletin officiel des impôts du 15 décembre 1997 relatives aux modalités d'imputation des crédits d'impôts attachés aux intérêts de source brésilienne, visés à l'article 11 de la convention fiscale franco-brésilienne, qu'elle estime illégales ; que la SOCIETE NATEXIS BANQUES POPULAIRES a demandé l'annulation pour excès de pouvoir tant des dispositions du II de ladite instruction que de la décision en date du 28 juillet 2005 par laquelle le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie a rejeté sa demande tendant à leur abrogation ;

Sur la fin de non-recevoir opposée par le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie :

Considérant que l'interprétation que par voie, notamment, de circulaires ou d'instructions, l'autorité administrative donne des conventions internationales, lois et règlements qu'elle a pour mission de mettre en oeuvre n'est pas susceptible d'être déférée au juge de l'excès de pouvoir lorsque, étant dénuée de caractère impératif, elle ne peut, quel qu'en soit le bien-fondé, faire grief ; qu'en revanche, les dispositions impératives à caractère général d'une circulaire ou d'une instruction doivent être regardées comme faisant grief, tout comme le refus de les abroger ; que le recours formé à leur encontre doit être accueilli si ces dispositions fixent, dans le silence des textes, une règle nouvelle entachée d'incompétence ou si, alors même qu'elles ont été compétemment prises, il est soutenu à bon droit qu'elles sont illégales pour d'autres motifs ; qu'il en va de même s'il est soutenu à bon droit que l'interprétation qu'elles prescrivent d'adopter, soit méconnaît le sens et la portée des stipulations conventionnelles ou des dispositions législatives ou réglementaires qu'elle entendait expliciter, soit réitère une règle contraire à une norme juridique supérieure ;

Considérant que le II de l'instruction du 5 décembre 1997 afférent aux intérêts de source brésilienne visés à l'article 11 de la convention entre la République française et la République fédérative du Brésil signée à Brasilia le 10 septembre 1971, ratifiée par la loi du 24 décembre 1971 et publiée au Journal officiel de la République française par le décret du 18 novembre 1972, énonce, d'une part, que l'instruction ministérielle du 8 décembre 1972 commentant le texte de la convention qui prévoyait dans son paragraphe 2352 que les intérêts de toute nature ouvrent droit pour le calcul de l'impôt français dans les bases duquel ils sont compris, et, en toute hypothèse, c'est-à-dire même en l'absence de tout prélèvement fiscal brésilien, à un crédit d'impôt équivalent à 20 % du montant brut des produits, était rapportée à compter du 1er janvier 1998 et indique, d'autre part, qu'aucun crédit d'impôt ne peut désormais être imputé sur l'impôt français lorsque aucun impôt n'a été acquitté au Brésil à raison de ces revenus ; que de telles dispositions ont un caractère général et impératif ; qu'elles font grief à la SOCIETE NATEXIS BANQUES POPULAIRES dont il est constant qu'elle est un établissement de crédit percevant des intérêts de source brésilienne ; que, dès lors, la SOCIETE NATEXIS BANQUES POPULAIRES est recevable, contrairement à ce que soutient le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie, à en demander l'annulation ;


Sur la légalité des dispositions du II de l'instruction attaquée :

Considérant qu'aux termes des stipulations de l'article 11 de la convention fiscale franco-brésilienne : 1. Les intérêts provenant d'un Etat contractant et payés à un résident de l'autre Etat contractant sont imposables dans cet autre Etat. 2. Toutefois, ces intérêts peuvent être imposés dans l'Etat contractant d'où ils proviennent et selon la législation de cet Etat, mais l'impôt ainsi établi ne peut excéder 15 p. 100 du montant brut des intérêts. 3. Par dérogation aux dispositions du paragraphe 2 :... c ) Le taux de l'impôt ne peut excéder 10 p. 100 en ce qui concerne les intérêts des prêts et crédits consentis, pour une durée minimum de sept ans, par des établissements bancaires avec la participation d'un organisme public de financement spécialisé et liés à la vente de biens d'équipement ou à l'étude, à l'installation ou à la fourniture d'ensembles industriels ou scientifiques ainsi que d'ouvrages publics (...) ; qu'aux termes de l'article 22 de la même convention : « la double imposition est évitée de la façon suivante...2. Dans le cas de la France...c) En ce qui concerne les revenus visés aux articles 10, 11, 12, 13, 14, 16 et 17 qui ont supporté l'impôt brésilien conformément aux dispositions desdits articles, la France accorde aux résidents de France percevant de tels revenus de source brésilienne un crédit d'impôt correspondant à l'impôt perçu au Brésil et dans la limite de l'impôt français afférent à ces mêmes revenus, d) En ce qui concerne les revenus visés aux articles 10, 11 et au paragraphe 2 c de l'article 12, l'impôt brésilien est considéré comme ayant été perçu au taux minimum de 20 p. 100 ;

Considérant qu'il résulte de ces stipulations que le crédit d'impôt qu'elles prévoient, s'agissant notamment des intérêts qui sont visés à l'article 11, ne peut s'imputer sur l'impôt dû en France que dans l'hypothèse où ces intérêts ont supporté l'impôt au Brésil, lequel est considéré, en vertu du d) du 2 de l'article 22 précité de la convention fiscale franco-brésilienne, comme ayant été perçu au taux minimum de 20 % ; qu'en revanche, ces stipulations, dès lors qu'elles ne le prévoient pas de manière expresse, font obstacle à ce que soit octroyé au bénéficiaire d'un tel revenu qui réside en France un crédit d'impôt d'égal montant en l'absence de tout prélèvement de l'Etat de la source ;

Considérant que, contrairement à ce que soutient la SOCIETE NATEXIS BANQUES POPULAIRES, le paragraphe II de l'instruction du 5 décembre 1997 ne donne pas des stipulations précitées une interprétation différente en ce qu'il précise qu'aucun crédit d'impôt ne peut être imputé sur l'impôt français lorsqu'aucun impôt n'a été acquitté au Brésil à raison de ces revenus ; que, par suite, le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie a pu compétemment et sans illégalité, ainsi qu'il l'a fait, rapporter le paragraphe 2352 de l'instruction 14 B-17-72 du 8 décembre 1972 qui, s'agissant des intérêts visés à l'article 11 de la convention fiscale franco-brésilienne, avait étendu le bénéfice du crédit d'impôt même en l'absence de tout prélèvement fiscal brésilien ;

Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que la SOCIETE NATEXIS BANQUES POPULAIRES n'est fondée à demander l'annulation ni du paragraphe II de l'instruction du 5 décembre 1997 ni de la décision en date du 28 juillet 2005 par laquelle le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie a rejeté sa demande tendant à son abrogation ;



D E C I D E :
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Article 1er : La requête de la SOCIETE NATEXIS BANQUES POPULAIRES est rejetée.

Article 2 : La présente décision sera notifiée à la SOCIETE NATEXIS BANQUES POPULAIRES et au ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.

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