Conseil d'Etat, 7ème et 2ème sous-sections réunies, du 5 avril 2006, 288441, mentionné aux tables du recueil Lebon
Conseil d'Etat, 7ème et 2ème sous-sections réunies, du 5 avril 2006, 288441, mentionné aux tables du recueil Lebon
Conseil d'Etat - 7EME ET 2EME SOUS-SECTIONS REUNIES
statuant
au contentieux
- N° 288441
- Mentionné dans les tables du recueil Lebon
Lecture du
mercredi
05 avril 2006
- Président
- M. Stirn
- Rapporteur
- Mlle Sibyle Petitjean
- Avocat(s)
- SCP PARMENTIER, DIDIER
Texte intégral
RÉPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
Vu le recours, enregistré le 23 décembre 2005 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présenté par le MINISTRE DE LA DEFENSE ; le MINISTRE DE LA DEFENSE demande au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler l'ordonnance du 2 décembre 2005 par laquelle le juge du référé précontractuel du tribunal administratif de Nice, statuant en application de l'article L. 551-1 du code de justice administrative, a annulé la procédure de passation du marché relatif au maintien en condition opérationnelle de navires de la marine nationale et lui a enjoint de reprendre la procédure de passation du marché en se conformant aux dispositions du code des marchés publics ;
2°) réglant l'affaire au titre de la procédure de référé précontractuel, de rejeter la demande présentée devant le tribunal administratif de Nice par la société V.Ships France ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code des marchés publics ;
Vu le décret n° 2004-16 du 7 janvier 2004 ;
Vu le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de Mlle Sibyle Petitjean, Auditeur,
- les observations de la SCP Parmentier, Didier, avocat de la société V.Ships France et V.Ships Groupe,
- les conclusions de M. Nicolas Boulouis, Commissaire du gouvernement ;
Considérant qu'aux termes de l'article L. 551-1 du code de justice administrative : Le président du tribunal administratif, ou le magistrat qu'il délègue, peut être saisi en cas de manquement aux obligations de publicité et de mise en concurrence auxquelles est soumise la passation des marchés publics / Les personnes habilitées à agir sont celles qui ont un intérêt à conclure le contrat et qui sont susceptibles d'être lésées par ce manquement, ainsi que le représentant de l'Etat dans le département dans le cas où le contrat est conclu ou doit être conclu par une collectivité territoriale ou un établissement public local. / Le président du tribunal administratif peut être saisi avant la conclusion du contrat. Il peut ordonner à l'auteur du manquement de se conformer à ses obligations et de suspendre la passation du contrat ou l'exécution de toute décision qui s'y rapporte. Il peut également annuler ces décisions et supprimer les clauses ou prescriptions destinées à figurer dans le contrat et qui méconnaissent lesdites obligations / Le président du tribunal administratif ou son délégué statue en premier et dernier ressort en la forme des référés. ; Considérant qu'il ressort des pièces du dossier soumis au juge du référé précontractuel du tribunal administratif de Nice que le MINISTRE DE LA DEFENSE a lancé, sur le fondement des dispositions de l'article 2 du décret du 7 janvier 2004 pris en application de l'article 4 du code des marchés publics et concernant certains marchés publics passés pour les besoins de la défense, un appel public à la concurrence pour la passation d'un marché de maintien en condition opérationnelle de navires de la marine nationale basés à Toulon ; qu'à la demande des sociétés V.Ships France et V.Ships Groupe, membres d'un groupement dont l'offre a été rejetée le 4 novembre 2005, le juge du référé précontractuel du tribunal administratif de Nice a, par une ordonnance du 2 décembre 2005, annulé la procédure de passation du marché ; que le MINISTRE DE LA DEFENSE se pourvoit en cassation contre cette ordonnance ; Considérant qu'aux termes de l'article L. 5 du code de justice administrative : L'instruction des affaires est contradictoire. Les exigences de la contradiction sont adaptées à celles de l'urgence ; que l'ordonnance du juge du référé précontractuel, statuant en application de l'article R. 551-1 du code de justice administrative, est rendue à la suite d'une procédure particulière, adaptée à la nature de la demande et à la nécessité d'une décision rapide ; que si le mémoire en réplique déposé au greffe du tribunal administratif par les sociétés V.Ships France et V.Ships Groupe n'a été communiqué au MINISTRE DE LA DEFENSE que peu de temps avant l'audience, ce dernier a pu présenter ses observations orales au cours de l'audience publique à laquelle il était représenté ; qu'ainsi, le juge du référé précontractuel a pu prendre en compte ce mémoire sans méconnaître le principe du contradictoire ; Considérant qu'en jugeant que l'Etat, en défense, ne justifie pas, eu égard notamment aux critères retenus, à leur mise en oeuvre et à la nature et à l'objet du marché, de l'impossibilité de recourir à la pondération, le juge du référé précontractuel du tribunal administratif de Nice, qui n'avait pas à répondre à tous les arguments présentés en défense par le ministre, s'est prononcé, sans les dénaturer, sur les moyens du ministre qui, pour établir l'absence de possibilité de pondérer les critères d'attribution du marché, se prévalait de la nature et de la spécificité du marché en cause ainsi que des critères de sélection des offres retenus ; qu'il a ainsi suffisamment motivé sa décision ; Considérant que les marchés entrant dans le champ d'application du décret du 7 janvier 2004 pris en application de l'article 4 du code des marchés publics et concernant certains marchés publics passés pour les besoins de la défense sont régis par les dispositions du code des marchés publics à l'exception de celles auxquelles le décret déroge expressément ; que le décret du 7 janvier 2004 ne prévoit aucune dérogation en ce qui concerne les dispositions du dernier alinéa du paragraphe II de l'article 53 du code des marchés publics qui sont dès lors applicables aux marchés régis par ce décret ; qu'aux termes de ces dispositions, les critères de choix des offres sont définis dans l'avis d'appel public à la concurrence ou dans le règlement de la consultation. Ces critères sont pondérés ou à défaut hiérarchisés ; qu'il résulte de ces dispositions que les critères doivent être pondérés, sauf si la personne publique qui s'apprête à passer un marché peut justifier que cette pondération n'est pas possible ; que c'est seulement dans ce cas que cette personne peut se borner à procéder à leur hiérarchisation ; Considérant que si le juge du référé précontractuel a jugé qu'en se prévalant de la spécificité de l'objet du marché, de la procédure de marché négociée suivie ainsi que de la nature des critères de sélection retenus, le ministre ne justifiait pas de l'impossibilité de recourir à la pondération des critères d'attribution du marché en litige, il n'a pas entendu écarter toute possibilité de hiérarchisation des critères de sélection des offres mais s'est borné à constater qu'en l'espèce, la personne responsable du marché n'établissait pas que la pondération de ces critères n'était pas possible ; qu'il n'a dès lors ni commis d'erreur de droit ni dénaturé les faits de l'espèce ; Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que le MINISTRE DE LA DEFENSE n'est pas fondé à demander l'annulation de l'ordonnance attaquée ; Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative : Considérant qu'il y a lieu dans les circonstances de l'espèce, de faire application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de mettre à la charge de l'Etat une somme globale de 4 000 euros au titre des frais exposés par la société V.Ships France et par la société V.Ships Groupe et non compris dans les dépens ;
D E C I D E : -------------- Article 1er : Le recours du MINISTRE DE LA DEFENSE est rejeté. Article 2 : L'Etat versera la somme globale de 4 000 euros à la société V.Ships France et à la société V.Ships Groupe au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Article 3 : La présente décision sera notifiée au MINISTRE DE LA DEFENSE, à la société V.Ships France et à la société V.Ships Groupe.
Considérant qu'aux termes de l'article L. 551-1 du code de justice administrative : Le président du tribunal administratif, ou le magistrat qu'il délègue, peut être saisi en cas de manquement aux obligations de publicité et de mise en concurrence auxquelles est soumise la passation des marchés publics / Les personnes habilitées à agir sont celles qui ont un intérêt à conclure le contrat et qui sont susceptibles d'être lésées par ce manquement, ainsi que le représentant de l'Etat dans le département dans le cas où le contrat est conclu ou doit être conclu par une collectivité territoriale ou un établissement public local. / Le président du tribunal administratif peut être saisi avant la conclusion du contrat. Il peut ordonner à l'auteur du manquement de se conformer à ses obligations et de suspendre la passation du contrat ou l'exécution de toute décision qui s'y rapporte. Il peut également annuler ces décisions et supprimer les clauses ou prescriptions destinées à figurer dans le contrat et qui méconnaissent lesdites obligations / Le président du tribunal administratif ou son délégué statue en premier et dernier ressort en la forme des référés. ; Considérant qu'il ressort des pièces du dossier soumis au juge du référé précontractuel du tribunal administratif de Nice que le MINISTRE DE LA DEFENSE a lancé, sur le fondement des dispositions de l'article 2 du décret du 7 janvier 2004 pris en application de l'article 4 du code des marchés publics et concernant certains marchés publics passés pour les besoins de la défense, un appel public à la concurrence pour la passation d'un marché de maintien en condition opérationnelle de navires de la marine nationale basés à Toulon ; qu'à la demande des sociétés V.Ships France et V.Ships Groupe, membres d'un groupement dont l'offre a été rejetée le 4 novembre 2005, le juge du référé précontractuel du tribunal administratif de Nice a, par une ordonnance du 2 décembre 2005, annulé la procédure de passation du marché ; que le MINISTRE DE LA DEFENSE se pourvoit en cassation contre cette ordonnance ; Considérant qu'aux termes de l'article L. 5 du code de justice administrative : L'instruction des affaires est contradictoire. Les exigences de la contradiction sont adaptées à celles de l'urgence ; que l'ordonnance du juge du référé précontractuel, statuant en application de l'article R. 551-1 du code de justice administrative, est rendue à la suite d'une procédure particulière, adaptée à la nature de la demande et à la nécessité d'une décision rapide ; que si le mémoire en réplique déposé au greffe du tribunal administratif par les sociétés V.Ships France et V.Ships Groupe n'a été communiqué au MINISTRE DE LA DEFENSE que peu de temps avant l'audience, ce dernier a pu présenter ses observations orales au cours de l'audience publique à laquelle il était représenté ; qu'ainsi, le juge du référé précontractuel a pu prendre en compte ce mémoire sans méconnaître le principe du contradictoire ; Considérant qu'en jugeant que l'Etat, en défense, ne justifie pas, eu égard notamment aux critères retenus, à leur mise en oeuvre et à la nature et à l'objet du marché, de l'impossibilité de recourir à la pondération, le juge du référé précontractuel du tribunal administratif de Nice, qui n'avait pas à répondre à tous les arguments présentés en défense par le ministre, s'est prononcé, sans les dénaturer, sur les moyens du ministre qui, pour établir l'absence de possibilité de pondérer les critères d'attribution du marché, se prévalait de la nature et de la spécificité du marché en cause ainsi que des critères de sélection des offres retenus ; qu'il a ainsi suffisamment motivé sa décision ; Considérant que les marchés entrant dans le champ d'application du décret du 7 janvier 2004 pris en application de l'article 4 du code des marchés publics et concernant certains marchés publics passés pour les besoins de la défense sont régis par les dispositions du code des marchés publics à l'exception de celles auxquelles le décret déroge expressément ; que le décret du 7 janvier 2004 ne prévoit aucune dérogation en ce qui concerne les dispositions du dernier alinéa du paragraphe II de l'article 53 du code des marchés publics qui sont dès lors applicables aux marchés régis par ce décret ; qu'aux termes de ces dispositions, les critères de choix des offres sont définis dans l'avis d'appel public à la concurrence ou dans le règlement de la consultation. Ces critères sont pondérés ou à défaut hiérarchisés ; qu'il résulte de ces dispositions que les critères doivent être pondérés, sauf si la personne publique qui s'apprête à passer un marché peut justifier que cette pondération n'est pas possible ; que c'est seulement dans ce cas que cette personne peut se borner à procéder à leur hiérarchisation ; Considérant que si le juge du référé précontractuel a jugé qu'en se prévalant de la spécificité de l'objet du marché, de la procédure de marché négociée suivie ainsi que de la nature des critères de sélection retenus, le ministre ne justifiait pas de l'impossibilité de recourir à la pondération des critères d'attribution du marché en litige, il n'a pas entendu écarter toute possibilité de hiérarchisation des critères de sélection des offres mais s'est borné à constater qu'en l'espèce, la personne responsable du marché n'établissait pas que la pondération de ces critères n'était pas possible ; qu'il n'a dès lors ni commis d'erreur de droit ni dénaturé les faits de l'espèce ; Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que le MINISTRE DE LA DEFENSE n'est pas fondé à demander l'annulation de l'ordonnance attaquée ; Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative : Considérant qu'il y a lieu dans les circonstances de l'espèce, de faire application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de mettre à la charge de l'Etat une somme globale de 4 000 euros au titre des frais exposés par la société V.Ships France et par la société V.Ships Groupe et non compris dans les dépens ;
D E C I D E : -------------- Article 1er : Le recours du MINISTRE DE LA DEFENSE est rejeté. Article 2 : L'Etat versera la somme globale de 4 000 euros à la société V.Ships France et à la société V.Ships Groupe au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Article 3 : La présente décision sera notifiée au MINISTRE DE LA DEFENSE, à la société V.Ships France et à la société V.Ships Groupe.