Conseil d'Etat, 8ème et 3ème sous-sections réunies, du 9 mars 2005, 248825, publié au recueil Lebon

Texte intégral

RÉPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

Vu le recours, enregistré le 19 juillet 2002 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présenté par le MINISTRE DE L'ECONOMIE, DES FINANCES ET DE L'INDUSTRIE ; le MINISTRE DE L'ECONOMIE, DES FINANCES ET DE L'INDUSTRIE demande au Conseil d'Etat d'annuler l'arrêt du 16 mai 2002 par lequel la cour administrative d'appel de Lyon a rejeté son recours tendant à l'annulation du jugement du 13 janvier 1998 du tribunal administratif de Dijon accordant à M. Jacques Y la décharge de la cotisation supplémentaire d'impôt sur le revenu à laquelle il a été assujetti au titre de l'année 1989 ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

Vu le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Yohann Bénard, Auditeur,

- les observations de Me Luc-Thaler, avocat de M. Y,

- les conclusions de M. Pierre Collin, Commissaire du gouvernement ;


Considérant qu'il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que le capital de la SCI Clinique Sainte-Marthe, propriétaire de bâtiments loués à une société anonyme qui exploite, à Dijon, la clinique du même nom, a été fixé initialement à 50 000 F, puis a été augmenté successivement, par décisions de son assemblée générale des 23 juin 1988 et 26 janvier 1989, de deux sommes de 5 244 300 F chacune par incorporation de bénéfices mis en réserve, la valeur nominale des parts étant ainsi portée de 100 F à 200 F, puis à 300 F ; que le 14 avril 1989, M. Y a, pour un prix de 1 113 000 F, cédé 1 590 parts qu'il détenait initialement dans le capital de la société, et souscrit à cette occasion une déclaration de plus-value en retenant comme prix d'acquisition des parts cédées celui résultant de leur nouvelle valeur nominale, ajoutant ainsi au prix de souscription les deux sommes, s'élevant chacune à 159 000 F, correspondant à sa quote-part des augmentations de capital ; que l'administration a refusé de tenir compte de ces augmentations de capital, et pris en compte dans le calcul de la plus-value imposable un prix d'acquisition des parts égal à leur valeur nominale à la date de souscription ; que le MINISTRE DE L'ECONOMIE, DES FINANCES ET DE L'INDUSTRIE se pourvoit en cassation contre l'arrêt du 16 mai 2002 par lequel la cour administrative d'appel de Lyon a rejeté son appel formé contre le jugement du tribunal administratif de Dijon prononçant la décharge du supplément d'impôt sur le revenu mis, de ce chef, à la charge de M. Y au titre de l'année 1989 ;

Sur les conclusions tendant à l'annulation de l'arrêt attaqué :

Considérant qu'aux termes de l'article 150 A bis du code général des impôts, alors en vigueur : Les gains nets retirés de cessions à titre onéreux de valeurs mobilières ou de droits sociaux de sociétés non cotées dont l'actif est principalement constitué d'immeubles ou de droits portant sur ces biens relèvent exclusivement du régime d'imposition prévu pour les biens immeubles (…) ; qu'aux termes de l'article 150 H du même code, alors en vigueur, les plusvalues provenant de la cession de tels biens, soumises à l'impôt sur le revenu en vertu de l'article 150 A de ce code, alors en vigueur, sont constituées : (…) par la différence entre :/ le prix de cession, et le prix d'acquisition par le cédant (…) ;

Considérant que, dans le cas où un associé cède les parts qu'il détient dans une société ou un groupement relevant ou ayant relevé de l'un des régimes prévus aux articles 8, 8 ter, 239 quater B ou 239 quater C du code général des impôts, le résultat de cette opération doit être calculé, pour assurer la neutralité de l'application de la loi fiscale compte tenu du régime spécifique de ces sociétés et groupements, en retenant comme prix d'acquisition de ces parts, au sens de l'article 150 H précité du code, leur valeur d'acquisition, majorée en premier lieu, d'une part, de la quote-part des bénéfices de cette société ou de ce groupement revenant à l'associé qui a été ajoutée aux revenus imposés de celui-ci, antérieurement à la cession et pendant la période d'application du régime visé cidessus, et d'autre part, des pertes afférentes à des entreprises exploitées par la société ou le groupement en France et ayant donné lieu de la part de l'associé à un versement en vue de les combler, puis minorée en second lieu, d'une part, des déficits que l'associé a déduits pendant cette même période, à l'exclusion de ceux qui trouvent leur origine dans une disposition par laquelle le législateur a entendu conférer aux contribuables un avantage fiscal définitif, et, d'autre part, des bénéfices afférents à des entreprises exploitées en France par la société ou le groupement et ayant donné lieu à répartition au profit de l'associé ; qu'en outre, lorsque les parts de la société de personnes faisant l'objet de la cession ont été acquises ou souscrites à des dates différentes, le prix d'acquisition des parts acquises ou souscrites à la même date est calculé distinctement suivant les modalités susmentionnées ;

Considérant qu'en jugeant qu'en application de ces règles, le prix d'acquisition retenu pour la détermination de la plus-value de cession des parts que détenait M. Y dans la SCI Clinique Sainte-Marthe devait être calculé en tenant compte du montant des apports qu'il avait consentis à la société à l'occasion de la souscription initiale du capital social, ainsi que de sa quote-part des bénéfices sociaux soumis à l'impôt entre les mains des associés, la cour administrative d'appel de Lyon n'a commis aucune erreur de droit ; que, par suite, le MINISTRE DE L'ECONOMIE, DES FINANCES ET DE L'INDUSTRIE n'est pas fondé à demander l'annulation de l'arrêt attaqué ;

Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat la somme que demande M. Y au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;


D E C I D E :

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Article 1er : Le recours du MINISTRE DE L'ECONOMIE, DES FINANCES ET DE L'INDUSTRIE est rejeté.

Article 2 : L'Etat versera à M. Y la somme de 3 500 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : La présente décision sera notifiée au MINISTRE DE L'ECONOMIE, DES FINANCES ET DE L'INDUSTRIE et à M. Jacques Y.


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