Conseil d'Etat, 5 / 7 SSR, du 29 juillet 2002, 222180, publié au recueil Lebon

Texte intégral

RÉPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

Vu la requête sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat les 20 juin et 7 août 2000, présentés pour M. Michel X... et Mlle Joëlle X..., ; M. Michel X... et Mlle Joëlle X... demandent au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler l'arrêt du 29 mai 2000 par lequel la cour administrative d'appel de Bordeaux a rejeté leur demande tendant à l'annulation du jugement du 21 octobre 1999 par lequel le tribunal administratif de Saint-Denis de la Réunion a rejeté leur demande dirigée contre la décision du 7 septembre 1999 par laquelle le préfet de La Réunion a refusé l'autorisation qu'ils demandaient de conserver leur mère défunte sur leur propriété privée selon un mode de congélation ;

2°) de surseoir à l'exécution de l'arrêt attaqué ;

3°) statuant au fond, d'annuler le jugement du 21 octobre 1999 du tribunal administratif de Saint-Denis de la Réunion ainsi que la décision du 7 septembre 1999 du préfet de La Réunion ;

4°) de condamner l'Etat à leur verser 25 000 F au titre des frais exposés par eux et non compris dans les dépens ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code des communes ;

Vu le code général des collectivités territoriales ;

Vu le code civil ;

Vu le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Aladjidi, Auditeur,

- les observations de la SCP Lyon-Caen, Fabiani, Thiriez, avocat de M. X... et de Mlle X...,

- les conclusions de M. Olson, Commissaire du gouvernement ;

Considérant qu'il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que le préfet de La Réunion, saisi par M. Michel X... et Mlle Joëlle X... d'une demande tendant à être autorisés à conserver le corps de leur mère défunte dans un appareil de congélation placé dans le sous-sol de leur villa située à Saint-Denis (La Réunion), a refusé l'autorisation sollicitée au motif qu'une telle demande n'était pas une demande d'inhumation ;

Considérant qu'aux termes de l'article L. 2223-9 du code général des collectivités territoriales : "Toute personne peut être enterrée sur une propriété particulière, pourvu que cette propriété soit hors de l'enceinte des villes et des bourgs et à la distance prescrite" ; qu'en vertu de l'article R. 361-12 du code des communes alors en vigueur, devenu l'article R. 2213-32 du code général des collectivités territoriales : "L'inhumation dans une propriété particulière du corps d'une personne décédée est autorisée par le préfet du département où est située cette propriété sur attestation que les formalités prescrites par l'article R. 363-18 et par les articles 78 et suivants du code civil ont été accomplies et après avis d'un hydrogéologue agréé" ;

Considérant que le droit de toute personne d'avoir une sépulture et de régler librement, directement ou par l'intermédiaire de ses ayants-droits, les conditions de ses funérailles préalablement à son inhumation s'exerce dans le cadre des dispositions législatives et réglementaires en vigueur ; que la cour administrative d'appel n'a pas méconnu ce droit en jugeant que le préfet ne pouvait en autoriser l'exercice en dehors du cadre législatif et réglementaire existant ;

Considérant que la cour n'a pas dénaturé les pièces du dossier en interprétant la demande dont était saisi le préfet comme une demande de conservation et non d'inhumation du corps d'une personne décédée ; qu'en estimant que la conservation du corps d'une personne décédée par un procédé de congélation ne constitue pas un mode d'inhumation prévu par les dispositions précitées, elle n'a pas commis d'erreur dans la qualification juridique des faits ; qu'elle a pu légalement en déduire que le préfet de La Réunion avait compétence liée pour refuser, par une décision en date du 7 septembre 1999, l'autorisation sollicitée par M. Michel X... et Mlle Joëlle X... de conserver le corps de leur mère défunte dans un appareil de congélation placé dans le sous-sol de leur villa ;

Considérant que si les consorts X... soutiennent que leurs intérêts familiaux protégés par l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ont été méconnus, ce moyen qui n'a pas été soulevé devant les juges du fond et qui n'est pas d'ordre public est irrecevable ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède que M. Michel X... et Mlle Joëlle X... ne sont pas fondés à demander l'annulation de l'arrêt attaqué ;

Sur les conclusions de M. Michel X... et Mlle Joëlle X... tendant au remboursement des frais exposés et non compris dans les dépens :

Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que l'Etat, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, soit condamné à payer à M. Michel X... et Mlle Joëlle X... la somme qu'ils demandent au titre des frais exposés par eux et non compris dans les dépens ;
Article 1er : La requête de M. Michel X... et Mlle Joëlle X... est rejetée.
Article 2 : La présente décision sera notifiée à M. Michel X..., à Mlle Joëlle X... et au ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales.
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