Conseil d'Etat, 8 / 3 SSR, du 16 février 2000, 133296, publié au recueil Lebon
Conseil d'Etat, 8 / 3 SSR, du 16 février 2000, 133296, publié au recueil Lebon
Conseil d'Etat - 8 / 3 SSR
statuant
au contentieux
- N° 133296
- Publié au recueil Lebon
Lecture du
mercredi
16 février 2000
- Président
- M. Fouquet
- Rapporteur
- M. Maïa
- Avocat(s)
- SCP Le Griel, Avocat
Texte intégral
RÉPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
Vu la requête sommaire et le mémoire complémentaire enregistrés les 22 janvier 1992 et 19 mai 1992 au secrétariat du Contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour la société anonyme ETABLISSEMENTS QUEMENER, dont le siège est Treflaouenan à Plouzevede (29225), représentée par le président en exercice de son conseil d'administration ; la société anonyme ETABLISSEMENTS QUEMENER demande que le Conseil d'Etat : 1°) annule l'arrêt du 14 novembre 1991 par lequel la cour administrative d'appel de Nantes, après avoir annulé le jugement du 23 février 1988 du tribunal administratif de Rennes, n'a que partiellement fait droit à sa demande en décharge du complément d'impôt sur les sociétés auquel elle a été assujettie au titre de l'année 1981 dans les rôles de la commune de Treflaouenan (Finistère) ; 2°) lui accorde la décharge des impositions contestées ; Vu les autres pièces du dossier ; Vu le code général des impôts ; Vu le livre des procédures fiscales ; Vu le code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ; Vu l'ordonnance n° 45-1708 du 31 juillet 1945, le décret n° 53-934 du 30 septembre 1953 et la loi n° 87-1127 du 31 décembre 1987 ; Après avoir entendu en audience publique : - le rapport de M. Maïa, Auditeur, - les observations de la SCP Le Griel, avocat de la société anonyme ETABLISSEMENTS QUEMENER, - les conclusions de M. Bachelier, Commissaire du gouvernement ;
Considérant qu'il ressort des pièces du dossier soumis au juge du fond que la société anonyme ETABLISSEMENTS QUEMENER a acquis en 1978 une participation de 50 000 F dans le capital de la société en nom collectif "Quemener Locavoile" ; qu'au cours des années 1978 et 1979 celle-ci a subi des pertes qui ont fait l'objet d'un report à nouveau ; que la société anonyme a imputé sur ses résultats imposables à l'impôt sur les sociétés la quote-part de ces pertes correspondant à cette participation et s'élevant à 350 425 F et 312 823 F au titre des exercices clos respectivement en 1978 et 1979 ; qu'au cours de son exercice allant du 1er juillet 1979 au 30 juin 1980, elle a souscrit pour une somme de 1 000 000 F à une augmentation de capital de la société en nom collectif puis cédé pour 1 franc symbolique la totalité de sa participation au nominal de 1 050 000 F ; qu'à l'issue du contrôle dont la société anonyme ETABLISSEMENTS QUEMENER a fait l'objet, le vérificateur a remis en cause les écritures effectuées par la société pour la détermination du résultat fiscal de cette cession et a estimé que celui-ci se décomposait en une moins-value à long terme de 50 000 F, une moins-value à court terme de 1 000 000 F et en un profit exceptionnel de 663 248 F à ajouter au résultat de l'exercice clos en 1980 et correspondant à la variation d'actif net résultant du transfert au cessionnaire des dettes contractées par le cédant envers la société en nom collectif et dont le montant s'élevait au chiffre total des déficits de la société en nom collectif que la société anonyme avait imputés sur ses résultats des exercices clos en 1978 et 1979 ; que, compte tenu de la situation déficitaire constatée à la clôture de l'exercice 1980, il en est résulté un supplément d'impôt sur les sociétés établi au titre des années 1981 et 1982 ; que la société anonyme ETABLISSEMENTS QUEMENER a demandé la décharge du supplément d'impôt correspondant à l'imposition de ce profit exceptionnel ; qu'elle se pourvoit régulièrement en cassation contre l'arrêt par lequel la cour administrative d'appel de Nantes a statué sur sa requête ; Considérant qu'en regardant comme constant le fait que la société requérante avait par la vente de sa participation dans le capital de la société en nom collectif cessé d'être débitrice des autres associés de cette société alors qu'elle avait contesté cette affirmation de l'administration dans son mémoire en réplique devant le juge d'appel, la cour a dénaturé les écritures de la société ; que, par suite, la société SOFIQUEM, venue en cours d'instance aux droits de la société anonyme ETABLISSEMENTS QUEMENER, est fondée à demander l'annulation pour ce motif de l'arrêt attaqué ; Considérant que dans les circonstances de l'espèce il y a lieu de faire application de l'article 11 de la loi du 31 décembre 1987 et de statuer sur l'appel de la société formé contre le jugement du tribunal administratif de Rennes rejetant sa demande ;
Considérant qu'aux termes de l'article 39 duodecies du code général des impôts "1. Par dérogation aux dispositions de l'article 38, les plus-values provenant de la cession d'éléments de l'actif immobilisé sont soumises à des régimes distincts suivant qu'elles sont réalisées à court ou à long terme. 2. Le régime des plus-values à court terme est applicable : a) aux plus-values provenant de la cession d'éléments acquis ou créés depuis moins de deux ans ... 3. Le régime des plus-values à long terme est applicable aux plus-values autres que celles définies au 2. 4. Le régime des moins-values à court terme s'applique : a) aux moins-values subies lors de la cession de biens non amortissables détenus depuismoins de deux ans ... 5. Le régime des moins-values à long terme s'applique aux moins-values autres que celles définies au 4. 6. Pour l'application du présent article les cessions de titres compris dans le portefeuille sont réputées porter par priorité sur les titres de même nature acquis ou souscrits à la date la plus ancienne" ; Considérant que, pour l'application de ces dispositions, dans le cas où une société , une entreprise ou une personne soumise à l'impôt à raison des bénéfices qu'elle tire de son activité professionnelle, cède les parts inscrites à l'actif de son bilan qu'elle détient dans une société ou dans un groupement relevant ou ayant relevé du régime prévu aux articles 8, 8 ter, 239 quater B ou 239 quater C du code général des impôts ou, lorsqu'elle ne dresse pas de bilan, les parts de même nature qu'elle a affectées à l'exercice de sa profession, le résultat de cette opération, imposable dans les conditions prévues à l'article 39 duodecies précité et aux articles suivants du même code, doit être calculé, pour assurer la neutralité de l'application de la loi fiscale compte tenu du régime spécifique des sociétés et groupements susmentionnés, en retenant comme prix de revient de ces parts leur valeur d'acquisition, majorée en premier lieu, d'une part de la quote part des bénéfices de cette société ou de ce groupement revenant à l'associé qui a été ajoutée aux résultats imposés de celui-ci, antérieurement à la cession et pendant la période d'application du régime visé ci-dessus, et d'autre part des pertes afférentes à des entreprises exploitées par la société ou le groupement en France et ayant donné lieu de la part de l'associé à un versement en vue de les combler, puis minorée en second lieu, d'une part, des déficits que l'associé a déduits pendant cette même période, à l'exclusion de ceux qui trouvent leur origine dans une disposition par laquelle le législateur a entendu conférer aux contribuables un avantage fiscal définitif, et, d'autre part, des bénéfices afférents à des entreprises exploitées en France par la société ou le groupement et ayant donné lieu à répartition au profit de l'associé ; qu'en outre, lorsque les parts de la société de personnes faisant l'objet de la cession ont été acquises ou souscrites à des dates différentes, le prix de revient des parts acquises ou souscrites à la même date est calculé distinctement suivant les modalités susmentionnées ;
Considérant qu'en application de ces règles, le prix de revient en 1980 de la participation de la société anonyme ETABLISSEMENTS QUEMENER acquise en 1978 dans le capital de la société en nom collectif "Quemener Locavoile" s'élève au prix d'acquisition de ces parts, soit 50 000 F, diminué du déficit déduit de ses résultats imposés des exercices clos en 1978 et en 1979 soit 663 248 F ; que la cession en 1980 de cette participation détenue depuis plus de deux ans, pour un prix correspondant à la quote-part du 1 F symbolique, fait ainsi apparaître une plus-value de 613 248,05 F arrondie à 613 248 F imposable suivant le régime des plus-values à long terme en vertu de l'article 39 duodecies précité du code général des impôts ; que la cession en 1980, pour un prix égal à l'autre quote-part du 1 F symbolique, de la participation de 1 000 000 F acquise au cours du même exercice fait apparaître une moins-value à court terme arrondie à 1 000 000 F, ainsi que l'administration l'a d'ailleurs admis ; que, par suite la société SOFIQUEM est fondée à soutenir que le résultat de l'opération de cession de la participation de la société anonyme ETABLISSEMENTS QUEMENER dans le capital de la société en nom collectif "Quemener Locavoile" doit être imposée suivant les bases susmentionnées et à demander dans cette mesure la réduction du complément d'impôt sur les sociétés mis à sa charge et la réformation du jugement du tribunal administratif de Rennes ;
Article 1er : L'arrêt du 14 novembre 1991 de la cour administrative d'appel de Nantes est annulé.
Article 2 : Le résultat de l'opération de cession des parts de la société en nom collectif "Quemener Locavoile" par la société anonyme ETABLISSEMENTS QUEMENER est constitué d'une part d'une plus-value à long terme de 613 248 F et, d'autre part, d'une moins-value à court terme de 1 000 000 F.
Article 3 : La société anonyme ETABLISSEMENTS QUEMENER est déchargée du complément d'impôt sur les sociétés correspondant à la différence entre la base retenue par l'administration et celle résultant de l'article 2 de la présente décision.
Article 4 : Le jugement du tribunal administratif de Rennes du 23 février 1988 est réformé en ce qu'il a de contraire à la présente décision.
Article 5 : La présente décision sera notifiée à la société SOFIQUEM et au ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.
Considérant qu'il ressort des pièces du dossier soumis au juge du fond que la société anonyme ETABLISSEMENTS QUEMENER a acquis en 1978 une participation de 50 000 F dans le capital de la société en nom collectif "Quemener Locavoile" ; qu'au cours des années 1978 et 1979 celle-ci a subi des pertes qui ont fait l'objet d'un report à nouveau ; que la société anonyme a imputé sur ses résultats imposables à l'impôt sur les sociétés la quote-part de ces pertes correspondant à cette participation et s'élevant à 350 425 F et 312 823 F au titre des exercices clos respectivement en 1978 et 1979 ; qu'au cours de son exercice allant du 1er juillet 1979 au 30 juin 1980, elle a souscrit pour une somme de 1 000 000 F à une augmentation de capital de la société en nom collectif puis cédé pour 1 franc symbolique la totalité de sa participation au nominal de 1 050 000 F ; qu'à l'issue du contrôle dont la société anonyme ETABLISSEMENTS QUEMENER a fait l'objet, le vérificateur a remis en cause les écritures effectuées par la société pour la détermination du résultat fiscal de cette cession et a estimé que celui-ci se décomposait en une moins-value à long terme de 50 000 F, une moins-value à court terme de 1 000 000 F et en un profit exceptionnel de 663 248 F à ajouter au résultat de l'exercice clos en 1980 et correspondant à la variation d'actif net résultant du transfert au cessionnaire des dettes contractées par le cédant envers la société en nom collectif et dont le montant s'élevait au chiffre total des déficits de la société en nom collectif que la société anonyme avait imputés sur ses résultats des exercices clos en 1978 et 1979 ; que, compte tenu de la situation déficitaire constatée à la clôture de l'exercice 1980, il en est résulté un supplément d'impôt sur les sociétés établi au titre des années 1981 et 1982 ; que la société anonyme ETABLISSEMENTS QUEMENER a demandé la décharge du supplément d'impôt correspondant à l'imposition de ce profit exceptionnel ; qu'elle se pourvoit régulièrement en cassation contre l'arrêt par lequel la cour administrative d'appel de Nantes a statué sur sa requête ; Considérant qu'en regardant comme constant le fait que la société requérante avait par la vente de sa participation dans le capital de la société en nom collectif cessé d'être débitrice des autres associés de cette société alors qu'elle avait contesté cette affirmation de l'administration dans son mémoire en réplique devant le juge d'appel, la cour a dénaturé les écritures de la société ; que, par suite, la société SOFIQUEM, venue en cours d'instance aux droits de la société anonyme ETABLISSEMENTS QUEMENER, est fondée à demander l'annulation pour ce motif de l'arrêt attaqué ; Considérant que dans les circonstances de l'espèce il y a lieu de faire application de l'article 11 de la loi du 31 décembre 1987 et de statuer sur l'appel de la société formé contre le jugement du tribunal administratif de Rennes rejetant sa demande ;
Considérant qu'aux termes de l'article 39 duodecies du code général des impôts "1. Par dérogation aux dispositions de l'article 38, les plus-values provenant de la cession d'éléments de l'actif immobilisé sont soumises à des régimes distincts suivant qu'elles sont réalisées à court ou à long terme. 2. Le régime des plus-values à court terme est applicable : a) aux plus-values provenant de la cession d'éléments acquis ou créés depuis moins de deux ans ... 3. Le régime des plus-values à long terme est applicable aux plus-values autres que celles définies au 2. 4. Le régime des moins-values à court terme s'applique : a) aux moins-values subies lors de la cession de biens non amortissables détenus depuismoins de deux ans ... 5. Le régime des moins-values à long terme s'applique aux moins-values autres que celles définies au 4. 6. Pour l'application du présent article les cessions de titres compris dans le portefeuille sont réputées porter par priorité sur les titres de même nature acquis ou souscrits à la date la plus ancienne" ; Considérant que, pour l'application de ces dispositions, dans le cas où une société , une entreprise ou une personne soumise à l'impôt à raison des bénéfices qu'elle tire de son activité professionnelle, cède les parts inscrites à l'actif de son bilan qu'elle détient dans une société ou dans un groupement relevant ou ayant relevé du régime prévu aux articles 8, 8 ter, 239 quater B ou 239 quater C du code général des impôts ou, lorsqu'elle ne dresse pas de bilan, les parts de même nature qu'elle a affectées à l'exercice de sa profession, le résultat de cette opération, imposable dans les conditions prévues à l'article 39 duodecies précité et aux articles suivants du même code, doit être calculé, pour assurer la neutralité de l'application de la loi fiscale compte tenu du régime spécifique des sociétés et groupements susmentionnés, en retenant comme prix de revient de ces parts leur valeur d'acquisition, majorée en premier lieu, d'une part de la quote part des bénéfices de cette société ou de ce groupement revenant à l'associé qui a été ajoutée aux résultats imposés de celui-ci, antérieurement à la cession et pendant la période d'application du régime visé ci-dessus, et d'autre part des pertes afférentes à des entreprises exploitées par la société ou le groupement en France et ayant donné lieu de la part de l'associé à un versement en vue de les combler, puis minorée en second lieu, d'une part, des déficits que l'associé a déduits pendant cette même période, à l'exclusion de ceux qui trouvent leur origine dans une disposition par laquelle le législateur a entendu conférer aux contribuables un avantage fiscal définitif, et, d'autre part, des bénéfices afférents à des entreprises exploitées en France par la société ou le groupement et ayant donné lieu à répartition au profit de l'associé ; qu'en outre, lorsque les parts de la société de personnes faisant l'objet de la cession ont été acquises ou souscrites à des dates différentes, le prix de revient des parts acquises ou souscrites à la même date est calculé distinctement suivant les modalités susmentionnées ;
Considérant qu'en application de ces règles, le prix de revient en 1980 de la participation de la société anonyme ETABLISSEMENTS QUEMENER acquise en 1978 dans le capital de la société en nom collectif "Quemener Locavoile" s'élève au prix d'acquisition de ces parts, soit 50 000 F, diminué du déficit déduit de ses résultats imposés des exercices clos en 1978 et en 1979 soit 663 248 F ; que la cession en 1980 de cette participation détenue depuis plus de deux ans, pour un prix correspondant à la quote-part du 1 F symbolique, fait ainsi apparaître une plus-value de 613 248,05 F arrondie à 613 248 F imposable suivant le régime des plus-values à long terme en vertu de l'article 39 duodecies précité du code général des impôts ; que la cession en 1980, pour un prix égal à l'autre quote-part du 1 F symbolique, de la participation de 1 000 000 F acquise au cours du même exercice fait apparaître une moins-value à court terme arrondie à 1 000 000 F, ainsi que l'administration l'a d'ailleurs admis ; que, par suite la société SOFIQUEM est fondée à soutenir que le résultat de l'opération de cession de la participation de la société anonyme ETABLISSEMENTS QUEMENER dans le capital de la société en nom collectif "Quemener Locavoile" doit être imposée suivant les bases susmentionnées et à demander dans cette mesure la réduction du complément d'impôt sur les sociétés mis à sa charge et la réformation du jugement du tribunal administratif de Rennes ;
Article 1er : L'arrêt du 14 novembre 1991 de la cour administrative d'appel de Nantes est annulé.
Article 2 : Le résultat de l'opération de cession des parts de la société en nom collectif "Quemener Locavoile" par la société anonyme ETABLISSEMENTS QUEMENER est constitué d'une part d'une plus-value à long terme de 613 248 F et, d'autre part, d'une moins-value à court terme de 1 000 000 F.
Article 3 : La société anonyme ETABLISSEMENTS QUEMENER est déchargée du complément d'impôt sur les sociétés correspondant à la différence entre la base retenue par l'administration et celle résultant de l'article 2 de la présente décision.
Article 4 : Le jugement du tribunal administratif de Rennes du 23 février 1988 est réformé en ce qu'il a de contraire à la présente décision.
Article 5 : La présente décision sera notifiée à la société SOFIQUEM et au ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.