Conseil d'Etat, 1 / 4 SSR, du 29 juillet 1994, 102334, publié au recueil Lebon
Conseil d'Etat, 1 / 4 SSR, du 29 juillet 1994, 102334, publié au recueil Lebon
Conseil d'Etat - 1 / 4 SSR
statuant
au contentieux
- N° 102334
- Publié au recueil Lebon
Lecture du
vendredi
29 juillet 1994
- Président
- Mme Bauchet
- Rapporteur
- M. Faure
- Avocat(s)
- SCP Defrénois, Lévis, Avocat
Texte intégral
RÉPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
Vu la requête, enregistrée au secrétariat du Contentieux du Conseil d'Etat le 28 septembre 1988, présentée pour M. Roland X..., demeurant ... ; M. X... demande au Conseil d'Etat : 1°) d'annuler le jugement du 12 juillet 1988 par lequel le tribunal administratif de Pau a rejeté sa demande dirigée contre la lettre du médecin départemental responsable de la protection maternelle et infantile et des actions sanitaires des Pyrénées-Atlantiques adressée le 10 octobre 1986 à la crèche "Espaces pour la petite enfance" et la décision du 24 octobre 1986 par laquelle le président de l'association "Espaces pour la petite enfance" a décidé d'évincer sa fille de ladite crèche ; 2°) d'annuler pour excès de pouvoir ces décisions ; Vu les autres pièces du dossier ; Vu la loi n° 83-663 du 22 juillet 1983 ; Vu le décret n° 74-58 du 15 janvier 1974 et l'arrêté du 5 novembre 1975 pris pour son application ; Vu le code de la santé publique ; Vu le code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ; Vu l'ordonnance n° 45-1708 du 31 juillet 1945, le décret n° 53-934 du 30 septembre 1953 et la loi n° 87-1127 du 31 décembre 1987 ; Après avoir entendu en audience publique : - le rapport de M. Faure, Maître des Requêtes, - les observations de la SCP Defrénois, Lévis, avocat de M. Roland X..., - les conclusions de M. Le Chatelier, Commissaire du gouvernement ;
Sur les conclusions dirigées contre la décision en date du 24 octobre 1986 du président de l'association "Espaces pour la petite enfance" : Considérant que par sa décision du 24 octobre 1986, le président de l'association "Espaces pour la petite enfance" a exclu la jeune Gaëlle X... de la crèche gérée par cette association ; que si la crèche participait ainsi au service public des vaccinations obligatoires, son président, en prenant la décision attaquée, n'a usé d'aucune prérogative de puissance publique ; que c'est, dès lors, à bon droit que le tribunal administratif de Pau a rejeté les conclusions de M. X... dirigées contre cette décision comme portées devant une juridiction incompétente pour en connaître ; Sur les conclusions dirigées contre la décision du 10 octobre 1986 du médecin départemental responsable de la protection maternelle et infantile et des actions sanitaires du département des Pyrénées-Atlantiques : Sur la recevabilité de ces conclusions : Considérant qu'il résulte des termes mêmes de sa lettre du 10 octobre 1986 que le médecin responsable de la protection maternelle et infantile et des actions sanitaires du département des Pyrénées-Atlantiques, agissant en sa qualité d'autorité administrative, a mis en demeure le président de l'association "Espaces pour la petite enfance" de faire administrer aux enfants de la crèche, au nombre desquels figurait Gaëlle X..., les vaccinations obligatoires prévues, notamment, par les dispositions des articles L.6, L.7 et L.7-1 du code de la santé publique et les vaccinations contre la coqueluche et la rougeole exigées pour l'admission dans les crèches par l'arrêté du 1er septembre 1986 du président du Conseil général du département des Pyrénées-Atlantiques ou de prononcer l'éviction des enfants non vaccinés ; que cette mise en demeure a le caractère d'une décision faisant grief à M. X... qui est, dès lors, recevable à en demander l'annulation devant la juridiction administrative ;
Sur la légalité de la décision du 10 octobre 1986 : Considérant d'une part, qu'en vertu des articles L.6, L.7 et L.7-1 du code de la santé publique, les vaccinations antidiphtériques, antitétaniques et antipoliomyélitiques, administrées dans les conditions prévues par les textes réglementaires pris pour leur application, sont obligatoires lors de l'admission dans toute école, garderie, colonie de vacances ou autre collectivité d'enfants ; que l'article 3 de l'arrêté ministériel du 5 novembre 1975 pris pour l'application du décret du 15 janvier 1974 relatif à la réglementation des crèches, dispose que "les enfants admis dans les crèches" doivent être soumis aux vaccinations prévues par les textes en vigueur sauf lorsqu'ils présentent une contre-indication attestée par certificat médical ; Considérant, d'autre part, qu'aux termes de l'article 180 du code de la santé publique : "Le contrôle du directeur départemental de la santé, au point de vue médical et technique ... s'exerce sur tous les établissements ... qui concourent à la garde des enfants du premier et du second âge. Les établissements et services publics et privés ou les particuliers visés au premier alinéa du présent article ne peuvent exercer leur activité sans une autorisation délivrée par le préfet, après avis du directeur départemental de la santé" ; et qu'aux termes de l'article 37 de la loi du 22 juillet 1983 : "Le département est responsable de la protection sanitaire de la famille et de l'enfance dans les conditions prévues au titre 1er du Livre II du code de la santé publique ..." ; Considérant qu'il résulte des dispositions susrappelées du code de la santé publique, de leurs textes réglementaires d'application et de l'arrêté ministériel du 5 novembre 1975 qu'un enfant ne peut être admis dans une crèche qu'après avoir reçu, sauf contre-indication médicale, les vaccinations obligatoires ; que le médecin départemental responsable de la protection maternelle et infantile et des actions sanitaires des Pyrénées-Atlantiques, après avoir procédé, dans les conditions prévues par l'article 7 du décret précité du 15 janvier 1974, à un examen, dont l'insuffisance n'est pas démontrée, de Gaëlle X... inscrite à la crèche de l'association "Espaces pour la petite enfance", a constaté que l'enfant ne présentait aucune contre-indication médicale à la vaccination ; que le seul certificat établi par le médecin traitant de l'enfant antérieurement à l'examen de celle-ci par le médecin départemental et qui se borne à attester de l'existence d'une contre-indication ne peut faire échec à cette constatation ; que, par suite, le médecin départemental, agissant au nom du président du conseil général, pouvait, sans illégalité, en vertu des textes législatifs et réglementaires susrappelés, subordonner l'admission de Gaëlle X... à la crèche à l'administration préalable des vaccinations obligatoires prévues par les dispositions législatives susrappelées ;
Considérant, toutefois, que, par un arrêté du 1er septembre 1986, le président du conseil général du département des Pyrénées-Atlantiques a décidé que d'une façon générale, les enfants accueillis notamment dans les crèches devaient recevoir, outre les vaccinations obligatoires, les vaccinations contre la coqueluche et la rougeole ; qu'il ne tenait d'aucune disposition législative, et notamment d'aucune disposition de la loi du 22 juillet 1983, le pouvoir d'édicter une réglementation subordonnant l'admission des enfants dans les crèches à des vaccinations que le législateur n'avait pas rendu obligatoires ; que, par suite, l'arrêté du 1er septembre 1986 est sur ce point entaché d'illégalité ; que le médecin départemental ne pouvait légalement se fonder, comme il l'a fait, sur ces dispositions pour subordonner l'admission de Gaëlle X... à la crèche de l'association "Espaces pour la petite enfance" à sa vaccination contre la coqueluche et la rougeole ; que, dès lors, sa décision du 10 octobre 1986 est, elle-même, illégale en tant qu'elle a cet objet ; Considérant qu'il résulte de tout de ce qui précède que M. X... est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, qui n'est pas entaché d'irrégularité et est suffisamment motivé, le tribunal administratif de Pau a rejeté sa requête en tant qu'elle était dirigée contre les dispositions subordonnant le maintien de Gaëlle X... dans la crèche à sa vaccination conte la coqueluche et la rougeole ;
Article 1er : Le jugement en date du 12 juillet 1988 du tribunal administratif de Pau est annulé en tant qu'il a rejeté les conclusions de M. X... dirigées contre la décision du 10 octobre 1986 du médecin départemental responsable de la protection maternelle et infantile et des actions sanitaires des Pyrénées-Atlantiques en tant qu'elle subordonne l'admission de Gaëlle X... dans la crèche à sa vaccination contre la coqueluche et la rougeole.
Article 2 : La décision en date du 10 octobre 1986 du médecin départemental responsable de la protection maternelle et infantile et des actions sanitaires des Pyrénées-Atlantiques est annulée en tant qu'elle subordonne l'admission de Gaëlle X... dans la crèche à sa vaccination contre la coqueluche et la rougeole.
Article 3 : Le surplus des conclusions de la requête de M. X... est rejeté.
Article 4 : La présente décision sera notifiée à M. Roland X..., au président du conseil général du département des Pyrénées-Atlantiques et au ministre d'Etat, ministre des affaires sociales, de la santé et de la ville.
Sur les conclusions dirigées contre la décision en date du 24 octobre 1986 du président de l'association "Espaces pour la petite enfance" : Considérant que par sa décision du 24 octobre 1986, le président de l'association "Espaces pour la petite enfance" a exclu la jeune Gaëlle X... de la crèche gérée par cette association ; que si la crèche participait ainsi au service public des vaccinations obligatoires, son président, en prenant la décision attaquée, n'a usé d'aucune prérogative de puissance publique ; que c'est, dès lors, à bon droit que le tribunal administratif de Pau a rejeté les conclusions de M. X... dirigées contre cette décision comme portées devant une juridiction incompétente pour en connaître ; Sur les conclusions dirigées contre la décision du 10 octobre 1986 du médecin départemental responsable de la protection maternelle et infantile et des actions sanitaires du département des Pyrénées-Atlantiques : Sur la recevabilité de ces conclusions : Considérant qu'il résulte des termes mêmes de sa lettre du 10 octobre 1986 que le médecin responsable de la protection maternelle et infantile et des actions sanitaires du département des Pyrénées-Atlantiques, agissant en sa qualité d'autorité administrative, a mis en demeure le président de l'association "Espaces pour la petite enfance" de faire administrer aux enfants de la crèche, au nombre desquels figurait Gaëlle X..., les vaccinations obligatoires prévues, notamment, par les dispositions des articles L.6, L.7 et L.7-1 du code de la santé publique et les vaccinations contre la coqueluche et la rougeole exigées pour l'admission dans les crèches par l'arrêté du 1er septembre 1986 du président du Conseil général du département des Pyrénées-Atlantiques ou de prononcer l'éviction des enfants non vaccinés ; que cette mise en demeure a le caractère d'une décision faisant grief à M. X... qui est, dès lors, recevable à en demander l'annulation devant la juridiction administrative ;
Sur la légalité de la décision du 10 octobre 1986 : Considérant d'une part, qu'en vertu des articles L.6, L.7 et L.7-1 du code de la santé publique, les vaccinations antidiphtériques, antitétaniques et antipoliomyélitiques, administrées dans les conditions prévues par les textes réglementaires pris pour leur application, sont obligatoires lors de l'admission dans toute école, garderie, colonie de vacances ou autre collectivité d'enfants ; que l'article 3 de l'arrêté ministériel du 5 novembre 1975 pris pour l'application du décret du 15 janvier 1974 relatif à la réglementation des crèches, dispose que "les enfants admis dans les crèches" doivent être soumis aux vaccinations prévues par les textes en vigueur sauf lorsqu'ils présentent une contre-indication attestée par certificat médical ; Considérant, d'autre part, qu'aux termes de l'article 180 du code de la santé publique : "Le contrôle du directeur départemental de la santé, au point de vue médical et technique ... s'exerce sur tous les établissements ... qui concourent à la garde des enfants du premier et du second âge. Les établissements et services publics et privés ou les particuliers visés au premier alinéa du présent article ne peuvent exercer leur activité sans une autorisation délivrée par le préfet, après avis du directeur départemental de la santé" ; et qu'aux termes de l'article 37 de la loi du 22 juillet 1983 : "Le département est responsable de la protection sanitaire de la famille et de l'enfance dans les conditions prévues au titre 1er du Livre II du code de la santé publique ..." ; Considérant qu'il résulte des dispositions susrappelées du code de la santé publique, de leurs textes réglementaires d'application et de l'arrêté ministériel du 5 novembre 1975 qu'un enfant ne peut être admis dans une crèche qu'après avoir reçu, sauf contre-indication médicale, les vaccinations obligatoires ; que le médecin départemental responsable de la protection maternelle et infantile et des actions sanitaires des Pyrénées-Atlantiques, après avoir procédé, dans les conditions prévues par l'article 7 du décret précité du 15 janvier 1974, à un examen, dont l'insuffisance n'est pas démontrée, de Gaëlle X... inscrite à la crèche de l'association "Espaces pour la petite enfance", a constaté que l'enfant ne présentait aucune contre-indication médicale à la vaccination ; que le seul certificat établi par le médecin traitant de l'enfant antérieurement à l'examen de celle-ci par le médecin départemental et qui se borne à attester de l'existence d'une contre-indication ne peut faire échec à cette constatation ; que, par suite, le médecin départemental, agissant au nom du président du conseil général, pouvait, sans illégalité, en vertu des textes législatifs et réglementaires susrappelés, subordonner l'admission de Gaëlle X... à la crèche à l'administration préalable des vaccinations obligatoires prévues par les dispositions législatives susrappelées ;
Considérant, toutefois, que, par un arrêté du 1er septembre 1986, le président du conseil général du département des Pyrénées-Atlantiques a décidé que d'une façon générale, les enfants accueillis notamment dans les crèches devaient recevoir, outre les vaccinations obligatoires, les vaccinations contre la coqueluche et la rougeole ; qu'il ne tenait d'aucune disposition législative, et notamment d'aucune disposition de la loi du 22 juillet 1983, le pouvoir d'édicter une réglementation subordonnant l'admission des enfants dans les crèches à des vaccinations que le législateur n'avait pas rendu obligatoires ; que, par suite, l'arrêté du 1er septembre 1986 est sur ce point entaché d'illégalité ; que le médecin départemental ne pouvait légalement se fonder, comme il l'a fait, sur ces dispositions pour subordonner l'admission de Gaëlle X... à la crèche de l'association "Espaces pour la petite enfance" à sa vaccination contre la coqueluche et la rougeole ; que, dès lors, sa décision du 10 octobre 1986 est, elle-même, illégale en tant qu'elle a cet objet ; Considérant qu'il résulte de tout de ce qui précède que M. X... est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, qui n'est pas entaché d'irrégularité et est suffisamment motivé, le tribunal administratif de Pau a rejeté sa requête en tant qu'elle était dirigée contre les dispositions subordonnant le maintien de Gaëlle X... dans la crèche à sa vaccination conte la coqueluche et la rougeole ;
Article 1er : Le jugement en date du 12 juillet 1988 du tribunal administratif de Pau est annulé en tant qu'il a rejeté les conclusions de M. X... dirigées contre la décision du 10 octobre 1986 du médecin départemental responsable de la protection maternelle et infantile et des actions sanitaires des Pyrénées-Atlantiques en tant qu'elle subordonne l'admission de Gaëlle X... dans la crèche à sa vaccination contre la coqueluche et la rougeole.
Article 2 : La décision en date du 10 octobre 1986 du médecin départemental responsable de la protection maternelle et infantile et des actions sanitaires des Pyrénées-Atlantiques est annulée en tant qu'elle subordonne l'admission de Gaëlle X... dans la crèche à sa vaccination contre la coqueluche et la rougeole.
Article 3 : Le surplus des conclusions de la requête de M. X... est rejeté.
Article 4 : La présente décision sera notifiée à M. Roland X..., au président du conseil général du département des Pyrénées-Atlantiques et au ministre d'Etat, ministre des affaires sociales, de la santé et de la ville.