Conseil d'Etat, Assemblée, du 29 juin 1990, 78519, publié au recueil Lebon
Conseil d'Etat, Assemblée, du 29 juin 1990, 78519, publié au recueil Lebon
Conseil d'Etat - ASSEMBLEE
statuant
au contentieux
- N° 78519
- Publié au recueil Lebon
Lecture du
vendredi
29 juin 1990
- Président
- M. Long
- Rapporteur
- M. Errera
- Avocat(s)
- SCP Waquet, Farge, Hazan, Avocat
Texte intégral
RÉPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
Vu la requête, enregistrée le 14 mai 1986 au secrétariat du Contentieux du Conseil d'Etat, présentée pour le groupement d'information et de soutien des travailleurs immigrés -G.I.S.T.I.-, dont le siège est ..., représenté par son président, et tendant à ce que le Conseil d'Etat annule la circulaire du ministre de l'intérieur et de la décentralisation et du ministre des affaires sociales et de la solidarité nationale en date du 14 mars 1986 relative aux conditions de circulation, d'emploi et de séjour en France des ressortissants algériens et de leur famille ; Vu les autres pièces du dossier ; Vu l'ordonnance du 2 novembre 1945 ; Vu le code du travail ; Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme ; Vu l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 modifié par l'avenant et le protocole du 22 décembre 1985 ; Vu l'ordonnance n° 45-1708 du 31 juillet 1945, le décret n° 53-934 du 30 septembre 1953 et la loi n° 87-1127 du 31 décembre 1987 ; Après avoir entendu : - le rapport de M. Errera, Conseiller d'Etat, - les observations de la SCP Waquet, Farge, Hazan, avocat du groupe d'information et de soutien des travailleurs immigrés -G.I.S.T.I.-, - les conclusions de M. Abraham, Commissaire du gouvernement ;
Sur les conclusions tendant à l'annulation des 7ème et 10ème alinéas du paragraphe 2-2-1-2 de la circulaire du 14 mars 1986 : Considérant que si l'article 7 de la déclaration de principes relative à la coopération économique et financière entre la France et l'Algérie du 19 mars 1962 reconnait aux ressortissants algériens résidant en France les mêmes droits qu'aux nationaux français à l'exception des droits politiques, les conditions d'entrée et de séjour des ressortissants algériens en France sont régies par l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 et les conventions qui l'ont modifié ; qu'aux termes de l'article 7 b) dudit accord dans la rédaction issue de son premier avenant du 22 décembre 1985 : "Les ressortissants algériens désireux d'exercer une activité professionnelle salariée reçoivent, après le contrôle médical d'usage et sur présentation d'un contrat de travail visé par les services du ministre chargé des travailleurs immigrés un certificat de résidence valable un an pour toutes professions et toutes régions, renouvelable et portant la mention "salarié" ; cette mention constitue l'autorisation de travail exigée par la législation française" ; qu'en précisant que, pour l'application de cette disposition l'autorisation de travail serait délivrée selon les instructions applicables aux étrangers relevant du régime général et en tenant compte notamment, comme le prévoit l'article R.341-4 du code du travail, de la situation de l'emploi, les auteurs de la circulaire attaquée se sont bornés à interpréter exactement les stipulations de l'accord ; que, les dispositions critiquées de la circulaire étant ainsi dépourvues de caractère réglementaire, le groupe d'information et de soutien des travailleurs immigrés n'est pas recevable à en demander l'annulation ;
Sur les conclusions tendant à l'annulation du 24ème alinéa du paragraphe 2.2.1.2 relatif aux autorisations provisoires de travail accordées aux étudiants algériens : Considérant que le protocole annexé au premier avenant à l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 ne comporte, en ce qui concerne les ressortissants algériens admis à séjourner en France comme étudiants, aucune stipulation qui, lorsqu'ils entendent exercer une activité salariée à titre accessoire, en même temps qu'ils poursuivent leurs études, subordonne l'exercice de cette activité à l'autorisation de travail exigée par la législation française ; qu'en prévoyant que les étudiants algériens voulant travailler seraient soumis à un régime comportant des autorisations provisoires de travail délivrées dans les conditions fixées par les circulaires des 24 février 1976 et 1er août 1985, lesquelles disposent qu'il sera tenu compte notamment de la situation de l'emploi, et en abrogeant sur ce point la circulaire du 12 mars 1979 qui constatait qu'ils étaient dispensés d'une telle autorisation par l'article 7 de la déclaration de principes du 19 mars 1962, la circulaire a édicté une règle contraire aux conventions internationales applicables aux intéressés ; que le groupement d'information et de soutien des travailleurs immigrés est, par suite, recevable et fondé à en demander l'annulation sur ce point ; Sur les conclusions tendant à l'annulation des dispositions du premier alinéa du paragraphe 3.1.1 en tant qu'elles incluent, parmi les membres de la famille susceptibles de bénéficier du regroupement familial, les "enfants mineurs de dix-huit ans" : Considérant qu'aux termes du premier alinéa de l'article 4 de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968, dans la rédaction résultant du premier avenant audit accord : "Les membres de la famille qui s'établissent en France sont en possession d'un certificat de résidence de même durée de validité que celui de la personne qu'ils rejoignent" ; qu'aux termes du premier alinéa du titre II du protocole annexé audit avenant : "Les membres de la famille s'entendent du conjoint d'un ressortissant algérien, de ses enfants mineurs ainsi que des enfants de moins de dix-huit ans dont il a juridiquement la charge en vertu d'une décision de l'autorité judiciaire algérienne" ; qu'il ressort des pièces du dossier que les auteurs dudit avenant et du protocole annexé n'ont pas entendu modifier les stipulations antérieurement en vigueur de l'accord du 27 décembre 1968 qui s'appliquaient au conjoint et aux enfants mineurs de moins de dix-huit ans ; que, par suite, en indiquant qu'il fallait entendre par enfants mineurs les enfants mineurs de 18 ans, et non ceux de 19 et 21 ans conformément au droit algérien, les auteurs de la circulaire attaquée se sont bornés à interpréter exactement les termes de la convention franco-algérienne ; que la circulaire est donc sur ce point dépourvue de caractère réglementaire ; que le groupe d'information et de soutien des travailleurs immigrés n'est, par suite, pas recevable à en demander l'annulation ;
Sur les conclusions tendant à l'annulation des dispositions du troisième alinéa du paragraphe 2.2. 1.1. et de l'avant-dernier alinéa du paragraphe 2.2.4. de la circulaire attaquée relatives au refus de délivrance d'un certificat de résidence d'un an ou un certificat de résidence de 10 ans si la présence en France de l'intéressé constitue une menace pour l'ordre public : Considérant qu'aucune disposition de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 modifié par le premier avenant et le protocole du 22 décembre 1985 ne prive l'administration française du pouvoir qui lui appartient, en application de la réglementation générale relative à l'entrée et au séjour des étrangers en France, de refuser l'admission au séjour d'un ressortissant algérien en se fondant sur la circonstance que sa présence en France constitue une menace pour l'ordre public ; qu'ainsi, et alors même que l'accord susmentionné ne prévoyait pas une telle possibilité, les auteurs de la circulaire attaquée n'ont édicté sur ce point aucune règle nouvelle dont le groupe d'information et de soutien des travailleurs immigrés serait recevable à contester la légalité ; Sur les autres dispositions de la circulaire attaquée : Considérant que si l'association requérante soutient que l'ensemble de la circulaire devrait être annulé en raison de l'incompétence des ministres signataires, elle ne précise pas les dispositions de ladite circulaire, autres que celles précédemment analysées, qui auraient un caractère réglementaire ; qu'elle n'est par suite, pas recevable à demander cette annulation ;
Article 1er : Le 24ème alinéa du paragraphe 2.2.1.2. de la circulaire en date du 14 mars 1986 du ministre de l'intérieur et de la décentralisation et du ministre des affaires sociales et de la solidarité nationale, relatif à la délivrance d'autorisations provisoires de travail aux étudiants algériens, est annulé.
Article 2 : Le surplus des conclusions de la requête du groupe d'information et de soutien des travailleurs immigrés -G.I.S.T.I.- est rejeté.
Article 3 : La présente décision sera notifiée au groupe d'information et de soutien des travailleurs immigrés -G.I.S.T.I.-, au ministre de l'intérieur, au ministre de la solidarité, de la santé et de la protection sociale et au ministre d'Etat, ministre des affaires étrangères.
Sur les conclusions tendant à l'annulation des 7ème et 10ème alinéas du paragraphe 2-2-1-2 de la circulaire du 14 mars 1986 : Considérant que si l'article 7 de la déclaration de principes relative à la coopération économique et financière entre la France et l'Algérie du 19 mars 1962 reconnait aux ressortissants algériens résidant en France les mêmes droits qu'aux nationaux français à l'exception des droits politiques, les conditions d'entrée et de séjour des ressortissants algériens en France sont régies par l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 et les conventions qui l'ont modifié ; qu'aux termes de l'article 7 b) dudit accord dans la rédaction issue de son premier avenant du 22 décembre 1985 : "Les ressortissants algériens désireux d'exercer une activité professionnelle salariée reçoivent, après le contrôle médical d'usage et sur présentation d'un contrat de travail visé par les services du ministre chargé des travailleurs immigrés un certificat de résidence valable un an pour toutes professions et toutes régions, renouvelable et portant la mention "salarié" ; cette mention constitue l'autorisation de travail exigée par la législation française" ; qu'en précisant que, pour l'application de cette disposition l'autorisation de travail serait délivrée selon les instructions applicables aux étrangers relevant du régime général et en tenant compte notamment, comme le prévoit l'article R.341-4 du code du travail, de la situation de l'emploi, les auteurs de la circulaire attaquée se sont bornés à interpréter exactement les stipulations de l'accord ; que, les dispositions critiquées de la circulaire étant ainsi dépourvues de caractère réglementaire, le groupe d'information et de soutien des travailleurs immigrés n'est pas recevable à en demander l'annulation ;
Sur les conclusions tendant à l'annulation du 24ème alinéa du paragraphe 2.2.1.2 relatif aux autorisations provisoires de travail accordées aux étudiants algériens : Considérant que le protocole annexé au premier avenant à l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 ne comporte, en ce qui concerne les ressortissants algériens admis à séjourner en France comme étudiants, aucune stipulation qui, lorsqu'ils entendent exercer une activité salariée à titre accessoire, en même temps qu'ils poursuivent leurs études, subordonne l'exercice de cette activité à l'autorisation de travail exigée par la législation française ; qu'en prévoyant que les étudiants algériens voulant travailler seraient soumis à un régime comportant des autorisations provisoires de travail délivrées dans les conditions fixées par les circulaires des 24 février 1976 et 1er août 1985, lesquelles disposent qu'il sera tenu compte notamment de la situation de l'emploi, et en abrogeant sur ce point la circulaire du 12 mars 1979 qui constatait qu'ils étaient dispensés d'une telle autorisation par l'article 7 de la déclaration de principes du 19 mars 1962, la circulaire a édicté une règle contraire aux conventions internationales applicables aux intéressés ; que le groupement d'information et de soutien des travailleurs immigrés est, par suite, recevable et fondé à en demander l'annulation sur ce point ; Sur les conclusions tendant à l'annulation des dispositions du premier alinéa du paragraphe 3.1.1 en tant qu'elles incluent, parmi les membres de la famille susceptibles de bénéficier du regroupement familial, les "enfants mineurs de dix-huit ans" : Considérant qu'aux termes du premier alinéa de l'article 4 de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968, dans la rédaction résultant du premier avenant audit accord : "Les membres de la famille qui s'établissent en France sont en possession d'un certificat de résidence de même durée de validité que celui de la personne qu'ils rejoignent" ; qu'aux termes du premier alinéa du titre II du protocole annexé audit avenant : "Les membres de la famille s'entendent du conjoint d'un ressortissant algérien, de ses enfants mineurs ainsi que des enfants de moins de dix-huit ans dont il a juridiquement la charge en vertu d'une décision de l'autorité judiciaire algérienne" ; qu'il ressort des pièces du dossier que les auteurs dudit avenant et du protocole annexé n'ont pas entendu modifier les stipulations antérieurement en vigueur de l'accord du 27 décembre 1968 qui s'appliquaient au conjoint et aux enfants mineurs de moins de dix-huit ans ; que, par suite, en indiquant qu'il fallait entendre par enfants mineurs les enfants mineurs de 18 ans, et non ceux de 19 et 21 ans conformément au droit algérien, les auteurs de la circulaire attaquée se sont bornés à interpréter exactement les termes de la convention franco-algérienne ; que la circulaire est donc sur ce point dépourvue de caractère réglementaire ; que le groupe d'information et de soutien des travailleurs immigrés n'est, par suite, pas recevable à en demander l'annulation ;
Sur les conclusions tendant à l'annulation des dispositions du troisième alinéa du paragraphe 2.2. 1.1. et de l'avant-dernier alinéa du paragraphe 2.2.4. de la circulaire attaquée relatives au refus de délivrance d'un certificat de résidence d'un an ou un certificat de résidence de 10 ans si la présence en France de l'intéressé constitue une menace pour l'ordre public : Considérant qu'aucune disposition de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 modifié par le premier avenant et le protocole du 22 décembre 1985 ne prive l'administration française du pouvoir qui lui appartient, en application de la réglementation générale relative à l'entrée et au séjour des étrangers en France, de refuser l'admission au séjour d'un ressortissant algérien en se fondant sur la circonstance que sa présence en France constitue une menace pour l'ordre public ; qu'ainsi, et alors même que l'accord susmentionné ne prévoyait pas une telle possibilité, les auteurs de la circulaire attaquée n'ont édicté sur ce point aucune règle nouvelle dont le groupe d'information et de soutien des travailleurs immigrés serait recevable à contester la légalité ; Sur les autres dispositions de la circulaire attaquée : Considérant que si l'association requérante soutient que l'ensemble de la circulaire devrait être annulé en raison de l'incompétence des ministres signataires, elle ne précise pas les dispositions de ladite circulaire, autres que celles précédemment analysées, qui auraient un caractère réglementaire ; qu'elle n'est par suite, pas recevable à demander cette annulation ;
Article 1er : Le 24ème alinéa du paragraphe 2.2.1.2. de la circulaire en date du 14 mars 1986 du ministre de l'intérieur et de la décentralisation et du ministre des affaires sociales et de la solidarité nationale, relatif à la délivrance d'autorisations provisoires de travail aux étudiants algériens, est annulé.
Article 2 : Le surplus des conclusions de la requête du groupe d'information et de soutien des travailleurs immigrés -G.I.S.T.I.- est rejeté.
Article 3 : La présente décision sera notifiée au groupe d'information et de soutien des travailleurs immigrés -G.I.S.T.I.-, au ministre de l'intérieur, au ministre de la solidarité, de la santé et de la protection sociale et au ministre d'Etat, ministre des affaires étrangères.