Conseil d'Etat, 3 / 5 SSR, du 23 décembre 1987, 63065, inédit au recueil Lebon

Texte intégral

RÉPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

Vu la requête sommaire et le mémoire complémentaire enregistrés les 4 octobre 1984 et 4 février 1985 au secrétariat du Contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour la COMMUNE DE PRADELLES Haute-Loire représentée par son maire en exercice à ce dûment autorisé par une délibération du conseil municipal en date du 3 octobre 1984, et tendant à ce que le Conseil d'Etat :

°1 annule le jugement en date du 28 juin 1984 par lequel le tribunal administratif de Clermont-Ferrand l'a déclarée responsable du préjudice subi par la société civile immobilière "La Coste" du fait de l'absence de réalisation de travaux de viabilité qu'elle s'était engagée à prendre en charge et a ordonné une expertise aux fins d'évaluation de ce préjudice,

°2 rejette la demande présentée par la société civile immobilière "La Coste" devant le tribunal administratif de Clermont-Ferrand ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code des communes ;

Vu le code des tribunaux administratifs ;

Vu l'ordonnance du 31 juillet 1945 et le décret du 30 septembre 1953 ;

Vu la loi du 30 décembre 1977 ;

Après avoir entendu :

- le rapport de Mme Aubin, Conseiller d'Etat,

- les observations de Me Hennuyer, avocat de la COMMUNE DE PRADELLES et de Me Odent, avocat de la S.C.I. "La Coste",

- les conclusions de M. Roux, Commissaire du gouvernement ;

Sur la responsabilité :

Considérant que, par une délibération de son conseil municipal en date du 19 janvier 1974, la COMMUNE DE PRADELLES s'est engagée à prendre en charge un certain nombre de travaux de viabilité et d'équipements nécessaires à la réalisation d'un lotissement de quarante maisons projeté par la S.C.I. "La Coste" ; qu'en 1975 et 1976 le maire de la commune a donné à la S.C.I. l'assurance que les engagements pris seraient tenus ; que, néanmoins, par une délibération du 30 octobre 1976, le conseil municipal a décidé de "suspendre" la délibération du 19 janvier 1974 ; que la S.C.I. a demandé au tribunal administratif de condamner la commune à réparer le préjudice qu'elle lui a causé en rompant ainsi ses engagements ;

Considérant que, dans les circonstances de l'affaire, la méconnaissance par la commune des engagements formels et réitérés qu'elle avait pris par une délibération en apparence régulière, a constitué une faute qui engage sa responsabilité envers la S.C.I. ; qu'il y a lieu, toutefois, de tenir compte de l'imprudence que celle-ci a commise en s'engageant dans une opération manifestement disproportionnée avec l'importance et les ressources de la commune et en entreprenant la réalisation des travaux sans attendre un commencement d'exécution par la commune de la délibération susanalysée ; qu'il sera fait une juste appréciation des faits de la cause en mettant à la charge de la commune la moitié du préjudice que la S.C.I. peut utilement invoquer ;

Sur le préjudice :

Considérant que l'échec commercial de l'opération de lotissement auquel sont imputables la plupart des préjudices invoqués par la S.C.I. est sans lien direct avec la faute de la commune ; que lesdits préjudices ne pouvant par suite ouvrir droit à réparation l'expertise ordonnée par le tribunal administratif aux fins d'en préciser la nature et l'importance présente, un caractère frustratoire ; que les articles 2, 3, 4, 5, 6 et 7 du jugement qui la prescrivent doivent dès lors être annulés ;

Considérant qu'il y a lieu d'évoquer et de statuer immédiatement sur les conclusions de la demande d'indemnité présentée par la S.C.I. "La Coste" ;

Considérant que le seul préjudice dont la S.C.I. est en droit d'obtenir réparation et celui qui découle de la nécessité où elle s'est trouvée de prendre en charge elle-même les travaux que la commune s'était engagée à financer ; que le coût de ces travaux s'est élevé à la somme non contestée de 180 000 F ; que, compte tenu du partage de responsabilité, il y a lieu de condamner la commune à payer à la S.C.I. une indemnité de 90 000 F ;

Sur les intérêts :

Considérant que la S.C.I. a droit aux intérêts de l'indemnité qui lui est due par la COMMUNE DE PRADELLES à compter du 15 octobre 1979, date d'enregistrement de sa demande au tribunal administratif ;
Article 1er : Les articles 2, 3, 4, 5, 6, et 7 du jugement du tribunal administratif de Clermont-Ferrand en date du 28 juin 1984 sont annulés.
Article 2 : La COMMUNE DE PRADELLES est condamnée à payer à la S.C.I. "La Coste" une indemnité de 90 000 F. Cette somme portera intérêts au taux légal à compter du 15 octobre 1979.
Article 3 : L'article 1er du jugement attaqué est réformé en ce qu'il a de contraire à la présente décision.
Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête de la COMMUNE DE PRADELLES et le surplus des conclusions de la demande présentée devant le tribunal administratif de Clermont-Ferrand par laS.C.I. "La Coste" sont rejetés.
Article 5 : La présente décision sera notifiée à la COMMUNE DE PRADELLES, à la S.C.I. "La Coste" et au ministre de l'intérieur.


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