Conseil d'Etat, du 10 août 1917, 59855, publié au recueil Lebon
Conseil d'Etat, du 10 août 1917, 59855, publié au recueil Lebon
Conseil d'Etat -
statuant
au contentieux
- N° 59855
- Publié au recueil Lebon
Lecture du
vendredi
10 août 1917
- Rapporteur
- M. Alibert
Texte intégral
RÉPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
Analyse
- CETAT16-03 COMMUNE - POLICE MUNICIPALE - Arrêté du préfet, pris en vertu de l'article 99 de la loi du 5 avril 1884 pour toutes les communes du département, et relatif aux insignes et emblèmes associés aux couleurs nationales - Rejet des moyens tirés de l'incompétence ou d'un détournement de pouvoir - Annulation de l'interdiction d'exhibition de drapeaux tricolores ornés d'emblèmes dans les édifices et emplacements ouverts au public et de l'interdiction de la vente et du port d'insignes aux trois couleurs, à raison de la trop grande généralité des termes de l'arrêté.
- 16-03 Le préfet n'ayant pas entendu, dans l'arrêté attaqué, ajouter aux dispositions de l'arrêté du gouvernement provisoire du 7 mai 1848 sur la forme du drapeau national et la disposition de ses couleurs ou édicter, en ce qui concerne le drapeau, une réglementation que ne prévoit aucun texte de loi, mais ayant seulement usé des pouvoirs de police, dans l'intérêt de la sûreté et de la tranquillité publiques, à l'effet de prescrire des mesures relatives aux insignes et emblèmes associés aux couleurs nationales, son arrêté n'est pas entaché d'incompétence ou de détournement de pouvoir. Mais il y a lieu d'examiner si, dans les termes généraux où l'arrêté est conçu, l'auteur a fait de ses pouvoirs de police un usage autorisé par la loi. Décidé, à ce point de vue, que si l'interdiction de l'exhibition, sur la voie publique, de drapeaux nationaux ornés d'emblèmes est légitime, pareille exhibition étant de nature à troubler l'ordre public, l'interdiction de tels drapeaux, sans exception ni restriction aucune, est entachée d'excès de pouvoir, l'exhibition, dans des édifices ou emplacements ne formant pas dépendance de la voie publique, et n'étant ouverts au public qu'à raison d'une affectation ou en vue d'un usage limitativement déterminés, d'emblèmes correspondant à cette affectation ou à cet usage, et notamment d'emblèmes religieux dans des lieux de ... ne changeant pas de caractère par le seul fait que ces emblèmes sont associés aux couleurs nationales, à moins que ces emblèmes ne présentent par eux-mêmes un caractère séditieux. Décidé, à ce même point de vue, que s'il appartenait au préfet de réglementer l'exhibition sur la voie publique d'insignes aux couleurs nationales revêtus d'emblèmes et d'en interdire la vente, la distribution et le port en vue de participer à des manifestations collectives, aucun motif d'ordre public ne pouvait être invoqué en ce qui concerne le port individuel de tels insignes.