Conseil d'Etat, 7/8/9 SSR, du 30 juin 1982, 22796, publié au recueil Lebon

Texte intégral

RÉPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

Requête de la S.A.R.L. Centre expérimental de recherches et d'études du bâtiment et des travaux publics tendant à :
1° l'annulation du jugement du 18 décembre 1979 du tribunal administratif de Paris rejetant sa demande en décharge des compléments de la taxe sur les salaires auxquels elle a été assujettie au titre des années 1969 à 1972 ;
2° la décharge des impositions contestées ;
Vu le code général des impôts ; l'ordonnance du 31 juillet 1945 et le décret du 30 septembre 1953 ; la loi du 30 décembre 1977 ;
Considérant que la société à responsabilité limitée Centre expérimental de recherche et d'études du bâtiment et des travaux publics C.E.B.T.P. demande la décharge des impositions supplémentaires à la taxe sur les salaires auxquelles elle a été assujettie au titre des années 1969 à 1972 à raison des salaires payés aux membres de son personnel qu'elle détachait à l'étranger ;
Cons. qu'aux termes de l'article 1945 du code général des impôts, " Les affaires portées devant le tribunal administratif sont jugées conformément aux dispositions législatives et réglementaires du code des tribunaux administratifs. Toutefois, les réclamations relative aux impôts sur les revenus et taxes accessoires ... sont jugées en séances non publiques " ; que, la taxe sur les salaires n'ayant pas le caractère d'un impôt sur le revenu et n'étant pas une taxe accessoire à un tel impôt, les dispositions de l'article R. 170 du code des tribunaux administratifs selon lesquelles le jugement est prononcé en audience publique lui sont applicables ;
Cons. qu'il ressort des mentions du jugement attaqué que celui-ci a été rendu en séance non publique ; qu'il doit, dès lors, être annulé ;
Cons. qu'il y a lieu d'évoquer et de statuer immédiatement sur la demande de première instance de la société requérante ;
Sur l'application de la loi : Cons. qu'aux termes de l'article 231 du code général des impôts, dans sa rédaction applicable aux années d'imposition litigieuses, " les sommes payées à titre de traitements, salaires, indemnités et émoluments ... sont soumises à la taxe sur les salaires ... à la charge des personnes ou organismes ... qui payent des traitements, salaires, indemnités et émoluments lorsqu'ils ne sont pas assujettis à la taxe sur la valeur ajoutée ou ne l'ont pas été sur 90 % au moins de leur chiffre d'affaires au titre de l'année civile précédant celle du paiement desdites rémunérations " ; qu'aux termes de l'article 1er de la loi de finances rectificative n° 77-1466 du 30 décembre 1977 : " les entreprises entrant dans le champ d'application de la taxe sur la valeur ajoutée qui n'ont pas été soumises en fait à cette taxe en vertu d'une interprétation formellement admise par l'administration sont redevables de la taxe sur les salaires. Cette disposition revêt un caractère interprétatif " ;
Cons., d'une part, qu'il résulte de l'instruction que la société requérante entrait dans le champ d'application de la taxe sur la valeur ajoutée et qu'elle n'a pas été soumise en fait à cette taxe au cours des années d'imposition litigieuses en vertu d'une interprétation admise par l'administration ; que, dès lors, en vertu de la disposition précitée de la loi du 30 décembre 1977, qui est applicable en l'espèce en raison de son caractère interprétatif, la société était redevable de la taxe sur les salaires à raison des rémunérations versées à son personnel ;
Cons., d'autre part, que, le versement de la taxe sur les salaires incombant à l'employeur, la circonstance que les salaires du personnel détaché hors de France par la société requérante auraient été supportés en fait par ses clients étrangers est sans influence sur la solution du litige dès lors qu'il est constant que les clients dont il s'agit ne peuvent pas être regardés comme les employeurs de ce personnel ;
Cons., enfin, qu'en vertu de l'article 231 précité du code général des impôts, la taxe est due par tout employeur établi en France à raison des rémunérations qu'il paye à son personnel salarié, sans qu'il y ait lieu d'opérer des distinctions, que la loi ne fait pas, selon le lieu du domicile du salarié ou selon le lieu où il exerce son activité ;
Cons. qu'il résulte de ce qui précède que les impositions litigieuses procèdent d'une exacte application de la loi fiscale ;
Sur l'application de l'article 1649 quinquies E : Cons. que la société C.E.B.T.P., se prévalant des dispositions de l'article 1649 quinquies E du code général des impôts, invoque les prescriptions contenues dans la circulaire administrative n° 2261 du 11 mai 1950 selon laquelle, d'une part, " le mot " établi " doit être pris au sens large ", en sorte que " l'employeur doit être considéré comme établi en France dès l'instant qu'il y possède un centre d'opérations présentant un caractère de permanence suffisant et doué d'une certaine autonomie ", d'autre part, " par identité de motifs, il convient d'admettre que les entreprises françaises qui possèdent à l'étranger des centres répondant aux caractéristiques indiquées ci-dessus ne sont point passibles en France du versement de 5 % à raison des salaires payés au personnel relevant de ces centres " ; que cette doctrine administrative, relative au champ d'application territorial à l'assiette du versement forfaitaire de 5 % sur les salaires, peut être utilement invoquée en matière de taxe sur les salaires dès lors que les textes qui ont régi successivement ces deux impôts leur donnent, sous réserve de l'exonération instituée dans le second cas en faveur des employeurs passibles de la taxe sur la valeur ajoutée, le même champ d'application et la même assiette ;
Cons. qu'il résulte de l'instruction que la société à responsabilité limitée Centre expérimental de recherche et d'études du bâtiment et des travaux publics envoyait à l'étranger, dans le cadre des missions d'études, des ingénieurs et des techniciens chargés d'y implanter des laboratoires ou des cellules d'assistance technique auprès des autorités locales ; que ces missions présentaient un caractère d'autonomie et de permanence suffisant pour qu'elles puissent être regardées comme des " centres d'opérations " au sens des dispositions de la circulaire précitée ; que, par suite, la société requérante est fondée à se prévaloir de cette circulaire pour soutenir que c'est en méconnaissance de l'article 1649 quinquies E du code qu'elle a été soumise, à raison des salaires payés au personnel des missions susmentionnées, à la taxe sur les salaires ;
annulation ; décharge de la S.A.R.L. des impositions contestées .
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