Cour administrative d'appel de Douai, 3e chambre - formation à 3 (ter), du 17 novembre 2005, 03DA00736, mentionné aux tables du recueil Lebon

Texte intégral

RÉPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

Vu la requête sommaire et le mémoire ampliatif, enregistrés les 10 juillet et 5 août 2003, présentés par M. Pierre X, demeurant chez Mme Barbara Y, ... ; M. X demande à la Cour :

11) d'annuler le jugement n° 01-4530 en date du 19 juin 2003 en tant que le Tribunal administratif de Lille a rejeté les conclusions de sa demande tendant à la décharge de l'obligation de payer résultant de quatre commandements de payer émis le 19 avril 2001 par le trésorier d'Hénin-Beaumont en vue du recouvrement de la taxe foncière sur les propriétés bâties mise à sa charge au titre des années 1993 à 2000 ;

2°) de prononcer la décharge ou la réduction demandée ;

Il soutient qu'en tant que co-indivisaire, il ne peut être poursuivi qu'à hauteur du dixième du montant des taxes foncières auxquelles l'indivision a été assujettie au titre des années 1997 à 2000 ; que, dès lors que par jugement du 15 juin 2000, le Tribunal administratif de Lille l'a déchargé de l'obligation de payer les taxes foncières au titre des années 1993 à 1996, l'action en recouvrement était prescrite lorsqu'ont été émis les commandements de payer du 19 avril 2001 ;

Vu le jugement attaqué ;

Vu le mémoire en défense, enregistré le 19 février 2004, présenté par le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie qui conclut au rejet de la requête ; il soutient que le moyen tiré de ce que M. X ne serait pas le redevable unique des taxes objets des commandements de payer litigieux n'est pas recevable, dès lors qu'il concerne l'assiette des impositions ; que la fiche hypothécaire de l'immeuble porte mention d'un acte du

29 décembre 1978 qui indique que M. X en est seul attributaire ; que, dès lors que le jugement du Tribunal administratif de Lille du 15 juin 2000 rappelle que le délai de prescription était suspendu, M. X n'est pas fondé à soutenir que l'action en recouvrement serait atteinte par la prescription ;

Vu le mémoire en réplique, enregistré le 9 juin 2004, présenté par M. X qui conclut aux mêmes fins que sa requête par les mêmes moyens ; il soutient en outre que les avis d'imposition montrent qu'il est taxé en qualité de propriétaire indivis ; que, par arrêt du

24 avril 2002 statuant sur le litige d'assiette, la Cour a estimé qu'il devait être taxé en qualité de propriétaire indivis ;

Vu l'ordonnance du 12 mai 2005 fixant la clôture de l'instruction au 30 juin 2005 ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 2 novembre 2005 à laquelle siégeaient M. Couzinet, président de chambre, M. Berthoud, président-assesseur et M. Platillero, conseiller :

- le rapport de M. Platillero, conseiller ;

- et les conclusions de M. Michel, commissaire du gouvernement ;

Sur la prescription de l'action en recouvrement :

Considérant qu'aux termes de l'article L. 274 du livre des procédures fiscales : « Les comptables du Trésor qui n'ont fait aucune poursuite contre un contribuable retardataire pendant quatre années consécutives, à partir du jour de la mise en recouvrement du rôle perdent leur recours et sont déchus de tous droits et de toute action contre ce redevable. Le délai de quatre ans mentionné au premier alinéa, par lequel se prescrit l'action en vue du recouvrement, est interrompu par tous actes comportant reconnaissance de la part des contribuables et par tous autres actes interruptifs de prescription » ; qu'une demande de sursis de paiement produite à l'appui d'une réclamation contentieuse régulière, qui, sous condition de la constitution de garanties dans les conditions prévues par les articles L. 277 à L. 279 et R. 277-1 à R. 277-6 du même livre, suspend l'exigibilité de l'impôt à la date de sa réception par l'administration et met ainsi le comptable dans l'impossibilité d'agir, est suspensive de la prescription de l'action en recouvrement ;

Considérant que la taxe foncière sur les propriétés bâties à laquelle a été assujetti

M. X au titre des années 1993, 1994, 1995 et 1996 a été mise en recouvrement le 31 août de chacune de ces années ; que, s'il n'est pas contesté que le requérant a présenté des réclamations assorties de demandes de sursis de paiement à l'encontre de ces impositions, lesquelles ont suspendu la prescription de l'action en recouvrement jusqu'à la notification du jugement du Tribunal administratif de Lille du 19 août 1999 rejetant sa demande tendant à la décharge des impositions litigieuses, il ne fournit aucun élément permettant de déterminer les dates auxquelles ont été suspendus les délais de prescription ; que, par suite, M. X n'est pas fondé à soutenir que la prescription de l'action en recouvrement était acquise le

19 avril 2001, date à laquelle ont été décernés les deux premiers commandements litigieux ;

Sur l'existence de la dette fiscale :

Considérant que, par un jugement en date du 15 juin 2000, le Tribunal administratif de Lille a déchargé M. X de l'obligation de payer, résultant d'un commandement de payer en date du 29 août 1997, la taxe foncière sur les propriétés bâties mise à sa charge au titre des années 1993, 1994, 1995 et 1996 ; que ce jugement, qui a eu pour seul effet de décharger

M. X de son obligation de payer la dette fiscale visée par le commandement de payer du 29 août 1997, n'a pas affecté l'existence et le montant de la dette fiscale correspondant à cette taxe ; que, par suite, M. X n'est pas fondé à soutenir que ce jugement aurait fait obstacle au droit du comptable du Trésor d'émettre un nouveau commandement de payer en vue du recouvrement de ladite taxe ;

Sur l'obligation de payer :

Considérant qu'aux termes de l'article L. 281 du livre des procédures fiscales : « Les contestations relatives au recouvrement … ne peuvent porter que : 1° Soit sur la régularité en la forme de l'acte ; 2° Soit sur l'existence de l'obligation de payer, sur le montant de la dette compte tenu des paiements effectués, sur l'exigibilité de la somme réclamée, ou sur tout autre motif ne remettant pas en cause l'assiette et le calcul de l'impôt… » ;

Considérant que la contestation de M. X porte sur sa qualité de débiteur solidaire d'impositions établies au nom de l'indivision dont il est membre ; qu'une telle contestation porte sur son obligation de payer les impositions litigieuses ; que le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie n'est ainsi pas fondé à soutenir qu'un tel moyen ne pourrait être invoqué que dans un litige d'assiette et serait ainsi irrecevable ;

Considérant que l'obligation de payer la taxe foncière incombant à un propriétaire indivis ne saurait excéder ses droits dans l'indivision, dès lors que la solidarité ne s'attache pas de plein droit à la qualité d'indivisaire ;

Considérant que M. X a été assujetti en qualité d'indivisaire de la succession de M. Louis X, au titre des années 1993 à 2000, à la taxe foncière sur les propriétés bâties dans les rôles de la commune d'Hénin-Beaumont, à raison d'un immeuble sis ... ; qu'alors que les avis d'imposition mentionnent cet assujettissement en tant que propriétaire indivis, le trésorier de cette commune a toutefois émis quatre commandements de payer le 19 avril 2001 en vue du paiement de la totalité de cette taxe foncière à la seule charge de M. X ; qu'à cette fin, l'administration se borne à faire référence à une fiche hypothécaire qui déclarerait le requérant seul attributaire du bien litigieux, alors, d'une part, que ce document indique que ce bien appartient à la société Z, et, d'autre part, qu'il est constant qu'un arrêt de la Cour d'appel de Douai du 12 mars 1980 a constaté l'inexistence de cette société et ordonné la réintégration de son patrimoine dans la succession de M. Louis X ; que, par suite, dans la mesure où l'administration ne se prévaut d'aucun document qui aurait prévu une clause de solidarité entre co-indivisaires de la succession de M. Louis X, le trésorier

d'Hénin-Beaumont ne pouvait décerner les quatre commandements de payer contestés en vue du paiement de la totalité de la taxe foncière sur les propriétés bâties litigieuse à la charge exclusive de M. X, seulement titulaire des droits et obligations de cette succession à hauteur du dixième ; qu'ainsi, le requérant doit être déchargé de son obligation de payer les 9/10èmes des sommes mises à sa charge au titre des années 1993 à 2000 ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède que M. X est seulement fondé à obtenir la décharge de l'obligation de payer résultant des quatre commandements de payer litigieux à hauteur des 9/10èmes des sommes mises à sa charge et à voir le jugement attaqué réformé dans cette seule mesure ;

DÉCIDE :

Article 1er : M. X est déchargé, en droits, pénalités et frais, de l'obligation de payer résultant des commandements de payer la taxe foncière sur les propriétés bâties, émis le

19 avril 2001 par le trésorier d'Hénin-Beaumont en vue du recouvrement de la taxe foncière sur les propriétés bâties mise à sa charge au titre des années 1993 à 2000, à hauteur des 9/10èmes des sommes ainsi mises à sa charge.

Article 2 : Le jugement n° 01-4530 en date du 19 juin 2003 du Tribunal administratif de Lille est réformé en ce qu'il a de contraire au présent arrêt.

Article 3 : Le surplus des conclusions de la requête est rejeté.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à M. Pierre X et au ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.

Copie sera transmise au trésorier-payeur général du Pas-de-Calais.

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N°03DA00736




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