Cour administrative d'appel de Nancy, 3ème chambre - formation à 3, du 2 décembre 2004, 98NC01732, inédit au recueil Lebon

Texte intégral

RÉPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

Vu la requête, enregistrée au greffe de la Cour le 10 août 1998, complétée par un mémoire enregistré le 7 juin 2000, présentée pour M. Yves X, élisant domicile ..., par Me Schaf-Codognet, avocat ;

M. X demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement en date du 26 mai 1998 par lequel le Tribunal administratif de Nancy a rejeté sa demande tendant principalement à condamner l'Etat à lui verser une somme de 2 053 551 F, in solidum avec la société Cobevhim, M. Y, M. Z, et Mme A, et subsidiairement à condamner l'Etat à lui verser une somme de 308 032,62 F en réparation du préjudice consécutif aux mesures prises par les services vétérinaires à l'épidémie de gale ayant affecté son troupeau d'ovins ;

2°) de condamner l'Etat à lui verser une somme de 334 132,65 F assortie des intérêts légaux ;

3°) de condamner l'Etat à lui verser une somme de 10 000 F au titre des frais irrépétibles ;

Il soutient que :

- le tribunal administratif n' a pas fait une exacte appréciation des faits de l'espèce ;

- il a à tort appliqué le régime de le responsabilité pour faute lourde, alors que s'applique le régime de la faute simple ; subsidiairement, en tout état de cause, les agissements du service vétérinaire sont constitutifs d'une faute lourde ;

- le préjudice est établi ;

Vu le jugement attaqué ;

Vu le mémoire en défense, enregistré le 18 juin 1999, présenté par le ministre de l'agriculture et de la pêche ;

Le ministre conclut au rejet de la requête ;

Il soutient que :

- la requête est irrecevable dans la mesure où elle comporte des prétentions indemnitaires nouvelles en appel ;

- aucun des moyens présentés par le requérant n'est fondé : en particulier, le lien de causalité entre le préjudice et les erreurs de l'administration n'est pas établi et la faute de la victime est patente ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code rural ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 10 novembre 2004 :

- le rapport de M. Martinez, premier conseiller,

- les observations de Me Verra pour Me Schaf-Codognet, avocat de M. X,

- et les conclusions de M. Tréand, commissaire du gouvernement ;

Sans qu'il soit besoin de statuer sur la fin de non-recevoir opposée par le ministre de l'agriculture et de la pêche :

Considérant qu'aux termes de l'article 226 du code rural dans sa rédaction applicable au litige : tout propriétaire, toute personne ayant à quelque titre que ce soit, la charge des soins ou la garde d'un animal atteint ou soupçonné d'être atteint de l'une des maladies contagieuses prévues par les articles 224 ou 225 est tenu d'en faire immédiatement la déclaration à un vétérinaire sanitaire ainsi qu'au maire de la commune où se trouve l'animal. (...) ; qu'aux termes de l'article 228 dudit code dans sa rédaction alors en vigueur : Après la constatation de la maladie, le préfet statue sur les mesures à mettre en exécution dans le cas particulier . Il prend si nécessaire un arrêté portant déclaration d'infection (...). Cette déclaration peut entraîner dans le périmètre qu'elle détermine, l'application des mesures suivantes :

1° l'isolement ...des animaux.(...).

7° l'interdiction de vendre les animaux (...)

9° le traitement ..des animaux (...) ;

Considérant qu'il résulte de l'instruction que M. X, éleveur d'ovins, a acquis en janvier 1993 une cinquantaine de moutons auprès de la société Cobevihm qui lui ont été livrés sans document sanitaire ; qu'après avoir constaté peu après que le troupeau était atteint de gale, maladie légalement réputée contagieuse au sens de la réglementation alors en vigueur, l'intéressé a entrepris, sur les conseils du vendeur, plusieurs traitements au moyen de médicaments à base de pesticides fournis sans ordonnance ; qu'en raison des pertes importantes subies par son troupeau du fait de l'inefficacité de ces traitements appliqués en dehors de tout contrôle médical, le requérant a alors prévenu en septembre 1993, soit huit mois après le début de l'épizootie, son vétérinaire traitant, le Dr Z pour qu'il déclare l'infection à l'autorité sanitaire compétente ; que dès le 4 octobre 1993, le préfet de Meurthe-et-Moselle prenait un arrêté portant déclaration d'infection précisant notamment que le propriétaire devait mettre en oeuvre un traitement curatif ; que conformément à la prescription médiale du Dr Guyot, vétérinaire de la société Cobevihm, préconisant un traitement par balnéation au Blotic, deux bains ont été effectués en octobre 1993 en présence notamment d'agents de la chambre d'agriculture, de représentants de la Cobevihm et de M. X mais n'ont pas suffi à enrayer le développement de la maladie ; qu'il a fallu un nouveau traitement à base de Blotic, effectué en mars et avril 1994 à l'initiative de la direction de services vétérinaires et après consultation par l'autorité administrative d'un ingénieur de la Mégisserie, pour enrayer l'épidémie et lever le 29 juin 1994 l'arrêté portant déclaration d'infection ;

Considérant que pour rechercher la responsabilité des services de l'Etat, le requérant fait valoir que les traitements mis en oeuvre en octobre 1993 par l'administration ont été inefficaces et ont aggravé la maladie affectant son troupeau ; qu'il résulte de l'instruction, et notamment du rapport de l'expert commis par le président du Tribunal administratif de Nancy, que l'inefficacité du traitement mis en place en octobre 1993 est lié au sous-dosage du médicament prescrit et que le traitement effectué à l'intérieur de la bergerie n'était pas conforme, en raison de la nocivité des pesticides employés, aux règles de l'art ;

Considérant, cependant, qu'eu égard aux difficultés particulières que présentent les mesures prises par les services vétérinaires de l'Etat dans le cadre de la police sanitaire et dans l'intérêt de la protection de la santé publique en vue d'assurer effectivement l'exécution d'un arrêté portant déclaration d'infection et compte-tenu de l'urgente nécessité d'éviter la propagation de l'épizootie et de la gravité de la situation résultant notamment de la déclaration tardive de l'infection à l'autorité administrative compétente, les agissements des services vétérinaires n'ont pas, dans les circonstances de l'espèce, en raison notamment de la passivité des intervenants professionnels ayant assisté aux opérations de désinfection litigieuses, revêtu le caractère d'une faute lourde, seule susceptible d'engager en l'espèce la responsabilité de l'Etat ; que, dès lors, à supposer même que les initiatives prises par le service vétérinaire de Meurthe-et-Moselle aient pu contribuer dans une certaine mesure à accroître la morbidité ou la mortalité du troupeau et sans même qu'il soit besoin d'apprécier la gravité des fautes respectives commises par l'ensemble des protagonistes et notamment par l'éleveur lui-même, M. X n'est pas fondé à demander que l'Etat soit condamné à réparer le préjudice qu'il a subi du fait de l'épidémie de gale ovine ayant affecté son troupeau ;

Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que M. X n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Nancy a rejeté ses conclusions à fin d'indemnité ;

Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

Considérant qu'aux termes de l'article L. 761-1 du code de justice administrative : Dans toutes les instances, le juge condamne la partie tenue aux dépens ou, à défaut, la partie perdante, à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Le juge tient compte de l'équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d'office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu'il n'y a pas lieu à cette condamnation. ;

Considérant qu'en vertu des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, la Cour ne peut pas faire bénéficier la partie tenue aux dépens ou la partie perdante du paiement par l'autre partie des frais qu'elle a exposés à l'occasion du litige soumis au juge ; que les conclusions présentées à ce titre par M. X doivent dès lors être rejetées ;

D É C I D E :

Article 1er : La requête susvisée de M. X est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. Yves X et au ministre de l'agriculture, de l'alimentation, de la pêche et des affaires rurales.

2

98NC01732




Retourner en haut de la page