Cour administrative d'appel de Paris, du 11 février 1992, 90PA00815, inédit au recueil Lebon

Texte intégral

RÉPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

VU la requête présentée par M. Georges FERRAN demeurant ... ; elle a été enregistrée le 5 septembre 1990 ; M. FERRAN demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement n° 8705271/2 en date du 22 juin 1990 par lequel le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande en décharge du complément d'impôt sur le revenu auquel il a été assujetti au titre de l'année 1983 ;

2°) de prononcer la décharge de l'imposition contestée ainsi que des pénalités y afférentes ;

VU les autres pièces du dossier ;

VU le code général des impôts ;

VU le code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;

VU La loi n° 87-1127 du 31 décembre 1987 ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 28 janvier 1992 :

- le rapport de M. LOTOUX, conseiller,

- et les conclusions de Mme de SEGONZAC, commissaire du Gouvernement ;

Sur la régularité de la procédure d'imposition :

Considérant qu'aux termes de l'article L.57 du livre des procédures fiscales : "L'administration adresse au contribuable une notification de redressement qui doit être motivée de manière à lui permettre de formuler ses observations ou de faire connaître son acceptation." ; que, pour qualifier dans la notification de redressement du 8 février 1985, la nature des travaux effectués dans l'immeuble litigieux l'administration a indiqué s'être référée à une enquête de service se rapportant aux travaux mentionnés sur une facture en date du 28 décembre 1983 établie au nom du requérant ; que, dès lors, les redressements envisagés, en tant qu'ils procèdent d'une appréciation de ces faits, sont suffisamment motivés ;

Sur le bien-fondé de l'imposition :

Considérant qu'aux termes de l'article 156 du code général des impôts : "L'impôt sur le revenu est établi d'après le montant total du revenu net annuel dont dispose chaque contribuable. Ce revenu net est déterminé ... sous déduction : I Du déficit constaté pour une année dans une catégorie de revenus ; ... Toutefois, n'est pas autorisée l'imputation : ... 3° Des déficits fonciers, lesquels s'imputent exclusivement sur les revenus fonciers des cinq années suivantes ... ; cette disposition n'est pas applicable aux propriétaires d'immeubles ayant fait l'objet de travaux exécutés dans le cadre d'une opération groupée de restauration immobilière faite en application des dispositions des articles L. 313-1 à L.313-15 du code de l'urbanisme, ..." ; qu'aux termes de l'article 31 du code général des impôts : "I. Les charges de la propriété déductibles pour la détermination du revenu net comprennent : 1° pour les propriétés urbaines : ... b) les dépenses d'amélioration afférentes aux locaux d'habitation, à l'exclusion de frais correspondant à des travaux de construction, de reconstruction ou d'agrandissement" ; qu'il résulte de ces dispositions que les dépenses supportées par un propriétaire pour l'exécution de travaux, dans son immeuble sont déductibles de son revenu sauf si elles correspondent à des travaux de construction, de reconstruction ou d'agrandissement ; que doivent être regardés comme des travaux de construction ou de reconstruction, au sens des dispositions précitées, les travaux comportant la création de nouveaux locaux d'habitation, notamment dans les locaux auparavant affectés à un autre usage, ainsi que les travaux ayant pour effet d'apporter une modification importante au gros oeuvre de locaux d'habitation existants ou les travaux d'aménagement interne qui, par leur importance, équivalent à une reconstruction ; que doivent être regardés comme des travaux d'agrandissement, au sens des mêmes dispositions, les travaux ayant pour effet d'accroître le volume ou la surface habitable de locaux existants ;

Considérant que M. FERRAN a demandé, pour l'imposition de ses revenus de l'année 1983, l'imputation sur son revenu global d'un déficit foncier de 140.000 F résultant de sa quote part des travaux de restauration d'un immeuble situé dans le périmètre du secteur sauvegardé de Tours ; que l'administration n'a pas admis cette imputation au motif que les travaux invoqués n'étaient pas de ceux qui en vertu des dispositions précitées du code général des impôts, autorisent le propriétaire à imputer un déficit foncier sur le revenu global ;

Considérant, en premier lieu, que M. FERRAN a acquis par acte notarié du 9 décembre 1983 les lots n° 48 et 59 représentant respectivement dans l'immeuble susvisé une cave et un appartement ; qu'à cette même date il a adhéré à l'association syndicale libre dite "Association foncière urbaine secteur Murier Saint-Père" constituée le 8 décembre 1983 ; qu'il a acquitté le 28 décembre 1983 une somme de 140.000 F représentant 85 % du coût de sa quote part des travaux de restauration de l'immeuble litigieux ; que, si l'administration fait état des dates auxquelles sont intervenues ces actes ainsi que des constatations, d'ailleurs imprécises, qu'elle aurait effectuées sur place, elle n'établit pas ainsi que les travaux de rénovation en cause résulteraient d'une initiative de professionnels de l'immobilier et non de celle des propriétaires membres de l'association syndicale susvisée ; que, dès lors, elle ne peut valablement soutenir que lesdits travaux ne procèderaient pas d'une opération groupée de restauration immobilière prévue par les dispositions précitées de l'article 156 du code ;

Considérant, en second lieu, qu'il résulte de l'instruction que certains travaux réalisés dans l'immeuble litigieux doivent être regardés, en tant qu'ils ont eu pour effet d'augmenter la surface habitable par la transformation au rez-de-chaussée d'un garage en appartement et par la création au niveau des combles d'un autre appartement, comme ayant le caractère de travaux d'agrandissement ; qu'en revanche, ceux concernant le remplacement des cloisons sans modification profonde de la distribution antérieure des lieux, la réfection de la toiture, le ravalement des façades, le réaménagement des ouvertures et l'ensemble des travaux, installations et équipements destinés à améliorer les conditions de confort, de sécurité et d'habitabilité des locaux existants, constituent, dès lors qu'ils n'ont pas affecté de façon notable le gros oeuvre, des travaux d'amélioration au sens des dispositions précitées de l'article 31 du code ; que, par suite, et nonobstant la double circonstance que cette opération de rénovation ait concerné un immeuble en mauvais état nécessitant l'intervention de tous les corps de métiers et ait représenté un coût global d'environ onze fois supérieur à son prix d'acquisition, le montant de ces travaux est déductible des revenus fonciers ; que, toutefois, l'état du dossier ne permet pas à la cour de déterminer le montant des dépenses afférentes à cette partie des travaux ; qu'il y a lieu, dès lors, d'ordonner un supplément d'instruction contradictoire aux fins d'évaluer la quote part des dépenses qui a été exposée par M. FERRAN du chef des travaux réalisés au rez-de-chaussée et au dernier étage de l'immeuble litigieux ;
Article 1er : Avant de statuer sur les conclusions de la requête de M. FERRAN, il sera procédé, par les soins du ministre délégué auprès du ministre d'Etat, ministre de l'économie, des finances et du budget, chargé du budget contradictoirement avec le contribuable, à un supplément d'instruction aux fins de déterminer, au vu des justifications produites par le requérant, la quote part des dépenses payées par ce dernier au titre de l'année 1983 du chef des travaux autres que ceux afférents aux logements créés au rez-de-chaussée et au dernier étage de l'immeuble sis ....
Article 2 : Il est accordé au ministre délégué au budget un délai de quatre mois à compter de la notification du présent arrêt pour faire parvenir au greffe de la cour les informations définies à l'article 1er ci-dessus.
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