Cour de cassation, civile, Chambre sociale, 2 octobre 2024, 23-20.560, Inédit

Texte intégral

RÉPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

SOC.

CH9



COUR DE CASSATION
______________________


Audience publique du 2 octobre 2024




Cassation partielle


Mme MONGE, conseiller doyen
faisant fonction de président



Arrêt n° 976 F-D

Pourvoi n° Y 23-20.560



R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________


ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 2 OCTOBRE 2024

Mme [Z] [Y], domiciliée [Adresse 1], a formé le pourvoi n° Y 23-20.560 contre l'arrêt rendu le 14 juin 2023 par la cour d'appel de Paris (pôle 6, chambre 6), dans le litige l'opposant à la société Lidl, société en nom collectif, dont le siège est [Adresse 2], défenderesse à la cassation.

La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, un moyen de cassation.

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de Mme Deltort, conseiller, les observations de la SCP Françoise Fabiani-François Pinatel, avocat de Mme [Y], de la SCP Rocheteau, Uzan-Sarano et Goulet, avocat de la société Lidl, après débats en l'audience publique du 4 septembre 2024 où étaient présents Mme Monge, conseiller doyen faisant fonction de président, Mme Deltort, conseiller rapporteur, Mme Cavrois, conseiller, et Mme Thuillier, greffier de chambre,

la chambre sociale de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Paris, 14 juin 2023), Mme [Y] a été engagée en qualité de caissière employée libre service par la société Lidl à compter du 6 juin 2012.

2. Licenciée le 19 septembre 2016 pour faute grave, la salariée a saisi la juridiction prud'homale le 9 mars 2017 de diverses demandes au titre de l'exécution et de la rupture de son contrat de travail.

Examen du moyen

Enoncé du moyen

3. La salariée fait grief à l'arrêt de dire son licenciement fondé sur une faute grave et de la débouter de ses demandes en paiement à titre de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, d'indemnité de licenciement et d'indemnité compensatrice de préavis, alors « qu'en vertu des articles L. 3142-98 et D. 3142-47 devenus D. 3142-19 du code du travail, la demande de congé sabbatique doit être faite trois mois avant la date prévue pour le départ ; qu'il résulte des articles L. 3142-98 et D. 3142-53 du code du travail devenus les articles L. 3142-30 et D. 3142-18, que l'employeur dispose alors de trente jours pour donner sa réponse ; que faute de réponse, l'accord est réputé acquis ; que l'arrêt a retenu que Mme [Y] a présenté sa demande de congé sabbatique par lettres du 22 avril 2016 notifiées les 27 et 28 avril à l'employeur pour un départ en congé fixé au 1er mai 2016 ; que la société Lidl n'a pas répondu à cette demande ; qu'en décidant, après avoir constaté que c'était par lettre du 19 juillet 2016, que l'employeur a demandé à la salariée de justifier son absence depuis le 1er mai puis l'a mise en demeure de reprendre le travail le 27 juillet 2016, que cette dernière ne serait pas fondée à se prévaloir du silence de la société Lidl pour établir son accord tacite motif pris qu'elle l'aurait mise devant le fait accompli en prenant son congé à partir du 1er mai 2016, la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations et a violé les articles L. 3142-98 et D. 3142-53 du code du travail devenus les articles L. 3142-30 et D. 3142-18 du même code. »

Réponse de la Cour

Vu les articles L. 3142-98 du code du travail, dans sa rédaction antérieure à la loi n° 2016-1088 du 8 août 2016, D. 3142-47, D. 3142-51 et D. 3142-53 du code du travail, dans leur rédaction antérieure au décret n° 2016-1555 du 18 novembre 2016 :

4. Aux termes du deuxième de ces textes, le salarié informe l'employeur de la date de départ en congé sabbatique qu'il a choisie et de la durée de ce congé, par lettre recommandée avec avis de réception ou remise contre récépissé, au moins trois mois à l'avance.

5. Aux termes du premier, l'employeur informe le salarié soit de son accord sur la date de départ choisie par l'intéressé, soit du report ou de son refus. A défaut de réponse de sa part, son accord est réputé acquis.

6. Aux termes du troisième, le refus de l'employeur d'accorder un congé pour la création d'entreprise ou un congé sabbatique est porté à la connaissance du salarié soit par lettre recommandée avec avis de réception, soit remise contre récépissé.

7. Aux termes du quatrième, l'employeur informe le salarié de son accord sur la date de départ choisie du congé pour la création d'entreprise ou du congé sabbatique ou de son report par lettre recommandée avec avis de réception ou remise contre récépissé. A défaut de réponse de sa part, dans un délai de trente jours à compter de la présentation à l'employeur de la lettre prévue aux articles D. 3142-41 ou D. 3142-47, son accord est réputé acquis.

8. Il en résulte que, lorsque l'information de la date et de la durée de son départ est faite par le salarié hors du délai de trois mois prévu par l'article D. 3142-47 du code du travail, cette irrégularité, si elle peut conduire l'employeur à différer la date de départ du salarié, ne saurait le dispenser de lui répondre dans les conditions prévues par les articles D. 3142-51 et D. 3142-53.

9. Pour débouter la salariée de ses demandes relatives à la contestation de son licenciement, l'arrêt retient que l'employeur apporte suffisamment d'éléments de preuve pour établir que l'intéressée ne s'est pas présentée à son travail depuis le 1er mai 2016, et ceci, sans justificatif, malgré les courriers de l'employeur du 19 juillet 2016 et la mise en demeure du 27 juillet 2016, restés sans réponse.

10. Il ajoute que c'est en vain que la salariée invoque sa demande de congé sabbatique faite par lettres du 22 avril 2016, notifiées les 27 et 28 avril 2016, pour justifier son absence à compter du 1er mai 2016, ce moyen étant mal fondé au motif que cette demande de congé sabbatique à compter du 1er mai 2016 n'a pas été faite au moins trois mois à l'avance et n'aurait été valable que pour un congé sabbatique à compter du 27 juillet 2016, que cette demande de congé sabbatique n'est pas valable pour justifier son absence à partir du 1er mai 2016 et que la salariée a mis l'employeur devant le fait accompli en partant le 1er mai 2016 en congé sabbatique sans avoir respecté la procédure légale de l'article D. 3142-47 du code du travail.

11. Il retient encore que c'est en vain que l'intéressée soutient que l'employeur n'a jamais répondu à cette demande dans les trente jours impartis par l'article L. 3142-30 du code du travail et que ce dernier a donc accepté tacitement son congé sabbatique, ces moyens étant mal fondés au motif que la salariée n'est pas habile à se prévaloir du silence de l'employeur pour établir son accord tacite dès lors qu'elle l'a mis devant le fait accompli en partant le 1er mai 2016 en congé sabbatique sans avoir respecté la procédure légale de l'article D. 3142-47 du code du travail.

12. En statuant ainsi, alors qu'il résultait de ses constatations que l'employeur n'avait pas répondu à la demande de congé sabbatique dans le délai de trente jours suivant sa présentation, ce dont elle aurait dû déduire que l'accord de l'employeur était réputé acquis et que l'absence de la salariée n'était pas fautive, la cour d'appel a violé les textes susvisés.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

CASSE ET ANNULE, sauf en ce qu'il déclare recevable la demande formée par Mme [Y] en paiement de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, l'arrêt rendu le 14 juin 2023, entre les parties, par la cour d'appel de Paris ;

Remet, sauf sur ce point, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Paris autrement composée ;

Condamne la société Lidl aux dépens ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par la société Lidl et la condamne à payer à Mme [Y] la somme de 3 000 euros ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du deux octobre deux mille vingt-quatre.ECLI:FR:CCASS:2024:SO00976
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