Cour de cassation, civile, Chambre sociale, 2 octobre 2024, 23-12.844, Publié au bulletin
Cour de cassation, civile, Chambre sociale, 2 octobre 2024, 23-12.844, Publié au bulletin
Cour de cassation - Chambre sociale
- N° de pourvoi : 23-12.844
- ECLI:FR:CCASS:2024:SO00962
- Publié au bulletin
- Solution : Cassation partielle
Audience publique du mercredi 02 octobre 2024
Décision attaquée : Cour d'appel de Rennes, du 24 novembre 2022- Président
- M. Sommer
Texte intégral
RÉPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
SOC.
CH9
COUR DE CASSATION
______________________
Audience publique du 2 octobre 2024
Cassation partielle
M. SOMMER, président
Arrêt n° 962 FS-B
Pourvoi n° M 23-12.844
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
_________________________
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________
ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 2 OCTOBRE 2024
M. [Z] [D], domicilié [Adresse 2], a formé le pourvoi n° M 23-12.844 contre l'arrêt rendu le 24 novembre 2022 par la cour d'appel de Rennes (7e chambre prud'homale), dans le litige l'opposant à la société Cabinet Vidon brevets et stratégie, société par actions simplifiée unipersonnelle, dont le siège est [Adresse 1], défenderesse à la cassation.
Le demandeur invoque, à l'appui de son pourvoi, quatre moyens de cassation.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de M. Leperchey, conseiller référendaire, les observations de la SCP Rocheteau, Uzan-Sarano et Goulet, avocat de M. [D], de la SARL Ortscheidt, avocat de la société Cabinet Vidon brevets et stratégie, et l'avis de Mme Roques, avocat général référendaire, après débats en l'audience publique du 3 septembre 2024 où étaient présents M. Sommer, président, M. Leperchey, conseiller référendaire rapporteur, Mme Capitaine, conseiller doyen, Mmes Lacquemant, Nirdé-Dorail, Palle, conseillers, Mmes Valéry, Pecqueur, M. Chiron, conseillers référendaires, Mme Roques, avocat général référendaire, et Mme Dumont, greffier de chambre,
la chambre sociale de la Cour de cassation, composée, en application de l'article R. 431-5 du code de l'organisation judiciaire, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt ;
Faits et procédure
1. Selon l'arrêt attaqué (Rennes, 24 novembre 2022), M. [D] a été engagé en qualité de consultant manager, le 12 avril 2010, par la société Cabinet Vidon brevets et stratégie.
2. Le contrat de travail contenait une clause de non-concurrence et une clause de non-sollicitation de clientèle.
3. Le salarié a donné sa démission le 23 octobre 2014 qui a pris effet le 26 février 2015.
4. Contestant la régularité des clauses de non-concurrence et de non-sollicitation de clientèle, il a sollicité une conciliation le 9 septembre 2015 auprès du président de la compagnie nationale des conseils en propriété industrielle qui a pris fin le 9 mars 2016 sans parvenir à un accord des parties et a saisi la juridiction prud'homale le 26 février 2018.
Examen des moyens
Sur les premier et quatrième moyens, réunis
Enoncé des moyens
5. Par son premier moyen, le salarié fait grief à l'arrêt de dire ses demandes prescrites et de le débouter de ses demandes, alors :
« 1°/ que la nullité d'une clause de non-concurrence produisant des effets pendant toute la durée de mise en oeuvre de la clause, le délai de prescription de l'action tendant à l'indemnisation du préjudice né de cette nullité ne commence pas à courir avant la fin de la mise en oeuvre de la clause ; qu'en l'espèce, pour juger prescrite l'action de M. [D] engagée le 26 février 2018 tendant à la condamnation de son ancien employeur au paiement de dommages-intérêts au titre de la nullité de la clause de non-concurrence, la cour d'appel a retenu que ''le point de départ de la prescription applicable, de 2 ans, est fixé au 26 novembre 2014, a l'issue du délai de 30 jours suivant la réception de sa démission le 27 octobre 2014 par la société Cabinet Vidon brevets, l'employeur n'ayant pas fait usage de sa faculté de lever la clause de non-concurrence durant le délai imparti par le contrat de travail'' ; qu'en statuant ainsi quand le dommage de M. [D] avait perduré pendant toute la durée de mise en oeuvre de la clause de non-concurrence litigieuse, soit jusqu'au 26 février 2017, de sorte que le délai de prescription n'avait pas pu commencer à courir avant cette date, la cour d'appel a violé les articles 2224 du code civil et L. 1471-1 du code du travail ;
2°/ qu'il résulte de l'article 2224 du code civil que la prescription d'une action en responsabilité civile court à compter de la réalisation du dommage ou de la date à laquelle il est révélé à la victime si celle-ci établit qu'elle n'en avait pas eu précédemment connaissance ; qu'en l'espèce, pour juger prescrite l'action en responsabilité de M. [D] au titre de la nullité de la clause de non-concurrence, la cour d'appel a retenu que ''le point de départ de la prescription applicable, de 2 ans, est fixé au 26 novembre 2014, a l'issue du délai de 30 jours suivant la réception de sa démission le 27 octobre 2014 par la société Cabinet Vidon brevets, l'employeur n'ayant pas fait usage de sa faculté de lever la clause de non-concurrence durant le délai imparti par le contrat de travail'' ; qu'en statuant ainsi tandis qu'elle avait constaté que le contrat de travail n'avait été rompu que le 26 février 2015, à la fin du préavis, ce dont il s'évinçait qu'à la date du 26 novembre 2014, la clause de non-concurrence n'avait pas encore été mise en oeuvre, de sorte que le délai de prescription n'avait pas pu encore commencer à courir, la cour d'appel a violé les articles 2224 du code civil et L. 1471-1 du code du travail. »
6. Par son quatrième moyen, le salarié fait le même grief à l'arrêt, alors « que le dommage causé par la stipulation d'une clause de non sollicitation illicite se révélant pendant toute la durée de son exécution, le délai de prescription ne court qu'à compter de la date où cette clause cesse de produire ses effets ; qu'en l'espèce, pour juger prescrite l'action en paiement de dommages-intérêts de M. [D] engagée le 26 février 2018 au titre de la nullité de la clause de non-sollicitation de clientèle, la cour d'appel a retenu que ''s'agissant de la clause de non-sollicitation de clientèle, la prescription biennale a couru a partir du 27 février 2015, date de la prise d'effet de la démission du salarié, l'employeur ne disposant d'aucun délai spécifique pour dénoncer ladite clause'' et que ''compte tenu du délai de prescription majoré de 6 mois durant la procédure de conciliation prenant fin le 26 août 2017, l'action relative a l'exécution de la clause de non-sollicitation de clientèle était prescrite lors de la saisine du conseil le 26 février 2018'' ; qu'en statuant ainsi, quand le dommage de M. [D] avait perduré pendant toute la durée de trois ans correspondant à la mise en oeuvre de la clause de non-sollicitation litigieuse à compter de la rupture du contrat de travail le 26 février 2015, soit jusqu'au 26 février 2018, de sorte que le délai de prescription n'avait pas pu courir à la date du 27 février 2015, la cour d'appel a violé les articles 2224 du code civil et L. 1471-1, dans sa rédaction applicable au litige, du code du travail. »
Réponse de la Cour
7. En application de l'article L. 1471-1, alinéa 1er, du code du travail, dans sa rédaction issue de l'ordonnance n° 2017-1718 du 20 décembre 2017, toute action portant sur l'exécution du contrat de travail se prescrit par deux ans à compter du jour où celui qui l'exerce a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant d'exercer son droit.
8. La prescription d'une action en responsabilité civile court à compter de la réalisation du dommage ou de la date à laquelle il est révélé à la victime si celle-ci établit qu'elle n'en avait pas eu précédemment connaissance.
9. Le dommage causé par la stipulation d'une clause de non-concurrence illicite ou d'une clause de non sollicitation de clientèle, qui s'analyse en une clause de non-concurrence, ne se réalise pas au moment de la stipulation de la clause mais se révèle au moment de sa mise en oeuvre.
10. L'arrêt relève que le contrat de travail a été rompu le 26 février 2015 et qu'une procédure de conciliation est intervenue et a suspendu le délai de prescription pendant une durée de six mois.
11. La cour d'appel en a exactement déduit que les actions en nullité des clauses et en paiement de dommages-intérêts en résultant étaient prescrites lorsque le salarié a saisi la juridiction prud'homale le 26 février 2018.
12. Les moyens ne sont donc pas fondés.
Mais sur le deuxième moyen, pris en sa deuxième branche
Enoncé du moyen
13. Le salarié fait grief à l'arrêt de dire irrecevable comme prescrite sa demande en paiement de la contrepartie financière de la clause de non-concurrence et de le débouter de ses demandes, alors « qu'il résulte de l'article L. 3245-1 du code du travail que le délai de prescription des contreparties financières mensuelles prévues par une clause de non-concurrence court à compter de la date à laquelle la créance salariale est devenue exigible ; qu'en retenant, pour juger prescrite l'action en paiement des contreparties financières mensuelles prévues par la clause de non-concurrence, que ''le point de départ de la prescription débutant le jour où le salarié a connu ou aurait dû connaître les faits qui lui permettent d'exercer son action en paiement sera fixé au 27 février 2015, au lendemain de son départ effectif de la société Vidon brevets et stratégie et à l'issue de la période de préavis effectuée (26 février 2015 au soir selon bulletin de salaire de février 2015) date à partir de laquelle le salarié doit respecter l'obligation de non-concurrence et peut prétendre au versement de la contrepartie financière'', tandis que le point de départ de la prescription en paiement des contreparties financières mensuelles était, comme pour tout salaire, la date d'exigibilité de ces contreparties, la cour d'appel a violé l'article L. 3245-1 du code du travail. »
Réponse de la Cour
Recevabilité du moyen
14. L'employeur conteste la recevabilité du moyen. Il soutient qu'il est nouveau et mélangé de fait.
15. Cependant, le salarié avait fait valoir que le point de départ du délai de prescription était, comme pour tout salaire, la date d'exigibilité.
16. Le moyen est donc recevable.
Bien-fondé du moyen
Vu les articles L.3242-1 et L. 3245-1 du code du travail :
17. Aux termes du second de ces textes, l'action en paiement ou en répétition du salaire se prescrit par trois ans à compter du jour où celui qui l'exerce a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l'exercer. La demande peut porter sur les sommes dues au titre des trois dernières années à compter de ce jour ou, lorsque le contrat de travail est rompu, sur les sommes dues au titre des trois années précédant la rupture du contrat.
18. Il résulte de la combinaison des textes susvisés que le délai de prescription de l'action en paiement de la contrepartie financière de l'obligation de non-concurrence qui a, quelle que soit la qualification contractuelle que lui donnent les parties, la nature d'une indemnité compensatrice de salaire, court à compter de la date à laquelle cette créance est devenue exigible. Pour les salariés payés au mois, la date d'exigibilité du salaire correspond à la date habituelle du paiement des salaires en vigueur dans l'entreprise et concerne l'intégralité du salaire afférent au mois considéré.
19. Pour déclarer prescrite la demande du salarié en paiement de la contrepartie financière de la clause de non-concurrence, l'arrêt retient que le point de départ de la prescription débutant le jour où le salarié a connu ou aurait dû connaître les faits qui lui permettent d'exercer son action en paiement doit être fixé au 27 février 2015, au lendemain de son départ effectif et à l'issue de la période de préavis effectuée, date à partir de laquelle le salarié doit respecter l'obligation de non-concurrence et peut prétendre au versement de la contrepartie financière.
20. La cour d'appel en a déduit que l'action en paiement de la contrepartie financière de la clause de non-concurrence était prescrite lorsque le salarié avait présenté sa demande le 29 octobre 2018.
21. En statuant ainsi, la cour d'appel a violé les textes susvisés.
Et sur le troisième moyen, pris en sa deuxième branche
Enoncé du moyen
22. Le salarié fait grief à l'arrêt de dire irrecevable comme prescrite sa demande de dommages-intérêts et de le débouter de ses demandes, alors « que le délai de prescription court à compter du jour où celui qui l'exerce a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant d'exercer son droit ; qu'en l'espèce, en faisant courir le délai de prescription de l'action en dommages et intérêts pour violation et non application de la clause de non-concurrence et atteinte à la liberté du travail de la date de la fin du préavis intervenue le 26 février 2015 quand à cette date, le salarié ne pouvait pas encore savoir que l'employeur ne lui paierait pas les contreparties financières prévues par la clause de non-concurrence, la cour d'appel a violé l'article L. 1471-1 du code du travail. »
Réponse de la Cour
Vu l'article L. 1471-1, alinéa 1er, du code du travail, dans sa rédaction issue de l'ordonnance n° 2017-1718 du 20 décembre 2017 :
23. Aux termes de ce texte, toute action portant sur l'exécution du contrat de travail se prescrit par deux ans à compter du jour où celui qui l'exerce a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant d'exercer son droit.
24. Pour déclarer irrecevable la demande de dommages-intérêts pour non-application de la clause de non-concurrence et atteinte à la liberté du travail, l'arrêt retient que la demande a été présentée pour la première fois par le salarié dans des conclusions du 29 octobre 2018, soit plus de 44 mois après la rupture du contrat de travail.
25. En statuant ainsi, alors que le salarié se fondait sur des faits qui n'avaient cessé de produire leurs effets qu'à la date à laquelle il n'était plus tenu de respecter la clause de non-concurrence, ce dont il résultait que le délai de prescription de la demande courait à compter de cette date, la cour d'appel a violé le texte susvisé.
PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs, la Cour :
CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il déboute M. [D] de l'ensemble de ses demandes, en ce qu'il déclare irrecevables comme prescrites la demande de M. [D] en paiement de la contrepartie financière de la clause de non-concurrence et sa demande de dommages-intérêts pour violation de la clause de non-concurrence, et en ce qu'il statue sur les dépens et l'application de l'article 700 du code de procédure civile, l'arrêt rendu le 24 novembre 2022, entre les parties, par la cour d'appel de Rennes ;
Remet, sur ces points, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel d'Angers ;
Condamne la société Cabinet Vidon brevets et stratégie aux dépens ;
En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par la société Cabinet Vidon brevets et stratégie et la condamne à payer à M. [D] la somme de 3 000 euros ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du deux octobre deux mille vingt-quatre.ECLI:FR:CCASS:2024:SO00962
SOC.
CH9
COUR DE CASSATION
______________________
Audience publique du 2 octobre 2024
Cassation partielle
M. SOMMER, président
Arrêt n° 962 FS-B
Pourvoi n° M 23-12.844
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
_________________________
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________
ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 2 OCTOBRE 2024
M. [Z] [D], domicilié [Adresse 2], a formé le pourvoi n° M 23-12.844 contre l'arrêt rendu le 24 novembre 2022 par la cour d'appel de Rennes (7e chambre prud'homale), dans le litige l'opposant à la société Cabinet Vidon brevets et stratégie, société par actions simplifiée unipersonnelle, dont le siège est [Adresse 1], défenderesse à la cassation.
Le demandeur invoque, à l'appui de son pourvoi, quatre moyens de cassation.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de M. Leperchey, conseiller référendaire, les observations de la SCP Rocheteau, Uzan-Sarano et Goulet, avocat de M. [D], de la SARL Ortscheidt, avocat de la société Cabinet Vidon brevets et stratégie, et l'avis de Mme Roques, avocat général référendaire, après débats en l'audience publique du 3 septembre 2024 où étaient présents M. Sommer, président, M. Leperchey, conseiller référendaire rapporteur, Mme Capitaine, conseiller doyen, Mmes Lacquemant, Nirdé-Dorail, Palle, conseillers, Mmes Valéry, Pecqueur, M. Chiron, conseillers référendaires, Mme Roques, avocat général référendaire, et Mme Dumont, greffier de chambre,
la chambre sociale de la Cour de cassation, composée, en application de l'article R. 431-5 du code de l'organisation judiciaire, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt ;
Faits et procédure
1. Selon l'arrêt attaqué (Rennes, 24 novembre 2022), M. [D] a été engagé en qualité de consultant manager, le 12 avril 2010, par la société Cabinet Vidon brevets et stratégie.
2. Le contrat de travail contenait une clause de non-concurrence et une clause de non-sollicitation de clientèle.
3. Le salarié a donné sa démission le 23 octobre 2014 qui a pris effet le 26 février 2015.
4. Contestant la régularité des clauses de non-concurrence et de non-sollicitation de clientèle, il a sollicité une conciliation le 9 septembre 2015 auprès du président de la compagnie nationale des conseils en propriété industrielle qui a pris fin le 9 mars 2016 sans parvenir à un accord des parties et a saisi la juridiction prud'homale le 26 février 2018.
Examen des moyens
Sur les premier et quatrième moyens, réunis
Enoncé des moyens
5. Par son premier moyen, le salarié fait grief à l'arrêt de dire ses demandes prescrites et de le débouter de ses demandes, alors :
« 1°/ que la nullité d'une clause de non-concurrence produisant des effets pendant toute la durée de mise en oeuvre de la clause, le délai de prescription de l'action tendant à l'indemnisation du préjudice né de cette nullité ne commence pas à courir avant la fin de la mise en oeuvre de la clause ; qu'en l'espèce, pour juger prescrite l'action de M. [D] engagée le 26 février 2018 tendant à la condamnation de son ancien employeur au paiement de dommages-intérêts au titre de la nullité de la clause de non-concurrence, la cour d'appel a retenu que ''le point de départ de la prescription applicable, de 2 ans, est fixé au 26 novembre 2014, a l'issue du délai de 30 jours suivant la réception de sa démission le 27 octobre 2014 par la société Cabinet Vidon brevets, l'employeur n'ayant pas fait usage de sa faculté de lever la clause de non-concurrence durant le délai imparti par le contrat de travail'' ; qu'en statuant ainsi quand le dommage de M. [D] avait perduré pendant toute la durée de mise en oeuvre de la clause de non-concurrence litigieuse, soit jusqu'au 26 février 2017, de sorte que le délai de prescription n'avait pas pu commencer à courir avant cette date, la cour d'appel a violé les articles 2224 du code civil et L. 1471-1 du code du travail ;
2°/ qu'il résulte de l'article 2224 du code civil que la prescription d'une action en responsabilité civile court à compter de la réalisation du dommage ou de la date à laquelle il est révélé à la victime si celle-ci établit qu'elle n'en avait pas eu précédemment connaissance ; qu'en l'espèce, pour juger prescrite l'action en responsabilité de M. [D] au titre de la nullité de la clause de non-concurrence, la cour d'appel a retenu que ''le point de départ de la prescription applicable, de 2 ans, est fixé au 26 novembre 2014, a l'issue du délai de 30 jours suivant la réception de sa démission le 27 octobre 2014 par la société Cabinet Vidon brevets, l'employeur n'ayant pas fait usage de sa faculté de lever la clause de non-concurrence durant le délai imparti par le contrat de travail'' ; qu'en statuant ainsi tandis qu'elle avait constaté que le contrat de travail n'avait été rompu que le 26 février 2015, à la fin du préavis, ce dont il s'évinçait qu'à la date du 26 novembre 2014, la clause de non-concurrence n'avait pas encore été mise en oeuvre, de sorte que le délai de prescription n'avait pas pu encore commencer à courir, la cour d'appel a violé les articles 2224 du code civil et L. 1471-1 du code du travail. »
6. Par son quatrième moyen, le salarié fait le même grief à l'arrêt, alors « que le dommage causé par la stipulation d'une clause de non sollicitation illicite se révélant pendant toute la durée de son exécution, le délai de prescription ne court qu'à compter de la date où cette clause cesse de produire ses effets ; qu'en l'espèce, pour juger prescrite l'action en paiement de dommages-intérêts de M. [D] engagée le 26 février 2018 au titre de la nullité de la clause de non-sollicitation de clientèle, la cour d'appel a retenu que ''s'agissant de la clause de non-sollicitation de clientèle, la prescription biennale a couru a partir du 27 février 2015, date de la prise d'effet de la démission du salarié, l'employeur ne disposant d'aucun délai spécifique pour dénoncer ladite clause'' et que ''compte tenu du délai de prescription majoré de 6 mois durant la procédure de conciliation prenant fin le 26 août 2017, l'action relative a l'exécution de la clause de non-sollicitation de clientèle était prescrite lors de la saisine du conseil le 26 février 2018'' ; qu'en statuant ainsi, quand le dommage de M. [D] avait perduré pendant toute la durée de trois ans correspondant à la mise en oeuvre de la clause de non-sollicitation litigieuse à compter de la rupture du contrat de travail le 26 février 2015, soit jusqu'au 26 février 2018, de sorte que le délai de prescription n'avait pas pu courir à la date du 27 février 2015, la cour d'appel a violé les articles 2224 du code civil et L. 1471-1, dans sa rédaction applicable au litige, du code du travail. »
Réponse de la Cour
7. En application de l'article L. 1471-1, alinéa 1er, du code du travail, dans sa rédaction issue de l'ordonnance n° 2017-1718 du 20 décembre 2017, toute action portant sur l'exécution du contrat de travail se prescrit par deux ans à compter du jour où celui qui l'exerce a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant d'exercer son droit.
8. La prescription d'une action en responsabilité civile court à compter de la réalisation du dommage ou de la date à laquelle il est révélé à la victime si celle-ci établit qu'elle n'en avait pas eu précédemment connaissance.
9. Le dommage causé par la stipulation d'une clause de non-concurrence illicite ou d'une clause de non sollicitation de clientèle, qui s'analyse en une clause de non-concurrence, ne se réalise pas au moment de la stipulation de la clause mais se révèle au moment de sa mise en oeuvre.
10. L'arrêt relève que le contrat de travail a été rompu le 26 février 2015 et qu'une procédure de conciliation est intervenue et a suspendu le délai de prescription pendant une durée de six mois.
11. La cour d'appel en a exactement déduit que les actions en nullité des clauses et en paiement de dommages-intérêts en résultant étaient prescrites lorsque le salarié a saisi la juridiction prud'homale le 26 février 2018.
12. Les moyens ne sont donc pas fondés.
Mais sur le deuxième moyen, pris en sa deuxième branche
Enoncé du moyen
13. Le salarié fait grief à l'arrêt de dire irrecevable comme prescrite sa demande en paiement de la contrepartie financière de la clause de non-concurrence et de le débouter de ses demandes, alors « qu'il résulte de l'article L. 3245-1 du code du travail que le délai de prescription des contreparties financières mensuelles prévues par une clause de non-concurrence court à compter de la date à laquelle la créance salariale est devenue exigible ; qu'en retenant, pour juger prescrite l'action en paiement des contreparties financières mensuelles prévues par la clause de non-concurrence, que ''le point de départ de la prescription débutant le jour où le salarié a connu ou aurait dû connaître les faits qui lui permettent d'exercer son action en paiement sera fixé au 27 février 2015, au lendemain de son départ effectif de la société Vidon brevets et stratégie et à l'issue de la période de préavis effectuée (26 février 2015 au soir selon bulletin de salaire de février 2015) date à partir de laquelle le salarié doit respecter l'obligation de non-concurrence et peut prétendre au versement de la contrepartie financière'', tandis que le point de départ de la prescription en paiement des contreparties financières mensuelles était, comme pour tout salaire, la date d'exigibilité de ces contreparties, la cour d'appel a violé l'article L. 3245-1 du code du travail. »
Réponse de la Cour
Recevabilité du moyen
14. L'employeur conteste la recevabilité du moyen. Il soutient qu'il est nouveau et mélangé de fait.
15. Cependant, le salarié avait fait valoir que le point de départ du délai de prescription était, comme pour tout salaire, la date d'exigibilité.
16. Le moyen est donc recevable.
Bien-fondé du moyen
Vu les articles L.3242-1 et L. 3245-1 du code du travail :
17. Aux termes du second de ces textes, l'action en paiement ou en répétition du salaire se prescrit par trois ans à compter du jour où celui qui l'exerce a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l'exercer. La demande peut porter sur les sommes dues au titre des trois dernières années à compter de ce jour ou, lorsque le contrat de travail est rompu, sur les sommes dues au titre des trois années précédant la rupture du contrat.
18. Il résulte de la combinaison des textes susvisés que le délai de prescription de l'action en paiement de la contrepartie financière de l'obligation de non-concurrence qui a, quelle que soit la qualification contractuelle que lui donnent les parties, la nature d'une indemnité compensatrice de salaire, court à compter de la date à laquelle cette créance est devenue exigible. Pour les salariés payés au mois, la date d'exigibilité du salaire correspond à la date habituelle du paiement des salaires en vigueur dans l'entreprise et concerne l'intégralité du salaire afférent au mois considéré.
19. Pour déclarer prescrite la demande du salarié en paiement de la contrepartie financière de la clause de non-concurrence, l'arrêt retient que le point de départ de la prescription débutant le jour où le salarié a connu ou aurait dû connaître les faits qui lui permettent d'exercer son action en paiement doit être fixé au 27 février 2015, au lendemain de son départ effectif et à l'issue de la période de préavis effectuée, date à partir de laquelle le salarié doit respecter l'obligation de non-concurrence et peut prétendre au versement de la contrepartie financière.
20. La cour d'appel en a déduit que l'action en paiement de la contrepartie financière de la clause de non-concurrence était prescrite lorsque le salarié avait présenté sa demande le 29 octobre 2018.
21. En statuant ainsi, la cour d'appel a violé les textes susvisés.
Et sur le troisième moyen, pris en sa deuxième branche
Enoncé du moyen
22. Le salarié fait grief à l'arrêt de dire irrecevable comme prescrite sa demande de dommages-intérêts et de le débouter de ses demandes, alors « que le délai de prescription court à compter du jour où celui qui l'exerce a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant d'exercer son droit ; qu'en l'espèce, en faisant courir le délai de prescription de l'action en dommages et intérêts pour violation et non application de la clause de non-concurrence et atteinte à la liberté du travail de la date de la fin du préavis intervenue le 26 février 2015 quand à cette date, le salarié ne pouvait pas encore savoir que l'employeur ne lui paierait pas les contreparties financières prévues par la clause de non-concurrence, la cour d'appel a violé l'article L. 1471-1 du code du travail. »
Réponse de la Cour
Vu l'article L. 1471-1, alinéa 1er, du code du travail, dans sa rédaction issue de l'ordonnance n° 2017-1718 du 20 décembre 2017 :
23. Aux termes de ce texte, toute action portant sur l'exécution du contrat de travail se prescrit par deux ans à compter du jour où celui qui l'exerce a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant d'exercer son droit.
24. Pour déclarer irrecevable la demande de dommages-intérêts pour non-application de la clause de non-concurrence et atteinte à la liberté du travail, l'arrêt retient que la demande a été présentée pour la première fois par le salarié dans des conclusions du 29 octobre 2018, soit plus de 44 mois après la rupture du contrat de travail.
25. En statuant ainsi, alors que le salarié se fondait sur des faits qui n'avaient cessé de produire leurs effets qu'à la date à laquelle il n'était plus tenu de respecter la clause de non-concurrence, ce dont il résultait que le délai de prescription de la demande courait à compter de cette date, la cour d'appel a violé le texte susvisé.
PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs, la Cour :
CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il déboute M. [D] de l'ensemble de ses demandes, en ce qu'il déclare irrecevables comme prescrites la demande de M. [D] en paiement de la contrepartie financière de la clause de non-concurrence et sa demande de dommages-intérêts pour violation de la clause de non-concurrence, et en ce qu'il statue sur les dépens et l'application de l'article 700 du code de procédure civile, l'arrêt rendu le 24 novembre 2022, entre les parties, par la cour d'appel de Rennes ;
Remet, sur ces points, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel d'Angers ;
Condamne la société Cabinet Vidon brevets et stratégie aux dépens ;
En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par la société Cabinet Vidon brevets et stratégie et la condamne à payer à M. [D] la somme de 3 000 euros ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du deux octobre deux mille vingt-quatre.