Cour de cassation, civile, Chambre commerciale, 2 octobre 2024, 23-13.282, Publié au bulletin
Cour de cassation, civile, Chambre commerciale, 2 octobre 2024, 23-13.282, Publié au bulletin
Cour de cassation - Chambre commerciale
- N° de pourvoi : 23-13.282
- ECLI:FR:CCASS:2024:CO00526
- Publié au bulletin
- Solution : Rejet
Audience publique du mercredi 02 octobre 2024
Décision attaquée : Cour d'appel de Douai, du 12 janvier 2023- Président
- M. Vigneau
Texte intégral
RÉPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
COMM.
SH
COUR DE CASSATION
______________________
Audience publique du 2 octobre 2024
Rejet
M. VIGNEAU, président
Arrêt n° 526 F-B
Pourvoi n° N 23-13.282
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
_________________________
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________
ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, FINANCIÈRE ET ÉCONOMIQUE, DU 2 OCTOBRE 2024
La société Banque CIC Nord-Ouest, société anonyme, dont le siège est [Adresse 1], a formé le pourvoi n° N 23-13.282 contre l'arrêt rendu le 12 janvier 2023 par la cour d'appel de Douai (chambre 2, section 1), dans le litige l'opposant à la société Le Cerf et Bachelet, société par actions simplifiée, dont le siège est [Adresse 2], défenderesse à la cassation.
La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, quatre moyens de cassation.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de M. Calloch, conseiller, les observations de la SCP Boucard-Maman, avocat de la société Banque CIC Nord-Ouest, de la SCP Piwnica et Molinié, avocat de la société Le Cerf et Bachelet, et l'avis de M. de Monteynard, avocat général, après débats en l'audience publique du 2 juillet 2024 où étaient présents M. Vigneau, président, M. Calloch, conseiller rapporteur, Mme Vaissette, conseiller doyen, et Mme Maréville, greffier de chambre,
la chambre commerciale, financière et économique de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt ;
Faits et procédure
1. Selon l'arrêt attaqué (Douai, 12 janvier 2023), entre le 11 et le 22 décembre 2017, la comptable de la société Le Cerf et Bachelet (la société) a adressé à la société banque CIC Nord-Ouest (la banque) sept ordres de virement d'un montant total de 2 121 903,81 euros au profit du compte d'une société située à Hong-Kong.
2. Le 17 novembre 2020, affirmant que sa salariée avait agi en exécution de courriels adressés par un tiers usurpant l'identité de son dirigeant, la société a assigné la banque pour obtenir la restitution des sommes versées.
Examen des moyens
Sur le premier moyen, le deuxième moyen pris en ses quatrième et cinquième branches, le troisième moyen pris en sa troisième branche et le quatrième moyen
3. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ces griefs qui ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation.
Sur le deuxième moyen pris en ses trois premières branches
Enoncé du moyen
4. La banque fait grief à la décision attaquée de la condamner à payer à la société la somme de 1 060 951,90 euros en réparation de son préjudice alors :
« 1°/ que le banquier est tenu d'une obligation de non-ingérence dans les affaires de son client ; que le devoir de vigilance lui impose seulement de déceler les anomalies apparentes de l'opération de paiement qu'il lui est demandé d'exécuter, ce qui implique qu'il se borne à un contrôle prima facie et non à une étude approfondie des habitudes du compte de son client ; que la cour d'appel a toutefois considéré que la société démontrait, en produisant ses relevés de compte entre janvier 2014 et novembre 2017 "ainsi que des tableaux analytiques qu'elle a réalisés des virements qu'elle effectuait " qu'en dehors des virements adressés à la société Dubocage, sa société-mère, elle n'effectuait "quasiment aucun virement supérieur à 100 000 euros", et qu'elle n'effectuait pas de virements vers des sociétés basées en Chine, et que les ordres de virement litigieux, "par leur caractère rapproché et répété, la période de l'année au cours de laquelle ils intervenaient, leurs montants élevés par rapport aux ordres habituellement donnés et le fait qu'ils étaient établis au bénéfice de deux sociétés ne faisant pas partie des relations d'affaires de la société Le Cerf et Bachelet et situées dans un espace géographique avec lequel la société Le Cerf et Bachelet n'avait pas pour habitude de travailler" auraient dû amener la banque à surseoir à leur exécution et à se renseigner sur leur validité ; qu'en statuant ainsi, par des énonciations impliquant une analyse approfondie des habitudes du compte de la société, la cour d'appel, qui s'est déterminée par des motifs impropres à caractériser une anomalie apparente, a violé l'article 1147, devenu 1231-1, du code civil ;
2°/ que le banquier est tenu d'une obligation de non-ingérence dans les affaires de son client ; que l'importance des opérations antérieurement inscrites au débit du compte ne doivent pas conduire la banque à s'interroger sur des ordres de virement d'un montant plus élevé, en s'immisçant de la sorte dans les affaires de son client ; qu'en retenant que la société démontrait, en produisant ses relevés de compte entre janvier 2014 et novembre 2017 ainsi que des tableaux analytiques qu'elle a réalisés des virements qu'elle effectuait qu'en dehors des virements adressés à la société Dubocage, sa société-mère, elle n'effectuait "quasiment aucun virement supérieur à 100 000 euros", de sorte que les ordres de virement litigieux, par "leurs montants élevés par rapport aux ordres habituellement donnés" auraient dû amener la banque à surseoir à leur exécution et à se renseigner sur leur validité, la cour d'appel, qui s'est déterminée par des motifs impropres à caractériser une anomalie apparente, a violé l'article 1147, devenu 1231-1, du code civil ;
3°/ que le devoir de vigilance du banquier lui impose seulement de déceler les anomalies apparentes de l'opération de paiement qu'il lui est demandé d'exécuter ; que la banque n'a pas à tenir la liste des bénéficiaires habituels des ordres de paiement de ses clients ; qu'en retenant toutefois que, parce qu'ils étaient "établis au bénéfice de deux sociétés ne faisant pas partie des relations d'affaires de la société Le Cerf et Bachelet et situées dans un espace géographique avec lequel la société Le Cerf et Bachelet n'avait pas pour habitude de travailler", les ordres de virement litigieux auraient dû amener la banque à surseoir à leur exécution et à se renseigner sur leur validité, la cour d'appel, qui s'est déterminée par des motifs impropres à caractériser une anomalie apparente, a violé l'article 1147, devenu 1231-1, du code civil ;
Réponse de la Cour
5. Après avoir constaté que la société établissait n'avoir effectué presqu'aucun virement supérieur à 100 000 euros et ne pas effectuer de virements vers des sociétés situées en Chine, l'arrêt retient que les ordres de virement litigieux, par leur caractère rapproché et répété, par la période de l'année à laquelle ils intervenaient, leurs montants élevés par rapport aux ordres habituellement donnés et par le fait qu'ils étaient établis au bénéfice de sociétés ne faisant pas partie des relations d'affaires de la société et situées en dehors de l'espace habituel de son activité, auraient dû conduire la banque à se renseigner sur leur validité directement auprès du dirigeant supposé.
6. En l'état de ces constatations et appréciations, faisant ressortir l'existence d'anomalies apparentes affectant les ordres de paiement, la cour d'appel a exactement retenu que la banque était tenue d'alerter la société afin d'obtenir la confirmation des ordres litigieux en exécution de son obligation de vigilance.
7. Le moyen n'est pas fondé.
Sur le troisième moyen, pris en ses première et deuxième branches
Enoncé du moyen
8. La banque fait grief à la décision attaquée de la condamner à payer à la société la somme de 1 060 951,90 euros en réparation de son préjudice alors :
« 1°/ qu'en présence d'une anomalie apparente, le devoir de vigilance n'impose au banquier que de vérifier si l'anomalie n'est qu'apparente, ou au contraire, si elle est réelle ; que la banque n'a pas, dans un tel cas, à obtenir un nouvel ordre de paiement ; qu'en retenant que les ordres de virement litigieux auraient dû amener la banque à surseoir à leur exécution et à se renseigner sur leur validité "directement auprès du signataire" eu égard au caractère douteux de ces opérations révélant une possible "fraude au président" dont le mécanisme est bien connu des banques, que la banque s'était "contentée d'appeler Mme [Y]" ce qui "ne pouvait être suffisant", celle-ci n'étant "pas la détentrice du pouvoir de valider les virements", et qu'il appartenait à la banque, dans cette situation, "de contacter non simplement la comptable de la société mais bien son dirigeant, quand bien même une telle vérification n'était pas contractuellement prévue ", la cour d'appel a violé l'article 1147, devenu 1231-1, du code civil ;
2°/ qu'en présence d'une anomalie apparente, le devoir de vigilance n'impose au banquier que de vérifier si l'anomalie n'est qu'apparente, ou au contraire, si elle est réelle ; que la cour d'appel a constaté que les ordres de virements litigieux avaient été validés à l'aide de la carte Safetrans de M. [E], président de la société, ce dont il s'évince qu'ayant reçu des ordres de virement validés par le dispositif de sécurité personnalisé du président de la société, la banque ne pouvait soupçonner une "fraude au président" laquelle implique, par essence, que l'ordre de paiement soit donné par un préposé de la société ; qu'en retenant, au contraire, que les ordres de virement litigieux auraient dû amener la banque à surseoir à leur exécution et à se renseigner sur leur validité "directement auprès du signataire eu égard au caractère douteux de ces opérations révélant une possible « fraude au président » dont le mécanisme est bien connu des banques", que la banque s'était contentée d'appeler Mme [Y] ce qui ne pouvait être suffisant, celle-ci n'étant pas la détentrice du pouvoir de valider les virements, et qu'il appartenait à la banque, dans cette situation, de contacter non simplement la comptable de la société mais bien son dirigeant, quand bien même une telle vérification n'était pas contractuellement prévue, la cour d'appel, qui n'a pas tiré les conséquences de ses constatations, a violé l'article 1147, devenu 1231-1, du code civil ;
Réponse de la Cour
9. L'arrêt, ayant retenu l'existence de circonstances inhabituelles entourant les virements litigieux laissant suspecter une possible « fraude au président », en a exactement déduit, sans exiger l'obtention d'un nouvel ordre de paiement, que la banque aurait dû vérifier la régularité des ordres de virement auprès du dirigeant, seule personne contractuellement habilitée à les valider.
10. Le moyen, qui manque en fait en sa première branche, n'est pas fondé pour le surplus.
PAR CES MOTIFS, la Cour :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne la société Banque CIC Nord-Ouest aux dépens ;
En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par la société Banque CIC Nord-Ouest et la condamne à payer à la société Le Cerf et Bachelet la somme de 3 000 euros ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du deux octobre deux mille vingt-quatre.ECLI:FR:CCASS:2024:CO00526
COMM.
SH
COUR DE CASSATION
______________________
Audience publique du 2 octobre 2024
Rejet
M. VIGNEAU, président
Arrêt n° 526 F-B
Pourvoi n° N 23-13.282
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
_________________________
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________
ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, FINANCIÈRE ET ÉCONOMIQUE, DU 2 OCTOBRE 2024
La société Banque CIC Nord-Ouest, société anonyme, dont le siège est [Adresse 1], a formé le pourvoi n° N 23-13.282 contre l'arrêt rendu le 12 janvier 2023 par la cour d'appel de Douai (chambre 2, section 1), dans le litige l'opposant à la société Le Cerf et Bachelet, société par actions simplifiée, dont le siège est [Adresse 2], défenderesse à la cassation.
La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, quatre moyens de cassation.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de M. Calloch, conseiller, les observations de la SCP Boucard-Maman, avocat de la société Banque CIC Nord-Ouest, de la SCP Piwnica et Molinié, avocat de la société Le Cerf et Bachelet, et l'avis de M. de Monteynard, avocat général, après débats en l'audience publique du 2 juillet 2024 où étaient présents M. Vigneau, président, M. Calloch, conseiller rapporteur, Mme Vaissette, conseiller doyen, et Mme Maréville, greffier de chambre,
la chambre commerciale, financière et économique de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt ;
Faits et procédure
1. Selon l'arrêt attaqué (Douai, 12 janvier 2023), entre le 11 et le 22 décembre 2017, la comptable de la société Le Cerf et Bachelet (la société) a adressé à la société banque CIC Nord-Ouest (la banque) sept ordres de virement d'un montant total de 2 121 903,81 euros au profit du compte d'une société située à Hong-Kong.
2. Le 17 novembre 2020, affirmant que sa salariée avait agi en exécution de courriels adressés par un tiers usurpant l'identité de son dirigeant, la société a assigné la banque pour obtenir la restitution des sommes versées.
Examen des moyens
Sur le premier moyen, le deuxième moyen pris en ses quatrième et cinquième branches, le troisième moyen pris en sa troisième branche et le quatrième moyen
3. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ces griefs qui ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation.
Sur le deuxième moyen pris en ses trois premières branches
Enoncé du moyen
4. La banque fait grief à la décision attaquée de la condamner à payer à la société la somme de 1 060 951,90 euros en réparation de son préjudice alors :
« 1°/ que le banquier est tenu d'une obligation de non-ingérence dans les affaires de son client ; que le devoir de vigilance lui impose seulement de déceler les anomalies apparentes de l'opération de paiement qu'il lui est demandé d'exécuter, ce qui implique qu'il se borne à un contrôle prima facie et non à une étude approfondie des habitudes du compte de son client ; que la cour d'appel a toutefois considéré que la société démontrait, en produisant ses relevés de compte entre janvier 2014 et novembre 2017 "ainsi que des tableaux analytiques qu'elle a réalisés des virements qu'elle effectuait " qu'en dehors des virements adressés à la société Dubocage, sa société-mère, elle n'effectuait "quasiment aucun virement supérieur à 100 000 euros", et qu'elle n'effectuait pas de virements vers des sociétés basées en Chine, et que les ordres de virement litigieux, "par leur caractère rapproché et répété, la période de l'année au cours de laquelle ils intervenaient, leurs montants élevés par rapport aux ordres habituellement donnés et le fait qu'ils étaient établis au bénéfice de deux sociétés ne faisant pas partie des relations d'affaires de la société Le Cerf et Bachelet et situées dans un espace géographique avec lequel la société Le Cerf et Bachelet n'avait pas pour habitude de travailler" auraient dû amener la banque à surseoir à leur exécution et à se renseigner sur leur validité ; qu'en statuant ainsi, par des énonciations impliquant une analyse approfondie des habitudes du compte de la société, la cour d'appel, qui s'est déterminée par des motifs impropres à caractériser une anomalie apparente, a violé l'article 1147, devenu 1231-1, du code civil ;
2°/ que le banquier est tenu d'une obligation de non-ingérence dans les affaires de son client ; que l'importance des opérations antérieurement inscrites au débit du compte ne doivent pas conduire la banque à s'interroger sur des ordres de virement d'un montant plus élevé, en s'immisçant de la sorte dans les affaires de son client ; qu'en retenant que la société démontrait, en produisant ses relevés de compte entre janvier 2014 et novembre 2017 ainsi que des tableaux analytiques qu'elle a réalisés des virements qu'elle effectuait qu'en dehors des virements adressés à la société Dubocage, sa société-mère, elle n'effectuait "quasiment aucun virement supérieur à 100 000 euros", de sorte que les ordres de virement litigieux, par "leurs montants élevés par rapport aux ordres habituellement donnés" auraient dû amener la banque à surseoir à leur exécution et à se renseigner sur leur validité, la cour d'appel, qui s'est déterminée par des motifs impropres à caractériser une anomalie apparente, a violé l'article 1147, devenu 1231-1, du code civil ;
3°/ que le devoir de vigilance du banquier lui impose seulement de déceler les anomalies apparentes de l'opération de paiement qu'il lui est demandé d'exécuter ; que la banque n'a pas à tenir la liste des bénéficiaires habituels des ordres de paiement de ses clients ; qu'en retenant toutefois que, parce qu'ils étaient "établis au bénéfice de deux sociétés ne faisant pas partie des relations d'affaires de la société Le Cerf et Bachelet et situées dans un espace géographique avec lequel la société Le Cerf et Bachelet n'avait pas pour habitude de travailler", les ordres de virement litigieux auraient dû amener la banque à surseoir à leur exécution et à se renseigner sur leur validité, la cour d'appel, qui s'est déterminée par des motifs impropres à caractériser une anomalie apparente, a violé l'article 1147, devenu 1231-1, du code civil ;
Réponse de la Cour
5. Après avoir constaté que la société établissait n'avoir effectué presqu'aucun virement supérieur à 100 000 euros et ne pas effectuer de virements vers des sociétés situées en Chine, l'arrêt retient que les ordres de virement litigieux, par leur caractère rapproché et répété, par la période de l'année à laquelle ils intervenaient, leurs montants élevés par rapport aux ordres habituellement donnés et par le fait qu'ils étaient établis au bénéfice de sociétés ne faisant pas partie des relations d'affaires de la société et situées en dehors de l'espace habituel de son activité, auraient dû conduire la banque à se renseigner sur leur validité directement auprès du dirigeant supposé.
6. En l'état de ces constatations et appréciations, faisant ressortir l'existence d'anomalies apparentes affectant les ordres de paiement, la cour d'appel a exactement retenu que la banque était tenue d'alerter la société afin d'obtenir la confirmation des ordres litigieux en exécution de son obligation de vigilance.
7. Le moyen n'est pas fondé.
Sur le troisième moyen, pris en ses première et deuxième branches
Enoncé du moyen
8. La banque fait grief à la décision attaquée de la condamner à payer à la société la somme de 1 060 951,90 euros en réparation de son préjudice alors :
« 1°/ qu'en présence d'une anomalie apparente, le devoir de vigilance n'impose au banquier que de vérifier si l'anomalie n'est qu'apparente, ou au contraire, si elle est réelle ; que la banque n'a pas, dans un tel cas, à obtenir un nouvel ordre de paiement ; qu'en retenant que les ordres de virement litigieux auraient dû amener la banque à surseoir à leur exécution et à se renseigner sur leur validité "directement auprès du signataire" eu égard au caractère douteux de ces opérations révélant une possible "fraude au président" dont le mécanisme est bien connu des banques, que la banque s'était "contentée d'appeler Mme [Y]" ce qui "ne pouvait être suffisant", celle-ci n'étant "pas la détentrice du pouvoir de valider les virements", et qu'il appartenait à la banque, dans cette situation, "de contacter non simplement la comptable de la société mais bien son dirigeant, quand bien même une telle vérification n'était pas contractuellement prévue ", la cour d'appel a violé l'article 1147, devenu 1231-1, du code civil ;
2°/ qu'en présence d'une anomalie apparente, le devoir de vigilance n'impose au banquier que de vérifier si l'anomalie n'est qu'apparente, ou au contraire, si elle est réelle ; que la cour d'appel a constaté que les ordres de virements litigieux avaient été validés à l'aide de la carte Safetrans de M. [E], président de la société, ce dont il s'évince qu'ayant reçu des ordres de virement validés par le dispositif de sécurité personnalisé du président de la société, la banque ne pouvait soupçonner une "fraude au président" laquelle implique, par essence, que l'ordre de paiement soit donné par un préposé de la société ; qu'en retenant, au contraire, que les ordres de virement litigieux auraient dû amener la banque à surseoir à leur exécution et à se renseigner sur leur validité "directement auprès du signataire eu égard au caractère douteux de ces opérations révélant une possible « fraude au président » dont le mécanisme est bien connu des banques", que la banque s'était contentée d'appeler Mme [Y] ce qui ne pouvait être suffisant, celle-ci n'étant pas la détentrice du pouvoir de valider les virements, et qu'il appartenait à la banque, dans cette situation, de contacter non simplement la comptable de la société mais bien son dirigeant, quand bien même une telle vérification n'était pas contractuellement prévue, la cour d'appel, qui n'a pas tiré les conséquences de ses constatations, a violé l'article 1147, devenu 1231-1, du code civil ;
Réponse de la Cour
9. L'arrêt, ayant retenu l'existence de circonstances inhabituelles entourant les virements litigieux laissant suspecter une possible « fraude au président », en a exactement déduit, sans exiger l'obtention d'un nouvel ordre de paiement, que la banque aurait dû vérifier la régularité des ordres de virement auprès du dirigeant, seule personne contractuellement habilitée à les valider.
10. Le moyen, qui manque en fait en sa première branche, n'est pas fondé pour le surplus.
PAR CES MOTIFS, la Cour :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne la société Banque CIC Nord-Ouest aux dépens ;
En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par la société Banque CIC Nord-Ouest et la condamne à payer à la société Le Cerf et Bachelet la somme de 3 000 euros ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du deux octobre deux mille vingt-quatre.