Cour de cassation, civile, Chambre sociale, 25 septembre 2024, 23-13.992, Publié au bulletin
Cour de cassation, civile, Chambre sociale, 25 septembre 2024, 23-13.992, Publié au bulletin
Cour de cassation - Chambre sociale
- N° de pourvoi : 23-13.992
- ECLI:FR:CCASS:2024:SO00951
- Publié au bulletin
- Solution : Rejet
Audience publique du mercredi 25 septembre 2024
Décision attaquée : Cour d'appel de Lyon, du 25 janvier 2023- Président
- M. Sommer
Texte intégral
RÉPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
SOC.
CL6
COUR DE CASSATION
______________________
Audience publique du 25 septembre 2024
Rejet
M. SOMMER, président
Arrêt n° 951 FS-B
Pourvoi n° J 23-13.992
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
_________________________
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________
ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 25 SEPTEMBRE 2024
Mme [C] [O], épouse [D], domiciliée [Adresse 1], a formé le pourvoi n° J 23-13.992 contre l'arrêt rendu le 25 janvier 2023 par la cour d'appel de Lyon (chambre sociale A), dans le litige l'opposant à la société Verre équipements, société par actions simplifiée, dont le siège est [Adresse 2], venant aux droits de la société VS Technologies, défenderesse à la cassation.
La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, un moyen de cassation.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de Mme Maitral, conseiller référendaire, les observations de la SCP Krivine et Viaud, avocat de Mme [O], de la SCP Doumic-Seiller, avocat de la société Verre équipements, et l'avis de Mme Grivel, avocat général, après débats en l'audience publique du 9 juillet 2024 où étaient présents M. Sommer, président, Mme Maitral, conseiller référendaire rapporteur, Mme Mariette, conseiller doyen, MM. Pietton, Barincou, Seguy, Mmes Douxami, Brinet, conseillers, Mme Prieur, MM. Carillon, Redon, conseillers référendaires, Mme Grivel, avocat général, et Mme Pontonnier, greffier de chambre,
la chambre sociale de la Cour de cassation, composée, en application de l'article R. 431-5 du code de l'organisation judiciaire, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt ;
Faits et procédure
1. Selon l'arrêt attaqué (Lyon, 25 janvier 2023), Mme [O], engagée en qualité d'assistante technique le 1er novembre 1980 par la société VS technologies, aux droits de laquelle se trouve la société Verre équipements, occupait en dernier lieu les fonctions d'assistante commerciale.
2. Licenciée pour faute grave le 27 septembre 2017, la salariée a saisi la juridiction prud'homale notamment de demandes au titre de l'exécution et de la rupture du contrat de travail.
Examen du moyen
Sur le moyen, pris en sa première branche
3. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ce grief qui n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation.
Sur le moyen, pris en ses deuxième et troisième branches
Enoncé du moyen
4. La salariée fait grief à l'arrêt de dire son licenciement fondé sur une faute grave et de la débouter de ses demandes de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, d'indemnité de licenciement, d'indemnité compensatrice de préavis, outre les congés payés afférents, et de rappel de salaire sur mise à pied conservatoire, outre les congés payés afférents, alors :
« 2°/ qu'une clé USB n'est présumée utilisée à des fins professionnelles, de sorte que l'employeur peut avoir accès aux fichiers non identifiés comme personnels qu'elle contient, y compris hors la présence du salarié, qu'à la condition qu'elle soit connectée à un outil informatique mis à la disposition du salarié par l'employeur pour l'exécution du contrat de travail ; qu'en l'espèce, l'employeur, qui soutenait de manière vague que les clés USB litigieuses se trouvaient, lorsqu'il s'en est emparé, "dans le bureau de [la salariée]", puis "sur son bureau de travail", n'alléguait pas que ces clés étaient, au moment de leur découverte, connectées à l'ordinateur professionnel de la salariée ou à un ordinateur de l'entreprise ; qu'en rejetant dès lors le moyen de la salariée tiré du caractère illicite de la preuve servant de fondement au licenciement, motifs pris de ce que "les cinq clefs qui se trouvaient dans le bureau de la salariée ne pouvaient en elles-mêmes être identifiées comme étant des clefs personnelles", sans constater que lesdites clés USB étaient connectées à un ordinateur de l'entreprise lors de leur découverte par l'employeur et de son entrée en possession, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles 9 du code civil et 9 du code de procédure civile, ensemble les articles L. 1121-1, L. 1234-1, L. 1234-5 et L. 1234-9 du code du travail (ce dernier dans sa rédaction issue de l'ordonnance n° 2017-1387 du 22 septembre 2017) ;
3°/ que pour rejeter le moyen de [la salariée] tiré du caractère illicite de la preuve servant de fondement au licenciement, la cour d'appel a relevé que "les clefs USB litigieuses ont été connectées par la salariée aux ordinateurs appartenant à son employeur pour y copier des fichiers professionnels de l'entreprise, comme elle l'a indiqué elle-même aux services de police" et que, "s'agissant de supports amovibles, ces clefs ont donc été intégrées à divers moments au matériel informatique de l'employeur, y compris à d'autres ordinateurs que celui mis à la disposition personnelle de la salariée" ; qu'en se déterminant ainsi, par des motifs inopérants tirés de la circonstance que lesdites clés USB avaient, par le passé, été connectées à plusieurs reprises au matériel informatique appartenant à l'employeur, la cour d'appel a encore privé sa décision de base légale au regard des articles 9 du code civil et 9 du code de procédure civile, ensemble les articles L. 1121-1, L. 1234-1, L. 1234-5 et L. 1234-9 du code du travail (ce dernier dans sa rédaction issue de l'ordonnance n° 2017-1387 du 22 septembre 2017). »
Réponse de la Cour
5. Il résulte de l'article L. 1121-1 du code du travail que l'accès par l'employeur, hors la présence du salarié, aux fichiers contenus dans des clés USB personnelles, qui ne sont pas connectées à l'ordinateur professionnel, constitue une atteinte à la vie privée du salarié.
6. Il résulte des articles 6 civil et 9 du code de procédure civile, que dans un procès civil, l'illicéité ou la déloyauté dans l'obtention ou la production d'un moyen de preuve ne conduit pas nécessairement à l'écarter des débats. Le juge doit, lorsque cela lui est demandé, apprécier si une telle preuve porte une atteinte au caractère équitable de la procédure dans son ensemble, en mettant en balance le droit à la preuve et les droits antinomiques en présence, le droit à la preuve pouvant justifier la production d'éléments portant atteinte à d'autres droits à condition que cette production soit indispensable à son exercice et que l'atteinte soit strictement proportionnée au but poursuivi.
7. La cour d'appel, après avoir relevé que l'employeur faisait valoir qu'il avait agi de manière proportionnée afin d'exercer son droit à la preuve, dans le seul but de préserver la confidentialité de ses affaires, a d'abord constaté, par motifs propres et adoptés, que celui-ci démontrait qu'il existait des raisons concrètes qui justifiaient le contrôle effectué sur les clés USB, au regard du comportement de la salariée qui, selon le témoignage de deux de ses collègues, avait, courant juin et juillet 2017, travaillé sur le poste informatique d'une collègue absente et imprimé de nombreux documents qu'elle avait ensuite rangés dans un sac plastique placé soit au pied de son bureau soit dans une armoire métallique fermée.
8. Elle a, ensuite, relevé que pour établir le grief imputé à la salariée, l'employeur s'était borné à produire les données strictement professionnelles reproduites dans une clé unique (Verbatim 64 GB) après le tri opéré par l'expert qu'il avait mandaté à cet effet, en présence d'un huissier de justice, les fichiers à caractère personnel n'ayant pas été ouverts par l'expert et ayant été supprimés de la copie transmise à l'employeur, selon procès-verbal de constat en date du 11 septembre 2017.
9. De ces constatations et énonciations, dont il ressortait que la production du listing de fichiers tiré de l'exploitation des clés USB était indispensable à l'exercice du droit à la preuve de l'employeur et que l'atteinte à la vie privée de la salariée était strictement proportionnée au but poursuivi, la cour d'appel, qui a déduit, abstraction faite des motifs critiqués par le moyen mais qui sont surabondants, que les pièces relatives au contenu des clés USB litigieuses étaient recevables, a légalement justifié sa décision.
Sur le moyen, pris en ses quatrième et cinquième branches
Enoncé du moyen
10. La salariée fait le même grief à l'arrêt, alors :
« 4°/ que la violation de l'obligation de discrétion n'est caractérisée qu'en l'état de la divulgation à un tiers ou à une personne non autorisée par l'employeur d'informations concernant l'entreprise ; qu'en l'espèce, pour retenir la faute grave, la cour d'appel, se bornant à adopter les motifs des premiers juges, a retenu qu'elle "avait copié, de sa propre initiative, sur des clés USB, de nombreux fichiers, notamment en lien avec le processus de fabrication, qu'elle avait l'intention d'emporter avec elle dans son sac" et que "le transfert par la salariée, soumise à une clause relative à une obligation de discrétion, d'informations relatives à la fabrication de produits sur des clés USB lui appartenant, sans justification professionnelle, rendait impossible le maintien de celle-ci dans l'entreprise et constitue une faute grave, peu important l'ancienneté (27 ans) de l'intéressée" ; qu'en statuant ainsi, quand la seule sauvegarde de fichiers appartenant à l'entreprise sur des clés USB, dont il n'est pas établi qu'ils avaient été divulgués à des tiers ou avaient vocation à l'être, ne constituait pas, à elle seule, un manquement de la salariée, qui justifiait d'une ancienneté de 37 années, à son obligation de discrétion rendant impossible son maintien dans l'entreprise, la cour d'appel a violé les articles L. 1234-1, L. 1234-5 et L. 1234-9 du code du travail (ce dernier dans sa rédaction issue de l'ordonnance n° 2017-1387 du 22 septembre 2017) ;
5°/ que l'impression ou la copie de documents dont il n'est pas établi qu'ils appartiendraient à l'entreprise ou revêtiraient un caractère confidentiel n'est pas fautive ; qu'en l'espèce, en retenant à l'appui de la faute grave, par motifs adoptés que « dans une attestation du 6 septembre 2017, M. [P], responsable logistique et machines spéciales dans la société, indique que ''le vendredi 28 juillet 2017, le matin, alors qu'elle était seule dans son bureau'', la salariée ''a travaillé sur le poste informatique de sa collègue absente, Mme [J] et a imprimé plusieurs documents papier divers'' et que ''Mme [J] et M. [P] rapportent chacun dans leur attestation avoir vu, au cours des mois de juin et juillet 2017, la salariée imprimer ou copier de nombreux documents papier qu'elle rangeait ensuite dans un grand sac plastique placé, soit au pied de son bureau, soit dans une armoire métallique fermée'' », sans constater que les documents imprimés ou copiés par la salariée appartenaient à l'entreprise ou présentaient un caractère confidentiel pour celle-ci, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 1234-1, L. 1234-5 et L. 1234-9 du code du travail (ce dernier dans sa rédaction issue de l'ordonnance n° 2017-1387 du 22 septembre 2017). »
Réponse de la Cour
11. La cour d'appel, après avoir constaté, par motifs propres et adoptés, que la lettre de licenciement reprochait à la salariée de s'être connectée sur l'ordinateur de la dirigeante de l'entreprise et celui de sa collègue sans autorisation et d'avoir récupéré des données particulièrement sensibles auxquelles elle n'était pas censée avoir accès, faisant prendre un risque majeur à l'entreprise de voir ces données « se retrouver dans la nature » sur des clés USB non sécurisées, anéantissant ainsi tous les efforts consentis par l'employeur pour protéger ses données, a relevé que l'intéressée, bien qu'elle ne fût pas en charge de la fabrication de produits, avait copié de sa propre initiative sur des clés USB lui appartenant, de nombreux fichiers en lien avec le processus de fabrication qu'elle avait l'intention d'emporter avec elle.
12. En l'état de ces constatations, la cour d'appel a pu en déduire, sans avoir à procéder à une recherche inopérante, que ces faits, nonobstant l'ancienneté de la salariée, constituaient une faute grave rendant impossible son maintien dans l'entreprise.
13. Le moyen n'est donc pas fondé.
PAR CES MOTIFS, la Cour :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne Mme [O] aux dépens ;
En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-cinq septembre deux mille vingt-quatre.ECLI:FR:CCASS:2024:SO00951
SOC.
CL6
COUR DE CASSATION
______________________
Audience publique du 25 septembre 2024
Rejet
M. SOMMER, président
Arrêt n° 951 FS-B
Pourvoi n° J 23-13.992
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
_________________________
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________
ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 25 SEPTEMBRE 2024
Mme [C] [O], épouse [D], domiciliée [Adresse 1], a formé le pourvoi n° J 23-13.992 contre l'arrêt rendu le 25 janvier 2023 par la cour d'appel de Lyon (chambre sociale A), dans le litige l'opposant à la société Verre équipements, société par actions simplifiée, dont le siège est [Adresse 2], venant aux droits de la société VS Technologies, défenderesse à la cassation.
La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, un moyen de cassation.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de Mme Maitral, conseiller référendaire, les observations de la SCP Krivine et Viaud, avocat de Mme [O], de la SCP Doumic-Seiller, avocat de la société Verre équipements, et l'avis de Mme Grivel, avocat général, après débats en l'audience publique du 9 juillet 2024 où étaient présents M. Sommer, président, Mme Maitral, conseiller référendaire rapporteur, Mme Mariette, conseiller doyen, MM. Pietton, Barincou, Seguy, Mmes Douxami, Brinet, conseillers, Mme Prieur, MM. Carillon, Redon, conseillers référendaires, Mme Grivel, avocat général, et Mme Pontonnier, greffier de chambre,
la chambre sociale de la Cour de cassation, composée, en application de l'article R. 431-5 du code de l'organisation judiciaire, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt ;
Faits et procédure
1. Selon l'arrêt attaqué (Lyon, 25 janvier 2023), Mme [O], engagée en qualité d'assistante technique le 1er novembre 1980 par la société VS technologies, aux droits de laquelle se trouve la société Verre équipements, occupait en dernier lieu les fonctions d'assistante commerciale.
2. Licenciée pour faute grave le 27 septembre 2017, la salariée a saisi la juridiction prud'homale notamment de demandes au titre de l'exécution et de la rupture du contrat de travail.
Examen du moyen
Sur le moyen, pris en sa première branche
3. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ce grief qui n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation.
Sur le moyen, pris en ses deuxième et troisième branches
Enoncé du moyen
4. La salariée fait grief à l'arrêt de dire son licenciement fondé sur une faute grave et de la débouter de ses demandes de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, d'indemnité de licenciement, d'indemnité compensatrice de préavis, outre les congés payés afférents, et de rappel de salaire sur mise à pied conservatoire, outre les congés payés afférents, alors :
« 2°/ qu'une clé USB n'est présumée utilisée à des fins professionnelles, de sorte que l'employeur peut avoir accès aux fichiers non identifiés comme personnels qu'elle contient, y compris hors la présence du salarié, qu'à la condition qu'elle soit connectée à un outil informatique mis à la disposition du salarié par l'employeur pour l'exécution du contrat de travail ; qu'en l'espèce, l'employeur, qui soutenait de manière vague que les clés USB litigieuses se trouvaient, lorsqu'il s'en est emparé, "dans le bureau de [la salariée]", puis "sur son bureau de travail", n'alléguait pas que ces clés étaient, au moment de leur découverte, connectées à l'ordinateur professionnel de la salariée ou à un ordinateur de l'entreprise ; qu'en rejetant dès lors le moyen de la salariée tiré du caractère illicite de la preuve servant de fondement au licenciement, motifs pris de ce que "les cinq clefs qui se trouvaient dans le bureau de la salariée ne pouvaient en elles-mêmes être identifiées comme étant des clefs personnelles", sans constater que lesdites clés USB étaient connectées à un ordinateur de l'entreprise lors de leur découverte par l'employeur et de son entrée en possession, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles 9 du code civil et 9 du code de procédure civile, ensemble les articles L. 1121-1, L. 1234-1, L. 1234-5 et L. 1234-9 du code du travail (ce dernier dans sa rédaction issue de l'ordonnance n° 2017-1387 du 22 septembre 2017) ;
3°/ que pour rejeter le moyen de [la salariée] tiré du caractère illicite de la preuve servant de fondement au licenciement, la cour d'appel a relevé que "les clefs USB litigieuses ont été connectées par la salariée aux ordinateurs appartenant à son employeur pour y copier des fichiers professionnels de l'entreprise, comme elle l'a indiqué elle-même aux services de police" et que, "s'agissant de supports amovibles, ces clefs ont donc été intégrées à divers moments au matériel informatique de l'employeur, y compris à d'autres ordinateurs que celui mis à la disposition personnelle de la salariée" ; qu'en se déterminant ainsi, par des motifs inopérants tirés de la circonstance que lesdites clés USB avaient, par le passé, été connectées à plusieurs reprises au matériel informatique appartenant à l'employeur, la cour d'appel a encore privé sa décision de base légale au regard des articles 9 du code civil et 9 du code de procédure civile, ensemble les articles L. 1121-1, L. 1234-1, L. 1234-5 et L. 1234-9 du code du travail (ce dernier dans sa rédaction issue de l'ordonnance n° 2017-1387 du 22 septembre 2017). »
Réponse de la Cour
5. Il résulte de l'article L. 1121-1 du code du travail que l'accès par l'employeur, hors la présence du salarié, aux fichiers contenus dans des clés USB personnelles, qui ne sont pas connectées à l'ordinateur professionnel, constitue une atteinte à la vie privée du salarié.
6. Il résulte des articles 6 civil et 9 du code de procédure civile, que dans un procès civil, l'illicéité ou la déloyauté dans l'obtention ou la production d'un moyen de preuve ne conduit pas nécessairement à l'écarter des débats. Le juge doit, lorsque cela lui est demandé, apprécier si une telle preuve porte une atteinte au caractère équitable de la procédure dans son ensemble, en mettant en balance le droit à la preuve et les droits antinomiques en présence, le droit à la preuve pouvant justifier la production d'éléments portant atteinte à d'autres droits à condition que cette production soit indispensable à son exercice et que l'atteinte soit strictement proportionnée au but poursuivi.
7. La cour d'appel, après avoir relevé que l'employeur faisait valoir qu'il avait agi de manière proportionnée afin d'exercer son droit à la preuve, dans le seul but de préserver la confidentialité de ses affaires, a d'abord constaté, par motifs propres et adoptés, que celui-ci démontrait qu'il existait des raisons concrètes qui justifiaient le contrôle effectué sur les clés USB, au regard du comportement de la salariée qui, selon le témoignage de deux de ses collègues, avait, courant juin et juillet 2017, travaillé sur le poste informatique d'une collègue absente et imprimé de nombreux documents qu'elle avait ensuite rangés dans un sac plastique placé soit au pied de son bureau soit dans une armoire métallique fermée.
8. Elle a, ensuite, relevé que pour établir le grief imputé à la salariée, l'employeur s'était borné à produire les données strictement professionnelles reproduites dans une clé unique (Verbatim 64 GB) après le tri opéré par l'expert qu'il avait mandaté à cet effet, en présence d'un huissier de justice, les fichiers à caractère personnel n'ayant pas été ouverts par l'expert et ayant été supprimés de la copie transmise à l'employeur, selon procès-verbal de constat en date du 11 septembre 2017.
9. De ces constatations et énonciations, dont il ressortait que la production du listing de fichiers tiré de l'exploitation des clés USB était indispensable à l'exercice du droit à la preuve de l'employeur et que l'atteinte à la vie privée de la salariée était strictement proportionnée au but poursuivi, la cour d'appel, qui a déduit, abstraction faite des motifs critiqués par le moyen mais qui sont surabondants, que les pièces relatives au contenu des clés USB litigieuses étaient recevables, a légalement justifié sa décision.
Sur le moyen, pris en ses quatrième et cinquième branches
Enoncé du moyen
10. La salariée fait le même grief à l'arrêt, alors :
« 4°/ que la violation de l'obligation de discrétion n'est caractérisée qu'en l'état de la divulgation à un tiers ou à une personne non autorisée par l'employeur d'informations concernant l'entreprise ; qu'en l'espèce, pour retenir la faute grave, la cour d'appel, se bornant à adopter les motifs des premiers juges, a retenu qu'elle "avait copié, de sa propre initiative, sur des clés USB, de nombreux fichiers, notamment en lien avec le processus de fabrication, qu'elle avait l'intention d'emporter avec elle dans son sac" et que "le transfert par la salariée, soumise à une clause relative à une obligation de discrétion, d'informations relatives à la fabrication de produits sur des clés USB lui appartenant, sans justification professionnelle, rendait impossible le maintien de celle-ci dans l'entreprise et constitue une faute grave, peu important l'ancienneté (27 ans) de l'intéressée" ; qu'en statuant ainsi, quand la seule sauvegarde de fichiers appartenant à l'entreprise sur des clés USB, dont il n'est pas établi qu'ils avaient été divulgués à des tiers ou avaient vocation à l'être, ne constituait pas, à elle seule, un manquement de la salariée, qui justifiait d'une ancienneté de 37 années, à son obligation de discrétion rendant impossible son maintien dans l'entreprise, la cour d'appel a violé les articles L. 1234-1, L. 1234-5 et L. 1234-9 du code du travail (ce dernier dans sa rédaction issue de l'ordonnance n° 2017-1387 du 22 septembre 2017) ;
5°/ que l'impression ou la copie de documents dont il n'est pas établi qu'ils appartiendraient à l'entreprise ou revêtiraient un caractère confidentiel n'est pas fautive ; qu'en l'espèce, en retenant à l'appui de la faute grave, par motifs adoptés que « dans une attestation du 6 septembre 2017, M. [P], responsable logistique et machines spéciales dans la société, indique que ''le vendredi 28 juillet 2017, le matin, alors qu'elle était seule dans son bureau'', la salariée ''a travaillé sur le poste informatique de sa collègue absente, Mme [J] et a imprimé plusieurs documents papier divers'' et que ''Mme [J] et M. [P] rapportent chacun dans leur attestation avoir vu, au cours des mois de juin et juillet 2017, la salariée imprimer ou copier de nombreux documents papier qu'elle rangeait ensuite dans un grand sac plastique placé, soit au pied de son bureau, soit dans une armoire métallique fermée'' », sans constater que les documents imprimés ou copiés par la salariée appartenaient à l'entreprise ou présentaient un caractère confidentiel pour celle-ci, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 1234-1, L. 1234-5 et L. 1234-9 du code du travail (ce dernier dans sa rédaction issue de l'ordonnance n° 2017-1387 du 22 septembre 2017). »
Réponse de la Cour
11. La cour d'appel, après avoir constaté, par motifs propres et adoptés, que la lettre de licenciement reprochait à la salariée de s'être connectée sur l'ordinateur de la dirigeante de l'entreprise et celui de sa collègue sans autorisation et d'avoir récupéré des données particulièrement sensibles auxquelles elle n'était pas censée avoir accès, faisant prendre un risque majeur à l'entreprise de voir ces données « se retrouver dans la nature » sur des clés USB non sécurisées, anéantissant ainsi tous les efforts consentis par l'employeur pour protéger ses données, a relevé que l'intéressée, bien qu'elle ne fût pas en charge de la fabrication de produits, avait copié de sa propre initiative sur des clés USB lui appartenant, de nombreux fichiers en lien avec le processus de fabrication qu'elle avait l'intention d'emporter avec elle.
12. En l'état de ces constatations, la cour d'appel a pu en déduire, sans avoir à procéder à une recherche inopérante, que ces faits, nonobstant l'ancienneté de la salariée, constituaient une faute grave rendant impossible son maintien dans l'entreprise.
13. Le moyen n'est donc pas fondé.
PAR CES MOTIFS, la Cour :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne Mme [O] aux dépens ;
En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-cinq septembre deux mille vingt-quatre.