Cour de cassation, civile, Chambre sociale, 18 septembre 2024, 23-14.652, Inédit

Texte intégral

RÉPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

SOC.

CL6



COUR DE CASSATION
______________________


Audience publique du 18 septembre 2024




Rejet


Mme CAPITAINE, conseiller doyen
faisant fonction de président



Arrêt n° 895 F-D

Pourvoi n° B 23-14.652




R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________


ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 18 SEPTEMBRE 2024

La société Canon France, société par actions simplifiée, dont le siège est [Adresse 2], a formé le pourvoi n° B 23-14.652 contre l'arrêt rendu le 16 février 2023 par la cour d'appel de Paris (pôle 6, chambre 10), dans le litige l'opposant :

1°/ à Mme [N] [S], domiciliée [Adresse 3],

2°/ à Pôle emploi, dont le siège est [Adresse 1], devenu France travail,

défendeurs à la cassation.

La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, deux moyens de cassation.

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de M. Leperchey, conseiller référendaire, les observations de la SARL Matuchansky, Poupot, Valdelièvre et Rameix, avocat de la société Canon France, de la SARL Thouvenin, Coudray et Grévy, avocat de Mme [S], après débats en l'audience publique du 2 juillet 2024 où étaient présents Mme Capitaine, conseiller doyen faisant fonction de président, M. Leperchey, conseiller référendaire rapporteur, Mme Lacquemant, conseiller, et Mme Jouanneau, greffier de chambre,

la chambre sociale de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Paris, 16 février 2023), Mme [S] a été engagée en qualité d'analyste en information par la société Canon France. Elle exerçait en dernier lieu les fonctions de responsable de département « système d'information ressources humaines ».

2. Le 28 mai 2018, elle a été licenciée pour inaptitude et impossibilité de reclassement.

3. Contestant son licenciement, elle a saisi la juridiction prud'homale de demandes relatives à l'exécution et à la rupture du contrat de travail.

Examen des moyens

Sur le premier moyen

4. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ce moyen qui n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation.

Sur le second moyen

Enoncé du moyen

5. L'employeur fait grief à l'arrêt de dire le licenciement de la salariée dépourvu de cause réelle et sérieuse et de le condamner à lui payer des sommes à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, de dommages-intérêts pour manquement à l'obligation de sécurité, d'indemnité de préavis et au titre des congés payés afférents, alors :

« 1° / qu'est dépourvu de cause réelle et sérieuse le licenciement pour inaptitude lorsqu'il est démontré que l'inaptitude était consécutive à un manquement préalable de l'employeur, qui l'a provoqué ; qu'un tel lien de causalité ne peut être valablement déduit que d'éléments, non seulement réels et sérieux, mais aussi proportionnés à l'atteinte physique ou psychique que le salarié dit subir du fait de son employeur ; que la cour d'appel, pour retenir l'origine professionnelle de l'état de burn-out dont s'était plainte la salariée, a imputé à l'employeur un manquement à l'obligation de sécurité tenant à ce que ce dernier n'aurait rien entrepris pour aider la salariée à faire face à des horaires de travail journaliers supposés dépasser 11 heures ; qu'une telle affirmation était pourtant sans lien raisonnable de proportionnalité avec les constatations préalables de l'arrêt, par lesquelles il avait été relevé, d'une part, que les pièces produites par la salariée au soutien de son allégation d'amplitudes horaires de travail quotidiennes de 11 heures consistaient en cinq courriels, étalés sur une période de six mois, envoyés par l'intéressée avant 9 heures ou après 18 heures, et en une attestation d'une collègue de travail, Mme [M], déclarant que depuis mi 2016, Mme [S] arrivait de plus en plus tôt au bureau", d'autre part, que la prétention de la salariée d'obtenir paiement d'heures supplémentaires, chiffrée par celle-ci à 77 491,20 euros, outre congés payés afférents, ne devait être accueillie qu'à hauteur de 4 678,22 euros, outre congés payés afférents ; qu'en statuant comme elle a fait, la cour d'appel a violé les articles L. 1226-2, L. 1226-2-1 et L. 4121-1 du code du travail ;

2° / en tout état de cause que l'employeur avait fait valoir, d'une manière précise, que les pièces produites par la salariée au soutien de son allégation d'amplitudes horaires de travail quotidiennes de 11 heures étaient particulièrement peu nombreuses au regard de l'importance du niveau des heures supplémentaires prétendument accomplies, puisqu'il s'agissait pour l'essentiel de cinq courriels envoyés par la salariée avant 9 heures ou après 18 heures, et que ces pièces étaient du reste peu probantes, puisqu'elles se bornaient à remercier des collègues de travail ou à confirmer des informations ; qu'en ne recherchant pas, comme elle y avait ainsi été invitée, s'il n'existait pas une nette disproportion entre le volume des éléments supposés prouver le manquement de l'employeur à l'obligation de sécurité, et l'affirmation d'une imputabilité à l'employeur de l'inaptitude de la salariée, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 1226-2, L. 1226-2-1 et L. 4121-1 du code du travail ;

3° / en tout état de cause, que l'inaptitude du salarié à tout poste dans l'entreprise, avec impossibilité de reclassement, contraint l'employeur de décider un licenciement, lequel ne peut dès lors être déclaré dénué de cause réelle et sérieuse ; qu'il en va ainsi, même si l'inaptitude est en lien avec un manquement de l'employeur à son obligation de sécurité, un tel manquement, à le supposer avéré, étant tout au plus de nature à justifier une condamnation de l'employeur à dommages et intérêts sur ce fondement juridique ; qu'en se fondant néanmoins, pour en déduire la prétendue absence de cause réelle et sérieuse du licenciement de la salariée pour inaptitude avec impossibilité de reclassement, sur le fait que l'employeur aurait manqué à son obligation de sécurité en ne prenant aucune mesure destinée à alléger la charge de travail de la salariée", la cour d'appel a violé, par fausse interprétation, l'article L. 1226-2-1 du code du travail. »

Réponse de la Cour

6. Le licenciement pour inaptitude est dépourvu de cause réelle et sérieuse lorsqu'il est démontré que l'inaptitude était consécutive à un manquement préalable de l'employeur qui l'a provoquée.

7. La cour d'appel a relevé d'abord que l'employeur avait manqué à son obligation de sécurité en ne prenant aucune mesure destinée à alléger la charge de travail de la salariée, alors qu'à l'occasion de l'entretien individuel relatif au forfait jours réalisé le 22 novembre 2016 la salariée avait fait part à la directrice développement ressources humaines, représentant l'employeur, de l'importance de sa charge de travail.

8. Elle a retenu ensuite qu'une psychologue, en charge du suivi de la salariée dès le début de son arrêt de travail avait conclu que le premier arrêt en avril 2017 faisait état de troubles anxio dépressifs, à nouveau décrits par un psychiatre en mars 2018, et qu'ainsi les conditions de travail avaient porté atteinte à l'intégrité physique de la salariée et entraîné une dégradation de son état de santé en lien direct avec sa déclaration d'inaptitude.

9. La cour d'appel en a exactement déduit, sans être tenue de procéder à la recherche invoquée par la deuxième branche du moyen, que le licenciement pour inaptitude se trouvait dépourvu de cause réelle et sérieuse.

10. Le moyen n'est donc pas fondé.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

REJETTE le pourvoi ;

Condamne la société Canon France aux dépens ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par la société Canon France et la condamne à payer à Mme [S] la somme de 3 000 euros ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du dix-huit septembre deux mille vingt-quatre.ECLI:FR:CCASS:2024:SO00895
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