Cour de cassation, civile, Chambre civile 2, 5 septembre 2024, 22-18.293, Publié au bulletin
Cour de cassation, civile, Chambre civile 2, 5 septembre 2024, 22-18.293, Publié au bulletin
Cour de cassation - Chambre civile 2
- N° de pourvoi : 22-18.293
- ECLI:FR:CCASS:2024:C200728
- Publié au bulletin
- Solution : Cassation partielle
Audience publique du jeudi 05 septembre 2024
Décision attaquée : Cour d'appel d'Amiens, du 12 mai 2022- Président
- Mme Martinel
Texte intégral
RÉPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
CIV. 2
LM
COUR DE CASSATION
______________________
Audience publique du 5 septembre 2024
Cassation partielle
Mme MARTINEL, président
Arrêt n° 728 F-B
Pourvoi n° P 22-18.293
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
_________________________
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________
ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 5 SEPTEMBRE 2024
La société [3], société par actions simplifiée, dont le siège est [Adresse 2], a formé le pourvoi n° 22-18.293 contre l'arrêt rendu le 12 mai 2022 par la cour d'appel d'Amiens (2e protection sociale), dans le litige l'opposant à l'union de recouvrement des cotisations de sécurité sociale et d'allocations familiales (URSSAF) du Nord-Pas-de-Calais, dont le siège est [Adresse 1], défenderesse à la cassation.
La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, deux moyens de cassation.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de M. Labaune, conseiller référendaire, les observations de la SCP Piwnica et Molinié, avocat de la société [3], de la SCP Gatineau, Fattaccini et Rebeyrol, avocat de l'URSSAF du Nord-Pas-de-Calais, après débats en l'audience publique du 11 juin 2024 où étaient présents Mme Martinel, président, M. Labaune, conseiller référendaire rapporteur, Mme Renault-Malignac, conseiller doyen, et Mme Gratian, greffier de chambre,
la deuxième chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt ;
Faits et procédure
1. Selon l'arrêt attaqué (Amiens, 12 mai 2022), la société [3] (la société cotisante) a fait l'objet d'un contrôle de l'union de recouvrement des cotisations de sécurité sociale et d'allocations familiales du Nord-Pas-de-Calais (l'URSSAF) portant sur les années 2012 à 2014, qui a donné lieu à l'envoi d'une lettre d'observations du 30 septembre 2015, retenant divers chefs de redressement, puis d'une mise en demeure du 2 novembre 2015.
2. La société cotisante a saisi d'un recours une juridiction chargée du contentieux de la sécurité sociale.
Examen des moyens
Sur le second moyen, pris en ses deuxième et troisième branches
3. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ces griefs qui ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation.
Sur le second moyen, pris en sa première branche
Enoncé du moyen
4. La société cotisante fait grief à l'arrêt de valider le chef de redressement n° 10 de la lettre d'observations relatif à la réintégration, dans l'assiette des cotisations, des avantages accordés aux salariés par attributions gratuites d'actions dans le cadre du plan dénommé SMISS au titre de l'année 2012, alors « que l'impôt sur l'avantage correspondant à la valeur à leur date d'acquisition des actions attribuées à titre gratuit, est dû au titre de l'année au cours de laquelle le bénéficiaire a cédé ses actions ; que le fait générateur de l'assujettissement aux cotisations ne peut être que la cession des actions et non leur acquisition ; que la société cotisante avait fait valoir qu'aucun redressement ne pouvait intervenir au titre de l'année 2012 dans la mesure où aucune cession n'était intervenue au cours de cette année ; qu'en décidant le contraire, la cour d'appel a violé les articles L. 242-1 du code de la sécurité sociale et 80 quaterdecies du code général des impôts. »
Réponse de la Cour
5. Selon l'article L. 242-1, alinéa 13, du code de la sécurité sociale, dans sa rédaction antérieure à la loi n° 2012-1509 du 29 décembre 2012, applicable au litige, si les attributions gratuites d'actions ne sont pas effectuées conformément aux conditions prévues par ce texte, l'employeur est tenu au paiement de la totalité des cotisations sociales, y compris pour leur part salariale.
6. Il résulte de la combinaison des articles L. 242-1, alinéa 1er, et R. 243-6 du code de la sécurité sociale, ce dernier dans sa rédaction applicable à la date d'exigibilité des cotisations litigieuses, que le versement de la rémunération constitue le fait générateur des cotisations sociales.
7. Le fait générateur des cotisations sociales afférentes à l'avantage résultant d'attributions gratuites d'actions s'entend de l'attribution définitive de ces actions à leurs bénéficiaires au terme de la période d'acquisition, de sorte que l'avantage doit être évalué à la date de cette acquisition en fonction de l'économie réalisée par le bénéficiaire.
8. L'arrêt énonce que l'avantage réalisé par le salarié et soumis à cotisations correspond à la valeur des actions à leur date d'acquisition. Il retient que l'organisme de recouvrement a procédé à juste titre à la réintégration dans l'assiette des cotisations de la valeur des actions attribuées aux salariés à l'expiration de la période d'acquisition, qui correspond à la date à laquelle ils en sont devenus propriétaires en 2012.
9. De ces constatations et énonciations, la cour d'appel a exactement déduit que le fait générateur des cotisations sociales n'était pas la cession des actions attribuées gratuitement aux salariés, mais l'attribution définitive de celles-ci au terme de la période d'acquisition.
10. Le moyen n'est, dès lors, pas fondé.
Sur le second moyen, pris en ses quatrième et cinquième branches
Enoncé du moyen
11. La société cotisante fait grief à l'arrêt de valider le chef de redressement n° 10 de la lettre d'observations relatif à la réintégration, dans l'assiette des cotisations, des avantages accordés aux salariés par attributions gratuites d'actions dans le cadre des plans dénommés KISS et PSP 2010 A FR au titre de l'année 2013, alors :
« 4°/ que s'agissant des plans non qualifiés pour l'année 2013, KISS et PSP 2010 A FR, le gain réalisé par les salariés bénéficiaires lors de la levée de leurs options non qualifiées correspond à la valeur des actions à leur date d'acquisition ; que ce complément de rémunération est soumis aux cotisations sociales ; que le gain réalisé ne peut correspondre au coût d'achat des actions par l'entreprise qui les attribue ; que la justification de la valeur d'actions peut être établie par tout moyen, les juges du fond devant tenir compte de tout élément de preuve dès lors qu'il n'est pas argué de faux ou expressément contredit par la partie à laquelle il est opposé ; qu'en considérant que l'URSSAF était bien fondée à retenir la valeur refacturée à la société fille, après avoir observé que le tableau établi par la société cotisante retraçant la valeur des actions à la date de la levée d'option et le montant du gain devant être assujetti en 2013 en application du taux de change et aboutissant à une minoration du redressement, n'était ni certifié ni signé, la cour d'appel a statué par une motivation inopérante et violé l'article L. 242-1 du code de la sécurité sociale, ensemble l'article 9 du code de procédure civile ;
5°/ que la société cotisante avait fait valoir que l'URSSAF avait modifié arbitrairement et sans aucun fondement légal, les modalités de détermination de l'avantage en nature constitué par la valeur des actions reçues gratuitement en considérant pour l'année 2013, qu'il correspondait au montant refacturé, quelle que soit la valeur des actions reçues, alors qu'elle reconnaissait paradoxalement qu'il correspondait bien à la valeur des actions reçues dans le cadre des plans qualifiés pour les années 2012, 2013 et 2014 ; qu'en ne répondant pas à ce moyen, la cour d'appel a méconnu les exigences de l'article 455 du code de procédure civile. »
Réponse de la Cour
12. L'arrêt retient que l'octroi aux salariés bénéficiaires d'une option d'achat d'actions à prix zéro s'analyse en une attribution gratuite d'actions. Il estime que le tableau retraçant la valeur des actions attribuées, établi par la société cotisante, qui n'est ni certifié ni signé, ne constitue pas un élément de preuve suffisant. Il en déduit qu'en l'absence d'élément objectif permettant de vérifier la valeur des actions à la date de leur acquisition par les bénéficiaires, l'organisme de recouvrement était fondé à retenir la valeur refacturée par la société mère des actions attribuées par la société cotisante.
13. De ces constatations et énonciations, procédant de son appréciation souveraine de la valeur et de la portée des éléments de fait et de preuve débattus devant elle, la cour d'appel, qui a répondu aux conclusions prétendument délaissées, a retenu à bon droit qu'à défaut pour la société cotisante de fournir des éléments probants de la valeur des actions à la date d'expiration de la période d'acquisition, celle-ci n'était pas fondée à contester l'évaluation du redressement effectuée par l'inspecteur du recouvrement en fonction des informations obtenues lors du contrôle.
14. Le moyen n'est, dès lors, pas fondé.
Mais sur le premier moyen
Enoncé du moyen
15. La société cotisante fait grief à l'arrêt de confirmer le chef de redressement n° 4 relatif à la réintégration, dans l'assiette des cotisations de sécurité sociale, des indemnités de rupture versées à un salarié, alors :
« 1°/ que la fraction des indemnités prévues à l'article L. 1237-13 du code du travail versées à l'occasion de la rupture conventionnelle du contrat de travail d'un salarié lorsqu'il n'est pas en droit de bénéficier d'une pension de retraite d'un régime légalement obligatoire, « qui n'excède pas : a) Soit deux fois le montant de la rémunération annuelle brute perçue par le salarié au cours de l'année civile précédant la rupture de son contrat de travail, ou 50 % du montant de l'indemnité si ce seuil est supérieur, dans la limite de six fois le plafond mentionné à l'article L. 241-3 du code de la sécurité sociale en vigueur à la date de versement des indemnités ; b) Soit le montant de l'indemnité de licenciement prévue par la convention collective de branche, par l'accord professionnel ou interprofessionnel ou, à défaut, par la loi. [...] », ne constitue pas une rémunération imposable et est exclue de l'assiette des cotisations sociales ; que la preuve que le salarié n'est pas en droit de bénéficier d'une pension de retraite d'un régime légalement obligatoire, peut être rapportée par tout moyen et notamment par la production d'un relevé de carrière ; qu'en décidant le contraire, la cour d'appel a violé les articles L. 242-1 du code de la sécurité sociale et 80 duodecies du code général des impôts ;
2°/ que la société cotisante avait fait valoir qu'au regard du relevé de carrière transmis, il n'était pas contestable que le salarié concerné ne pouvait pas prétendre au dispositif de retraite « carrières longues » à la date de rupture de son contrat de travail, observant que le salarié étant né en mai 1956, il avait 58 ans et un mois lors de la rupture de son contrat de travail le 13 juin 2014 et qu'à cette date, il n'aurait pu prétendre au dispositif « carrière longue » faute d'avoir acquis au moins 5 trimestres à la fin de l'année à laquelle est survenu son seizième anniversaire ; qu'elle avait ajouté que le salarié concerné avait bien débuté son activité l'année de ses 16 ans mais ne justifiait que d'un trimestre à la fin de l'année de son seizième anniversaire (en 1972) ; qu'elle précisait encore qu'il n'avait pas cotisé au moins 174 trimestres puisqu'il ne bénéficiait que de 165 trimestres cotisés à la date de la rupture de son contrat de travail ; qu'elle en avait déduit que le salarié concerné n'était pas en droit de bénéficier d'une pension de retraite d'un régime légalement obligatoire lors de la rupture de son contrat de travail ; qu'en ne répondant pas à ce moyen, la cour d'appel a méconnu les exigences de l'article 455 du code de procédure civile. »
Réponse de la Cour
Vu les articles L. 242-1 du code de la sécurité sociale et 80 duodecies du code général des impôts, dans leur rédaction applicable à la date d'exigibilité des cotisations litigieuses, et l'article 455 du code de procédure civile :
16. Il résulte des dispositions combinées des deux premiers de ces textes que la fraction des indemnités prévues à l'article L. 1237-13 du code du travail versées à l'occasion de la rupture conventionnelle du contrat de travail d'un salarié lorsqu'il n'est pas en droit de bénéficier d'une pension de retraite d'un régime légalement obligatoire, qui est au nombre des indemnités non imposables au titre de l'impôt sur le revenu des personnes physiques limitativement énumérées par le deuxième de ces textes, n'est pas comprise, en application du premier, dans l'assiette des cotisations de sécurité sociale et des allocations familiales.
17. Selon le dernier, tout jugement doit être motivé. Le défaut de réponse aux conclusions constitue un défaut de motifs.
18. Pour valider le chef de redressement relatif aux cotisations dues au titre de la rupture conventionnelle du contrat de travail d'un des salariés, l'arrêt relève que celui-ci était âgé de 58 ans au moment de la rupture de son contrat de travail le 13 juin 2014 et que son relevé de carrière, édité le 20 janvier 2016, révèle qu'il a commencé son activité professionnelle à l'âge de 16 ans et qu'il cumulait à cette date 169 trimestres. Il retient que ce relevé de carrière ne permet pas de vérifier si le salarié n'était pas en droit de liquider sa pension de retraite au titre d'un départ anticipé dès lors que ce document ne mentionne pas, notamment, les droits acquis auprès d'un régime légalement obligatoire autre que le régime général des salariés, ni les majorations possibles de la durée d'assurance au titre des enfants ou du conjoint âgé, ni la situation du salarié au regard du dispositif des travailleurs handicapés. Il en déduit que la société cotisante ne démontre pas que la situation du salarié ouvrait droit à une exonération de cotisations de sécurité sociale.
19. En statuant ainsi, par des motifs insuffisants à caractériser la nature des sommes litigieuses au regard de la règle d'assiette, la cour d'appel, à laquelle il appartenait d'apprécier la valeur des éléments de preuve produits par la société cotisante et de répondre aux conclusions de celle-ci arguant de l'absence de réunion des conditions pour que le salarié puisse bénéficier de l'abaissement de l'âge de départ à la retraite, a violé les textes susvisés.
PAR CES MOTIFS, la Cour :
CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il confirme le jugement en tant qu'il valide le chef de redressement n° 4 de la lettre d'observations, dans les limites de la minoration accordée par la commission de recours amiable, l'arrêt rendu le 12 mai 2022, entre les parties, par la cour d'appel d'Amiens ;
Remet, sur ce point, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel d'Amiens, autrement composée.
Condamne l'URSSAF du Nord-Pas-de-Calais aux dépens ;
En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par l'URSSAF du Nord-Pas-de-Calais et la condamne à payer à la société [3] la somme de 3 000 euros ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du cinq septembre deux mille vingt-quatre.ECLI:FR:CCASS:2024:C200728
CIV. 2
LM
COUR DE CASSATION
______________________
Audience publique du 5 septembre 2024
Cassation partielle
Mme MARTINEL, président
Arrêt n° 728 F-B
Pourvoi n° P 22-18.293
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
_________________________
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________
ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 5 SEPTEMBRE 2024
La société [3], société par actions simplifiée, dont le siège est [Adresse 2], a formé le pourvoi n° 22-18.293 contre l'arrêt rendu le 12 mai 2022 par la cour d'appel d'Amiens (2e protection sociale), dans le litige l'opposant à l'union de recouvrement des cotisations de sécurité sociale et d'allocations familiales (URSSAF) du Nord-Pas-de-Calais, dont le siège est [Adresse 1], défenderesse à la cassation.
La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, deux moyens de cassation.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de M. Labaune, conseiller référendaire, les observations de la SCP Piwnica et Molinié, avocat de la société [3], de la SCP Gatineau, Fattaccini et Rebeyrol, avocat de l'URSSAF du Nord-Pas-de-Calais, après débats en l'audience publique du 11 juin 2024 où étaient présents Mme Martinel, président, M. Labaune, conseiller référendaire rapporteur, Mme Renault-Malignac, conseiller doyen, et Mme Gratian, greffier de chambre,
la deuxième chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt ;
Faits et procédure
1. Selon l'arrêt attaqué (Amiens, 12 mai 2022), la société [3] (la société cotisante) a fait l'objet d'un contrôle de l'union de recouvrement des cotisations de sécurité sociale et d'allocations familiales du Nord-Pas-de-Calais (l'URSSAF) portant sur les années 2012 à 2014, qui a donné lieu à l'envoi d'une lettre d'observations du 30 septembre 2015, retenant divers chefs de redressement, puis d'une mise en demeure du 2 novembre 2015.
2. La société cotisante a saisi d'un recours une juridiction chargée du contentieux de la sécurité sociale.
Examen des moyens
Sur le second moyen, pris en ses deuxième et troisième branches
3. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ces griefs qui ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation.
Sur le second moyen, pris en sa première branche
Enoncé du moyen
4. La société cotisante fait grief à l'arrêt de valider le chef de redressement n° 10 de la lettre d'observations relatif à la réintégration, dans l'assiette des cotisations, des avantages accordés aux salariés par attributions gratuites d'actions dans le cadre du plan dénommé SMISS au titre de l'année 2012, alors « que l'impôt sur l'avantage correspondant à la valeur à leur date d'acquisition des actions attribuées à titre gratuit, est dû au titre de l'année au cours de laquelle le bénéficiaire a cédé ses actions ; que le fait générateur de l'assujettissement aux cotisations ne peut être que la cession des actions et non leur acquisition ; que la société cotisante avait fait valoir qu'aucun redressement ne pouvait intervenir au titre de l'année 2012 dans la mesure où aucune cession n'était intervenue au cours de cette année ; qu'en décidant le contraire, la cour d'appel a violé les articles L. 242-1 du code de la sécurité sociale et 80 quaterdecies du code général des impôts. »
Réponse de la Cour
5. Selon l'article L. 242-1, alinéa 13, du code de la sécurité sociale, dans sa rédaction antérieure à la loi n° 2012-1509 du 29 décembre 2012, applicable au litige, si les attributions gratuites d'actions ne sont pas effectuées conformément aux conditions prévues par ce texte, l'employeur est tenu au paiement de la totalité des cotisations sociales, y compris pour leur part salariale.
6. Il résulte de la combinaison des articles L. 242-1, alinéa 1er, et R. 243-6 du code de la sécurité sociale, ce dernier dans sa rédaction applicable à la date d'exigibilité des cotisations litigieuses, que le versement de la rémunération constitue le fait générateur des cotisations sociales.
7. Le fait générateur des cotisations sociales afférentes à l'avantage résultant d'attributions gratuites d'actions s'entend de l'attribution définitive de ces actions à leurs bénéficiaires au terme de la période d'acquisition, de sorte que l'avantage doit être évalué à la date de cette acquisition en fonction de l'économie réalisée par le bénéficiaire.
8. L'arrêt énonce que l'avantage réalisé par le salarié et soumis à cotisations correspond à la valeur des actions à leur date d'acquisition. Il retient que l'organisme de recouvrement a procédé à juste titre à la réintégration dans l'assiette des cotisations de la valeur des actions attribuées aux salariés à l'expiration de la période d'acquisition, qui correspond à la date à laquelle ils en sont devenus propriétaires en 2012.
9. De ces constatations et énonciations, la cour d'appel a exactement déduit que le fait générateur des cotisations sociales n'était pas la cession des actions attribuées gratuitement aux salariés, mais l'attribution définitive de celles-ci au terme de la période d'acquisition.
10. Le moyen n'est, dès lors, pas fondé.
Sur le second moyen, pris en ses quatrième et cinquième branches
Enoncé du moyen
11. La société cotisante fait grief à l'arrêt de valider le chef de redressement n° 10 de la lettre d'observations relatif à la réintégration, dans l'assiette des cotisations, des avantages accordés aux salariés par attributions gratuites d'actions dans le cadre des plans dénommés KISS et PSP 2010 A FR au titre de l'année 2013, alors :
« 4°/ que s'agissant des plans non qualifiés pour l'année 2013, KISS et PSP 2010 A FR, le gain réalisé par les salariés bénéficiaires lors de la levée de leurs options non qualifiées correspond à la valeur des actions à leur date d'acquisition ; que ce complément de rémunération est soumis aux cotisations sociales ; que le gain réalisé ne peut correspondre au coût d'achat des actions par l'entreprise qui les attribue ; que la justification de la valeur d'actions peut être établie par tout moyen, les juges du fond devant tenir compte de tout élément de preuve dès lors qu'il n'est pas argué de faux ou expressément contredit par la partie à laquelle il est opposé ; qu'en considérant que l'URSSAF était bien fondée à retenir la valeur refacturée à la société fille, après avoir observé que le tableau établi par la société cotisante retraçant la valeur des actions à la date de la levée d'option et le montant du gain devant être assujetti en 2013 en application du taux de change et aboutissant à une minoration du redressement, n'était ni certifié ni signé, la cour d'appel a statué par une motivation inopérante et violé l'article L. 242-1 du code de la sécurité sociale, ensemble l'article 9 du code de procédure civile ;
5°/ que la société cotisante avait fait valoir que l'URSSAF avait modifié arbitrairement et sans aucun fondement légal, les modalités de détermination de l'avantage en nature constitué par la valeur des actions reçues gratuitement en considérant pour l'année 2013, qu'il correspondait au montant refacturé, quelle que soit la valeur des actions reçues, alors qu'elle reconnaissait paradoxalement qu'il correspondait bien à la valeur des actions reçues dans le cadre des plans qualifiés pour les années 2012, 2013 et 2014 ; qu'en ne répondant pas à ce moyen, la cour d'appel a méconnu les exigences de l'article 455 du code de procédure civile. »
Réponse de la Cour
12. L'arrêt retient que l'octroi aux salariés bénéficiaires d'une option d'achat d'actions à prix zéro s'analyse en une attribution gratuite d'actions. Il estime que le tableau retraçant la valeur des actions attribuées, établi par la société cotisante, qui n'est ni certifié ni signé, ne constitue pas un élément de preuve suffisant. Il en déduit qu'en l'absence d'élément objectif permettant de vérifier la valeur des actions à la date de leur acquisition par les bénéficiaires, l'organisme de recouvrement était fondé à retenir la valeur refacturée par la société mère des actions attribuées par la société cotisante.
13. De ces constatations et énonciations, procédant de son appréciation souveraine de la valeur et de la portée des éléments de fait et de preuve débattus devant elle, la cour d'appel, qui a répondu aux conclusions prétendument délaissées, a retenu à bon droit qu'à défaut pour la société cotisante de fournir des éléments probants de la valeur des actions à la date d'expiration de la période d'acquisition, celle-ci n'était pas fondée à contester l'évaluation du redressement effectuée par l'inspecteur du recouvrement en fonction des informations obtenues lors du contrôle.
14. Le moyen n'est, dès lors, pas fondé.
Mais sur le premier moyen
Enoncé du moyen
15. La société cotisante fait grief à l'arrêt de confirmer le chef de redressement n° 4 relatif à la réintégration, dans l'assiette des cotisations de sécurité sociale, des indemnités de rupture versées à un salarié, alors :
« 1°/ que la fraction des indemnités prévues à l'article L. 1237-13 du code du travail versées à l'occasion de la rupture conventionnelle du contrat de travail d'un salarié lorsqu'il n'est pas en droit de bénéficier d'une pension de retraite d'un régime légalement obligatoire, « qui n'excède pas : a) Soit deux fois le montant de la rémunération annuelle brute perçue par le salarié au cours de l'année civile précédant la rupture de son contrat de travail, ou 50 % du montant de l'indemnité si ce seuil est supérieur, dans la limite de six fois le plafond mentionné à l'article L. 241-3 du code de la sécurité sociale en vigueur à la date de versement des indemnités ; b) Soit le montant de l'indemnité de licenciement prévue par la convention collective de branche, par l'accord professionnel ou interprofessionnel ou, à défaut, par la loi. [...] », ne constitue pas une rémunération imposable et est exclue de l'assiette des cotisations sociales ; que la preuve que le salarié n'est pas en droit de bénéficier d'une pension de retraite d'un régime légalement obligatoire, peut être rapportée par tout moyen et notamment par la production d'un relevé de carrière ; qu'en décidant le contraire, la cour d'appel a violé les articles L. 242-1 du code de la sécurité sociale et 80 duodecies du code général des impôts ;
2°/ que la société cotisante avait fait valoir qu'au regard du relevé de carrière transmis, il n'était pas contestable que le salarié concerné ne pouvait pas prétendre au dispositif de retraite « carrières longues » à la date de rupture de son contrat de travail, observant que le salarié étant né en mai 1956, il avait 58 ans et un mois lors de la rupture de son contrat de travail le 13 juin 2014 et qu'à cette date, il n'aurait pu prétendre au dispositif « carrière longue » faute d'avoir acquis au moins 5 trimestres à la fin de l'année à laquelle est survenu son seizième anniversaire ; qu'elle avait ajouté que le salarié concerné avait bien débuté son activité l'année de ses 16 ans mais ne justifiait que d'un trimestre à la fin de l'année de son seizième anniversaire (en 1972) ; qu'elle précisait encore qu'il n'avait pas cotisé au moins 174 trimestres puisqu'il ne bénéficiait que de 165 trimestres cotisés à la date de la rupture de son contrat de travail ; qu'elle en avait déduit que le salarié concerné n'était pas en droit de bénéficier d'une pension de retraite d'un régime légalement obligatoire lors de la rupture de son contrat de travail ; qu'en ne répondant pas à ce moyen, la cour d'appel a méconnu les exigences de l'article 455 du code de procédure civile. »
Réponse de la Cour
Vu les articles L. 242-1 du code de la sécurité sociale et 80 duodecies du code général des impôts, dans leur rédaction applicable à la date d'exigibilité des cotisations litigieuses, et l'article 455 du code de procédure civile :
16. Il résulte des dispositions combinées des deux premiers de ces textes que la fraction des indemnités prévues à l'article L. 1237-13 du code du travail versées à l'occasion de la rupture conventionnelle du contrat de travail d'un salarié lorsqu'il n'est pas en droit de bénéficier d'une pension de retraite d'un régime légalement obligatoire, qui est au nombre des indemnités non imposables au titre de l'impôt sur le revenu des personnes physiques limitativement énumérées par le deuxième de ces textes, n'est pas comprise, en application du premier, dans l'assiette des cotisations de sécurité sociale et des allocations familiales.
17. Selon le dernier, tout jugement doit être motivé. Le défaut de réponse aux conclusions constitue un défaut de motifs.
18. Pour valider le chef de redressement relatif aux cotisations dues au titre de la rupture conventionnelle du contrat de travail d'un des salariés, l'arrêt relève que celui-ci était âgé de 58 ans au moment de la rupture de son contrat de travail le 13 juin 2014 et que son relevé de carrière, édité le 20 janvier 2016, révèle qu'il a commencé son activité professionnelle à l'âge de 16 ans et qu'il cumulait à cette date 169 trimestres. Il retient que ce relevé de carrière ne permet pas de vérifier si le salarié n'était pas en droit de liquider sa pension de retraite au titre d'un départ anticipé dès lors que ce document ne mentionne pas, notamment, les droits acquis auprès d'un régime légalement obligatoire autre que le régime général des salariés, ni les majorations possibles de la durée d'assurance au titre des enfants ou du conjoint âgé, ni la situation du salarié au regard du dispositif des travailleurs handicapés. Il en déduit que la société cotisante ne démontre pas que la situation du salarié ouvrait droit à une exonération de cotisations de sécurité sociale.
19. En statuant ainsi, par des motifs insuffisants à caractériser la nature des sommes litigieuses au regard de la règle d'assiette, la cour d'appel, à laquelle il appartenait d'apprécier la valeur des éléments de preuve produits par la société cotisante et de répondre aux conclusions de celle-ci arguant de l'absence de réunion des conditions pour que le salarié puisse bénéficier de l'abaissement de l'âge de départ à la retraite, a violé les textes susvisés.
PAR CES MOTIFS, la Cour :
CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il confirme le jugement en tant qu'il valide le chef de redressement n° 4 de la lettre d'observations, dans les limites de la minoration accordée par la commission de recours amiable, l'arrêt rendu le 12 mai 2022, entre les parties, par la cour d'appel d'Amiens ;
Remet, sur ce point, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel d'Amiens, autrement composée.
Condamne l'URSSAF du Nord-Pas-de-Calais aux dépens ;
En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par l'URSSAF du Nord-Pas-de-Calais et la condamne à payer à la société [3] la somme de 3 000 euros ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du cinq septembre deux mille vingt-quatre.