Cour de cassation, civile, Chambre commerciale, 4 septembre 2024, 23-13.917, Publié au bulletin

Texte intégral

RÉPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

COMM.

HM



COUR DE CASSATION
______________________


Audience publique du 4 septembre 2024




Rejet


M. VIGNEAU, président



Arrêt n° 449 F-B

Pourvoi n° C 23-13.917




R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________


ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, FINANCIÈRE ET ÉCONOMIQUE, DU 4 SEPTEMBRE 2024

La société Vivauto PL, société par actions simplifiée, dont le siège est [Adresse 1], a formé le pourvoi n° C 23-13.917 contre l'arrêt rendu le 1er février 2023 par la cour d'appel de Rouen (1re chambre civile), dans le litige l'opposant :

1°/ à M. [M] [O], domicilié [Adresse 2],

2°/ à M. [V] [X], domicilié [Adresse 4], exerçant sous l'enseigne H'Eurauto [Localité 3],

défendeurs à la cassation.

La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, un moyen de cassation.

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de M. Le Masne de Chermont, conseiller référendaire, les observations de la SCP Gatineau, Fattaccini et Rebeyrol, avocat de la société Vivauto PL, de la SAS Buk Lament-Robillot, avocat de M. [O], de la SARL Meier-Bourdeau, Lécuyer et associés, avocat de M. [X], après débats en l'audience publique du 4 juin 2024 où étaient présents M. Vigneau, président, M. Le Masne de Chermont, conseiller référendaire rapporteur, M. Mollard, conseiller doyen, et Mme Labat, greffier de chambre,

la chambre commerciale, financière et économique de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt ;

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Rouen, 1er février 2023), le 13 mai 2017, M. [O] a acquis de M. [X], garagiste, une dépanneuse d'occasion au prix de 16 200 euros.

2. Les 6 novembre 2015 et 15 novembre 2016, ce véhicule avait été soumis à deux contrôles techniques, réalisés par la société Vivauto PL (la société Vivauto), qui avait signalé une corrosion superficielle des longerons gauche et droit.

3. Postérieurement à la vente, M. [O] a constaté que le châssis était fracturé sur les deux longerons principaux, ce qui rendait impossible l'utilisation du plateau. Un contrôle technique réalisé le 26 juillet 2017 a conclu à une interdiction de rouler à raison de la détérioration des longerons.

4. M. [O] a assigné M. [X] et la société Vivauto en résolution de la vente et en indemnisation de sa perte d'exploitation et de dépenses annexes.

Examen du moyen

Enoncé du moyen

5. La société Vivauto fait grief à l'arrêt de la condamner à payer à M. [O] la somme de 933,05 euros en remboursement des dépenses annexes, alors :

« 1°/ que la responsabilité d'un centre de contrôle technique ne peut être engagée qu'en cas de manquement aux obligations mises à sa charge par les textes légaux et réglementaires ; que l'annexe I de l'arrêté du 27 juillet 2004, dans sa rédaction applicable au litige, délimite l'usage de la mention contrôle impossible" sur le procès-verbal aux seules hypothèses liées soit à la présence d'éléments qui ne sont pas d'origine, masquant l'organe à vérifier, soit au verrouillage des dispositifs de commande ou d'accès à cet organe ; qu'en jugeant pourtant que cette liste n'était pas limitative et que le contrôleur technique aurait dû mentionner que le contrôle était impossible dès lors qu'il n'avait pu effectuer un contrôle visuel suffisant, la cour d'appel a violé les articles L. 323-1 et R. 323-1 à R. 323-26 du code de la route et l'arrêté du 27 juillet 2004 relatif au contrôle technique des véhicules lourds, dans sa rédaction applicable au litige ;

2°/ que le juge ne peut statuer par un motif inopérant ; que la société Vivauto soulignait qu'il ne lui était pas possible de détecter le vice affectant les longerons, dont se plaignait l'acquéreur, sans levée du plateau, les techniciens ne pouvant se livrer qu'à une analyse visuelle superficielle à partir de la fosse ; qu'en jugeant qu'il revenait au contrôleur technique d'exiger un nettoyage de la zone pour lui permettre d'effectuer un contrôle visuel suffisant, motif impropre à justifier l'engagement de la responsabilité de ce contrôleur technique si, comme le soutenait ce dernier, le vice n'était de toute façon pas détectable sans levée du plateau, la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile ;

3°/ que le juge ne peut statuer par un motif dubitatif ; que la société Vivauto soulignait qu'il ne lui était pas possible de détecter le vice affectant les longerons, dont se plaignait l'acquéreur, sans levée du plateau ; qu'en jugeant que la levée du plateau, si tant est qu'elle était effectivement nécessaire", n'était pas un démontage du véhicule, la cour d'appel, qui a statué par un motif dubitatif sur le caractère nécessaire de la levée du plateau pour détecter le vice, a violé l'article 455 du code de procédure civile ;

4°/ que la responsabilité d'un centre de contrôle technique ne peut être engagée qu'en cas de manquement aux obligations mises à sa charge par les textes légaux et réglementaires ; que l'arrêté du 27 juillet 2004, dans sa rédaction applicable au litige, limite ces opérations à un examen du véhicule en configuration routière", le véhicule étant chargé aux deux tiers, ce qui exclut que le contrôleur procède à une levée du plateau ; qu'en jugeant pourtant que le contrôleur technique aurait dû lever le plateau, ce qui constituait une manipulation simple, pour accéder aux longerons à vérifier, la cour d'appel a violé les articles L. 323-1 et R. 323-1 à R. 323-26 du code de la route et l'arrêté du 27 juillet 2004 relatif au contrôle technique des véhicules lourds, dans sa rédaction applicable au litige ;

5°/ que, à tout le moins, le défaut de réponse à conclusions constitue un défaut de motifs ; qu'en l'espèce, la société Vivauto faisait valoir que conformément aux exigences réglementaires, le véhicule, doit impérativement [...] être chargé à 2/3 de son poids total à charge ce qui empêche de soulever le plateau contrairement à ce qui a pu être fait en expertise" et qu' un véhicule est considéré comme étant en charge lorsque son poids est supérieur ou égal aux 2/3 de son Poids Total Autorisé en Charge (PTAC)" ; qu'en jugeant néanmoins que le contrôleur technique aurait dû lever le plateau, ce qui constituait une manipulation simple, pour accéder aux longerons à vérifier, sans répondre à ce moyen tiré de l'impossibilité d'une telle levée, compte tenu de l'impératif de charge du véhicule, la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile. »

Réponse de la Cour

6. Aux termes de l'article 5 de l'arrêté du 27 juillet 2004 relatif au contrôle technique des véhicules lourds, dans sa rédaction issue de l'arrêté du 15 janvier 2013, au cours de la visite technique périodique, le contrôleur vérifie le bon état de marche et l'état satisfaisant d'entretien des organes en réalisant les contrôles décrits à l'annexe I.

7. Selon l'article 6, alinéa 2, de cet arrêté, l'état de propreté doit être suffisant pour permettre l'examen visuel des points de contrôle.

8. Selon l'annexe I du même arrêté, les vérifications sont effectuées sans aucun démontage, à l'exception de ceux nécessaires pour le système électronique qui permet de détecter les défauts et les pannes du moteur liés aux émissions de gaz d'échappement, le véhicule étant dans sa configuration routière, suivant les instructions fixées par l'administration. Les éventuels points qui ne peuvent pas être contrôlés depuis le sol ou l'habitacle ne sont pas vérifiés, hormis le contrôle de l'opacité des fumées sur les véhicules disposant d'un échappement vertical latéral. En conséquence, ne sont pas réalisées les vérifications des équipements nécessitant de monter sur le véhicule ou qui imposent un engagement sous celui-ci en dehors de la fosse prévue à cet effet et qui entrent dans le cadre de l'entretien du véhicule et les vérifications périodiques assurées par les organismes agréés.

9. Selon la partie B de cette annexe, la mention « 0.4.2.4.2. Véhicule sale empêchant le contrôle » figure au nombre des observations constatables relatives au point de contrôle « 0.4.2. État de présentation du véhicule », une telle mention étant sanctionnée par le report de la visite et le renvoi du véhicule.

10. Il en résulte que, lorsque l'état de propreté du véhicule n'est pas suffisant pour permettre l'examen visuel des points de contrôle accessibles depuis le sol ou l'habitacle, le contrôleur technique doit, après avoir relevé l'observation « 0.4.2.4.2. Véhicule sale empêchant le contrôle », reporter la visite et renvoyer le véhicule.

11. Après avoir relevé que la société Vivauto avait contrôlé les longerons et avait mentionné à ce titre sur le procès-verbal de contrôle technique réglementaire l'existence d'une « corrosion superficielle », l'arrêt retient que la gravité de la corrosion des longerons était masquée par de la saleté et de la rouille et qu'il revenait au contrôleur technique d'exiger un nettoyage de cette zone lui permettant d'effectuer un contrôle visuel suffisant.

12. Il en résulte que la société Vivauto, qui, outre qu'elle n'était pas tenue de procéder à la levée du plateau, a pu accéder aux longerons depuis le sol, a, en acceptant de contrôler le véhicule et d'établir un procès-verbal de contrôle technique comportant la mention « Longeron corrosion superficielle droite gauche » malgré l'état de saleté du véhicule empêchant la vérification des longerons, engagé sa responsabilité à l'égard de M. [O], acquéreur de ce véhicule.

13. Par ce motif de pur droit, substitué à ceux critiqués, dans les conditions prévues par les articles 620, alinéa 1er, et 1015 du code de procédure civile, la décision se trouve légalement justifiée.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

REJETTE le pourvoi ;

Condamne la société Vivauto PL aux dépens ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par la société Vivauto PL et la condamne à payer à M. [O] la somme de 3 000 euros et à M. [X] la somme de 1 500 euros ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du quatre septembre deux mille vingt-quatre. ECLI:FR:CCASS:2024:CO00449
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