Cour de cassation, civile, Chambre civile 3, 11 juillet 2024, 22-13.592, Inédit
Cour de cassation, civile, Chambre civile 3, 11 juillet 2024, 22-13.592, Inédit
Cour de cassation - Chambre civile 3
- N° de pourvoi : 22-13.592
- ECLI:FR:CCASS:2024:C300432
- Non publié au bulletin
- Solution : Cassation partielle
Audience publique du jeudi 11 juillet 2024
Décision attaquée : Cour d'appel de Riom, du 18 janvier 2022- Président
- Mme Teiller (président)
Texte intégral
RÉPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
CIV. 3
JL
COUR DE CASSATION
______________________
Audience publique du 11 juillet 2024
Cassation partielle
Mme TEILLER, président
Arrêt n° 432 F-D
Pourvoi n° D 22-13.592
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
_________________________
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________
ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 11 JUILLET 2024
1°/ Mme [F] [Y],
2°/ Mme [M] [J],
tous deux domiciliées [Adresse 5],
ont formé le pourvoi n° D 22-13.592 contre l'arrêt rendu le 18 janvier 2022 par la cour d'appel de Riom (1re chambre civile), dans le litige les opposant :
1°/ à M. [U] [O],
2°/ à M. [R] [I],
tous deux domiciliés [Adresse 4],
3°/ au GAEC de [Adresse 3], groupement agricole d'exploitation en commun, dont le siège est [Adresse 4],
4°/ à M. [P] [O], domicilié [Adresse 1], associé gérant du GAEC de [Adresse 3],
5°/ à Mme [W] [I], domiciliée [Adresse 4], associée gérante du GAEC de [Adresse 3],
défendeurs à la cassation.
Les demanderesses invoquent, à l'appui de leur pourvoi, deux moyens de cassation.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de Mme Schmitt, conseiller référendaire, les observations de la SCP Bauer-Violas, Feschotte-Desbois et Sebagh, avocat de Mmes [Y] et [J], de la SCP Piwnica et Molinié, avocat de M. [U] [O] et de Mme [I], après débats en l'audience publique du 11 juin 2024 où étaient présents Mme Teiller, président, Mme Schmitt, conseiller référendaire rapporteur, Mme Grandjean, conseiller faisant fonction de doyen, et Mme Maréville, greffier de chambre,
la troisième chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. Selon l'arrêt attaqué (Riom, 18 janvier 2022), Mme [Y] et Mme [J], sa fille, sont propriétaires de parcelles actuellement exploitées par M. [U] [O] et mises à disposition du groupement agricole d'exploitation en commun de [Adresse 3].
2. Elles ont sollicité l'annulation de la cession, par M. [I] à son neveu, M. [U] [O], du bail rural qui avait été consenti au premier, le 25 mars 1981, sur certaines de ces parcelles, la résiliation de ce bail pour cession illicite et l'expulsion de M. [U] [O] de l'ensemble des parcelles dont elles sont propriétaires.
Examen des moyens
Sur le premier moyen, pris en sa première branche
Enoncé du moyen
3. Mmes [Y] et [J] font grief à l'arrêt de rejeter leur demande en annulation de la cession du bail du 25 mars 1981 intervenue entre M. [I] et M. [U] [O], en résiliation de ce bail et en expulsion du preneur et de dire que Mme [Y], agissant en son nom et en celui de sa fille alors mineure [M] [J], a consenti à M. [U] [O] un bail rural à effet au 1er janvier 2008 portant sur trente-neuf parcelles comprenant les vingt-cinq parcelles objet du premier bail, alors « que toute cession de bail rural est interdite et toute contravention à cette prohibition, hors les exceptions limitativement énumérées, constitue un motif de résiliation, quand bien même le bailleur aurait donné son accord à la cession ; qu'ayant constaté que M. [U] [O], neveu de M. [R] [I], exploitait depuis le 1er janvier 2008 les 25 parcelles comprises dans le bail consenti à ce dernier le 25 mars 1981 par [V] [Y], c'est-à-dire les 22 parcelles appartenant à [V] [Y], aux droits duquel se trouve sa fille, Mme [Y], et 3 parcelles appartenant à Mme [J], fille de Mme [Y], et qu'il en réglait depuis cette date le fermage à ces dernières, exposantes, la cour d'appel a considéré tout à la fois que Mme [Y] avait, tant à titre personnel qu'au nom de sa fille alors mineure, consenti à la cession desdites parcelles attachées au bail initial du 25 mars 1981, et que M. [U] [O] était titulaire d'un nouveau bail verbal à compter du 1er janvier 2008, ce qui rendait sans objet les discussions sur les conditions dans lesquelles était intervenue la cession des 25 parcelles en 2008 au profit de M. [U] [O] et la question de la résiliation de l'ancien bail consenti par écrit le 25 mars 1981 ; qu'en refusant ainsi de rechercher si le bail du 25 mars 1981 consenti à M. [I] avait été résilié, quand, à défaut de résiliation, l'exploitation à compter du 1er janvier 2008, par M. [U] [O], neveu du preneur, des 25 parcelles comprises dans ce bail, procédait nécessairement d'une cession prohibée dudit bail, la cour d'appel a violé les articles L. 411-35 et L. 411-31 du code rural et de la pêche maritime. »
Réponse de la Cour
Vu les articles L. 411-35 et L. 411-31 du code rural et de la pêche maritime :
4. Selon le premier de ces textes, toute cession de bail est interdite, sauf si la cession est consentie, avec l'agrément du bailleur, au profit du conjoint ou du partenaire d'un pacte civil de solidarité du preneur participant à l'exploitation ou aux descendants du preneur ayant atteint l'âge de la majorité ou ayant été émancipés.
5. Selon le second, le bailleur peut demander la résiliation du bail s'il justifie d'une contravention aux dispositions de l'article L. 411-35 précité.
6. Pour rejeter les demandes de Mmes [Y] et [J], l'arrêt retient que Mme [Y], agissant tant en son nom personnel qu'en qualité de représentante légale de sa fille alors mineure, a consenti tout à la fois à la cession à M. [U] [O] d'une partie des parcelles attachées au bail initial du 25 mars 1981 et à la constitution au bénéfice de ce dernier, à compter du 1er janvier 2008, d'un nouveau bail verbal portant sur la totalité des trente-neuf parcelles incluant les quatorze parcelles hors bail initial, et que l'effet novateur de ce bail verbal rend sans objet la question de la résiliation de l'ancien bail.
7. En statuant ainsi, la cour d'appel, qui a constaté une cession partielle d'un bail au profit du neveu du preneur, n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations et a ainsi violé les textes susvisés.
PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs, la Cour :
CASSE ET ANNULE, sauf en ce qu'il rejette la demande d'annulation du jugement du 7 septembre 2020, l'arrêt rendu le 18 janvier 2022, entre les parties, par la cour d'appel de Riom ;
Remet, sauf sur ce point, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Bourges ;
Condamne in solidum M. [U] [O], M. [R] [I], M. [P] [O], Mme [W] [I] et le groupement agricole d'exploitation en commun de [Localité 2] aux dépens ;
En application de l'article 700 du code de procédure civile, condamne M. [U] [O] à payer à Mmes [Y] et [J] la somme globale de 3 000 euros, et rejette les autres demandes ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, troisième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du onze juillet deux mille vingt-quatre.ECLI:FR:CCASS:2024:C300432
CIV. 3
JL
COUR DE CASSATION
______________________
Audience publique du 11 juillet 2024
Cassation partielle
Mme TEILLER, président
Arrêt n° 432 F-D
Pourvoi n° D 22-13.592
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
_________________________
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________
ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 11 JUILLET 2024
1°/ Mme [F] [Y],
2°/ Mme [M] [J],
tous deux domiciliées [Adresse 5],
ont formé le pourvoi n° D 22-13.592 contre l'arrêt rendu le 18 janvier 2022 par la cour d'appel de Riom (1re chambre civile), dans le litige les opposant :
1°/ à M. [U] [O],
2°/ à M. [R] [I],
tous deux domiciliés [Adresse 4],
3°/ au GAEC de [Adresse 3], groupement agricole d'exploitation en commun, dont le siège est [Adresse 4],
4°/ à M. [P] [O], domicilié [Adresse 1], associé gérant du GAEC de [Adresse 3],
5°/ à Mme [W] [I], domiciliée [Adresse 4], associée gérante du GAEC de [Adresse 3],
défendeurs à la cassation.
Les demanderesses invoquent, à l'appui de leur pourvoi, deux moyens de cassation.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de Mme Schmitt, conseiller référendaire, les observations de la SCP Bauer-Violas, Feschotte-Desbois et Sebagh, avocat de Mmes [Y] et [J], de la SCP Piwnica et Molinié, avocat de M. [U] [O] et de Mme [I], après débats en l'audience publique du 11 juin 2024 où étaient présents Mme Teiller, président, Mme Schmitt, conseiller référendaire rapporteur, Mme Grandjean, conseiller faisant fonction de doyen, et Mme Maréville, greffier de chambre,
la troisième chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. Selon l'arrêt attaqué (Riom, 18 janvier 2022), Mme [Y] et Mme [J], sa fille, sont propriétaires de parcelles actuellement exploitées par M. [U] [O] et mises à disposition du groupement agricole d'exploitation en commun de [Adresse 3].
2. Elles ont sollicité l'annulation de la cession, par M. [I] à son neveu, M. [U] [O], du bail rural qui avait été consenti au premier, le 25 mars 1981, sur certaines de ces parcelles, la résiliation de ce bail pour cession illicite et l'expulsion de M. [U] [O] de l'ensemble des parcelles dont elles sont propriétaires.
Examen des moyens
Sur le premier moyen, pris en sa première branche
Enoncé du moyen
3. Mmes [Y] et [J] font grief à l'arrêt de rejeter leur demande en annulation de la cession du bail du 25 mars 1981 intervenue entre M. [I] et M. [U] [O], en résiliation de ce bail et en expulsion du preneur et de dire que Mme [Y], agissant en son nom et en celui de sa fille alors mineure [M] [J], a consenti à M. [U] [O] un bail rural à effet au 1er janvier 2008 portant sur trente-neuf parcelles comprenant les vingt-cinq parcelles objet du premier bail, alors « que toute cession de bail rural est interdite et toute contravention à cette prohibition, hors les exceptions limitativement énumérées, constitue un motif de résiliation, quand bien même le bailleur aurait donné son accord à la cession ; qu'ayant constaté que M. [U] [O], neveu de M. [R] [I], exploitait depuis le 1er janvier 2008 les 25 parcelles comprises dans le bail consenti à ce dernier le 25 mars 1981 par [V] [Y], c'est-à-dire les 22 parcelles appartenant à [V] [Y], aux droits duquel se trouve sa fille, Mme [Y], et 3 parcelles appartenant à Mme [J], fille de Mme [Y], et qu'il en réglait depuis cette date le fermage à ces dernières, exposantes, la cour d'appel a considéré tout à la fois que Mme [Y] avait, tant à titre personnel qu'au nom de sa fille alors mineure, consenti à la cession desdites parcelles attachées au bail initial du 25 mars 1981, et que M. [U] [O] était titulaire d'un nouveau bail verbal à compter du 1er janvier 2008, ce qui rendait sans objet les discussions sur les conditions dans lesquelles était intervenue la cession des 25 parcelles en 2008 au profit de M. [U] [O] et la question de la résiliation de l'ancien bail consenti par écrit le 25 mars 1981 ; qu'en refusant ainsi de rechercher si le bail du 25 mars 1981 consenti à M. [I] avait été résilié, quand, à défaut de résiliation, l'exploitation à compter du 1er janvier 2008, par M. [U] [O], neveu du preneur, des 25 parcelles comprises dans ce bail, procédait nécessairement d'une cession prohibée dudit bail, la cour d'appel a violé les articles L. 411-35 et L. 411-31 du code rural et de la pêche maritime. »
Réponse de la Cour
Vu les articles L. 411-35 et L. 411-31 du code rural et de la pêche maritime :
4. Selon le premier de ces textes, toute cession de bail est interdite, sauf si la cession est consentie, avec l'agrément du bailleur, au profit du conjoint ou du partenaire d'un pacte civil de solidarité du preneur participant à l'exploitation ou aux descendants du preneur ayant atteint l'âge de la majorité ou ayant été émancipés.
5. Selon le second, le bailleur peut demander la résiliation du bail s'il justifie d'une contravention aux dispositions de l'article L. 411-35 précité.
6. Pour rejeter les demandes de Mmes [Y] et [J], l'arrêt retient que Mme [Y], agissant tant en son nom personnel qu'en qualité de représentante légale de sa fille alors mineure, a consenti tout à la fois à la cession à M. [U] [O] d'une partie des parcelles attachées au bail initial du 25 mars 1981 et à la constitution au bénéfice de ce dernier, à compter du 1er janvier 2008, d'un nouveau bail verbal portant sur la totalité des trente-neuf parcelles incluant les quatorze parcelles hors bail initial, et que l'effet novateur de ce bail verbal rend sans objet la question de la résiliation de l'ancien bail.
7. En statuant ainsi, la cour d'appel, qui a constaté une cession partielle d'un bail au profit du neveu du preneur, n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations et a ainsi violé les textes susvisés.
PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs, la Cour :
CASSE ET ANNULE, sauf en ce qu'il rejette la demande d'annulation du jugement du 7 septembre 2020, l'arrêt rendu le 18 janvier 2022, entre les parties, par la cour d'appel de Riom ;
Remet, sauf sur ce point, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Bourges ;
Condamne in solidum M. [U] [O], M. [R] [I], M. [P] [O], Mme [W] [I] et le groupement agricole d'exploitation en commun de [Localité 2] aux dépens ;
En application de l'article 700 du code de procédure civile, condamne M. [U] [O] à payer à Mmes [Y] et [J] la somme globale de 3 000 euros, et rejette les autres demandes ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, troisième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du onze juillet deux mille vingt-quatre.