Cour de cassation, civile, Chambre civile 3, 11 juillet 2024, 23-13.789, Publié au bulletin
Cour de cassation, civile, Chambre civile 3, 11 juillet 2024, 23-13.789, Publié au bulletin
Cour de cassation - Chambre civile 3
- N° de pourvoi : 23-13.789
- ECLI:FR:CCASS:2024:C300438
- Publié au bulletin
- Solution : Cassation
Audience publique du jeudi 11 juillet 2024
Décision attaquée : Cour d'appel de Paris, du 01 décembre 2022- Président
- Mme Teiller
Texte intégral
RÉPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
CIV. 3
MF
COUR DE CASSATION
______________________
Audience publique du 11 juillet 2024
Cassation
Mme TEILLER, président
Arrêt n° 438 FS-B
Pourvoi n° P 23-13.789
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
_________________________
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________
ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 11 JUILLET 2024
1°/ M. [K] [S],
2°/ Mme [Z] [R],
tous deux domiciliés [Adresse 1],
ont formé le pourvoi n° P 23-13.789 contre l'arrêt rendu le 1er décembre 2022 par la cour d'appel de Paris (pôle 1, chambre 2), dans le litige les opposant à la Ville de Paris, représentée par son maire en exercice domicilié en cette qualité, [Adresse 2], défenderesse à la cassation.
Les demandeurs invoquent, à l'appui de leur pourvoi, un moyen de cassation.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de Mme Gallet, conseiller référendaire, les observations de la SARL Matuchansky, Poupot, Valdelièvre et Rameix, avocat de M. [S] et de Mme [R], de la SCP Foussard et Froger, avocat de la Ville de Paris, et l'avis de M. Sturlèse, avocat général, après débats en l'audience publique du 11 juin 2024 où étaient présents Mme Teiller, président, Mme Gallet, conseiller référendaire rapporteur, Mme Grandjean, conseiller faisant fonction de doyen, Mme Grall, M. Bosse-Platière, Mme Pic, conseillers, Mmes Schmitt, Aldigé, M. Baraké, Mme Davoine, MM. Pons, Choquet, conseillers référendaires, M. Sturlèse, avocat général, et Mme Maréville, greffier de chambre,
la troisième chambre civile de la Cour de cassation, composée, en application de l'article R. 431-5 du code de l'organisation judiciaire, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt ;
Faits et procédure
1. Selon l'arrêt attaqué (Paris, 1er décembre 2022), la Ville de Paris a assigné M. [S] et Mme [R], propriétaires d'un appartement situé à Paris, devant le président du tribunal judiciaire saisi selon la procédure accélérée au fond, pour obtenir le retour à l'habitation du local et la condamnation des défendeurs au paiement de plusieurs amendes civiles, dont une pour en avoir changé l'usage en le louant de manière répétée pour de courtes durées à une clientèle de passage n'y élisant pas domicile, en contravention avec les dispositions de l'article L. 631-7 du code de la construction et de l'habitation.
Examen du moyen
Sur le moyen, pris en ses première, troisième et quatrième branches
Enoncé du moyen
2. M. [S] et Mme [R] font grief à l'arrêt de les condamner in solidum au paiement d'une amende civile de 20 000 euros, alors :
« 1°/ que l'amende civile prévue par l'article L. 651-2 du code de la construction et de l'habitation constituant une sanction ayant le caractère d'une punition, les éléments constitutifs du manquement qu'elle sanctionne sont, par application du principe de légalité des délits et des peines, d'interprétation stricte ; qu'il résulte des propres constatations de la cour d'appel que jusqu'au 1er octobre 2019, M. [S] était présent au moins quatre jours par semaine dans les lieux pour les besoins de son poste, ce qui signifie qu'il était dans les lieux plus de la moitié de chaque mois et partant qu'il occupait effectivement les lieux sur la durée du mois ; qu'il remplissait donc la condition d'occupation de huit mois par an permettant de qualifier le logement de résidence principale au sens de l'article 2 de la loi du 6 juillet 1989, permettant de ne pas solliciter l'autorisation de changer l'usage du logement au regard des articles L. 631-7, L. 631-7-1 A et L. 651-2 du code de la construction et de l'habitation ; que dès lors, en affirmant que l'occupation de huit mois, pour qualifier un logement de résidence principale, se décompterait en réalité en 240 jours, ce qui constitue un mode de calcul plus strict, non prévu par la loi, pour en déduire que "l'infraction a perduré à tout le moins de 2015 à mars 2020" et fixer en conséquence le montant de l'amende civile, la cour d'appel a violé les articles 5 et 8 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789, l'article 7 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, l'article L. 111-4 du code pénal, l'article 2 de la loi n° 89-462 du 6 juillet 1989, ensemble les articles L. 631-7, L. 631-7-1 A et L. 651-2 du code de la construction et de l'habitation ;
3°/ subsidiairement, que l'amende civile prévue par l'article L. 651-2 du code de la construction et de l'habitation constituant une sanction ayant le caractère d'une punition, les éléments constitutifs du manquement qu'elle sanctionne sont, par application du principe de légalité des délits et des peines, d'interprétation stricte ; que la condition d'occupation de huit mois par an, permettant de qualifier le logement de résidence principale au sens de l'article 2 la loi du 6 juillet 1989 et permettant de ne pas solliciter l'autorisation de changer l'usage du logement au regard des articles L. 631-7, L. 631-7-1 A et L. 651-2 du code de la construction et de l'habitation, doit se comprendre comme autorisant le propriétaire du logement à le mettre en location pour de courtes durées, dès lors que le total des mises à disposition n'excède pas 120 jours par an ; que dès lors, en affirmant que "l'infraction a perduré à tout le moins de 2015 à mars 2020" et fixer en conséquence le montant de l'amende civile, sans avoir constaté que les mises à disposition étaient effectivement supérieures à 120 jours par an (et alors qu'il résultait des propres conclusions d'appel de la Ville de Paris et du jugement que le nombre maximum de nuitées annuelles avait été atteint en 2016 à hauteur de 94 nuitées), la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles 5 et 8 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789, de l'article 7 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, de l'article L. 111-4 du code pénal, de l'article 2 de la loi n° 89-462 du 6 juillet 1989, ensemble les articles L. 631-7, L. 631-7-1 A et L. 651-2 du code de la construction et de l'habitation ;
4°/ que l'amende civile prévue par l'article L. 651-2 du code de la construction et de l'habitation constituant une sanction ayant le caractère d'une punition, les éléments constitutifs du manquement qu'elle sanctionne sont, par application du principe de légalité des délits et des peines, d'interprétation stricte ; que la cour d'appel a affirmé que l'appartement occupé ne pouvait être considéré comme la résidence principale de M. [S] alors que les consorts [S]-[R] ont déclaré de 2015 à 2019 leurs revenus en commun et leur résidence bretonne comme résidence principale, pour en déduire que "l'infraction a perduré à tout le moins de 2015 à mars 2020" et fixer en conséquence le montant de l'amende civile ; qu'en statuant ainsi quand la résidence principale au sens de l'article 2 de la loi du 6 juillet 1989 ne peut être assimilée à la domiciliation fiscale, au domicile, à la résidence ou à l'habitation, la cour d'appel a violé les articles 5 et 8 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789, l'article 7 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, l'article L. 111-4 du code pénal, l'article 2 de la loi n° 89-462 du 6 juillet 1989, ensemble les articles L. 631-7, L. 631-7-1 A et L. 651-2 du code de la construction et de l'habitation. »
Réponse de la Cour
3. La cour d'appel a, d'abord, relevé qu'entre janvier 2015 et octobre 2019, M. [S] occupait le local, réputé à usage d'habitation au sens de l'article L. 631-7 du code de la construction et de l'habitation, quatre jours par semaine pour les besoins de son poste situé à Paris, pendant que Mme [R] et leurs enfants résidaient en Bretagne, l'appartement faisant l'objet de locations de courte durée à une clientèle de passage les fins de semaine.
4. Elle a, ensuite, retenu, d'une part, que l'occupation du logement par M. [S] pouvait ainsi être estimée à deux cent huit jours par an au cours de cette période, alors que les huit mois requis par l'article 2 de la loi du 6 juillet 1989 s'élèvent à deux cent quarante jours, d'autre part, qu'entre 2015 et 2019, M. [S] et Mme [R] avaient déclaré leurs revenus en commun et leur résidence bretonne comme résidence principale.
5. Elle a, enfin, constaté que M. [S] avait bénéficié d'une mutation professionnelle en Bretagne à compter du 1er octobre 2019, et que les locations de courte durée à une clientèle de passage avaient perduré au-delà.
6. La cour d'appel en a souverainement déduit que le logement situé à Paris n'avait pas constitué la résidence principale de M. [S] et Mme [R] pour l'application de l'article L. 631-7-1 A du code de la construction et de l'habitation et a, à bon droit, retenu que sa mise en location pour de courtes durées à une clientèle de passage était subordonnée à l'obtention d'une autorisation préalable de changement d'usage, quel que soit le nombre de nuitées louées.
7. Le moyen n'est donc pas fondé.
Mais sur le moyen relevé d'office
8. Après avis donné aux parties conformément à l'article 1015 du code de procédure civile, il est fait application de l'article 620, alinéa 2, du même code.
Vu les articles 6 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, 8 et 9 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen, les principes de personnalité et d'individualisation de la peine qui en découlent et les articles L. 631-7 et L. 651-2 du code de la construction et de l'habitation :
9. Selon l'avant-dernier de ces textes, dans certaines communes, le changement d'usage des locaux destinés à l'habitation est soumis à autorisation préalable.
10. Selon le dernier, toute personne qui enfreint les dispositions de l'article L. 631-7 du code de la construction et de l'habitation ou qui ne se conforme pas aux conditions ou obligations imposées en application de cet article est condamnée à une amende civile.
11. Celle-ci constituant une sanction ayant le caractère d'une punition (3e Civ., 5 juillet 2018, QPC n° 18-40.014 ; 3e Civ., 9 novembre 2022, pourvois n° 21-20.464, 21-20.814, publié), son prononcé est soumis aux principes de personnalité et d'individualisation de la peine, qui font obstacle, en la matière, à toute condamnation in solidum.
12. Pour condamner in solidum les propriétaires indivis au paiement d'une amende civile à la Ville de Paris, l'arrêt retient que l'infraction de changement d'usage sans autorisation préalable est caractérisée.
13. En statuant ainsi, la cour d'appel a violé les textes et principes susvisés.
PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs, la Cour :
CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 1er décembre 2022, entre les parties, par la cour d'appel de Paris ;
Remet l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Paris, autrement composée ;
Laisse à chacune des parties la charge des dépens par elle exposés ;
En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, troisième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du onze juillet deux mille vingt-quatre.ECLI:FR:CCASS:2024:C300438
CIV. 3
MF
COUR DE CASSATION
______________________
Audience publique du 11 juillet 2024
Cassation
Mme TEILLER, président
Arrêt n° 438 FS-B
Pourvoi n° P 23-13.789
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
_________________________
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________
ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 11 JUILLET 2024
1°/ M. [K] [S],
2°/ Mme [Z] [R],
tous deux domiciliés [Adresse 1],
ont formé le pourvoi n° P 23-13.789 contre l'arrêt rendu le 1er décembre 2022 par la cour d'appel de Paris (pôle 1, chambre 2), dans le litige les opposant à la Ville de Paris, représentée par son maire en exercice domicilié en cette qualité, [Adresse 2], défenderesse à la cassation.
Les demandeurs invoquent, à l'appui de leur pourvoi, un moyen de cassation.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de Mme Gallet, conseiller référendaire, les observations de la SARL Matuchansky, Poupot, Valdelièvre et Rameix, avocat de M. [S] et de Mme [R], de la SCP Foussard et Froger, avocat de la Ville de Paris, et l'avis de M. Sturlèse, avocat général, après débats en l'audience publique du 11 juin 2024 où étaient présents Mme Teiller, président, Mme Gallet, conseiller référendaire rapporteur, Mme Grandjean, conseiller faisant fonction de doyen, Mme Grall, M. Bosse-Platière, Mme Pic, conseillers, Mmes Schmitt, Aldigé, M. Baraké, Mme Davoine, MM. Pons, Choquet, conseillers référendaires, M. Sturlèse, avocat général, et Mme Maréville, greffier de chambre,
la troisième chambre civile de la Cour de cassation, composée, en application de l'article R. 431-5 du code de l'organisation judiciaire, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt ;
Faits et procédure
1. Selon l'arrêt attaqué (Paris, 1er décembre 2022), la Ville de Paris a assigné M. [S] et Mme [R], propriétaires d'un appartement situé à Paris, devant le président du tribunal judiciaire saisi selon la procédure accélérée au fond, pour obtenir le retour à l'habitation du local et la condamnation des défendeurs au paiement de plusieurs amendes civiles, dont une pour en avoir changé l'usage en le louant de manière répétée pour de courtes durées à une clientèle de passage n'y élisant pas domicile, en contravention avec les dispositions de l'article L. 631-7 du code de la construction et de l'habitation.
Examen du moyen
Sur le moyen, pris en ses première, troisième et quatrième branches
Enoncé du moyen
2. M. [S] et Mme [R] font grief à l'arrêt de les condamner in solidum au paiement d'une amende civile de 20 000 euros, alors :
« 1°/ que l'amende civile prévue par l'article L. 651-2 du code de la construction et de l'habitation constituant une sanction ayant le caractère d'une punition, les éléments constitutifs du manquement qu'elle sanctionne sont, par application du principe de légalité des délits et des peines, d'interprétation stricte ; qu'il résulte des propres constatations de la cour d'appel que jusqu'au 1er octobre 2019, M. [S] était présent au moins quatre jours par semaine dans les lieux pour les besoins de son poste, ce qui signifie qu'il était dans les lieux plus de la moitié de chaque mois et partant qu'il occupait effectivement les lieux sur la durée du mois ; qu'il remplissait donc la condition d'occupation de huit mois par an permettant de qualifier le logement de résidence principale au sens de l'article 2 de la loi du 6 juillet 1989, permettant de ne pas solliciter l'autorisation de changer l'usage du logement au regard des articles L. 631-7, L. 631-7-1 A et L. 651-2 du code de la construction et de l'habitation ; que dès lors, en affirmant que l'occupation de huit mois, pour qualifier un logement de résidence principale, se décompterait en réalité en 240 jours, ce qui constitue un mode de calcul plus strict, non prévu par la loi, pour en déduire que "l'infraction a perduré à tout le moins de 2015 à mars 2020" et fixer en conséquence le montant de l'amende civile, la cour d'appel a violé les articles 5 et 8 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789, l'article 7 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, l'article L. 111-4 du code pénal, l'article 2 de la loi n° 89-462 du 6 juillet 1989, ensemble les articles L. 631-7, L. 631-7-1 A et L. 651-2 du code de la construction et de l'habitation ;
3°/ subsidiairement, que l'amende civile prévue par l'article L. 651-2 du code de la construction et de l'habitation constituant une sanction ayant le caractère d'une punition, les éléments constitutifs du manquement qu'elle sanctionne sont, par application du principe de légalité des délits et des peines, d'interprétation stricte ; que la condition d'occupation de huit mois par an, permettant de qualifier le logement de résidence principale au sens de l'article 2 la loi du 6 juillet 1989 et permettant de ne pas solliciter l'autorisation de changer l'usage du logement au regard des articles L. 631-7, L. 631-7-1 A et L. 651-2 du code de la construction et de l'habitation, doit se comprendre comme autorisant le propriétaire du logement à le mettre en location pour de courtes durées, dès lors que le total des mises à disposition n'excède pas 120 jours par an ; que dès lors, en affirmant que "l'infraction a perduré à tout le moins de 2015 à mars 2020" et fixer en conséquence le montant de l'amende civile, sans avoir constaté que les mises à disposition étaient effectivement supérieures à 120 jours par an (et alors qu'il résultait des propres conclusions d'appel de la Ville de Paris et du jugement que le nombre maximum de nuitées annuelles avait été atteint en 2016 à hauteur de 94 nuitées), la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles 5 et 8 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789, de l'article 7 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, de l'article L. 111-4 du code pénal, de l'article 2 de la loi n° 89-462 du 6 juillet 1989, ensemble les articles L. 631-7, L. 631-7-1 A et L. 651-2 du code de la construction et de l'habitation ;
4°/ que l'amende civile prévue par l'article L. 651-2 du code de la construction et de l'habitation constituant une sanction ayant le caractère d'une punition, les éléments constitutifs du manquement qu'elle sanctionne sont, par application du principe de légalité des délits et des peines, d'interprétation stricte ; que la cour d'appel a affirmé que l'appartement occupé ne pouvait être considéré comme la résidence principale de M. [S] alors que les consorts [S]-[R] ont déclaré de 2015 à 2019 leurs revenus en commun et leur résidence bretonne comme résidence principale, pour en déduire que "l'infraction a perduré à tout le moins de 2015 à mars 2020" et fixer en conséquence le montant de l'amende civile ; qu'en statuant ainsi quand la résidence principale au sens de l'article 2 de la loi du 6 juillet 1989 ne peut être assimilée à la domiciliation fiscale, au domicile, à la résidence ou à l'habitation, la cour d'appel a violé les articles 5 et 8 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789, l'article 7 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, l'article L. 111-4 du code pénal, l'article 2 de la loi n° 89-462 du 6 juillet 1989, ensemble les articles L. 631-7, L. 631-7-1 A et L. 651-2 du code de la construction et de l'habitation. »
Réponse de la Cour
3. La cour d'appel a, d'abord, relevé qu'entre janvier 2015 et octobre 2019, M. [S] occupait le local, réputé à usage d'habitation au sens de l'article L. 631-7 du code de la construction et de l'habitation, quatre jours par semaine pour les besoins de son poste situé à Paris, pendant que Mme [R] et leurs enfants résidaient en Bretagne, l'appartement faisant l'objet de locations de courte durée à une clientèle de passage les fins de semaine.
4. Elle a, ensuite, retenu, d'une part, que l'occupation du logement par M. [S] pouvait ainsi être estimée à deux cent huit jours par an au cours de cette période, alors que les huit mois requis par l'article 2 de la loi du 6 juillet 1989 s'élèvent à deux cent quarante jours, d'autre part, qu'entre 2015 et 2019, M. [S] et Mme [R] avaient déclaré leurs revenus en commun et leur résidence bretonne comme résidence principale.
5. Elle a, enfin, constaté que M. [S] avait bénéficié d'une mutation professionnelle en Bretagne à compter du 1er octobre 2019, et que les locations de courte durée à une clientèle de passage avaient perduré au-delà.
6. La cour d'appel en a souverainement déduit que le logement situé à Paris n'avait pas constitué la résidence principale de M. [S] et Mme [R] pour l'application de l'article L. 631-7-1 A du code de la construction et de l'habitation et a, à bon droit, retenu que sa mise en location pour de courtes durées à une clientèle de passage était subordonnée à l'obtention d'une autorisation préalable de changement d'usage, quel que soit le nombre de nuitées louées.
7. Le moyen n'est donc pas fondé.
Mais sur le moyen relevé d'office
8. Après avis donné aux parties conformément à l'article 1015 du code de procédure civile, il est fait application de l'article 620, alinéa 2, du même code.
Vu les articles 6 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, 8 et 9 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen, les principes de personnalité et d'individualisation de la peine qui en découlent et les articles L. 631-7 et L. 651-2 du code de la construction et de l'habitation :
9. Selon l'avant-dernier de ces textes, dans certaines communes, le changement d'usage des locaux destinés à l'habitation est soumis à autorisation préalable.
10. Selon le dernier, toute personne qui enfreint les dispositions de l'article L. 631-7 du code de la construction et de l'habitation ou qui ne se conforme pas aux conditions ou obligations imposées en application de cet article est condamnée à une amende civile.
11. Celle-ci constituant une sanction ayant le caractère d'une punition (3e Civ., 5 juillet 2018, QPC n° 18-40.014 ; 3e Civ., 9 novembre 2022, pourvois n° 21-20.464, 21-20.814, publié), son prononcé est soumis aux principes de personnalité et d'individualisation de la peine, qui font obstacle, en la matière, à toute condamnation in solidum.
12. Pour condamner in solidum les propriétaires indivis au paiement d'une amende civile à la Ville de Paris, l'arrêt retient que l'infraction de changement d'usage sans autorisation préalable est caractérisée.
13. En statuant ainsi, la cour d'appel a violé les textes et principes susvisés.
PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs, la Cour :
CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 1er décembre 2022, entre les parties, par la cour d'appel de Paris ;
Remet l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Paris, autrement composée ;
Laisse à chacune des parties la charge des dépens par elle exposés ;
En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, troisième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du onze juillet deux mille vingt-quatre.