Cour de cassation, civile, Chambre civile 2, 11 juillet 2024, 22-21.366, Publié au bulletin
Cour de cassation, civile, Chambre civile 2, 11 juillet 2024, 22-21.366, Publié au bulletin
Cour de cassation - Chambre civile 2
- N° de pourvoi : 22-21.366
- ECLI:FR:CCASS:2024:C200674
- Publié au bulletin
- Solution : Cassation partielle
Audience publique du jeudi 11 juillet 2024
Décision attaquée : Cour d'appel de Toulouse, du 11 juillet 2022- Président
- Mme Martinel
Texte intégral
RÉPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
CIV. 2
LM
COUR DE CASSATION
______________________
Audience publique du 11 juillet 2024
Cassation partielle
Mme MARTINEL, président
Arrêt n° 674 F-B
Pourvoi n° D 22-21.366
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
_________________________
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________
ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 11 JUILLET 2024
M. [Y] [S], domicilié [Adresse 3], agissant tant en son nom personnel qu'en qualité d'héritier d'[W] [C], épouse [S], décédée le 1er mars 2023, a formé le pourvoi n° D 22-21.366 contre l'arrêt rendu le 11 juillet 2022 par la cour d'appel de Toulouse (1re chambre, section 1), dans le litige les opposant :
1°/ à la société Mutuelle assurance des travailleurs mutualistes (Matmut), société d'assurance mutuelle à cotisations variables, dont le siège est [Adresse 4],
2°/ à la société Novilis immobilier, dont le siège est [Adresse 2], venant aux droits de l'Agence de [Localité 5],
3°/ à la société Groupama d'Oc, dont le siège est [Adresse 1],
4°/ à M. [Z] [M], domicilié [Adresse 6],
5°/ à Mme [J] [X], épouse [M], domiciliée [Adresse 6],
défendeurs à la cassation.
Les demandeurs invoquent, à l'appui de leur pourvoi, un moyen unique de cassation.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de Mme Chauve, conseiller, les observations de la SARL Ortscheidt, avocat de M. [S], en son nom personnel et en qualité d'héritier d'[W] [C], épouse [S], de la SARL Boré, Salve de Bruneton et Mégret, avocat de la société Mutuelle assurance des travailleurs mutualistes (Matmut), et l'avis de M. Grignon Dumoulin, avocat général, après débats en l'audience publique du 4 juin 2024 où étaient présentes Mme Martinel, président, Mme Chauve, conseiller rapporteur, Mme Leroy-Gissinger, conseiller doyen, et Mme Cathala, greffier de chambre,
la deuxième chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt ;
Reprise d'instance
1. Il est donné acte à M. [S] de sa reprise d'instance en lieu et place d'[W] [C], épouse [S], décédée le 1er mars 2023.
Désistement partiel
2. Il est donné acte à M. [S] du désistement de son pourvoi en ce qu'il est dirigé contre la société Novilis immobilier, venant aux droits de l'Agence de [Localité 5], et de la société Groupama d'Oc.
Faits et procédure
3. Selon l'arrêt attaqué (Toulouse, 11 juillet 2022), M. et Mme [S] ont acquis de M. et Mme [M], par acte authentique du 20 juin 2004, une maison d'habitation située à [Localité 7].
4. Ils ont découvert, début juillet 2004 de nombreuses micro-fissures pour lesquelles leurs réclamations auprès de leurs vendeurs sont demeurées vaines.
5. Le 27 avril 2015, ils ont assigné en référé afin d'instauration d'une mesure d'expertise, M. et Mme [M], qui ont eux-mêmes appelé en garantie le 19 novembre 2015, leur assureur multi-risques-habitation, la société Matmut (l'assureur).
6. L'expert a déposé son rapport le 13 juillet 2016. Il a conclu que les désordres affectant la maison ont pour origine exclusive l'épisode de sécheresse qu'a connu la commune du 1er avril 2011 au 30 juin 2011, épisode qui a été reconnu catastrophe naturelle par arrêté du 27 juillet 2012.
7. M. et Mme [S] ont alors assigné leurs vendeurs et l'assureur devant un tribunal de grande instance afin d'obtenir l'indemnisation de leurs préjudices.
Examen du moyen
Enoncé du moyen
8. M. et Mme [S] font grief à l'arrêt de déclarer irrecevable comme prescrite leur action à l'encontre de l'assureur, alors « que toutes actions dérivant d'un contrat d'assurance sont prescrites par deux ans à compter de l'événement qui y a donné naissance ; que ce délai ne court, en cas de sinistre, que toutes actions dérivant d'un contrat d'assurance sont prescrites par deux ans à compter de l'événement qui y a donné naissance ; que ce délai ne court, en cas de sinistre, que du jour où les intéressés en ont eu connaissance, s'ils prouvent qu'ils l'ont ignoré jusque-là ; que si en cas de catastrophe naturelle, la prescription ne peut pas commencer à courir avant la publication de l'arrêté constatant l'état de catastrophe naturelle, ce délai ne peut nécessairement pas courir non plus tant que l'assuré ou le bénéficiaire de la garantie n'a pas eu connaissance que son dommage était dû aux mouvements de terrains consécutifs à une sécheresse constitutive
d'une catastrophe naturelle ; qu'il résulte des propres énonciations de la cour d'appel que ni M. et Mme [M], vendeurs, ni M. et Mme [S] n'avaient eu connaissance des fissures litigieuses avant la vente du 20 juin 2014 et que celles-ci n'étaient pas visibles en raison de la végétation recouvrant les murs ; qu'en déclarant l'action de M. et Mme [S] prescrite, motif pris que s'agissant d'un sinistre dû à une catastrophe naturelle, le point de départ de la prescription est la date de publication de l'arrêté reconnaissant à la commune de [Localité 7] l'état de catastrophe naturelle pour la sécheresse et la déshydratation des sols du 1er avril au 30 juin 2011, soit le 2 août 2012, quand le délai de prescription ne pouvait pas courir avant que les parties, spécialement les époux [S], aient eu connaissance du dommage ayant pour origine la catastrophe naturelle de 2011, reconnue en 2012, la cour d'appel a violé l'article L. 114-1 du code des assurances dans sa rédaction issue de la loi n° 2006-1640 du 21 décembre 2006. »
Réponse de la Cour
Vu l'article 2224 du code civil et l'article L. 114-1 du code des assurances :
9. Il résulte de la combinaison de ces textes que le point de départ de la prescription de l'action en indemnisation des conséquences dommageables d'un sinistre de catastrophe naturelle se situe à la date de publication de l'arrêté, mais peut être reporté au-delà si l'assuré n'a eu connaissance des dommages causés à son bien par ce sinistre qu'après cette publication.
10. Pour déclarer irrecevable comme prescrite la demande présentée à l'encontre de l'assureur, l'arrêt retient que le point de départ de la prescription est la date de l'arrêté reconnaissant à la commune de [Localité 7] l'état de catastrophe naturelle pour la sécheresse et la déshydratation des sols du 1er avril au 30 juin 2011, soit le 2 août 2012 et que les assignations en référé et au fond ont été délivrées plus de deux ans après cette date.
11. En statuant ainsi, alors que le délai de prescription n'avait pu commencer à courir avant que M. et Mme [S] aient eu connaissance des dommages affectant leur bien, la cour d'appel a violé les textes susvisés.
PAR CES MOTIFS, la Cour :
CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il déclare irrecevable comme prescrite l'action de M. et Mme [S] à l'encontre de la société Matmut, condamne M. et Mme [S] aux dépens de première instance, en ce compris les dépens de la procédure de référé et les frais d'expertise judiciaire, et aux dépens d'appel, avec autorisation de recouvrement direct au profit de la Selas Atcm, de maître James-Foucher et de la Selarl Arcanthe et déboute toutes les parties de leur demande au titre des frais irrépétibles exposés en première instance et en cause d'appel, l'arrêt rendu le 11 juillet 2022, entre les parties, par la cour d'appel de Toulouse ;
Remet, sur ces points, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Toulouse autrement composée.
Condamne la société Matmut aux dépens ;
En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par la société Matmut et la condamne à payer à M. [S] la somme de 3 000 euros ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du onze juillet deux mille vingt-quatre.ECLI:FR:CCASS:2024:C200674
CIV. 2
LM
COUR DE CASSATION
______________________
Audience publique du 11 juillet 2024
Cassation partielle
Mme MARTINEL, président
Arrêt n° 674 F-B
Pourvoi n° D 22-21.366
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
_________________________
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________
ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 11 JUILLET 2024
M. [Y] [S], domicilié [Adresse 3], agissant tant en son nom personnel qu'en qualité d'héritier d'[W] [C], épouse [S], décédée le 1er mars 2023, a formé le pourvoi n° D 22-21.366 contre l'arrêt rendu le 11 juillet 2022 par la cour d'appel de Toulouse (1re chambre, section 1), dans le litige les opposant :
1°/ à la société Mutuelle assurance des travailleurs mutualistes (Matmut), société d'assurance mutuelle à cotisations variables, dont le siège est [Adresse 4],
2°/ à la société Novilis immobilier, dont le siège est [Adresse 2], venant aux droits de l'Agence de [Localité 5],
3°/ à la société Groupama d'Oc, dont le siège est [Adresse 1],
4°/ à M. [Z] [M], domicilié [Adresse 6],
5°/ à Mme [J] [X], épouse [M], domiciliée [Adresse 6],
défendeurs à la cassation.
Les demandeurs invoquent, à l'appui de leur pourvoi, un moyen unique de cassation.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de Mme Chauve, conseiller, les observations de la SARL Ortscheidt, avocat de M. [S], en son nom personnel et en qualité d'héritier d'[W] [C], épouse [S], de la SARL Boré, Salve de Bruneton et Mégret, avocat de la société Mutuelle assurance des travailleurs mutualistes (Matmut), et l'avis de M. Grignon Dumoulin, avocat général, après débats en l'audience publique du 4 juin 2024 où étaient présentes Mme Martinel, président, Mme Chauve, conseiller rapporteur, Mme Leroy-Gissinger, conseiller doyen, et Mme Cathala, greffier de chambre,
la deuxième chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt ;
Reprise d'instance
1. Il est donné acte à M. [S] de sa reprise d'instance en lieu et place d'[W] [C], épouse [S], décédée le 1er mars 2023.
Désistement partiel
2. Il est donné acte à M. [S] du désistement de son pourvoi en ce qu'il est dirigé contre la société Novilis immobilier, venant aux droits de l'Agence de [Localité 5], et de la société Groupama d'Oc.
Faits et procédure
3. Selon l'arrêt attaqué (Toulouse, 11 juillet 2022), M. et Mme [S] ont acquis de M. et Mme [M], par acte authentique du 20 juin 2004, une maison d'habitation située à [Localité 7].
4. Ils ont découvert, début juillet 2004 de nombreuses micro-fissures pour lesquelles leurs réclamations auprès de leurs vendeurs sont demeurées vaines.
5. Le 27 avril 2015, ils ont assigné en référé afin d'instauration d'une mesure d'expertise, M. et Mme [M], qui ont eux-mêmes appelé en garantie le 19 novembre 2015, leur assureur multi-risques-habitation, la société Matmut (l'assureur).
6. L'expert a déposé son rapport le 13 juillet 2016. Il a conclu que les désordres affectant la maison ont pour origine exclusive l'épisode de sécheresse qu'a connu la commune du 1er avril 2011 au 30 juin 2011, épisode qui a été reconnu catastrophe naturelle par arrêté du 27 juillet 2012.
7. M. et Mme [S] ont alors assigné leurs vendeurs et l'assureur devant un tribunal de grande instance afin d'obtenir l'indemnisation de leurs préjudices.
Examen du moyen
Enoncé du moyen
8. M. et Mme [S] font grief à l'arrêt de déclarer irrecevable comme prescrite leur action à l'encontre de l'assureur, alors « que toutes actions dérivant d'un contrat d'assurance sont prescrites par deux ans à compter de l'événement qui y a donné naissance ; que ce délai ne court, en cas de sinistre, que toutes actions dérivant d'un contrat d'assurance sont prescrites par deux ans à compter de l'événement qui y a donné naissance ; que ce délai ne court, en cas de sinistre, que du jour où les intéressés en ont eu connaissance, s'ils prouvent qu'ils l'ont ignoré jusque-là ; que si en cas de catastrophe naturelle, la prescription ne peut pas commencer à courir avant la publication de l'arrêté constatant l'état de catastrophe naturelle, ce délai ne peut nécessairement pas courir non plus tant que l'assuré ou le bénéficiaire de la garantie n'a pas eu connaissance que son dommage était dû aux mouvements de terrains consécutifs à une sécheresse constitutive
d'une catastrophe naturelle ; qu'il résulte des propres énonciations de la cour d'appel que ni M. et Mme [M], vendeurs, ni M. et Mme [S] n'avaient eu connaissance des fissures litigieuses avant la vente du 20 juin 2014 et que celles-ci n'étaient pas visibles en raison de la végétation recouvrant les murs ; qu'en déclarant l'action de M. et Mme [S] prescrite, motif pris que s'agissant d'un sinistre dû à une catastrophe naturelle, le point de départ de la prescription est la date de publication de l'arrêté reconnaissant à la commune de [Localité 7] l'état de catastrophe naturelle pour la sécheresse et la déshydratation des sols du 1er avril au 30 juin 2011, soit le 2 août 2012, quand le délai de prescription ne pouvait pas courir avant que les parties, spécialement les époux [S], aient eu connaissance du dommage ayant pour origine la catastrophe naturelle de 2011, reconnue en 2012, la cour d'appel a violé l'article L. 114-1 du code des assurances dans sa rédaction issue de la loi n° 2006-1640 du 21 décembre 2006. »
Réponse de la Cour
Vu l'article 2224 du code civil et l'article L. 114-1 du code des assurances :
9. Il résulte de la combinaison de ces textes que le point de départ de la prescription de l'action en indemnisation des conséquences dommageables d'un sinistre de catastrophe naturelle se situe à la date de publication de l'arrêté, mais peut être reporté au-delà si l'assuré n'a eu connaissance des dommages causés à son bien par ce sinistre qu'après cette publication.
10. Pour déclarer irrecevable comme prescrite la demande présentée à l'encontre de l'assureur, l'arrêt retient que le point de départ de la prescription est la date de l'arrêté reconnaissant à la commune de [Localité 7] l'état de catastrophe naturelle pour la sécheresse et la déshydratation des sols du 1er avril au 30 juin 2011, soit le 2 août 2012 et que les assignations en référé et au fond ont été délivrées plus de deux ans après cette date.
11. En statuant ainsi, alors que le délai de prescription n'avait pu commencer à courir avant que M. et Mme [S] aient eu connaissance des dommages affectant leur bien, la cour d'appel a violé les textes susvisés.
PAR CES MOTIFS, la Cour :
CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il déclare irrecevable comme prescrite l'action de M. et Mme [S] à l'encontre de la société Matmut, condamne M. et Mme [S] aux dépens de première instance, en ce compris les dépens de la procédure de référé et les frais d'expertise judiciaire, et aux dépens d'appel, avec autorisation de recouvrement direct au profit de la Selas Atcm, de maître James-Foucher et de la Selarl Arcanthe et déboute toutes les parties de leur demande au titre des frais irrépétibles exposés en première instance et en cause d'appel, l'arrêt rendu le 11 juillet 2022, entre les parties, par la cour d'appel de Toulouse ;
Remet, sur ces points, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Toulouse autrement composée.
Condamne la société Matmut aux dépens ;
En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par la société Matmut et la condamne à payer à M. [S] la somme de 3 000 euros ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du onze juillet deux mille vingt-quatre.