Cour de cassation, civile, Chambre civile 3, 4 juillet 2024, 23-13.285, Inédit

Texte intégral

RÉPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

CIV. 3

JL



COUR DE CASSATION
______________________


Audience publique du 4 juillet 2024




Cassation


Mme TEILLER, président



Arrêt n° 391 F-D

Pourvoi n° R 23-13.285




R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________


ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 4 JUILLET 2024

1°/ la société Elyreal, société par actions simplifiée,

2°/ la société Opereal, société civile immobilière,

toutes deux ayant leur siège [Adresse 3],

ont formé le pourvoi n° R 23-13.285 contre l'arrêt rendu le 12 mai 2021 par la cour d'appel de Toulouse (2e chambre), dans le litige les opposant :

1°/ à la société Ludendo commerce France, société par actions simplifiée, dont le siège est [Adresse 2],

2°/ à la société BTSG, société civile professionnelle, dont le siège est [Adresse 4], en la personne de M. [E] [C], prise en qualité de liquidateur de la société Ludendo commerce France,

3°/ à la société MJA, société d'exercice libéral à forme anonyme, dont le siège est [Adresse 1], en la personne de Mme [R] [M], prise en qualité de liquidateur de la société Ludendo commerce France,
4°/ à la société Récréaclub venant aux droits de la société EPSE Jouéclub entente des professionnels spécialistes de l'enfant, dont le siège est [Adresse 5], elle-même venant aux droits de la société Ludendo commerce France,

défenderesses à la cassation.

Les demanderesses invoquent, à l'appui de leur pourvoi, un moyen de cassation.

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de Mme Aldigé, conseiller référendaire, les observations de la SCP Boucard-Maman, avocat de la société Elyreal et de la société civile immobilière Opereal, de la SCP Piwnica et Molinié, avocat de la société Recréaclub, après débats en l'audience publique du 28 mai 2024 où étaient présents Mme Teiller, président, Mme Aldigé, conseiller référendaire rapporteur, Mme Grandjean, conseiller faisant fonction de doyen, et Mme Maréville, greffier de chambre,

la troisième chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.

Intervention

1. Il est donné acte à la société Récréaclub de son intervention volontaire, aux droits de la société EPSE Jouéclub entente des professionnels spécialistes de l'enfant, cessionnaire des actifs de la société Ludendo commerce France selon un plan de cession arrêté par un jugement du 9 juin 2023 après l'ouverture d'une procédure collective.

Faits et procédure

2. Selon l'arrêt attaqué (Toulouse, 12 mai 2021), le 1er juillet 2010, la société Elyreal a donné à bail à la société Ludendo commerce France (la locataire) des locaux commerciaux.

3. Le 9 août 2012, la société Elyreal a vendu les locaux à la société civile immobilière Opereal (la SCI Opereal).

4. Le contrat de bail commercial comporte une clause d'indexation dont le dernier paragraphe est ainsi rédigé : « De convention expresse, la variation de l'indice ne pourra jamais avoir pour effet de diminuer le montant du loyer annuel tel qu'il aura été fixé lors du dernier réajustement en application de la présente indexation ».

5. La locataire a assigné la société Elyreal et la SCI Opereal en constatation du caractère non écrit de la clause d'indexation et en restitution des sommes payées au titre de celle-ci.

Examen du moyen

Sur le moyen, pris en sa deuxième branche

Enoncé du moyen

6. La société Elyreal et la SCI Opereal font grief à l'arrêt de réputer non écrite dans son entier la clause d'indexation et de les condamner à restituer à la locataire certaines sommes au titre de trop versés de loyer et de taxes sur la valeur ajoutée, alors « que pour réputer non écrite en son entier la clause d'indexation en cause, l'arrêt attaqué a retenu que la question n'était pas celle de la divisibilité de la clause d'exclusion de variation à la baisse, mais celle de son caractère essentiel et déterminant, et qu'aux termes de l'article 5.3 du bail le bailleur déclarait que les stipulations relatives à l'indexation annuelle du loyer constituaient pour lui un motif déterminant de la conclusion du contrat, sans lequel celui-ci n'aurait pas été conclu, ce qui est expressément accepté par le preneur ; qu'en écartant ainsi le critère de la divisibilité ou non entre la stipulation selon laquelle l'indexation ne jouait qu'à la hausse et le reste de la clause d'indexation tout en retenant des circonstances impropres à établir l'indivisibilité entre l'une et l'autre, la cour d'appel a violé les articles L. 145-15 et L. 145-39 du code de commerce. »

Réponse de la Cour

Vu les articles L. 145-15, dans sa rédaction issue de la loi n° 2014-626 du 18 juin 2014, et L. 145-39 du code de commerce :

7. Selon le premier de ces textes, sont réputés non écrits, quelle qu'en soit la forme, les clauses, stipulations et arrangements qui ont pour effet de faire échec aux dispositions des articles L. 145-37 à L. 145-41 du même code.

8. Selon le second, par dérogation à l'article L. 145-38, si le bail est assorti d'une clause d'échelle mobile, la révision peut être demandée chaque fois que, par le jeu de cette clause, le loyer se trouve augmenté ou diminué de plus d'un quart par rapport au prix précédemment fixé contractuellement ou par décision judiciaire.

9. Il en résulte qu'est réputée non écrite toute clause d'indexation du loyer ne jouant qu'en cas de variation à la hausse de l'indice de référence mais que seule la stipulation prohibée doit être réputée non écrite et non la clause en son entier sauf cas d'indivisibilité (3e Civ., 12 janvier 2022, pourvoi n° 21-11.169, publié).

10. Pour réputer la clause d'indexation non écrite en son entier, l'arrêt énonce que la question n'est pas celle de la divisibilité de la clause d'exclusion de variation à la baisse, mais celle de son caractère essentiel et déterminant et retient que l'intention du bailleur était de faire de cette clause une condition essentielle et déterminante de son consentement.

11. En statuant ainsi, alors que seule la stipulation prohibée doit être réputée non écrite lorsqu'elle peut être retranchée de la clause d'indexation sans porter atteinte à la cohérence de celle-ci, la cour d'appel a violé les textes susvisés.

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs, la Cour :

CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 12 mai 2021, entre les parties, par la cour d'appel de Toulouse ;

Remet l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Bordeaux ;

Laisse à chacune des parties la charge des dépens par elles exposés ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes.

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, troisième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du quatre juillet deux mille vingt-quatre.ECLI:FR:CCASS:2024:C300391
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