Cour de cassation, civile, Chambre civile 3, 4 juillet 2024, 23-15.027, Publié au bulletin

Texte intégral

RÉPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

CIV. 3

JL



COUR DE CASSATION
______________________


Audience publique du 4 juillet 2024




Cassation partielle


Mme TEILLER, président



Arrêt n° 366 FS-B

Pourvoi n° J 23-15.027



R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________


ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 4 JUILLET 2024

La société République auto Montrouge, dont le siège est [Adresse 2], a formé le pourvoi n° J 23-15.027 contre l'arrêt rendu le 15 février 2023 par la cour d'appel de Versailles (4e chambre civile, expropriations), dans le litige l'opposant à l'établissement public foncier d'Ile-de-France (EPFIF), dont le siège est [Adresse 1], défendeur à la cassation.

La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, deux moyens de cassation.

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de Mme Rat, conseiller référendaire, les observations de la SARL Cabinet Rousseau et Tapie, avocat de la société République auto Montrouge, de la SCP Bauer-Violas, Feschotte-Desbois et Sebagh, avocat de l'établissement public foncier d'Ile-de-France, et l'avis de M. Brun, avocat général, après débats en l'audience publique du 22 mai 2024 où étaient présents Mme Teiller, président, Mme Rat, conseiller référendaire rapporteur, M. Boyer, conseiller faisant fonction de doyen, Mme Abgrall, MM. Pety, Brillet, conseillers, Mme Djikpa, M. Zedda, Mmes Brun, Vernimmen, conseillers référendaires, M. Brun, avocat général, et Mme Letourneur, greffier de chambre,

la troisième chambre civile de la Cour de cassation, composée, en application de l'article R. 431-5 du code de l'organisation judiciaire, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt ;

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Versailles, 15 février 2023) et les productions, par suite de l'expropriation à son profit de parcelles louées à la société République auto Montrouge, exerçant une activité de vente et de réparation de véhicules, l'établissement public foncier d'Ile-de-France (l'EPFIF) a saisi le juge de l'expropriation en fixation des indemnités revenant à cette société.

Examen des moyens

Sur le premier moyen

2. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ce moyen qui n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation.

Mais sur le second moyen

Enoncé du moyen

3. La société République auto Montrouge fait grief à l'arrêt de rejeter sa demande d'indemnité pour trouble commercial, alors « qu'aux termes de l'article L. 321-1 du code de l'expropriation pour cause d'utilité publique, les indemnités allouées couvrent l'intégralité du préjudice direct, matériel et certain causé par l'expropriation ; que l'éviction de l'exploitant d'une partie des locaux d'exercice de son activité commerciale, subissant ainsi une perte partielle de son fonds de commerce, lui cause nécessairement un trouble commercial ; qu'en décidant du contraire pour refuser d'indemniser la société République auto Montrouge, la cour d'appel a violé la disposition susvisée. »

Réponse de la Cour

Vu l'article L. 321-1 du code de l'expropriation pour cause d'utilité publique :

4. Aux termes de ce texte, les indemnités allouées couvrent l'intégralité du préjudice direct, matériel et certain causé par l'expropriation.

5. L'exploitant évincé peut demander réparation du trouble commercial consécutif à la mesure d'expropriation, dès lors qu'il est distinct du préjudice indemnisé par l'allocation de la valeur totale du fonds et par l'indemnité de remploi.

6. Pour rejeter la demande au titre d'une indemnité pour trouble commercial, l'arrêt retient qu'une telle indemnité, due en cas de transfert d'activité pour compenser la période d'adaptation nécessaire, ne l'est pas en cas de perte partielle du fonds de commerce, faute pour l'activité évincée d'avoir vocation à reprendre.

7. En statuant ainsi, alors que l'éviction partielle d'un fonds de commerce peut générer un préjudice affectant l'activité poursuivie par l'exploitant dans les locaux hors emprise, distinct de celui indemnisé par l'allocation de la valeur partielle du fonds et par l'indemnité de remploi, à charge pour celui-ci d'en rapporter la preuve, la cour d'appel a violé le texte susvisé.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il infirme le jugement du chef du trouble commercial et en ce qu'il rejette la demande formée à ce titre par la société République auto Montrouge, l'arrêt rendu le 15 février 2023, entre les parties, par la cour d'appel de Versailles ;

Remet, sur ces points, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Versailles, autrement composée ;

Condamne l'établissement public foncier d'Ile-de-France aux dépens ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par l'établissement public foncier d'Ile-de-France et le condamne à payer à la société République auto Montrouge la somme de 3 000 euros ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, troisième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du quatre juillet deux mille vingt-quatre. ECLI:FR:CCASS:2024:C300366
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