Cour de cassation, civile, Chambre civile 2, 27 juin 2024, 22-17.881, Publié au bulletin
Cour de cassation, civile, Chambre civile 2, 27 juin 2024, 22-17.881, Publié au bulletin
Cour de cassation - Chambre civile 2
- N° de pourvoi : 22-17.881
- ECLI:FR:CCASS:2024:C200626
- Publié au bulletin
- Solution : Cassation
Audience publique du jeudi 27 juin 2024
Décision attaquée : Cour d'appel de Besançon, du 15 avril 2022- Président
- Mme Martinel
Texte intégral
RÉPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
CIV. 2
FD
COUR DE CASSATION
______________________
Audience publique du 27 juin 2024
Cassation
Mme MARTINEL, président
Arrêt n° 626 F-B
Pourvoi n° R 22-17.881
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
_________________________
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________
ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 27 JUIN 2024
La société Flex-N-Gate France, société par actions simplifiée unipersonnelle, dont le siège est [Adresse 2], a formé le pourvoi n° R 22-17.881 contre l'arrêt rendu le 15 avril 2022 par la cour d'appel de Besançon (chambre sociale), dans le litige l'opposant à la caisse primaire d'assurance maladie de l'Artois, dont le siège est [Adresse 1], défenderesse à la cassation.
La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, un moyen unique de cassation.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de M. Reveneau, conseiller, les observations de la SCP Célice, Texidor, Périer, avocat de la société Flex-N-Gate France, de la SCP Foussard et Froger, avocat de la caisse primaire d'assurance maladie de l'Artois, et l'avis de Mme Pieri-Gauthier, avocat général, après débats en l'audience publique du 22 mai 2024 où étaient présents Mme Martinel, président, M. Reveneau, conseiller rapporteur, Mme Renault-Malignac, conseiller doyen, et Mme Gratian, greffier de chambre,
la deuxième chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt ;
Faits et procédure
1. Selon l'arrêt attaqué (Besançon, 15 avril 2022), par décision du 15 mai 2017, notifiée le 18 mai suivant, la caisse primaire d'assurance maladie de l'Artois (la caisse) a fixé à 10 % le taux d'incapacité permanente de Mme [Y] (la victime), atteinte d'une affection prise en charge au titre de la législation professionnelle et salariée de la société Faurecia intérieur industrie, aux droits de laquelle vient la société Flex-N-Gate France (la société).
2. Par lettre du 20 juillet 2020, la société a formé un recours devant une juridiction chargée du contentieux de la sécurité sociale.
Examen du moyen
Enoncé du moyen
3. La société fait grief à l'arrêt de déclarer irrecevable son recours, alors : « que seule une notification régulière peut valablement faire courir les voies et délais de recours ; que la forclusion ne peut être opposée au requérant que si la notification de la décision contre laquelle il forme un recours porte mention du délai de forclusion avec indication de l'organisme compétent pour recevoir la requête ; que le tribunal du contentieux de l'incapacité compétent est celui du lieu où demeure le demandeur qui, pour une société commerciale, est le siège social fixé par ses statuts ; que la notification de la décision de la caisse mentionnant un tribunal qui n'est pas celui du siège social de l'employeur, qui est donc un tribunal incompétent territorialement, ne fait pas courir les voies et délais de recours ; qu'au cas présent, la cour d'appel a constaté que la décision relative au taux d'IPP du 25 mai 2017 mentionnait le tribunal du contentieux de l'incapacité de Lille comme tribunal compétent en cas de contestation, tandis que le siège social de la société était situé à [Localité 4] ; que pour déclarer la notification de la décision du 25 mai 2017 régulière et le recours de la société, la cour d'appel a énoncé que celle-ci disposait d'un établissement à [Localité 3] au sein duquel la victime était rattachée exclusivement pour y exercer de manière permanente ses fonctions, la déclaration de maladie professionnelle mentionnant cet établissement et qu'en application de l'article 690 du code de procédure civile, la notification destinée à une personne morale de droit privée doit être faite au siège de son établissement ; que dès lors que l'établissement de [Localité 3] était mentionné sur la déclaration, il avait le pouvoir de représenter la société à l'égard des tiers ; qu'en statuant ainsi, la cour d'appel n'a pas tiré conséquences légales de ses propres constatations et a violé les articles R. 143-7, R. 143-3, R. 143-31 du code de la sécurité sociale, dans leur rédaction applicable au litige, ainsi que l'article 690 du code de procédure civile, par fausse application. »
Réponse de la Cour
Vu les articles R. 143-3, R. 143-7 et R. 143-31 du code de la sécurité sociale, dans leur rédaction alors en vigueur, applicable à la date de la notification de la décision en cause et l'article R. 142-1-A -III du même code, dans sa rédaction issue du décret n° 2019-1506 du 30 décembre 2019, applicable à la date du recours :
4. Selon le troisième de ces textes, la forclusion ne peut être opposée aux intéressés que si la notification de la décision contre laquelle ils forment ou interjettent appel porte mention du délai de forclusion avec indication de l'organisme compétent pour recevoir la requête.
5. Il résulte du premier que le tribunal du contentieux de l'incapacité compétent est celui du lieu où demeure le demandeur, qui, pour une société commerciale, est le siège social fixé par ses statuts.
6. Selon le III du quatrième de ces textes, s'il n'en est disposé autrement, le délai de recours préalable et le délai de recours contentieux sont de deux mois à compter de la notification de la décision contestée. Ces délais ne sont opposables qu'à la condition d'avoir été mentionnés, ainsi que les voies de recours, dans la notification de la décision contestée ou, en cas de décision implicite, dans l'accusé de réception de la demande.
7. Depuis une décision du 13 juillet 2016, le Conseil d'État juge que si le non-respect de l'obligation d'informer l'intéressé sur les voies et les délais de recours, ou l'absence de preuve qu'une telle information a bien été fournie, ne permet pas que lui soient opposés les délais de recours fixés par le code de justice administrative, le destinataire de la décision ne peut exercer de recours juridictionnel au-delà d'un délai raisonnable, lequel, en règle générale et sauf circonstances particulières dont se prévaudrait le requérant, ne saurait, sous réserve de l'exercice de recours administratifs pour lesquels les textes prévoient des délais particuliers, excéder un an à compter de la date à laquelle une décision expresse lui a été notifiée ou de la date à laquelle il est établi qu'il en a eu connaissance (CE, 13 juillet 2016, n° 387763, publié au Recueil Lebon).
8. Par deux arrêts rendus en assemblée plénière le 8 mars 2024 (Ass. plén., 8 mars 2024, pourvois n° 21-21.230 et n° 21-12.560, publiés au Bulletin), la Cour de cassation a jugé que la règle issue de l'article 680 du code de procédure civile constitue un principe général qui s'applique devant les juridictions judiciaires, quelle que soit la nature de cette décision ou de cet acte et celle des voies et délais de recours, et qu'en l'absence de notification régulière des voies et délais de recours, le requérant n'est pas tenu de saisir le juge civil dans le délai défini par la décision du Conseil d'État susvisée du 13 juillet 2016.
9. Il en résulte qu'en l'absence de notification régulière des voies et délais de recours, le délai de recours de deux mois, prévu initialement par l'article R. 143-7 du code de la sécurité sociale et désormais par l'article R. 142-1-A, III, du même code, pour contester la décision d'un organisme de sécurité sociale relative au taux d'incapacité permanente en cas d'accident du travail ou de maladie professionnelle, ne court pas.
10. Pour déclarer le recours de l'employeur irrecevable comme forclos, l'arrêt retient que la mention du tribunal du contentieux de l'incapacité de Lille comme juridiction compétente en cas de contestation ne saurait entacher la notification d'irrégularité, dès lors que, dans le ressort de cette juridiction, la société possède un établissement employant la salariée, victime de la maladie professionnelle.
11. En statuant ainsi, alors que la notification de la décision contestée portait mention d'un tribunal incompétent pour recevoir la requête, comme n'étant pas celui dans le ressort duquel se trouvait le siège social de la société situé à [Localité 4], de sorte qu'elle n'avait pas fait courir le délai de recours, et que la société était dès lors recevable à contester cette décision sans condition de délai, la cour d'appel a violé les textes susvisés.
PAR CES MOTIFS, la Cour :
CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 15 avril 2022, entre les parties, par la cour d'appel de Besançon ;
Remet l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Dijon.
Condamne la caisse primaire d'assurance maladie de l'Artois aux dépens ;
En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par la caisse primaire d'assurance maladie de l'Artois et la condamne à payer à la société Flex-N-Gate France la somme de 3 000 euros ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-sept juin deux mille vingt-quatre.ECLI:FR:CCASS:2024:C200626
CIV. 2
FD
COUR DE CASSATION
______________________
Audience publique du 27 juin 2024
Cassation
Mme MARTINEL, président
Arrêt n° 626 F-B
Pourvoi n° R 22-17.881
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
_________________________
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________
ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 27 JUIN 2024
La société Flex-N-Gate France, société par actions simplifiée unipersonnelle, dont le siège est [Adresse 2], a formé le pourvoi n° R 22-17.881 contre l'arrêt rendu le 15 avril 2022 par la cour d'appel de Besançon (chambre sociale), dans le litige l'opposant à la caisse primaire d'assurance maladie de l'Artois, dont le siège est [Adresse 1], défenderesse à la cassation.
La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, un moyen unique de cassation.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de M. Reveneau, conseiller, les observations de la SCP Célice, Texidor, Périer, avocat de la société Flex-N-Gate France, de la SCP Foussard et Froger, avocat de la caisse primaire d'assurance maladie de l'Artois, et l'avis de Mme Pieri-Gauthier, avocat général, après débats en l'audience publique du 22 mai 2024 où étaient présents Mme Martinel, président, M. Reveneau, conseiller rapporteur, Mme Renault-Malignac, conseiller doyen, et Mme Gratian, greffier de chambre,
la deuxième chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt ;
Faits et procédure
1. Selon l'arrêt attaqué (Besançon, 15 avril 2022), par décision du 15 mai 2017, notifiée le 18 mai suivant, la caisse primaire d'assurance maladie de l'Artois (la caisse) a fixé à 10 % le taux d'incapacité permanente de Mme [Y] (la victime), atteinte d'une affection prise en charge au titre de la législation professionnelle et salariée de la société Faurecia intérieur industrie, aux droits de laquelle vient la société Flex-N-Gate France (la société).
2. Par lettre du 20 juillet 2020, la société a formé un recours devant une juridiction chargée du contentieux de la sécurité sociale.
Examen du moyen
Enoncé du moyen
3. La société fait grief à l'arrêt de déclarer irrecevable son recours, alors : « que seule une notification régulière peut valablement faire courir les voies et délais de recours ; que la forclusion ne peut être opposée au requérant que si la notification de la décision contre laquelle il forme un recours porte mention du délai de forclusion avec indication de l'organisme compétent pour recevoir la requête ; que le tribunal du contentieux de l'incapacité compétent est celui du lieu où demeure le demandeur qui, pour une société commerciale, est le siège social fixé par ses statuts ; que la notification de la décision de la caisse mentionnant un tribunal qui n'est pas celui du siège social de l'employeur, qui est donc un tribunal incompétent territorialement, ne fait pas courir les voies et délais de recours ; qu'au cas présent, la cour d'appel a constaté que la décision relative au taux d'IPP du 25 mai 2017 mentionnait le tribunal du contentieux de l'incapacité de Lille comme tribunal compétent en cas de contestation, tandis que le siège social de la société était situé à [Localité 4] ; que pour déclarer la notification de la décision du 25 mai 2017 régulière et le recours de la société, la cour d'appel a énoncé que celle-ci disposait d'un établissement à [Localité 3] au sein duquel la victime était rattachée exclusivement pour y exercer de manière permanente ses fonctions, la déclaration de maladie professionnelle mentionnant cet établissement et qu'en application de l'article 690 du code de procédure civile, la notification destinée à une personne morale de droit privée doit être faite au siège de son établissement ; que dès lors que l'établissement de [Localité 3] était mentionné sur la déclaration, il avait le pouvoir de représenter la société à l'égard des tiers ; qu'en statuant ainsi, la cour d'appel n'a pas tiré conséquences légales de ses propres constatations et a violé les articles R. 143-7, R. 143-3, R. 143-31 du code de la sécurité sociale, dans leur rédaction applicable au litige, ainsi que l'article 690 du code de procédure civile, par fausse application. »
Réponse de la Cour
Vu les articles R. 143-3, R. 143-7 et R. 143-31 du code de la sécurité sociale, dans leur rédaction alors en vigueur, applicable à la date de la notification de la décision en cause et l'article R. 142-1-A -III du même code, dans sa rédaction issue du décret n° 2019-1506 du 30 décembre 2019, applicable à la date du recours :
4. Selon le troisième de ces textes, la forclusion ne peut être opposée aux intéressés que si la notification de la décision contre laquelle ils forment ou interjettent appel porte mention du délai de forclusion avec indication de l'organisme compétent pour recevoir la requête.
5. Il résulte du premier que le tribunal du contentieux de l'incapacité compétent est celui du lieu où demeure le demandeur, qui, pour une société commerciale, est le siège social fixé par ses statuts.
6. Selon le III du quatrième de ces textes, s'il n'en est disposé autrement, le délai de recours préalable et le délai de recours contentieux sont de deux mois à compter de la notification de la décision contestée. Ces délais ne sont opposables qu'à la condition d'avoir été mentionnés, ainsi que les voies de recours, dans la notification de la décision contestée ou, en cas de décision implicite, dans l'accusé de réception de la demande.
7. Depuis une décision du 13 juillet 2016, le Conseil d'État juge que si le non-respect de l'obligation d'informer l'intéressé sur les voies et les délais de recours, ou l'absence de preuve qu'une telle information a bien été fournie, ne permet pas que lui soient opposés les délais de recours fixés par le code de justice administrative, le destinataire de la décision ne peut exercer de recours juridictionnel au-delà d'un délai raisonnable, lequel, en règle générale et sauf circonstances particulières dont se prévaudrait le requérant, ne saurait, sous réserve de l'exercice de recours administratifs pour lesquels les textes prévoient des délais particuliers, excéder un an à compter de la date à laquelle une décision expresse lui a été notifiée ou de la date à laquelle il est établi qu'il en a eu connaissance (CE, 13 juillet 2016, n° 387763, publié au Recueil Lebon).
8. Par deux arrêts rendus en assemblée plénière le 8 mars 2024 (Ass. plén., 8 mars 2024, pourvois n° 21-21.230 et n° 21-12.560, publiés au Bulletin), la Cour de cassation a jugé que la règle issue de l'article 680 du code de procédure civile constitue un principe général qui s'applique devant les juridictions judiciaires, quelle que soit la nature de cette décision ou de cet acte et celle des voies et délais de recours, et qu'en l'absence de notification régulière des voies et délais de recours, le requérant n'est pas tenu de saisir le juge civil dans le délai défini par la décision du Conseil d'État susvisée du 13 juillet 2016.
9. Il en résulte qu'en l'absence de notification régulière des voies et délais de recours, le délai de recours de deux mois, prévu initialement par l'article R. 143-7 du code de la sécurité sociale et désormais par l'article R. 142-1-A, III, du même code, pour contester la décision d'un organisme de sécurité sociale relative au taux d'incapacité permanente en cas d'accident du travail ou de maladie professionnelle, ne court pas.
10. Pour déclarer le recours de l'employeur irrecevable comme forclos, l'arrêt retient que la mention du tribunal du contentieux de l'incapacité de Lille comme juridiction compétente en cas de contestation ne saurait entacher la notification d'irrégularité, dès lors que, dans le ressort de cette juridiction, la société possède un établissement employant la salariée, victime de la maladie professionnelle.
11. En statuant ainsi, alors que la notification de la décision contestée portait mention d'un tribunal incompétent pour recevoir la requête, comme n'étant pas celui dans le ressort duquel se trouvait le siège social de la société situé à [Localité 4], de sorte qu'elle n'avait pas fait courir le délai de recours, et que la société était dès lors recevable à contester cette décision sans condition de délai, la cour d'appel a violé les textes susvisés.
PAR CES MOTIFS, la Cour :
CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 15 avril 2022, entre les parties, par la cour d'appel de Besançon ;
Remet l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Dijon.
Condamne la caisse primaire d'assurance maladie de l'Artois aux dépens ;
En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par la caisse primaire d'assurance maladie de l'Artois et la condamne à payer à la société Flex-N-Gate France la somme de 3 000 euros ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-sept juin deux mille vingt-quatre.