Cour de cassation, criminelle, Chambre criminelle, 25 juin 2024, 23-83.613, Publié au bulletin
Cour de cassation, criminelle, Chambre criminelle, 25 juin 2024, 23-83.613, Publié au bulletin
Cour de cassation - Chambre criminelle
- N° de pourvoi : 23-83.613
- ECLI:FR:CCASS:2024:CR00834
- Publié au bulletin
- Solution : Cassation partielle
Audience publique du mardi 25 juin 2024
Décision attaquée : Cour d'appel de Rennes, du 03 mai 2023- Président
- M. Bonnal
Texte intégral
RÉPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, a rendu l'arrêt suivant :
N° J 23-83.613 F-B
N° 00834
SL2
25 JUIN 2024
CASSATION PARTIELLE
M. BONNAL président,
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
________________________________________
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________
ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE,
DU 25 JUIN 2024
Mme [I] [J] a formé un pourvoi contre l'arrêt de la cour d'appel de Rennes, 11e chambre, en date du 3 mai 2023, qui, pour harcèlement moral, l'a condamnée à quatre mois d'emprisonnement avec sursis et a prononcé sur les intérêts civils.
Des mémoires, en demande et en défense, ainsi que des observations complémentaires ont été produits.
Sur le rapport de M. Maziau, conseiller, les observations de la SCP Waquet, Farge et Hazan, avocat de Mme [I] [J], les observations de la SARL Thouvenin, Coudray et Grévy, avocat de Mmes [S] [V], épouse [U], [N] [D], M. [C] [W], le comité social d'établissement du centre hospitalier de [Localité 2], venant aux droits du CHSCT et le syndicat [1], et les conclusions de M. Lagauche, avocat général, après débats en l'audience publique du 28 mai 2024 où étaient présents M. Bonnal, président, M. Maziau, conseiller rapporteur, Mme Labrousse, conseiller de la chambre, et Mme Lavaud, greffier de chambre,
la chambre criminelle de la Cour de cassation, composée en application de l'article 567-1-1 du code de procédure pénale, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. Il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de procédure ce qui suit.
2. A la suite d'une enquête préliminaire, Mme [I] [J], directrice du Centre public hospitalier de [Localité 2], a été citée devant le tribunal correctionnel du chef de harcèlement moral au préjudice de plusieurs agents.
3. Par jugement du 9 décembre 2021, le tribunal correctionnel l'a déclarée coupable et l'a condamnée à cinq mois d'emprisonnement avec sursis. Le tribunal a également prononcé sur l'action civile.
4. Mme [J] a interjeté appel. Le ministère public a interjeté appel incident.
Examen des moyens
Sur le troisième moyen
Enoncé du moyen
5. Le moyen critique l'arrêt attaqué en ce qu'il a confirmé le jugement ayant déclaré Mme [J] coupable des faits de harcèlement reprochés à l'égard de M. [C] [W], de Mme [S] [V], épouse [U], infirmé le jugement en ce qu'il a renvoyé Mme [J] des fins de la poursuite pour les faits de harcèlement commis à l'égard de Mmes [P] [E] et de [N] [D], la déclarant coupable des faits poursuivis commis à l'encontre de Mmes [E] et [D], alors :
« 1°/ que ne constituent pas un harcèlement moral les agissements d'un supérieur hiérarchique qui n'excèdent pas son pouvoir normal de direction et ne trouvent d'autres justifications que celles de l'intérêt du service ; pour déclarer Mme [J] coupable de harcèlement moral au préjudice de [C] [W], [S] [V] épouse [U], [P] [E] et [N] [D], la cour d'appel se fonde sur la prétendue dureté de son management et sur des impératifs de gestion du personnel, s'agissant notamment de la démission de M. [W] aux fins d'installer son exploitation agricole, de sa dispense d'engagement de servir et des conditions de sa réintégration ultérieure, des congés, de l'attitude au travail et de la qualité de travail de Mme [U] et de Mme [D], enfin des difficultés avec Mme [E] dont le comportement a donné lieu à une sanction disciplinaire, le tout dans un climat social qualifié de « tendu » ; aucun de ces agissements n'excédait le pouvoir de direction de Mme [J], directrice du centre hospitalier de [Localité 2] en charge de la bonne marche du service dans une période difficile, et les abstentions, actes ou reproches ponctuels dénoncés ne sauraient donc caractériser des agissements répétés insusceptibles de se rattacher au pouvoir de direction de Mme [J] ayant eu pour objet ou pour effet une dégradation des conditions de travail des salariés de l'hôpital ; dès lors, en ne recherchant comme l'y invitaient les conclusions de Mme [J] si ces actes, paroles et mesures n'étaient pas objectivement justifiés par les impératifs de son pouvoir de direction et en n'examinant pas les nombreuses attestations de témoins à décharge réfutant les allégations des plaignantes, la cour d'appel a privé son arrêt de base légale au regard de l'article 222-33-2 du code pénal ;
2°/ que s'agissant en particulier des faits reprochés à Mme [J] concernant Mme [P] [E], il était fait état d'une procédure disciplinaire diligentée à l'encontre de cette dernière ayant donné lieu à une sanction administrative devenue définitive d'exclusion pendant deux ans qui démontrait que le comportement de la salariée n'était pas sans reproche ; en considérant dès lors que « quels qu'aient été les comportements de Mme [E] lui ayant valu une sanction disciplinaire, les éléments recueillis? révèlent que [I] [J] dénigrait Mme [P] [E] auprès de plusieurs personnels de l'établissement, et avait un comportement vexatoire à son égard », la salariée présentant dès 2014 « un état dépressif réactionnel à ce management ressenti comme agressif, ainsi qu'une anxiété anticipatoire à la reprise du travail », qu'il convient donc de réformer le jugement entrepris en ce qu'il a relaxé Mme [J] des faits de harcèlement commis à l'égard de Mme [E] et de la déclarer coupable de ces faits, la cour d'appel qui refuse de tenir compte du comportement difficile de cette personne qui posait de sérieuses difficultés, tant relationnelles que dans le cadre de son travail, justifiant la défiance de Mme [J] à son égard, n'a pas déduit les conséquences qui s'évinçaient de ses propres constatations et a violé le texte susvisé ;
3°/ que les remarques faites par Mme [J] à Mme [D] et à Mme [U] ne mettaient en cause que la qualité de leur travail et l'organisation de leurs congés, et relevaient donc des prérogatives appartenant en propre à Mme [J] en sa qualité de directrice de l'hôpital ; rien ne permet d'ailleurs d'affirmer que les arrêts maladie de Mme [D] du 5 février au 30 avril 2019, ainsi que du 20 août au 30 septembre 2019, et de Mme [U] à plusieurs reprises au cours des années 2018, 2019 et 2020, auxquels la Cour fait référence mais dont les motifs ne sont pas précisés, soient liés à ces remarques relevant de l'exercice normal du pouvoir de direction de Mme [J], et qui ne sont pas de nature à dégrader les conditions de travail de ces salariés, de porter atteinte à leurs droits et à leur dignité, d'altérer leur santé physique ou morale ou de compromettre leur avenir professionnel ; qu'en statuant donc comme elle l'a fait, la cour d'appel n'a pas justifié sa décision au regard du texte susvisé ;
4°/ que la situation de M. [W] est particulière puisqu'il s'est trouvé en congé de formation professionnelle avec pour objectif de quitter son emploi et d'installer sa propre exploitation agricole ; que les reproches de manque de diligence qu'il a adressés à Mme [J] à propos de la demande de dispense de son obligation de servir, et ceux afférant à l'organisation nouvelle de ses conditions de travail à son retour dans l'établissement, ne caractérisent pas un comportement de nature à excéder les limites du pouvoir de direction dont disposait Mme [J] en sa qualité de directrice de l'établissement ; en disant le contraire, la cour d'appel a méconnu le texte susvisé ;
5°/ que le délit de harcèlement moral suppose, en outre, que l'auteur ait agi délibérément avec la conscience du caractère abusif de ses agissements préjudiciables aux salariés concernés ; en l'espèce, l'arrêt ne constate pas que Mme [J] ait agi avec une telle intention de façon délibérée, en ayant conscience de la dégradation des conditions de travail ou de l'atteinte ressentie par les victimes, et n'a donc pas caractérisé l'élément intentionnel du délit, de sorte que la condamnation prononcée n'est pas légalement justifiée au regard du texte susvisé. »
Réponse de la Cour
6. Pour déclarer la prévenue coupable de harcèlement moral, l'arrêt attaqué, après avoir rappelé les termes de l'article 222-33-2 du code pénal, énonce qu'à compter du 21 janvier 2014, Mme [J] a été avisée que certains personnels se plaignaient d'être en souffrance au travail et n'a pu également ignorer que des critiques étaient directement formulées sur sa direction, notamment par des personnels de l'établissement qui ont souligné la dureté de son management et de son comportement à leur égard.
7. Les juges rappellent que, si le délit de harcèlement moral doit être distingué d'un management qui crée de la souffrance au travail, pour autant, les éléments de contexte ne peuvent être ignorés dans l'appréciation de la culpabilité de Mme [J] à l'endroit de chacun des agents concernés, s'agissant notamment du caractère intentionnel des faits susceptibles de recevoir une qualification pénale.
8. S'agissant des faits reprochés à la prévenue à l'égard de M. [C] [W], les juges retiennent, concernant son projet de reconversion professionnelle, que Mme [J] n'a pas été diligente à la suite de la demande de l'intéressé, formulée par courriel le 21 juillet 2017, d'être libéré de son devoir de servir qui aurait pu lui permettre notamment de démissionner sans avoir à rembourser la formation, et que, s'il n'était pas illégitime que l'intéressé ne retrouve pas exactement les mêmes prérogatives et le même poste que ceux qu'il avait avant de partir en congé pour suivre une formation de reconversion, il n'est en revanche pas normal qu'il n'ait pas disposé d'une écoute, d'un soutien et des moyens techniques et de communication nécessaires à son nouveau poste et se soit vu reprocher publiquement par la directrice, son retour dans l'établissement qui empêchait ce dernier d'embaucher du personnel, cette ostracisation et cette stigmatisation ayant été de nature à dégrader ses conditions de travail et à porter atteinte à sa dignité, nombre des arrêts maladie de l'intéressé étant lié à la dégradation de ces dernières.
9. S'agissant des faits reprochés à la prévenue à l'égard de Mme [N] [D], les juges retiennent que les déclarations de la plaignante, selon lesquelles son travail était systématiquement dénigré en public par la directrice, ou encore que cette dernière adoptait une attitude humiliante à son égard lorsqu'elle prenait la parole en réunion, sont corroborées par plusieurs personnes ; qu'il est également acquis que, d'une part, le 16 août 2019, alors qu'elle était en congé, Mme [D] a reçu un courriel de la prévenue qui lui reprochait ce jour de repos alors même qu'elle l'avait déclaré depuis le mois de mai et s'était assurée de la présence de deux de ses collègues, d'autre part, Mme [J] a organisé des réunions relevant des compétences de l'intéressée, sans qu'elle y soit conviée, ce mode de fonctionnement vexatoire étant incontestablement de nature à affecter la plaignante et à dégrader ses conditions de travail.
10. S'agissant des faits reprochés à la prévenue à l'égard de l'une de ses secrétaires, Mme [S] [V], les juges retiennent que Mme [J] ne conteste pas avoir pu dire, selon elle sur le ton de la plaisanterie, en raison de fautes d'orthographe faites par la plaignante qu'elle devrait s'acheter un « Bescherelle » et « faire de la grammaire avec ses enfants » ; qu'ils en déduisent que de tels propos, tenus dans le cadre d'une relation de travail, sont de nature à rabaisser la personne adulte et que l'intéressée a été en arrêt maladie à plusieurs reprises au cours des années 2018, 2019 et 2020.
11. Enfin, s'agissant des faits reprochés à la prévenue à l'égard de Mme [P] [E], les juges relèvent que plusieurs personnels de l'établissement ont confirmé que la prévenue a cherché à isoler la plaignante et l'a dénigrée de façon récurrente en la qualifiant auprès d'un témoin de « point noir de l'établissement », en la prenant pour cible et en ayant un comportement vexatoire à l'égard de celle-ci, notamment au cours de réunions ou lors d'échanges avec elle, agissements susceptibles de porter atteinte aux droits et à la dignité de l'intéressée, d'altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel, au sens des dispositions de l'article 222-33-2 du code pénal, la plaignante ayant fait l'objet entre 2014 et 2020 de dix-neuf arrêts de travail.
12. En se déterminant ainsi, par des motifs exempts d'insuffisance comme de contradiction procédant de son appréciation souveraine des faits et circonstances de la cause et des éléments de preuve produits aux débats, la cour d'appel, qui a relevé que Mme [J] avait été informée, notamment par l'inspection du travail, de l'existence d'une souffrance au travail en lien avec un problème managérial, a caractérisé le délit de harcèlement moral commis au préjudice des quatre agents de l'établissement précités en retenant à l'encontre de la prévenue des propos et comportements répétés, confortés par de nombreux témoignages de personnels de l'établissement, ayant eu pour effet une dégradation des conditions de travail de ces salariés, ce dont elle avait nécessairement conscience compte tenu de ce contexte.
13. Le moyen doit dès lors être écarté.
Mais sur le premier moyen
Enoncé du moyen
14. Le moyen critique l'arrêt attaqué en ce qu'il a condamné Mme [J] du chef de harcèlement à l'égard de quatre personnes, a déclaré recevables les constitutions de parties civiles de huit personnes physiques, outre le syndicat [1], et le CSE du centre hospitalier de [Localité 2], a octroyé au Syndicat [1] et au CSE du centre hospitalier de [Localité 2] des dommages et intérêts d'un euro, et a renvoyé le reste de l'action civile à une audience ultérieure, alors « que les faits reprochés à Mme [J], à les supposer établis, ont été commis dans le cadre de ses fonctions de directeur du Centre Hospitalier de [Localité 2], établissement public de santé ; en se reconnaissant compétente pour statuer sur la responsabilité civile de Mme [J], ayant agi dans l'exercice de ses fonctions sans rechercher, même d'office, si la faute qui lui était imputée présentait le caractère d'une faute personnelle détachable du service, la Cour d'appel a violé le principe de la séparation des pouvoirs, et la loi des 16 et 24 août 1790, outre le décret du 16 fructidor an III. »
Réponse de la Cour
Vu la loi des 16-24 août 1790 et le décret du 16 fructidor an III :
15. Il résulte de ces textes que les tribunaux répressifs de l'ordre judiciaire sont incompétents pour statuer sur la responsabilité d'une administration ou d'un service public en raison d'un fait dommageable commis par l'un de leurs agents et que l'agent d'un service public n'est personnellement responsable des conséquences dommageables de l'acte délictueux qu'il a commis que si celui-ci constitue une faute détachable de ses fonctions.
16. En l'espèce, après avoir déclaré Mme [J] coupable de harcèlement moral, l'arrêt la condamne à verser des dommages-intérêts aux parties civiles.
17. En se reconnaissant ainsi compétente pour statuer sur la responsabilité civile de la prévenue, directrice d'un établissement public hospitalier ayant agi dans l'exercice de ses fonctions, sans rechercher si les fautes imputées à celle-ci présentaient le caractère d'une faute personnelle détachable du service, la cour d'appel a méconnu les textes susvisés et le principe ci-dessus rappelé.
18. En outre, il n'importe que Mme [J] n'ait pas opposé devant les juges du fond l'exception dont elle pouvait se prévaloir, l'incompétence des juridictions étant en pareil cas d'ordre public.
19. La cassation est encourue de ce chef.
Et sur le deuxième moyen
Enoncé du moyen
20. Le moyen critique l'arrêt attaqué en ce qu'il a déclaré recevable la constitution de partie civile du comité social d'établissement (CSE) venant aux droits du CHSCT (comité d'hygiène de sécurité et des conditions de travail) du Centre hospitalier de [Localité 2] et lui a octroyé des dommages et intérêts, alors « que l'action civile est réservée aux victimes directes de l'infraction ; le CHSCT devenu CSE du Centre Hospitalier de [Localité 2] n'a subi aucun préjudice résultant directement du harcèlement reproché au directeur de l'hôpital et exercé sur certaines personnes physiques ; en déclarant recevable sa constitution de partie civile et en lui allouant des dommages et intérêts, la Cour d'appel a violé l'article 2 du code de procédure pénale. »
Réponse de la Cour
Vu les articles 2 et 3 du code de procédure pénale :
21. L'exercice de l'action civile devant les juridictions répressives est un droit exceptionnel qui, en raison de sa nature, doit être strictement renfermé dans les limites fixées par ces textes.
22. Pour déclarer recevable l'action civile du CSE venant aux droits du CHSCT du Centre hospitalier de [Localité 2], l'arrêt attaqué énonce que les faits pour lesquels Mme [J] a été déclarée coupable relèvent de la mission expresse du CSE, en ce sens que les faits de harcèlement retenus ont directement affecté les conditions de travail de plusieurs agents de cet établissement.
23. En se déterminant ainsi, la cour d'appel a méconnu les textes susvisés et le principe ci-dessus rappelé.
24. En effet, le CSE, venant aux droits du CHSCT, n'a pas pour mission de représenter les différentes catégories du personnel, ni les intérêts généraux de la profession, et ne tient d'aucune disposition de la loi le droit d'exercer les pouvoirs de la partie civile sans avoir à justifier d'un préjudice personnel découlant directement des infractions poursuivies, y compris en matière de conditions de travail.
25. La cassation est de nouveau encourue.
Portée et conséquence de la cassation
26. La cassation à intervenir ne concerne que les dispositions relatives aux intérêts civils prononcés à l'encontre de Mme [J], les dispositions sur la culpabilité et la peine étant définitives.
Examen de la demande fondée sur l'article 618-1 du code de procédure pénale
27. Les dispositions de ce texte sont applicables en cas de rejet du pourvoi, qu'il soit total ou partiel. La déclaration de culpabilité de Mme [J] étant devenue définitive, par suite du rejet de son troisième moyen de cassation, contesté par les défendeurs au pourvoi, il y a lieu de faire partiellement droit à la demande de ces derniers.
PAR CES MOTIFS, la Cour :
CASSE et ANNULE l'arrêt susvisé de la cour d'appel de Rennes, en date du 3 mai 2023, mais en ses seules dispositions relatives aux intérêts civils, toutes autres dispositions étant expressément maintenues ;
Et pour qu'il à nouveau jugé, conformément à la loi, dans les limites de la cassation ainsi prononcée ;
RENVOIE la cause et les parties devant la cour d'appel de Rennes, autrement composée, à ce désignée par délibération spéciale prise en chambre du conseil ;
FIXE à 2 500 euros la somme globale que Mme [J] devra payer aux parties représentées par la SARL Thouvenin, Coudray et Grévy, avocat à la Cour, en application de l'article 618-1 du code de procédure pénale.
ORDONNE l'impression du présent arrêt, sa transcription sur les registres du greffe de la cour d'appel de Rennes et sa mention en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement annulé.
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre criminelle, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-cinq juin deux mille vingt-quatre.ECLI:FR:CCASS:2024:CR00834
N° J 23-83.613 F-B
N° 00834
SL2
25 JUIN 2024
CASSATION PARTIELLE
M. BONNAL président,
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
________________________________________
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________
ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE,
DU 25 JUIN 2024
Mme [I] [J] a formé un pourvoi contre l'arrêt de la cour d'appel de Rennes, 11e chambre, en date du 3 mai 2023, qui, pour harcèlement moral, l'a condamnée à quatre mois d'emprisonnement avec sursis et a prononcé sur les intérêts civils.
Des mémoires, en demande et en défense, ainsi que des observations complémentaires ont été produits.
Sur le rapport de M. Maziau, conseiller, les observations de la SCP Waquet, Farge et Hazan, avocat de Mme [I] [J], les observations de la SARL Thouvenin, Coudray et Grévy, avocat de Mmes [S] [V], épouse [U], [N] [D], M. [C] [W], le comité social d'établissement du centre hospitalier de [Localité 2], venant aux droits du CHSCT et le syndicat [1], et les conclusions de M. Lagauche, avocat général, après débats en l'audience publique du 28 mai 2024 où étaient présents M. Bonnal, président, M. Maziau, conseiller rapporteur, Mme Labrousse, conseiller de la chambre, et Mme Lavaud, greffier de chambre,
la chambre criminelle de la Cour de cassation, composée en application de l'article 567-1-1 du code de procédure pénale, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. Il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de procédure ce qui suit.
2. A la suite d'une enquête préliminaire, Mme [I] [J], directrice du Centre public hospitalier de [Localité 2], a été citée devant le tribunal correctionnel du chef de harcèlement moral au préjudice de plusieurs agents.
3. Par jugement du 9 décembre 2021, le tribunal correctionnel l'a déclarée coupable et l'a condamnée à cinq mois d'emprisonnement avec sursis. Le tribunal a également prononcé sur l'action civile.
4. Mme [J] a interjeté appel. Le ministère public a interjeté appel incident.
Examen des moyens
Sur le troisième moyen
Enoncé du moyen
5. Le moyen critique l'arrêt attaqué en ce qu'il a confirmé le jugement ayant déclaré Mme [J] coupable des faits de harcèlement reprochés à l'égard de M. [C] [W], de Mme [S] [V], épouse [U], infirmé le jugement en ce qu'il a renvoyé Mme [J] des fins de la poursuite pour les faits de harcèlement commis à l'égard de Mmes [P] [E] et de [N] [D], la déclarant coupable des faits poursuivis commis à l'encontre de Mmes [E] et [D], alors :
« 1°/ que ne constituent pas un harcèlement moral les agissements d'un supérieur hiérarchique qui n'excèdent pas son pouvoir normal de direction et ne trouvent d'autres justifications que celles de l'intérêt du service ; pour déclarer Mme [J] coupable de harcèlement moral au préjudice de [C] [W], [S] [V] épouse [U], [P] [E] et [N] [D], la cour d'appel se fonde sur la prétendue dureté de son management et sur des impératifs de gestion du personnel, s'agissant notamment de la démission de M. [W] aux fins d'installer son exploitation agricole, de sa dispense d'engagement de servir et des conditions de sa réintégration ultérieure, des congés, de l'attitude au travail et de la qualité de travail de Mme [U] et de Mme [D], enfin des difficultés avec Mme [E] dont le comportement a donné lieu à une sanction disciplinaire, le tout dans un climat social qualifié de « tendu » ; aucun de ces agissements n'excédait le pouvoir de direction de Mme [J], directrice du centre hospitalier de [Localité 2] en charge de la bonne marche du service dans une période difficile, et les abstentions, actes ou reproches ponctuels dénoncés ne sauraient donc caractériser des agissements répétés insusceptibles de se rattacher au pouvoir de direction de Mme [J] ayant eu pour objet ou pour effet une dégradation des conditions de travail des salariés de l'hôpital ; dès lors, en ne recherchant comme l'y invitaient les conclusions de Mme [J] si ces actes, paroles et mesures n'étaient pas objectivement justifiés par les impératifs de son pouvoir de direction et en n'examinant pas les nombreuses attestations de témoins à décharge réfutant les allégations des plaignantes, la cour d'appel a privé son arrêt de base légale au regard de l'article 222-33-2 du code pénal ;
2°/ que s'agissant en particulier des faits reprochés à Mme [J] concernant Mme [P] [E], il était fait état d'une procédure disciplinaire diligentée à l'encontre de cette dernière ayant donné lieu à une sanction administrative devenue définitive d'exclusion pendant deux ans qui démontrait que le comportement de la salariée n'était pas sans reproche ; en considérant dès lors que « quels qu'aient été les comportements de Mme [E] lui ayant valu une sanction disciplinaire, les éléments recueillis? révèlent que [I] [J] dénigrait Mme [P] [E] auprès de plusieurs personnels de l'établissement, et avait un comportement vexatoire à son égard », la salariée présentant dès 2014 « un état dépressif réactionnel à ce management ressenti comme agressif, ainsi qu'une anxiété anticipatoire à la reprise du travail », qu'il convient donc de réformer le jugement entrepris en ce qu'il a relaxé Mme [J] des faits de harcèlement commis à l'égard de Mme [E] et de la déclarer coupable de ces faits, la cour d'appel qui refuse de tenir compte du comportement difficile de cette personne qui posait de sérieuses difficultés, tant relationnelles que dans le cadre de son travail, justifiant la défiance de Mme [J] à son égard, n'a pas déduit les conséquences qui s'évinçaient de ses propres constatations et a violé le texte susvisé ;
3°/ que les remarques faites par Mme [J] à Mme [D] et à Mme [U] ne mettaient en cause que la qualité de leur travail et l'organisation de leurs congés, et relevaient donc des prérogatives appartenant en propre à Mme [J] en sa qualité de directrice de l'hôpital ; rien ne permet d'ailleurs d'affirmer que les arrêts maladie de Mme [D] du 5 février au 30 avril 2019, ainsi que du 20 août au 30 septembre 2019, et de Mme [U] à plusieurs reprises au cours des années 2018, 2019 et 2020, auxquels la Cour fait référence mais dont les motifs ne sont pas précisés, soient liés à ces remarques relevant de l'exercice normal du pouvoir de direction de Mme [J], et qui ne sont pas de nature à dégrader les conditions de travail de ces salariés, de porter atteinte à leurs droits et à leur dignité, d'altérer leur santé physique ou morale ou de compromettre leur avenir professionnel ; qu'en statuant donc comme elle l'a fait, la cour d'appel n'a pas justifié sa décision au regard du texte susvisé ;
4°/ que la situation de M. [W] est particulière puisqu'il s'est trouvé en congé de formation professionnelle avec pour objectif de quitter son emploi et d'installer sa propre exploitation agricole ; que les reproches de manque de diligence qu'il a adressés à Mme [J] à propos de la demande de dispense de son obligation de servir, et ceux afférant à l'organisation nouvelle de ses conditions de travail à son retour dans l'établissement, ne caractérisent pas un comportement de nature à excéder les limites du pouvoir de direction dont disposait Mme [J] en sa qualité de directrice de l'établissement ; en disant le contraire, la cour d'appel a méconnu le texte susvisé ;
5°/ que le délit de harcèlement moral suppose, en outre, que l'auteur ait agi délibérément avec la conscience du caractère abusif de ses agissements préjudiciables aux salariés concernés ; en l'espèce, l'arrêt ne constate pas que Mme [J] ait agi avec une telle intention de façon délibérée, en ayant conscience de la dégradation des conditions de travail ou de l'atteinte ressentie par les victimes, et n'a donc pas caractérisé l'élément intentionnel du délit, de sorte que la condamnation prononcée n'est pas légalement justifiée au regard du texte susvisé. »
Réponse de la Cour
6. Pour déclarer la prévenue coupable de harcèlement moral, l'arrêt attaqué, après avoir rappelé les termes de l'article 222-33-2 du code pénal, énonce qu'à compter du 21 janvier 2014, Mme [J] a été avisée que certains personnels se plaignaient d'être en souffrance au travail et n'a pu également ignorer que des critiques étaient directement formulées sur sa direction, notamment par des personnels de l'établissement qui ont souligné la dureté de son management et de son comportement à leur égard.
7. Les juges rappellent que, si le délit de harcèlement moral doit être distingué d'un management qui crée de la souffrance au travail, pour autant, les éléments de contexte ne peuvent être ignorés dans l'appréciation de la culpabilité de Mme [J] à l'endroit de chacun des agents concernés, s'agissant notamment du caractère intentionnel des faits susceptibles de recevoir une qualification pénale.
8. S'agissant des faits reprochés à la prévenue à l'égard de M. [C] [W], les juges retiennent, concernant son projet de reconversion professionnelle, que Mme [J] n'a pas été diligente à la suite de la demande de l'intéressé, formulée par courriel le 21 juillet 2017, d'être libéré de son devoir de servir qui aurait pu lui permettre notamment de démissionner sans avoir à rembourser la formation, et que, s'il n'était pas illégitime que l'intéressé ne retrouve pas exactement les mêmes prérogatives et le même poste que ceux qu'il avait avant de partir en congé pour suivre une formation de reconversion, il n'est en revanche pas normal qu'il n'ait pas disposé d'une écoute, d'un soutien et des moyens techniques et de communication nécessaires à son nouveau poste et se soit vu reprocher publiquement par la directrice, son retour dans l'établissement qui empêchait ce dernier d'embaucher du personnel, cette ostracisation et cette stigmatisation ayant été de nature à dégrader ses conditions de travail et à porter atteinte à sa dignité, nombre des arrêts maladie de l'intéressé étant lié à la dégradation de ces dernières.
9. S'agissant des faits reprochés à la prévenue à l'égard de Mme [N] [D], les juges retiennent que les déclarations de la plaignante, selon lesquelles son travail était systématiquement dénigré en public par la directrice, ou encore que cette dernière adoptait une attitude humiliante à son égard lorsqu'elle prenait la parole en réunion, sont corroborées par plusieurs personnes ; qu'il est également acquis que, d'une part, le 16 août 2019, alors qu'elle était en congé, Mme [D] a reçu un courriel de la prévenue qui lui reprochait ce jour de repos alors même qu'elle l'avait déclaré depuis le mois de mai et s'était assurée de la présence de deux de ses collègues, d'autre part, Mme [J] a organisé des réunions relevant des compétences de l'intéressée, sans qu'elle y soit conviée, ce mode de fonctionnement vexatoire étant incontestablement de nature à affecter la plaignante et à dégrader ses conditions de travail.
10. S'agissant des faits reprochés à la prévenue à l'égard de l'une de ses secrétaires, Mme [S] [V], les juges retiennent que Mme [J] ne conteste pas avoir pu dire, selon elle sur le ton de la plaisanterie, en raison de fautes d'orthographe faites par la plaignante qu'elle devrait s'acheter un « Bescherelle » et « faire de la grammaire avec ses enfants » ; qu'ils en déduisent que de tels propos, tenus dans le cadre d'une relation de travail, sont de nature à rabaisser la personne adulte et que l'intéressée a été en arrêt maladie à plusieurs reprises au cours des années 2018, 2019 et 2020.
11. Enfin, s'agissant des faits reprochés à la prévenue à l'égard de Mme [P] [E], les juges relèvent que plusieurs personnels de l'établissement ont confirmé que la prévenue a cherché à isoler la plaignante et l'a dénigrée de façon récurrente en la qualifiant auprès d'un témoin de « point noir de l'établissement », en la prenant pour cible et en ayant un comportement vexatoire à l'égard de celle-ci, notamment au cours de réunions ou lors d'échanges avec elle, agissements susceptibles de porter atteinte aux droits et à la dignité de l'intéressée, d'altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel, au sens des dispositions de l'article 222-33-2 du code pénal, la plaignante ayant fait l'objet entre 2014 et 2020 de dix-neuf arrêts de travail.
12. En se déterminant ainsi, par des motifs exempts d'insuffisance comme de contradiction procédant de son appréciation souveraine des faits et circonstances de la cause et des éléments de preuve produits aux débats, la cour d'appel, qui a relevé que Mme [J] avait été informée, notamment par l'inspection du travail, de l'existence d'une souffrance au travail en lien avec un problème managérial, a caractérisé le délit de harcèlement moral commis au préjudice des quatre agents de l'établissement précités en retenant à l'encontre de la prévenue des propos et comportements répétés, confortés par de nombreux témoignages de personnels de l'établissement, ayant eu pour effet une dégradation des conditions de travail de ces salariés, ce dont elle avait nécessairement conscience compte tenu de ce contexte.
13. Le moyen doit dès lors être écarté.
Mais sur le premier moyen
Enoncé du moyen
14. Le moyen critique l'arrêt attaqué en ce qu'il a condamné Mme [J] du chef de harcèlement à l'égard de quatre personnes, a déclaré recevables les constitutions de parties civiles de huit personnes physiques, outre le syndicat [1], et le CSE du centre hospitalier de [Localité 2], a octroyé au Syndicat [1] et au CSE du centre hospitalier de [Localité 2] des dommages et intérêts d'un euro, et a renvoyé le reste de l'action civile à une audience ultérieure, alors « que les faits reprochés à Mme [J], à les supposer établis, ont été commis dans le cadre de ses fonctions de directeur du Centre Hospitalier de [Localité 2], établissement public de santé ; en se reconnaissant compétente pour statuer sur la responsabilité civile de Mme [J], ayant agi dans l'exercice de ses fonctions sans rechercher, même d'office, si la faute qui lui était imputée présentait le caractère d'une faute personnelle détachable du service, la Cour d'appel a violé le principe de la séparation des pouvoirs, et la loi des 16 et 24 août 1790, outre le décret du 16 fructidor an III. »
Réponse de la Cour
Vu la loi des 16-24 août 1790 et le décret du 16 fructidor an III :
15. Il résulte de ces textes que les tribunaux répressifs de l'ordre judiciaire sont incompétents pour statuer sur la responsabilité d'une administration ou d'un service public en raison d'un fait dommageable commis par l'un de leurs agents et que l'agent d'un service public n'est personnellement responsable des conséquences dommageables de l'acte délictueux qu'il a commis que si celui-ci constitue une faute détachable de ses fonctions.
16. En l'espèce, après avoir déclaré Mme [J] coupable de harcèlement moral, l'arrêt la condamne à verser des dommages-intérêts aux parties civiles.
17. En se reconnaissant ainsi compétente pour statuer sur la responsabilité civile de la prévenue, directrice d'un établissement public hospitalier ayant agi dans l'exercice de ses fonctions, sans rechercher si les fautes imputées à celle-ci présentaient le caractère d'une faute personnelle détachable du service, la cour d'appel a méconnu les textes susvisés et le principe ci-dessus rappelé.
18. En outre, il n'importe que Mme [J] n'ait pas opposé devant les juges du fond l'exception dont elle pouvait se prévaloir, l'incompétence des juridictions étant en pareil cas d'ordre public.
19. La cassation est encourue de ce chef.
Et sur le deuxième moyen
Enoncé du moyen
20. Le moyen critique l'arrêt attaqué en ce qu'il a déclaré recevable la constitution de partie civile du comité social d'établissement (CSE) venant aux droits du CHSCT (comité d'hygiène de sécurité et des conditions de travail) du Centre hospitalier de [Localité 2] et lui a octroyé des dommages et intérêts, alors « que l'action civile est réservée aux victimes directes de l'infraction ; le CHSCT devenu CSE du Centre Hospitalier de [Localité 2] n'a subi aucun préjudice résultant directement du harcèlement reproché au directeur de l'hôpital et exercé sur certaines personnes physiques ; en déclarant recevable sa constitution de partie civile et en lui allouant des dommages et intérêts, la Cour d'appel a violé l'article 2 du code de procédure pénale. »
Réponse de la Cour
Vu les articles 2 et 3 du code de procédure pénale :
21. L'exercice de l'action civile devant les juridictions répressives est un droit exceptionnel qui, en raison de sa nature, doit être strictement renfermé dans les limites fixées par ces textes.
22. Pour déclarer recevable l'action civile du CSE venant aux droits du CHSCT du Centre hospitalier de [Localité 2], l'arrêt attaqué énonce que les faits pour lesquels Mme [J] a été déclarée coupable relèvent de la mission expresse du CSE, en ce sens que les faits de harcèlement retenus ont directement affecté les conditions de travail de plusieurs agents de cet établissement.
23. En se déterminant ainsi, la cour d'appel a méconnu les textes susvisés et le principe ci-dessus rappelé.
24. En effet, le CSE, venant aux droits du CHSCT, n'a pas pour mission de représenter les différentes catégories du personnel, ni les intérêts généraux de la profession, et ne tient d'aucune disposition de la loi le droit d'exercer les pouvoirs de la partie civile sans avoir à justifier d'un préjudice personnel découlant directement des infractions poursuivies, y compris en matière de conditions de travail.
25. La cassation est de nouveau encourue.
Portée et conséquence de la cassation
26. La cassation à intervenir ne concerne que les dispositions relatives aux intérêts civils prononcés à l'encontre de Mme [J], les dispositions sur la culpabilité et la peine étant définitives.
Examen de la demande fondée sur l'article 618-1 du code de procédure pénale
27. Les dispositions de ce texte sont applicables en cas de rejet du pourvoi, qu'il soit total ou partiel. La déclaration de culpabilité de Mme [J] étant devenue définitive, par suite du rejet de son troisième moyen de cassation, contesté par les défendeurs au pourvoi, il y a lieu de faire partiellement droit à la demande de ces derniers.
PAR CES MOTIFS, la Cour :
CASSE et ANNULE l'arrêt susvisé de la cour d'appel de Rennes, en date du 3 mai 2023, mais en ses seules dispositions relatives aux intérêts civils, toutes autres dispositions étant expressément maintenues ;
Et pour qu'il à nouveau jugé, conformément à la loi, dans les limites de la cassation ainsi prononcée ;
RENVOIE la cause et les parties devant la cour d'appel de Rennes, autrement composée, à ce désignée par délibération spéciale prise en chambre du conseil ;
FIXE à 2 500 euros la somme globale que Mme [J] devra payer aux parties représentées par la SARL Thouvenin, Coudray et Grévy, avocat à la Cour, en application de l'article 618-1 du code de procédure pénale.
ORDONNE l'impression du présent arrêt, sa transcription sur les registres du greffe de la cour d'appel de Rennes et sa mention en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement annulé.
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre criminelle, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-cinq juin deux mille vingt-quatre.