Cour de cassation, civile, Chambre civile 3, 13 juin 2024, 23-11.053, Publié au bulletin

Texte intégral

RÉPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

CIV. 3

MF



COUR DE CASSATION
______________________


Audience publique du 13 juin 2024




Cassation partielle


Mme TEILLER, président



Arrêt n° 300 FS-B

Pourvoi n° Q 23-11.053




R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________


ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 13 JUIN 2024

La Ville de Paris, représentée par son maire en exercice, domicilié en cette qualité en l'[Adresse 2], a formé le pourvoi n° Q 23-11.053 contre l'arrêt rendu le 10 novembre 2022 par la cour d'appel de Paris (pôle 1, chambre 2), dans le litige l'opposant à M. [U] [F], domicilié [Adresse 1], défendeur à la cassation.

La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, un moyen de cassation.

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de Mme Gallet, conseiller référendaire, les observations de la SCP Foussard et Froger, avocat de la Ville de Paris, de la SCP Spinosi, avocat de M. [F], et l'avis de M. Sturlèse, avocat général, après débats en l'audience publique du 30 avril 2024 où étaient présents Mme Teiller, président, Mme Gallet, conseiller référendaire rapporteur, M. David, conseiller faisant fonction de doyen, Mmes Grandjean, Grall, M. Bosse-Platière, Mmes Proust, Pic, conseillers, Mmes Schmitt, Aldigé, M. Baraké, Mme Davoine, MM. Pons, Choquet, conseillers référendaires, M. Sturlèse, avocat général, et Mme Maréville, greffier de chambre,

la troisième chambre civile de la Cour de cassation, composée, en application de l'article R. 431-5 du code de l'organisation judiciaire, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt ;

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Paris, 10 novembre 2022), la Ville de Paris a assigné devant le président du tribunal de grande instance de Paris statuant en la forme des référés, sur le fondement des articles L. 631-7 et L. 651-2 du code de la construction et de l'habitation, M. [F], propriétaire d'un appartement issu de la réunion des lots n° 2 et 7 d'un immeuble situé à Paris, afin de le voir condamner au paiement d'une amende civile, pour en avoir changé l'usage en le louant de manière répétée, pour de courtes durées, à une clientèle de passage n'y élisant pas domicile.

Examen du moyen

Sur le moyen, pris en sa cinquième branche

Enoncé du moyen

2. La Ville de Paris fait grief à l'arrêt de rejeter ses demandes en injonction
de retour à l'habitation des locaux loués et en paiement d'une amende civile, alors « que constituent des locaux destinés à l'habitation toutes catégories de logements et leurs annexes ; qu'un local à usage d'habitation ne perd pas cet usage lorsqu'il est réuni avec un autre local, ce local fusse-t-il affecté à un autre usage que l'habitation ; que dans les communes de plus de 200 000 habitants et à celles des départements des Hauts-de-Seine, de la Seine-Saint-Denis et du Val-de-Marne, le changement d'usage des locaux destinés à l'habitation est soumis à autorisation préalable ; qu'ainsi le changement d'usage d'un bien affecté à un usage d'habitation à la date de référence est soumis à autorisation, nonobstant sa réunion avec un autre local ; que pour débouter la Ville de Paris de ses demandes, l'arrêt relève que le lot n° 7, d'une surface de 42 m², doit être regardé comme étant à usage d'habitation à la date de référence mais que tel n'est pas le cas du lot n° 2, d'une surface de 10 m², et que le logement issu de la réunion des lots n° 7 et 2 ne peut être considéré comme affecté dans son entier à l'usage d'habitation à la date de référence, de sorte que l'infraction aux dispositions relatives aux changements d'usage n'est pas caractérisée ; qu'en statuant ainsi quand il résulte de ses constatations que le local donné à bail dans le cadre de locations de courtes durées était, pour partie, composé d'un local affecté à l'usage d'habitation à la date de référence, de sorte que, pour cette partie au moins, le changement d'usage était soumis à autorisation, la cour d'appel a violé les articles L. 631-7 et L. 651-2 du code de la construction et de l'habitation. »

Réponse de la Cour

Vu les articles L. 631-7 et L. 651-2 du code de la construction et de l'habitation :

3. Selon le premier de ces textes, dans certaines communes, le changement d'usage des locaux destinés à l'habitation est soumis à autorisation préalable. Un local est réputé à usage d'habitation au sens de ce texte s'il était affecté à cet usage au 1er janvier 1970. Le fait de louer un local meublé destiné à l'habitation de manière répétée pour de courtes durées à une clientèle de passage qui n'y élit pas domicile constitue un changement d'usage.

4. Selon le second, toute personne qui enfreint les dispositions de l'article L. 631-7 ou qui ne se conforme pas aux conditions ou obligations imposées en application dudit article est condamnée à une amende civile dont le montant ne peut excéder 50 000 euros par local irrégulièrement transformé.

5. Un local affecté à un usage d'habitation au 1er janvier 1970 ne perd pas cet usage lorsqu'il est ultérieurement réuni avec un autre local, quel que soit l'usage de ce dernier.

6. Pour rejeter les demandes de la Ville de Paris, l'arrêt retient que l'usage d'habitation à la date de référence du 1er janvier 1970 est établi pour le lot n° 7, mais non pour le lot n° 2, de sorte que le local issu de la réunion de ces deux lots ne peut être considéré comme étant affecté dans son entier à l'usage d'habitation au 1er janvier 1970.

7. En statuant ainsi, alors qu'il résultait de ses constatations que le local était, pour partie, composé d'un local affecté à l'usage d'habitation à la date de référence, de sorte que sa location pour de courtes durées constituait un changement d'usage et était soumise à autorisation pour le lot concerné, la cour d'appel a violé les textes susvisés.

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs, la Cour :

CASSE ET ANNULE, sauf en ce qu'il constate le désistement d'appel de la Ville de Paris à l'égard de la société PNL Property, l'arrêt rendu le 10 novembre 2022, entre les parties, par la cour d'appel de Paris ;

Remet, sauf sur ce point, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Paris autrement composée ;

Condamne M. [F] aux dépens ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par M. [F] et le condamne à payer à la Ville de Paris la somme de 3 000 euros ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, troisième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du treize juin deux mille vingt-quatre. ECLI:FR:CCASS:2024:C300300
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