Cour de cassation, civile, Chambre sociale, 12 juin 2024, 22-18.138, Inédit
Cour de cassation, civile, Chambre sociale, 12 juin 2024, 22-18.138, Inédit
Cour de cassation - Chambre sociale
- N° de pourvoi : 22-18.138
- ECLI:FR:CCASS:2024:SO00572
- Non publié au bulletin
- Solution : Cassation partielle sans renvoi
Audience publique du mercredi 12 juin 2024
Décision attaquée : Cour d'appel de Fort de France, du 18 février 2022- Président
- Mme Capitaine (conseiller doyen faisant fonction de président)
Texte intégral
RÉPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
SOC.
CH9
COUR DE CASSATION
______________________
Audience publique du 12 juin 2024
Cassation partielle
sans renvoi
Mme CAPITAINE, conseiller doyen
faisant fonction de président
Arrêt n° 572 F-D
Pourvoi n° V 22-18.138
Aide juridictionnelle partielle en défense
au profit de Mme [Y].
Admission du bureau d'aide juridictionnelle
près la Cour de cassation
en date du 13 octobre 2022.
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
_________________________
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________
ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 12 JUIN 2024
La société Bellevue Sainte-Marie, société à responsabilité limitée, dont le siège est [Adresse 1], a formé le pourvoi n° V 22-18.138 contre l'arrêt rendu le 18 février 2022 par la cour d'appel de Fort-de-France (chambre sociale), dans le litige l'opposant à Mme [O] [Y], domiciliée [Adresse 2], défenderesse à la cassation.
Mme [Y] a formé un pourvoi incident contre le même arrêt.
La demanderesse au pourvoi principal invoque, à l'appui de son recours, trois moyens de cassation.
La demanderesse au pourvoi incident invoque, à l'appui de son recours, quatre moyens de cassation.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de Mme Palle, conseiller, les observations écrites de la SCP Gatineau, Fattaccini et Rebeyrol, avocat de la société Bellevue Sainte-Marie, de la SARL Thouvenin, Coudray et Grévy, avocat de Mme [Y], après débats en l'audience publique du 7 mai 2024 où étaient présentes Mme Capitaine, conseiller doyen faisant fonction de président, Mme Palle, conseiller rapporteur, Mme Salomon, conseiller, et Mme Aubac, greffier de chambre,
la chambre sociale de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. Selon l'arrêt attaqué (Fort-de-France, 18 février 2022), Mme [Y] a été engagée en qualité d'ouvrière agricole, le 7 juillet 1996, par la société Bellevue espérance puis, à compter du 1er janvier 2015, par la société Bellevue Sainte-Marie (l'employeur).
2. Victime d'un accident du travail le 9 juin 2016, la salariée a été déclarée « inapte à tous postes dans l'entreprise » en une seule visite, précisant « danger immédiat, tout maintien dans l'entreprise serait préjudiciable à son état de santé », le 2 septembre 2016.
3. Licenciée par l'employeur, le 23 juin 2017, pour refus abusif de trois postes de reclassement, la salariée a saisi la juridiction prud'homale de diverses demandes relatives à l'exécution et à la rupture du contrat de travail.
Examen des moyens
Sur le troisième moyen du pourvoi principal et les premier et deuxième moyens du pourvoi incident
4. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ces moyens qui ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation.
Sur le premier moyen du pourvoi principal
Enoncé du moyen
5. L'employeur fait grief à l'arrêt de le condamner au paiement de diverses sommes à titre d'indemnité compensatrice de préavis et de congés payés afférents, d'indemnité spéciale de licenciement et de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, alors :
« 1°/ que l'obligation qui pèse sur l'employeur de rechercher un reclassement au salarié déclaré par le médecin du travail inapte à reprendre l'emploi qu'il occupait précédemment naît à la date de la déclaration d'inaptitude par le médecin du travail ; qu'il en résulte que la loi applicable à l'inaptitude et au licenciement consécutif est celle en vigueur au moment du constat de l'inaptitude ; qu'il était constant en l'espèce que l'inaptitude de Mme [Y] avait été constatée le 2 septembre 2016 et son licenciement prononcé le 23 juin 2017 ; qu'en faisant application de l'article L. 1226-12 du code du travail, dans sa rédaction issue de la loi n° 2016-1088 du 8 août 2016, entrée en vigueur le 1er janvier 2017, la cour d'appel a violé la disposition susvisée par fausse application ;
2°/ que s'il résulte des dispositions de l'article L. 1226-12 du code du travail, dans sa rédaction issue de la loi n° 2015-994 du 17 août 2015, que l'employeur peut rompre le contrat de travail si l'avis du médecin du travail mentionne expressément que tout maintien du salarié dans l'entreprise serait gravement préjudiciable à sa santé, il n'en résulte aucune interdiction faite à l'employeur de rechercher le reclassement du salarié, ni aucune obligation de procéder immédiatement à son licenciement ; qu'en jugeant, parce que l'avis d'inaptitude de Mme [Y] mentionnait que son maintien dans l'entreprise serait préjudiciable à sa santé, que la société Bellevue Sainte-Marie était dispensée de toute recherche de reclassement, qu'elle « devait » licencier la salariée pour inaptitude sans la maintenir à son poste, et que son licenciement ne pouvait être motivé que par le caractère préjudiciable pour son état de santé de son maintien dans l'entreprise, pour en déduire que son licenciement fondé sur son refus des propositions de reclassement qui lui avaient été faites était dénué de cause réelle et sérieuse, la cour d'appel a violé l'article L. 1226-12 du code du travail dans sa rédaction issue de la loi n° 2015-994 du 17 août 2015 ;
3°/ que les termes du litige sont fixés par les prétentions des parties ; que le juge ne peut se fonder sur des faits qui ne sont pas dans le débat ; qu'en retenant que la société Bellevue Sainte-Marie ne pouvait, sans méconnaître les recommandations du médecin du travail, maintenir la salariée à son poste, pour en déduire que son licenciement fondé sur son refus des propositions de reclassement qui lui avaient été faites était dénué de cause réelle et sérieuse, lorsqu'en l'espèce aucune des parties n'avait soutenu que Mme [Y] aurait repris ses fonctions après le constat de son inaptitude jusqu'à son licenciement, la cour d'appel a violé les articles 4 et 7 du code de procédure civile ;
4°/ que les juges du fond doivent préciser l'origine de leurs renseignements ; qu'en affirmant que Mme [Y] aurait été maintenue par l'employeur à son poste de travail après l'avis d'inaptitude, sans préciser de quelles pièces elle tirait un tel constat, la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile. »
Réponse de la Cour
6. Ayant constaté que l'avis d'inaptitude mentionnait expressément que tout maintien de la salariée dans l'entreprise serait préjudiciable à sa santé et ayant fait ressortir que les propositions de reclassement faites par l'employeur n'étaient pas compatibles avec les recommandations du médecin du travail, la cour d'appel qui a retenu que le licenciement prononcé pour le motif de refus de reclassement était sans cause réelle et sérieuse, a, par ces seuls motifs, abstraction faite des motifs surabondants critiqués par les deux dernières branches, légalement justifié sa décision.
Sur le troisième moyen du pourvoi incident
Enoncé du moyen
7. La salariée fait grief à l'arrêt de la débouter de sa demande d'indemnité de congés payés, alors « que la partie qui ne conclut pas ou qui, sans énoncer de nouveaux moyens, demande la confirmation du jugement est réputée s'en approprier les motifs ; qu'en déboutant la salariée de sa demande d'indemnité de congés payés au motif qu'elle ne justifie pas d'un impayé de congés payés en cause d'appel et ne produit aucune pièce au soutien de cette demande, sans examiner les motifs du jugement ayant fait droit à cette prétention et dont la salariée demandait confirmation, la cour d'appel a violé les articles 455 et 954, alinéa 6, du code de procédure civile dans sa rédaction issue du décret n° 2017-891 du 6 mai 2017. »
Réponse de la Cour
Recevabilité du moyen
8. Aucun des chefs du dispositif de l'arrêt attaqué n'infirmant le jugement en ce qu'il condamne la société Bellevue Sainte-Marie à payer à la salariée une certaine somme à titre de congés payés, ni ne rejetant cette demande, cette condamnation est au nombre des chefs du dispositif du jugement que l'arrêt confirme, de sorte que la salariée ne justifie d'aucun intérêt à la cassation de l'arrêt qui fait droit à sa demande.
9. Le moyen est donc irrecevable.
Sur le quatrième moyen du pourvoi incident
Enoncé du moyen
10. La salariée fait grief à l'arrêt de limiter le montant de l'indemnité compensatrice de préavis à une certaine somme, alors « qu'en application de l'article L. 5213-9 du code du travail, en cas de licenciement d'un travailleur handicapé, la durée du préavis est doublée, sans toutefois que cette mesure puisse avoir pour effet de porter au-delà de trois mois la durée du préavis ; qu'en refusant d'allouer à la salariée un supplément d'indemnité compensatrice de préavis d'un montant de 1 480,30 euros au motif que ce texte n'est pas applicable à l'indemnité compensatrice de préavis prévue par l'article L. 1234-5 du code du travail, la cour d'appel a violé les articles L. 1234-5 et L. 5213-9 du code du travail. »
Réponse de la Cour
11. L'article L. 5213-9 du code du travail qui a pour but de doubler la durée du délai-congé en faveur des salariés handicapés, n'est pas applicable à l'indemnité compensatrice prévue à l'article L. 1226-14 du même code.
12. L'arrêt, après avoir énoncé les dispositions des articles L. 1226-14 et L. 5213-9 du code du travail, retient que la salariée peut prétendre par application de l'article L. 1226-14 à une indemnité compensatrice égale à l'indemnité de préavis prévue à l'article L. 1234-5.
13. Par ce motif de pur droit, substitué à ceux critiqués, dans les conditions prévues par l'article 620, alinéa 1er, du code de procédure civile, l'arrêt, en ce qu'il a rejeté la demande de la salariée en paiement d'un supplément d'indemnité compensatrice en raison de sa qualité de travailleur handicapé, se trouve légalement justifié.
Mais sur le deuxième moyen du pourvoi principal, en ce qu'il fait grief à l'arrêt de condamner l'employeur à verser à la salariée une somme au titre des congés payés afférents à l'indemnité compensatrice de préavis
Recevabilité du moyen
14. L'employeur conteste la recevabilité du moyen. Il soutient qu'il est nouveau.
15. Cependant, le moyen ne se réfère à aucune considération de fait qui ne résulterait pas des énonciations des juges du fond.
16. Le moyen est donc de pur droit et partant recevable.
Bien-fondé du moyen
Enoncé du moyen
17. L'employeur fait grief à l'arrêt de le condamner à payer une somme au titre des congés payés afférents à l'indemnité compensatrice, alors « que l'indemnité prévue à l'article L. 1226-14 du code du travail, au paiement de laquelle l'employeur est tenu en cas de rupture du contrat de travail d'un salarié déclaré par le médecin du travail inapte à son emploi en conséquence d'un accident du travail ou d'une maladie professionnelle, et dont le montant est égal à celui de l'indemnité prévue à l'article L. 1234-5 du code du travail, n'a pas la nature d'une indemnité de préavis et n'ouvre pas droit à congés payés ; qu'en accordant à Mme [Y] la somme de 2 960,60 euros à titre d'indemnité de préavis assortie d'une indemnité de congés payés de 296,06 euros, la cour d'appel a violé l'article L. 1226-14 du code du travail. »
Réponse de la Cour
Vu l'article L. 1226-14 du code du travail :
18. Selon ce texte, l'indemnité compensatrice d'un montant égal à celui de l'indemnité compensatrice de préavis n'a pas la nature d'une indemnité de préavis et n'ouvre pas droit à congés payés.
19. La cour d'appel a accordé à la salariée une somme correspondant à l'indemnité de préavis et une somme au titre des congés payés afférents.
20. En statuant ainsi, la cour d'appel a violé le texte susvisé.
Portée et conséquences de la cassation
21. Tel que suggéré par la défense, il est fait application des articles L. 411-3, alinéa 2, du code de l'organisation judiciaire et 627 du code de procédure civile.
22. L'intérêt d'une bonne administration de la justice justifie, en effet, que la Cour de cassation statue au fond.
23. Le deuxième moyen du pourvoi principal ne formulant aucune critique contre les motifs de l'arrêt fondant la décision de condamner l'employeur à une certaine somme au titre de l'indemnité compensatrice, la cassation ne peut s'étendre à ces dispositions de l'arrêt qui ne sont pas en lien de dépendance avec les dispositions de l'arrêt critiquées par ce moyen.
24. La cassation prononcée n'emporte pas celle des chefs de dispositif de l'arrêt condamnant l'employeur aux dépens ainsi qu'au paiement d'une somme en application de l'article 700 du code de procédure civile, justifiés par d'autres condamnations prononcées à l'encontre de celui-ci non remises en cause.
PAR CES MOTIFS, la Cour :
CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il condamne la société Bellevue Sainte-Marie à payer à Mme [Y] la somme de 296,06 euros à titre de congés payés sur indemnité compensatrice de préavis, l'arrêt rendu le 18 février 2022, entre les parties, par la cour d'appel de Fort-de-France ;
Dit n'y avoir lieu à renvoi ;
Rejette la demande d'indemnité de congés payés afférents à l'indemnité compensatrice ;
Condamne Mme [Y] aux dépens ;
En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes.
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du douze juin deux mille vingt-quatre.ECLI:FR:CCASS:2024:SO00572
SOC.
CH9
COUR DE CASSATION
______________________
Audience publique du 12 juin 2024
Cassation partielle
sans renvoi
Mme CAPITAINE, conseiller doyen
faisant fonction de président
Arrêt n° 572 F-D
Pourvoi n° V 22-18.138
Aide juridictionnelle partielle en défense
au profit de Mme [Y].
Admission du bureau d'aide juridictionnelle
près la Cour de cassation
en date du 13 octobre 2022.
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
_________________________
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________
ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 12 JUIN 2024
La société Bellevue Sainte-Marie, société à responsabilité limitée, dont le siège est [Adresse 1], a formé le pourvoi n° V 22-18.138 contre l'arrêt rendu le 18 février 2022 par la cour d'appel de Fort-de-France (chambre sociale), dans le litige l'opposant à Mme [O] [Y], domiciliée [Adresse 2], défenderesse à la cassation.
Mme [Y] a formé un pourvoi incident contre le même arrêt.
La demanderesse au pourvoi principal invoque, à l'appui de son recours, trois moyens de cassation.
La demanderesse au pourvoi incident invoque, à l'appui de son recours, quatre moyens de cassation.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de Mme Palle, conseiller, les observations écrites de la SCP Gatineau, Fattaccini et Rebeyrol, avocat de la société Bellevue Sainte-Marie, de la SARL Thouvenin, Coudray et Grévy, avocat de Mme [Y], après débats en l'audience publique du 7 mai 2024 où étaient présentes Mme Capitaine, conseiller doyen faisant fonction de président, Mme Palle, conseiller rapporteur, Mme Salomon, conseiller, et Mme Aubac, greffier de chambre,
la chambre sociale de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. Selon l'arrêt attaqué (Fort-de-France, 18 février 2022), Mme [Y] a été engagée en qualité d'ouvrière agricole, le 7 juillet 1996, par la société Bellevue espérance puis, à compter du 1er janvier 2015, par la société Bellevue Sainte-Marie (l'employeur).
2. Victime d'un accident du travail le 9 juin 2016, la salariée a été déclarée « inapte à tous postes dans l'entreprise » en une seule visite, précisant « danger immédiat, tout maintien dans l'entreprise serait préjudiciable à son état de santé », le 2 septembre 2016.
3. Licenciée par l'employeur, le 23 juin 2017, pour refus abusif de trois postes de reclassement, la salariée a saisi la juridiction prud'homale de diverses demandes relatives à l'exécution et à la rupture du contrat de travail.
Examen des moyens
Sur le troisième moyen du pourvoi principal et les premier et deuxième moyens du pourvoi incident
4. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ces moyens qui ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation.
Sur le premier moyen du pourvoi principal
Enoncé du moyen
5. L'employeur fait grief à l'arrêt de le condamner au paiement de diverses sommes à titre d'indemnité compensatrice de préavis et de congés payés afférents, d'indemnité spéciale de licenciement et de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, alors :
« 1°/ que l'obligation qui pèse sur l'employeur de rechercher un reclassement au salarié déclaré par le médecin du travail inapte à reprendre l'emploi qu'il occupait précédemment naît à la date de la déclaration d'inaptitude par le médecin du travail ; qu'il en résulte que la loi applicable à l'inaptitude et au licenciement consécutif est celle en vigueur au moment du constat de l'inaptitude ; qu'il était constant en l'espèce que l'inaptitude de Mme [Y] avait été constatée le 2 septembre 2016 et son licenciement prononcé le 23 juin 2017 ; qu'en faisant application de l'article L. 1226-12 du code du travail, dans sa rédaction issue de la loi n° 2016-1088 du 8 août 2016, entrée en vigueur le 1er janvier 2017, la cour d'appel a violé la disposition susvisée par fausse application ;
2°/ que s'il résulte des dispositions de l'article L. 1226-12 du code du travail, dans sa rédaction issue de la loi n° 2015-994 du 17 août 2015, que l'employeur peut rompre le contrat de travail si l'avis du médecin du travail mentionne expressément que tout maintien du salarié dans l'entreprise serait gravement préjudiciable à sa santé, il n'en résulte aucune interdiction faite à l'employeur de rechercher le reclassement du salarié, ni aucune obligation de procéder immédiatement à son licenciement ; qu'en jugeant, parce que l'avis d'inaptitude de Mme [Y] mentionnait que son maintien dans l'entreprise serait préjudiciable à sa santé, que la société Bellevue Sainte-Marie était dispensée de toute recherche de reclassement, qu'elle « devait » licencier la salariée pour inaptitude sans la maintenir à son poste, et que son licenciement ne pouvait être motivé que par le caractère préjudiciable pour son état de santé de son maintien dans l'entreprise, pour en déduire que son licenciement fondé sur son refus des propositions de reclassement qui lui avaient été faites était dénué de cause réelle et sérieuse, la cour d'appel a violé l'article L. 1226-12 du code du travail dans sa rédaction issue de la loi n° 2015-994 du 17 août 2015 ;
3°/ que les termes du litige sont fixés par les prétentions des parties ; que le juge ne peut se fonder sur des faits qui ne sont pas dans le débat ; qu'en retenant que la société Bellevue Sainte-Marie ne pouvait, sans méconnaître les recommandations du médecin du travail, maintenir la salariée à son poste, pour en déduire que son licenciement fondé sur son refus des propositions de reclassement qui lui avaient été faites était dénué de cause réelle et sérieuse, lorsqu'en l'espèce aucune des parties n'avait soutenu que Mme [Y] aurait repris ses fonctions après le constat de son inaptitude jusqu'à son licenciement, la cour d'appel a violé les articles 4 et 7 du code de procédure civile ;
4°/ que les juges du fond doivent préciser l'origine de leurs renseignements ; qu'en affirmant que Mme [Y] aurait été maintenue par l'employeur à son poste de travail après l'avis d'inaptitude, sans préciser de quelles pièces elle tirait un tel constat, la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile. »
Réponse de la Cour
6. Ayant constaté que l'avis d'inaptitude mentionnait expressément que tout maintien de la salariée dans l'entreprise serait préjudiciable à sa santé et ayant fait ressortir que les propositions de reclassement faites par l'employeur n'étaient pas compatibles avec les recommandations du médecin du travail, la cour d'appel qui a retenu que le licenciement prononcé pour le motif de refus de reclassement était sans cause réelle et sérieuse, a, par ces seuls motifs, abstraction faite des motifs surabondants critiqués par les deux dernières branches, légalement justifié sa décision.
Sur le troisième moyen du pourvoi incident
Enoncé du moyen
7. La salariée fait grief à l'arrêt de la débouter de sa demande d'indemnité de congés payés, alors « que la partie qui ne conclut pas ou qui, sans énoncer de nouveaux moyens, demande la confirmation du jugement est réputée s'en approprier les motifs ; qu'en déboutant la salariée de sa demande d'indemnité de congés payés au motif qu'elle ne justifie pas d'un impayé de congés payés en cause d'appel et ne produit aucune pièce au soutien de cette demande, sans examiner les motifs du jugement ayant fait droit à cette prétention et dont la salariée demandait confirmation, la cour d'appel a violé les articles 455 et 954, alinéa 6, du code de procédure civile dans sa rédaction issue du décret n° 2017-891 du 6 mai 2017. »
Réponse de la Cour
Recevabilité du moyen
8. Aucun des chefs du dispositif de l'arrêt attaqué n'infirmant le jugement en ce qu'il condamne la société Bellevue Sainte-Marie à payer à la salariée une certaine somme à titre de congés payés, ni ne rejetant cette demande, cette condamnation est au nombre des chefs du dispositif du jugement que l'arrêt confirme, de sorte que la salariée ne justifie d'aucun intérêt à la cassation de l'arrêt qui fait droit à sa demande.
9. Le moyen est donc irrecevable.
Sur le quatrième moyen du pourvoi incident
Enoncé du moyen
10. La salariée fait grief à l'arrêt de limiter le montant de l'indemnité compensatrice de préavis à une certaine somme, alors « qu'en application de l'article L. 5213-9 du code du travail, en cas de licenciement d'un travailleur handicapé, la durée du préavis est doublée, sans toutefois que cette mesure puisse avoir pour effet de porter au-delà de trois mois la durée du préavis ; qu'en refusant d'allouer à la salariée un supplément d'indemnité compensatrice de préavis d'un montant de 1 480,30 euros au motif que ce texte n'est pas applicable à l'indemnité compensatrice de préavis prévue par l'article L. 1234-5 du code du travail, la cour d'appel a violé les articles L. 1234-5 et L. 5213-9 du code du travail. »
Réponse de la Cour
11. L'article L. 5213-9 du code du travail qui a pour but de doubler la durée du délai-congé en faveur des salariés handicapés, n'est pas applicable à l'indemnité compensatrice prévue à l'article L. 1226-14 du même code.
12. L'arrêt, après avoir énoncé les dispositions des articles L. 1226-14 et L. 5213-9 du code du travail, retient que la salariée peut prétendre par application de l'article L. 1226-14 à une indemnité compensatrice égale à l'indemnité de préavis prévue à l'article L. 1234-5.
13. Par ce motif de pur droit, substitué à ceux critiqués, dans les conditions prévues par l'article 620, alinéa 1er, du code de procédure civile, l'arrêt, en ce qu'il a rejeté la demande de la salariée en paiement d'un supplément d'indemnité compensatrice en raison de sa qualité de travailleur handicapé, se trouve légalement justifié.
Mais sur le deuxième moyen du pourvoi principal, en ce qu'il fait grief à l'arrêt de condamner l'employeur à verser à la salariée une somme au titre des congés payés afférents à l'indemnité compensatrice de préavis
Recevabilité du moyen
14. L'employeur conteste la recevabilité du moyen. Il soutient qu'il est nouveau.
15. Cependant, le moyen ne se réfère à aucune considération de fait qui ne résulterait pas des énonciations des juges du fond.
16. Le moyen est donc de pur droit et partant recevable.
Bien-fondé du moyen
Enoncé du moyen
17. L'employeur fait grief à l'arrêt de le condamner à payer une somme au titre des congés payés afférents à l'indemnité compensatrice, alors « que l'indemnité prévue à l'article L. 1226-14 du code du travail, au paiement de laquelle l'employeur est tenu en cas de rupture du contrat de travail d'un salarié déclaré par le médecin du travail inapte à son emploi en conséquence d'un accident du travail ou d'une maladie professionnelle, et dont le montant est égal à celui de l'indemnité prévue à l'article L. 1234-5 du code du travail, n'a pas la nature d'une indemnité de préavis et n'ouvre pas droit à congés payés ; qu'en accordant à Mme [Y] la somme de 2 960,60 euros à titre d'indemnité de préavis assortie d'une indemnité de congés payés de 296,06 euros, la cour d'appel a violé l'article L. 1226-14 du code du travail. »
Réponse de la Cour
Vu l'article L. 1226-14 du code du travail :
18. Selon ce texte, l'indemnité compensatrice d'un montant égal à celui de l'indemnité compensatrice de préavis n'a pas la nature d'une indemnité de préavis et n'ouvre pas droit à congés payés.
19. La cour d'appel a accordé à la salariée une somme correspondant à l'indemnité de préavis et une somme au titre des congés payés afférents.
20. En statuant ainsi, la cour d'appel a violé le texte susvisé.
Portée et conséquences de la cassation
21. Tel que suggéré par la défense, il est fait application des articles L. 411-3, alinéa 2, du code de l'organisation judiciaire et 627 du code de procédure civile.
22. L'intérêt d'une bonne administration de la justice justifie, en effet, que la Cour de cassation statue au fond.
23. Le deuxième moyen du pourvoi principal ne formulant aucune critique contre les motifs de l'arrêt fondant la décision de condamner l'employeur à une certaine somme au titre de l'indemnité compensatrice, la cassation ne peut s'étendre à ces dispositions de l'arrêt qui ne sont pas en lien de dépendance avec les dispositions de l'arrêt critiquées par ce moyen.
24. La cassation prononcée n'emporte pas celle des chefs de dispositif de l'arrêt condamnant l'employeur aux dépens ainsi qu'au paiement d'une somme en application de l'article 700 du code de procédure civile, justifiés par d'autres condamnations prononcées à l'encontre de celui-ci non remises en cause.
PAR CES MOTIFS, la Cour :
CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il condamne la société Bellevue Sainte-Marie à payer à Mme [Y] la somme de 296,06 euros à titre de congés payés sur indemnité compensatrice de préavis, l'arrêt rendu le 18 février 2022, entre les parties, par la cour d'appel de Fort-de-France ;
Dit n'y avoir lieu à renvoi ;
Rejette la demande d'indemnité de congés payés afférents à l'indemnité compensatrice ;
Condamne Mme [Y] aux dépens ;
En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes.
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du douze juin deux mille vingt-quatre.