Cour de cassation, civile, Chambre civile 2, 6 juin 2024, 22-15.932, Publié au bulletin

Texte intégral

RÉPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

CIV. 2

LM



COUR DE CASSATION
______________________


Audience publique du 6 juin 2024




Cassation


Mme MARTINEL, président



Arrêt n° 534 F-B

Pourvoi n° X 22-15.932




R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________


ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 6 JUIN 2024

La caisse primaire d'assurance maladie du Rhône, dont le siège est [Adresse 3], et le service contentieux général [Localité 4], a formé le pourvoi n° 22-15.932 contre l'arrêt rendu le 8 mars 2022 par la cour d'appel de Lyon (chambre sociale D, protection sociale), dans le litige l'opposant :

1°/ à la société [5], société d'exercice libéral à responsabilité limitée, dont le siège est [Adresse 1], représentée par M. [N] [Z], pris en qualité de liquidateur judiciaire de la société [6],

2°/ à la société [D], société d'exercice libéral à responsabilité limitée unipersonnelle, dont le siège est [Adresse 2], représentée par M. [C] [D], pris en qualité de liquidateur judiciaire de la société [6],

défenderesses à la cassation.

La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, deux moyens de cassation.

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de Mme Dudit, conseiller référendaire, les observations de la SCP Foussard et Froger, avocat de la caisse primaire d'assurance maladie du Rhône, et l'avis de Mme Tuffreau, avocat général référendaire, après débats en l'audience publique du 29 avril 2024 où étaient présentes Mme Martinel, président, Mme Dudit, conseiller référendaire rapporteur, Mme Renault-Malignac, conseiller doyen, et Mme Gratian, greffier de chambre,

la deuxième chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt ;

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Lyon, 8 mars 2022), à la suite de la prise en charge par la caisse primaire d'assurance maladie du Rhône (la caisse) d'un accident du travail survenu le 5 novembre 2012 à l'un de ses salariés, la société [6] (l'employeur) a saisi d'un recours une juridiction chargée du contentieux de la sécurité sociale aux fins de contestation de l'imputabilité à l'accident des soins et arrêts de travail prescrits jusqu'au 13 avril 2014, date de consolidation.

Examen des moyens

Sur le premier moyen, pris en ses première et troisième branches

Enoncé du moyen

2. La caisse fait grief à l'arrêt de déclarer inopposable à l'employeur la prise en charge par la caisse des arrêts et soins prescrits du 5 novembre 2012 au 13 avril 2014, alors :

« 1°/ que l'obligation de transmission des documents médicaux au médecin expert désigné par le juge incombe non à la caisse primaire d'assurance maladie, mais au praticien conseil du service national autonome du contrôle médical ; que, par suite, il ne saurait être reproché à une caisse, pour justifier d'une inopposabilité, de ne pas avoir transmis à l'expert des documents médicaux, tels que les comptes-rendus des visites du médecin conseil et le rapport d'évaluation des séquelles ; que l'ayant fait au cas d'espèce, la cour d'appel a violé l'article L. 142-10 du code de la sécurité sociale ;

3°/ que la caisse ne peut être tenue de communiquer à l'expert désigné par le juge des documents qu'elle ne détient pas et en particulier des documents détenus par le service national autonome du contrôle médical, qui ne peuvent lui être communiqués, eu égard au secret ; qu'en statuant comme elle l'a fait, au motif que la caisse n'avait pas communiqué des documents médicaux, tels que les comptes-rendus des visites du médecin conseil et le rapport d'évaluation des séquelles, détenus par le service national du contrôle médical, la cour d'appel a violé les articles 11, 243 et 275 du code de procédure civile, ensemble les articles L. 1110-4 et R. 4127-4 du code de la santé publique. »

Réponse de la Cour

Vu l'article L. 142-10 du code de la sécurité sociale, dans sa rédaction applicable au litige :

3. En application de ce texte, lorsque saisie d'une contestation relative à l'imputabilité à l'accident du travail des soins et arrêts de travail prescrits, la juridiction ordonne une mesure d'instruction, le praticien-conseil ou l'autorité compétente pour examiner le recours préalable transmet à l'expert ou au médecin consultant désigné par la juridiction compétente, sans que puisse lui être opposé l'article 226-13 du code pénal, l'intégralité du rapport médical ayant fondé sa décision. A la demande de l'employeur, partie à l'instance, ledit rapport est notifié au médecin qu'il mandate à cet effet, la victime de l'accident du travail ou de la maladie professionnelle en étant alors informée.

4. Le défaut de transmission à l'expert désigné par la juridiction du rapport médical par le praticien-conseil du service du contrôle médical de la caisse primaire d'assurance maladie n'est pas en lui-même sanctionné par l'inopposabilité de la décision de prise en charge des soins et arrêts de travail prescrits.

5. En revanche, il appartient à la juridiction de jugement de tirer du défaut de communication de ce rapport à l'expert toute conséquence de droit quant au bien-fondé de la prise en charge, au titre de la législation professionnelle, des soins et arrêts de travail prescrits.

6. Pour déclarer inopposable à l'employeur la prise en charge des soins et arrêts de travail prescrits du 5 novembre 2012 au 13 avril 2014, l'arrêt retient qu'en n'assurant pas la communication à l'expert, au besoin par l'intermédiaire du service du contrôle médical, des documents ayant fondé sa décision de prise en charge des arrêts et soins prescrits, et plus particulièrement le compte-rendu des visites du médecin conseil et le rapport d'évaluation des séquelles, nécessaires à l'exercice de sa mission, la caisse n'a pas permis le respect des principes de la contradiction et de l'égalité des armes entre les parties, nécessaires à la mise en oeuvre d'un procès équitable et ce sans motif légitime, le secret médical n'étant pas opposable à l'expert judiciaire.

7. En statuant ainsi, alors qu'il lui appartenait, en tirant toute conséquence de l'absence de communication par le praticien-conseil à l'expert du rapport médical, de déterminer la date à compter de laquelle les soins et arrêts de travail n'étaient plus imputables à l'accident du travail, la cour d'appel a violé le texte susvisé.

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs du pourvoi, la Cour :

CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 8 mars 2022, entre les parties, par la cour d'appel de Lyon ;

Remet l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Lyon, autrement composée.

Condamne la société [5], représentée par M. [Z], pris en qualité de liquidateur judiciaire de la société [6], et la société [D], représentée par M. [D], pris en qualité de liquidateur judiciaire de la société [6], aux dépens ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du six juin deux mille vingt-quatre. ECLI:FR:CCASS:2024:C200534
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