Cour de cassation, criminelle, Chambre criminelle, 6 mai 2024, 23-85.589, Publié au bulletin
Cour de cassation, criminelle, Chambre criminelle, 6 mai 2024, 23-85.589, Publié au bulletin
Cour de cassation - Chambre criminelle
- N° de pourvoi : 23-85.589
- ECLI:FR:CCASS:2024:CR00544
- Publié au bulletin
- Solution : Rejet
Audience publique du lundi 06 mai 2024
Décision attaquée : Cour d'appel de Douai, du 24 février 2022- Président
- M. Bonnal
Texte intégral
RÉPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, a rendu l'arrêt suivant :
N° H 23-85.589 F-B
N° 00544
RB5
6 MAI 2024
REJET
M. BONNAL président,
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
________________________________________
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________
ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE,
DU 6 MAI 2024
Mme [N] [W] et la société [1], partie intervenante, ont formé des pourvois contre l'arrêt de la cour d'appel de Douai, 6e chambre, en date du 24 février 2022, qui, sur renvoi après cassation (Crim., 3 mars 2020, pourvoi n° 19-82.030), dans la procédure suivie contre la première des chefs de blessures involontaires et infraction au code de la route, a prononcé sur les intérêts civils.
Les pourvois sont joints en raison de la connexité.
Des mémoires ont été produits, en demande et en défense.
Sur le rapport de M. Charmoillaux, conseiller référendaire, les observations de la SARL Cabinet Rousseau et Tapie, avocat de Mme [N] [W] et la société [1], les observations de la SARL Boré, Salve de Bruneton et Mégret, avocat de M. [R] [T], et les conclusions de M. Desportes, premier avocat général, après débats en l'audience publique du 26 mars 2024 où étaient présents M. Bonnal, président, M. Charmoillaux, conseiller rapporteur, Mme Ingall-Montagnier, conseiller de la chambre, et Mme Boudalia, greffier de chambre,
la chambre criminelle de la Cour de cassation, composée en application de l'article 567-1-1 du code de procédure pénale, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. Il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de procédure ce qui suit.
2. M. [R] [T], motocycliste, a été blessé à la suite d'un choc survenu avec le véhicule automobile conduit par Mme [N] [W] et assuré par la société [1].
3. Le tribunal correctionnel a définitivement déclaré Mme [W] coupable des chefs de blessures involontaires et changement de direction d'un véhicule sans avertissement préalable, et l'a dite entièrement responsable du préjudice subi par M. [T].
4. Par jugement ultérieur sur les intérêts civils, le tribunal a notamment fixé le montant total du préjudice corporel de M. [T] à la somme de 1 107 585,34 euros et, déduction faite d'une créance de la caisse primaire d'assurance maladie de l'Artois (la CPAM) à hauteur de 331 898,65 euros, condamné Mme [W] à lui payer la somme de 775 686,69 euros.
5. Mme [W], la société [1] et M. [T] ont relevé appel de cette décision.
Examen du moyen
Enoncé du moyen
6. Le moyen critique l'arrêt attaqué en ce qu'il a condamné la société [1] au doublement des intérêts au taux légal sur la somme de 1 029 532,53 euros sur la période du 6 mars 2012 au 5 janvier 2017, alors « qu'il résulte des articles L. 211-9 et L. 211-13 du code des assurances que, lorsque l'offre tardive d'indemnisation est suffisante, l'assiette de la pénalité de doublement de l'intérêt légal est le montant de l'indemnité offerte par l'assureur comprenant les indemnisations en capital et, lorsqu'un chef de préjudice est indemnisé sous forme de rente, les arrérages des rentes qui auraient dû être perçus, pour la période qui s'étend entre la date d'expiration du délai et celle de l'offre ; qu'en l'espèce, après avoir constaté que les parties s'accordaient pour considérer que l'offre suffisante faite par la [1] le 5 janvier 2017 portait sur une indemnisation non soumise à recours par le tiers payeur de 429 862,45 euros et que les débours définitifs exposés par la caisse primaire d'assurances maladie exposés en lien avec l'accident s'élevaient à la somme totale de 599 670,08 euros, la cour d'appel a estimé qu'il convenait de « prendre en considération l'intégralité de la créance de la caisse primaire d'assurance maladie, et non les seuls arrérages échus de la rente versées à cette dernière par ce tiers payeur » (arrêt, p. 5, § 5) et a ainsi fixé l'assiette du doublement des intérêts légaux à la somme de 1 029 532,53 euros ; qu'en prenant ainsi en compte l'intégralité de la créance de la caisse primaire d'assurance-maladie, et non les seuls arrérages échus de la rente versée à cette dernière par ce tiers payeur à la date de l'offre, la cour d'appel a méconnu les textes susvisés. »
Réponse de la Cour
7. Pour dire que le doublement des intérêts légaux s'applique sur la somme de 1 029 532,53 euros, sur la période du 6 mars 2012 au 5 janvier 2017, l'arrêt attaqué énonce que dès lors que l'offre proposée par la société [1] n'était pas manifestement insuffisante, la sanction prévue à l'article L. 211-13 du code des assurances a pour assiette l'indemnité offerte par cet assureur, avant imputation des créances des organismes sociaux et des provisions éventuellement versées.
8. Les juges soulignent que l'assiette du doublement des intérêts au taux légal s'apprécie dans cette hypothèse exclusivement au regard de l'offre formulée par l'assureur et non au regard des modalités de versement des prestations servies par le tiers payeur.
9. Ils en déduisent que si, en cas de rente offerte par l'assureur, le doublement des intérêts porte sur les seuls arrérages échus de cette rente sur la période d'application de la sanction, tel n'est pas le cas de la créance du tiers payeur, qui doit être intégralement prise en compte dans l'offre présentée par l'assureur, sans qu'il y ait lieu de distinguer selon que les prestations sont versées à l'assuré social en capital ou sous forme de rente, échue ou à échoir.
10. Ils soulignent qu'alors que l'assureur prend en compte la déduction de l'intégralité de la créance du tiers payeur dans l'offre qu'il adresse à la victime, il demeure tenu de la réparation intégrale du préjudice subi par cette victime, qui intègre l'ensemble des débours exposés par l'organisme social.
11. Les juges retiennent que le doublement des intérêts légaux doit porter sur la somme résultant de l'addition du montant de 429 862,45 euros proposée le 5 janvier 2017 par la société [1] à M. [T] et du montant de 599 670,08 euros correspondant aux débours définitifs de la CPAM.
12. En prononçant ainsi, la cour d'appel n'a méconnu aucun des textes visés au moyen.
13. En effet, dès lors que l'offre d'indemnisation de l'assureur, qui constitue l'assiette du doublement des intérêts au taux légal, ne comporte que des sommes en capital, le versement éventuel à la victime de prestations d'un tiers payeur sous la forme d'une rente est sans incidence sur la mise en oeuvre de la sanction prévue à l'article L. 211-13 du code des assurances.
14. Ainsi, le moyen doit être écarté.
15. Par ailleurs, l'arrêt est régulier en la forme.
PAR CES MOTIFS, la Cour :
REJETTE les pourvois.
FIXE à 2 500 euros la somme globale que Mme [W] et la société [1] devront payer à M. [T] en application de l'article 618-1 du code de procédure pénale ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre criminelle, et prononcé par le président en son audience publique du six mai deux mille vingt-quatre.ECLI:FR:CCASS:2024:CR00544
N° H 23-85.589 F-B
N° 00544
RB5
6 MAI 2024
REJET
M. BONNAL président,
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
________________________________________
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________
ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE,
DU 6 MAI 2024
Mme [N] [W] et la société [1], partie intervenante, ont formé des pourvois contre l'arrêt de la cour d'appel de Douai, 6e chambre, en date du 24 février 2022, qui, sur renvoi après cassation (Crim., 3 mars 2020, pourvoi n° 19-82.030), dans la procédure suivie contre la première des chefs de blessures involontaires et infraction au code de la route, a prononcé sur les intérêts civils.
Les pourvois sont joints en raison de la connexité.
Des mémoires ont été produits, en demande et en défense.
Sur le rapport de M. Charmoillaux, conseiller référendaire, les observations de la SARL Cabinet Rousseau et Tapie, avocat de Mme [N] [W] et la société [1], les observations de la SARL Boré, Salve de Bruneton et Mégret, avocat de M. [R] [T], et les conclusions de M. Desportes, premier avocat général, après débats en l'audience publique du 26 mars 2024 où étaient présents M. Bonnal, président, M. Charmoillaux, conseiller rapporteur, Mme Ingall-Montagnier, conseiller de la chambre, et Mme Boudalia, greffier de chambre,
la chambre criminelle de la Cour de cassation, composée en application de l'article 567-1-1 du code de procédure pénale, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. Il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de procédure ce qui suit.
2. M. [R] [T], motocycliste, a été blessé à la suite d'un choc survenu avec le véhicule automobile conduit par Mme [N] [W] et assuré par la société [1].
3. Le tribunal correctionnel a définitivement déclaré Mme [W] coupable des chefs de blessures involontaires et changement de direction d'un véhicule sans avertissement préalable, et l'a dite entièrement responsable du préjudice subi par M. [T].
4. Par jugement ultérieur sur les intérêts civils, le tribunal a notamment fixé le montant total du préjudice corporel de M. [T] à la somme de 1 107 585,34 euros et, déduction faite d'une créance de la caisse primaire d'assurance maladie de l'Artois (la CPAM) à hauteur de 331 898,65 euros, condamné Mme [W] à lui payer la somme de 775 686,69 euros.
5. Mme [W], la société [1] et M. [T] ont relevé appel de cette décision.
Examen du moyen
Enoncé du moyen
6. Le moyen critique l'arrêt attaqué en ce qu'il a condamné la société [1] au doublement des intérêts au taux légal sur la somme de 1 029 532,53 euros sur la période du 6 mars 2012 au 5 janvier 2017, alors « qu'il résulte des articles L. 211-9 et L. 211-13 du code des assurances que, lorsque l'offre tardive d'indemnisation est suffisante, l'assiette de la pénalité de doublement de l'intérêt légal est le montant de l'indemnité offerte par l'assureur comprenant les indemnisations en capital et, lorsqu'un chef de préjudice est indemnisé sous forme de rente, les arrérages des rentes qui auraient dû être perçus, pour la période qui s'étend entre la date d'expiration du délai et celle de l'offre ; qu'en l'espèce, après avoir constaté que les parties s'accordaient pour considérer que l'offre suffisante faite par la [1] le 5 janvier 2017 portait sur une indemnisation non soumise à recours par le tiers payeur de 429 862,45 euros et que les débours définitifs exposés par la caisse primaire d'assurances maladie exposés en lien avec l'accident s'élevaient à la somme totale de 599 670,08 euros, la cour d'appel a estimé qu'il convenait de « prendre en considération l'intégralité de la créance de la caisse primaire d'assurance maladie, et non les seuls arrérages échus de la rente versées à cette dernière par ce tiers payeur » (arrêt, p. 5, § 5) et a ainsi fixé l'assiette du doublement des intérêts légaux à la somme de 1 029 532,53 euros ; qu'en prenant ainsi en compte l'intégralité de la créance de la caisse primaire d'assurance-maladie, et non les seuls arrérages échus de la rente versée à cette dernière par ce tiers payeur à la date de l'offre, la cour d'appel a méconnu les textes susvisés. »
Réponse de la Cour
7. Pour dire que le doublement des intérêts légaux s'applique sur la somme de 1 029 532,53 euros, sur la période du 6 mars 2012 au 5 janvier 2017, l'arrêt attaqué énonce que dès lors que l'offre proposée par la société [1] n'était pas manifestement insuffisante, la sanction prévue à l'article L. 211-13 du code des assurances a pour assiette l'indemnité offerte par cet assureur, avant imputation des créances des organismes sociaux et des provisions éventuellement versées.
8. Les juges soulignent que l'assiette du doublement des intérêts au taux légal s'apprécie dans cette hypothèse exclusivement au regard de l'offre formulée par l'assureur et non au regard des modalités de versement des prestations servies par le tiers payeur.
9. Ils en déduisent que si, en cas de rente offerte par l'assureur, le doublement des intérêts porte sur les seuls arrérages échus de cette rente sur la période d'application de la sanction, tel n'est pas le cas de la créance du tiers payeur, qui doit être intégralement prise en compte dans l'offre présentée par l'assureur, sans qu'il y ait lieu de distinguer selon que les prestations sont versées à l'assuré social en capital ou sous forme de rente, échue ou à échoir.
10. Ils soulignent qu'alors que l'assureur prend en compte la déduction de l'intégralité de la créance du tiers payeur dans l'offre qu'il adresse à la victime, il demeure tenu de la réparation intégrale du préjudice subi par cette victime, qui intègre l'ensemble des débours exposés par l'organisme social.
11. Les juges retiennent que le doublement des intérêts légaux doit porter sur la somme résultant de l'addition du montant de 429 862,45 euros proposée le 5 janvier 2017 par la société [1] à M. [T] et du montant de 599 670,08 euros correspondant aux débours définitifs de la CPAM.
12. En prononçant ainsi, la cour d'appel n'a méconnu aucun des textes visés au moyen.
13. En effet, dès lors que l'offre d'indemnisation de l'assureur, qui constitue l'assiette du doublement des intérêts au taux légal, ne comporte que des sommes en capital, le versement éventuel à la victime de prestations d'un tiers payeur sous la forme d'une rente est sans incidence sur la mise en oeuvre de la sanction prévue à l'article L. 211-13 du code des assurances.
14. Ainsi, le moyen doit être écarté.
15. Par ailleurs, l'arrêt est régulier en la forme.
PAR CES MOTIFS, la Cour :
REJETTE les pourvois.
FIXE à 2 500 euros la somme globale que Mme [W] et la société [1] devront payer à M. [T] en application de l'article 618-1 du code de procédure pénale ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre criminelle, et prononcé par le président en son audience publique du six mai deux mille vingt-quatre.