Cour de cassation, civile, Chambre commerciale, 24 avril 2024, 23-12.643, Inédit
Cour de cassation, civile, Chambre commerciale, 24 avril 2024, 23-12.643, Inédit
Cour de cassation - Chambre commerciale
- N° de pourvoi : 23-12.643
- ECLI:FR:CCASS:2024:CO00200
- Non publié au bulletin
- Solution : Cassation
Audience publique du mercredi 24 avril 2024
Décision attaquée : Cour d'appel de Versailles, du 01 décembre 2022- Président
- M. Vigneau (président)
Texte intégral
RÉPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
COMM.
CC
COUR DE CASSATION
______________________
Audience publique du 24 avril 2024
Cassation
M. VIGNEAU, président
Arrêt n° 200 F-D
Pourvoi n° T 23-12.643
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
_________________________
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________
ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, FINANCIÈRE ET ÉCONOMIQUE, DU 24 AVRIL 2024
La société I-Novsurg, société par actions simplifiée, dont le siège est [Adresse 2], a formé le pourvoi n° T 23-12.643 contre l'arrêt rendu le 1er décembre 2022 par la cour d'appel de Versailles (12e chambre), dans le litige l'opposant à la société B. Braun Medical, société à associé unique, dont le siège est [Adresse 1], défenderesse à la cassation.
La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, un moyen de cassation.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de Mme Poillot-Peruzzetto, conseiller, les observations de la SCP Le Guerer, Bouniol-Brochier, avocat de la société I-Novsurg, de la SCP Piwnica et Molinié, avocat de la société B. Braun Medical, après débats en l'audience publique du 27 février 2024 où étaient présents M. Vigneau, président, Mme Poillot-Peruzzetto, conseiller rapporteur, M. Mollard, conseiller doyen, et Mme Labat, greffier de chambre,
la chambre commerciale, financière et économique de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. Selon l'arrêt attaqué (Versailles, 1er décembre 2022), par contrat du 20 mai 2015, qualifié de « contrat de prestation de services », prorogé par avenant, la société B. Braun Medical (la société B. Braun), spécialisée dans la conception, la fabrication et la commercialisation de dispositifs médicaux, et la société I-Novsurg sont convenues que la seconde fournirait à la première, du 1er décembre 2015 au 31 décembre 2018, des prestations consistant à identifier et cibler les meilleurs contacts au sein des établissements hospitaliers afin de présenter les produits de la société B. Braun, prospecter ces contacts et négocier avec eux la réalisation d'essais, effectuer les essais et présenter les qualités techniques des produits, assurer la formation des clients à l'utilisation des produits et assurer auprès d'eux le suivi après-vente.
2. La société B. Braun ayant notifié à la société I-Novsurg le 26 juillet 2018 la résiliation du contrat avec effet au 31 décembre 2018, cette dernière l'a assignée en réparation de son préjudice pour rupture unilatérale de la relation commerciale et a demandé la requalification du contrat qui les liait en contrat d'agent commercial.
Examen du moyen
Sur le moyen, pris en sa première branche
Enoncé du moyen
3. La société I-Novsurg fait grief à l'arrêt de rejeter ses demandes, alors « que l'agent commercial est un mandataire qui, à titre de profession indépendante, sans être lié par un contrat de louage de services, est chargé, de façon permanente, de négocier et, éventuellement, de conclure des contrats de vente, d'achat, de location ou de prestation de services, au nom et pour le compte de producteurs, d'industriels, de commerçants ou d'autres agents commerciaux, quoiqu'il ne dispose pas du pouvoir de modifier les prix de ces produits ou services ou les conditions des contrats conclus par le mandant ; que les tâches principales d'un agent commercial consistent à apporter de nouveaux clients au commettant et à développer les opérations avec les clients existants, l'accomplissement de ces tâches pouvant être assuré par l'agent commercial au moyen d'actions d'information et de conseil ainsi que de discussions, qui sont de nature à favoriser la conclusion de l'opération de vente des marchandises pour le compte du commettant, sans que l'agent commercial dispose de la faculté de modifier les prix desdites marchandises ; qu'en l'espèce, après avoir relevé, en particulier, qu'il ressortait du contrat qu'ont été confiées des missions de prospection et de démarchage à la société I-Novsurg qui agissait de manière autonome, que cette dernière se rendait de sa propre initiative chez les clients potentiels, organisait la présentation des produits, les essais et leurs suivis, que la société I-Novsurg pouvait suggérer la fixation du prix, la cour d'appel a écarté la qualification d'agence commerciale, au motif que la société I-Novsurg ne démontre pas qu'elle disposait du pouvoir de négocier les prix, ni ne justifie d'un pouvoir de négociation étendu et, si elle assurait le démarchage, la prospection et le suivi commercial, elle ne signait pas de contrat au nom de la société B. Braun" ; qu'en se déterminant par une telle motivation impropre à exclure la qualification d'agence commerciale, la cour d'appel a violé l'article L. 134-1 du code de commerce. »
Réponse de la Cour
Vu l'article L. 134-1 du code de commerce, tel qu'interprété à la lumière de l'article 1er, paragraphe 2, de la directive 86/653/CEE du 18 décembre 1986 relative à la coordination des droits des Etats membres concernant les agents commerciaux indépendants :
4. Il résulte de ce texte que l'agent commercial est un mandataire personne physique ou morale qui, à titre de profession indépendante, sans être lié par un contrat de louage de services, est chargé, de façon permanente, de négocier et, éventuellement, de conclure des contrats de vente, d'achat, de location ou de prestation de services au nom et pour le compte de producteurs, d'industriels, de commerçants ou d'autres agents commerciaux, quoiqu'il ne dispose pas du pouvoir de modifier les prix de ces produits ou services ou les conditions des contrats conclus par le mandant.
5. Pour juger que la société I-Novsurg n'avait pas la qualité d'agent commercial et rejeter l'ensemble de ses demandes, l'arrêt retient que l'établissement et la transmission des offres de prix aux clients relevaient de la société B. Braun, que la société I-Novsurg ne disposait pas de pouvoir de négociation des conditions contractuelles et n'avait aucun pouvoir de signature des contrats et en déduit que la société I-Novsurg ne démontre pas qu'elle disposait du pouvoir de négocier les prix ni ne justifie d'un pouvoir de négociation étendu et que, si elle assurait le démarchage, la prospection et le suivi commercial, elle ne signait pas de contrat au nom de la société B. Braun.
6. En statuant ainsi, en exigeant que la société I-Novsurg jouisse, soit du pouvoir de conclure elle-même les contrats, soit de celui de modifier les prix des produits ou services ou les conditions des contrats conclus par le mandant, la cour d'appel a violé le texte susvisé.
PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs, la Cour :
CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 1er décembre 2022, entre les parties, par la cour d'appel de Versailles ;
Remet l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Paris ;
Condamne la société B. Braun Medical aux dépens ;
En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par la société B. Braun Medical et la condamne à payer à la société I-Novsurg la somme de 3 000 euros ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-quatre avril deux mille vingt-quatre.ECLI:FR:CCASS:2024:CO00200
COMM.
CC
COUR DE CASSATION
______________________
Audience publique du 24 avril 2024
Cassation
M. VIGNEAU, président
Arrêt n° 200 F-D
Pourvoi n° T 23-12.643
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
_________________________
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________
ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, FINANCIÈRE ET ÉCONOMIQUE, DU 24 AVRIL 2024
La société I-Novsurg, société par actions simplifiée, dont le siège est [Adresse 2], a formé le pourvoi n° T 23-12.643 contre l'arrêt rendu le 1er décembre 2022 par la cour d'appel de Versailles (12e chambre), dans le litige l'opposant à la société B. Braun Medical, société à associé unique, dont le siège est [Adresse 1], défenderesse à la cassation.
La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, un moyen de cassation.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de Mme Poillot-Peruzzetto, conseiller, les observations de la SCP Le Guerer, Bouniol-Brochier, avocat de la société I-Novsurg, de la SCP Piwnica et Molinié, avocat de la société B. Braun Medical, après débats en l'audience publique du 27 février 2024 où étaient présents M. Vigneau, président, Mme Poillot-Peruzzetto, conseiller rapporteur, M. Mollard, conseiller doyen, et Mme Labat, greffier de chambre,
la chambre commerciale, financière et économique de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. Selon l'arrêt attaqué (Versailles, 1er décembre 2022), par contrat du 20 mai 2015, qualifié de « contrat de prestation de services », prorogé par avenant, la société B. Braun Medical (la société B. Braun), spécialisée dans la conception, la fabrication et la commercialisation de dispositifs médicaux, et la société I-Novsurg sont convenues que la seconde fournirait à la première, du 1er décembre 2015 au 31 décembre 2018, des prestations consistant à identifier et cibler les meilleurs contacts au sein des établissements hospitaliers afin de présenter les produits de la société B. Braun, prospecter ces contacts et négocier avec eux la réalisation d'essais, effectuer les essais et présenter les qualités techniques des produits, assurer la formation des clients à l'utilisation des produits et assurer auprès d'eux le suivi après-vente.
2. La société B. Braun ayant notifié à la société I-Novsurg le 26 juillet 2018 la résiliation du contrat avec effet au 31 décembre 2018, cette dernière l'a assignée en réparation de son préjudice pour rupture unilatérale de la relation commerciale et a demandé la requalification du contrat qui les liait en contrat d'agent commercial.
Examen du moyen
Sur le moyen, pris en sa première branche
Enoncé du moyen
3. La société I-Novsurg fait grief à l'arrêt de rejeter ses demandes, alors « que l'agent commercial est un mandataire qui, à titre de profession indépendante, sans être lié par un contrat de louage de services, est chargé, de façon permanente, de négocier et, éventuellement, de conclure des contrats de vente, d'achat, de location ou de prestation de services, au nom et pour le compte de producteurs, d'industriels, de commerçants ou d'autres agents commerciaux, quoiqu'il ne dispose pas du pouvoir de modifier les prix de ces produits ou services ou les conditions des contrats conclus par le mandant ; que les tâches principales d'un agent commercial consistent à apporter de nouveaux clients au commettant et à développer les opérations avec les clients existants, l'accomplissement de ces tâches pouvant être assuré par l'agent commercial au moyen d'actions d'information et de conseil ainsi que de discussions, qui sont de nature à favoriser la conclusion de l'opération de vente des marchandises pour le compte du commettant, sans que l'agent commercial dispose de la faculté de modifier les prix desdites marchandises ; qu'en l'espèce, après avoir relevé, en particulier, qu'il ressortait du contrat qu'ont été confiées des missions de prospection et de démarchage à la société I-Novsurg qui agissait de manière autonome, que cette dernière se rendait de sa propre initiative chez les clients potentiels, organisait la présentation des produits, les essais et leurs suivis, que la société I-Novsurg pouvait suggérer la fixation du prix, la cour d'appel a écarté la qualification d'agence commerciale, au motif que la société I-Novsurg ne démontre pas qu'elle disposait du pouvoir de négocier les prix, ni ne justifie d'un pouvoir de négociation étendu et, si elle assurait le démarchage, la prospection et le suivi commercial, elle ne signait pas de contrat au nom de la société B. Braun" ; qu'en se déterminant par une telle motivation impropre à exclure la qualification d'agence commerciale, la cour d'appel a violé l'article L. 134-1 du code de commerce. »
Réponse de la Cour
Vu l'article L. 134-1 du code de commerce, tel qu'interprété à la lumière de l'article 1er, paragraphe 2, de la directive 86/653/CEE du 18 décembre 1986 relative à la coordination des droits des Etats membres concernant les agents commerciaux indépendants :
4. Il résulte de ce texte que l'agent commercial est un mandataire personne physique ou morale qui, à titre de profession indépendante, sans être lié par un contrat de louage de services, est chargé, de façon permanente, de négocier et, éventuellement, de conclure des contrats de vente, d'achat, de location ou de prestation de services au nom et pour le compte de producteurs, d'industriels, de commerçants ou d'autres agents commerciaux, quoiqu'il ne dispose pas du pouvoir de modifier les prix de ces produits ou services ou les conditions des contrats conclus par le mandant.
5. Pour juger que la société I-Novsurg n'avait pas la qualité d'agent commercial et rejeter l'ensemble de ses demandes, l'arrêt retient que l'établissement et la transmission des offres de prix aux clients relevaient de la société B. Braun, que la société I-Novsurg ne disposait pas de pouvoir de négociation des conditions contractuelles et n'avait aucun pouvoir de signature des contrats et en déduit que la société I-Novsurg ne démontre pas qu'elle disposait du pouvoir de négocier les prix ni ne justifie d'un pouvoir de négociation étendu et que, si elle assurait le démarchage, la prospection et le suivi commercial, elle ne signait pas de contrat au nom de la société B. Braun.
6. En statuant ainsi, en exigeant que la société I-Novsurg jouisse, soit du pouvoir de conclure elle-même les contrats, soit de celui de modifier les prix des produits ou services ou les conditions des contrats conclus par le mandant, la cour d'appel a violé le texte susvisé.
PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs, la Cour :
CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 1er décembre 2022, entre les parties, par la cour d'appel de Versailles ;
Remet l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Paris ;
Condamne la société B. Braun Medical aux dépens ;
En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par la société B. Braun Medical et la condamne à payer à la société I-Novsurg la somme de 3 000 euros ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-quatre avril deux mille vingt-quatre.