Cour de cassation, civile, Chambre civile 1, 4 avril 2024, 23-12.791, Inédit
Cour de cassation, civile, Chambre civile 1, 4 avril 2024, 23-12.791, Inédit
Cour de cassation - Chambre civile 1
- N° de pourvoi : 23-12.791
- ECLI:FR:CCASS:2024:C100177
- Non publié au bulletin
- Solution : Cassation partielle
Audience publique du jeudi 04 avril 2024
Décision attaquée : Cour d'appel de Versailles, du 03 novembre 2022- Président
- Mme Champalaune (président)
Texte intégral
RÉPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
CIV. 1
MY1
COUR DE CASSATION
______________________
Audience publique du 4 avril 2024
Cassation partielle
Mme CHAMPALAUNE, président
Arrêt n° 177 F-D
Pourvoi n° D 23-12.791
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
_________________________
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________
ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, DU 4 AVRIL 2024
L'association Congrégation des soeurs de Notre-Dame de la compassion, dont le siège est [Adresse 1], a formé le pourvoi n° D 23-12.791 contre l'arrêt rendu le 3 novembre 2022 par la cour d'appel de Versailles (16e chambre), dans le litige l'opposant à la société Dexia crédit local, société anonyme, dont le siège est [Adresse 2], défenderesse à la cassation.
La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, cinq moyens de cassation.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de Mme Robin-Raschel, conseiller référendaire, les observations de la SARL Delvolvé et Trichet, avocat de l'association Congrégation des soeurs de Notre-Dame de la compassion, de la SCP Piwnica et Molinié, avocat de la société Dexia crédit local, après débats en l'audience publique du 13 février 2024 où étaient présentes Mme Champalaune, président, Mme Robin-Raschel, conseiller référendaire rapporteur, Mme Guihal, conseiller doyen, et Mme Vignes, greffier de chambre,
la première chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. Selon l'arrêt attaqué (Versailles, 3 novembre 2022), par acte du 30 décembre 2004, la société Dexia crédit local (la banque) a consenti à l'association Congrégation des soeurs de Notre-Dame de la compassion de Toulouse (l'association) un prêt de 1 800 000 euros, d'une durée de trente-deux ans, portant intérêts à taux variable.
2. L'article 5 de ce prêt comportait une clause intitulée « option de passage en taux fixe », laquelle comprenait des stipulations relatives à l'indemnité pouvant être due au prêteur en cas de remboursement anticipé du capital.
3. Par acte du 11 janvier 2005, l'association a consenti à la banque, en cas d'incidents de paiement et/ou d'exigibilité anticipée du prêt garanti, le droit d'obtenir à tout moment le rachat partiel ou total d'un contrat de capitalisation.
4. Le 18 septembre 2009, l'association a accepté une « proposition de refinancement de prêt à taux révisable ou variable en prêt à taux fixe » prévoyant une modification du taux d'intérêt variable initial en un taux d'intérêt fixe à compter du 1er octobre 2009.
5. En 2016, l'association ayant procédé au remboursement anticipé du prêt, la banque lui a demandé paiement de l'indemnité prévue au contrat. A la suite du refus de l'association, la banque a procédé au rachat partiel du contrat de capitalisation à hauteur de 485 611,87 euros.
6. Le 27 décembre 2017, l'association a assigné la banque en annulation du contrat de prêt, remboursement de la somme prélevée sur le contrat de capitalisation, constat du caractère abusif de la clause relative à l'indemnité de remboursement anticipé et indemnisation des préjudices subis en raison des manquements de la banque à ses obligations contractuelles.
Examen des moyens
Sur le premier moyen, sur le deuxième moyen, pris en ses dix premières et en ses deux dernières branches, sur le troisième moyen, pris en sa seconde branche, sur le quatrième moyen, pris en sa dernière branche et sur le cinquième moyen
7. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ces griefs qui ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation.
Sur le deuxième moyen, pris en sa onzième branche
Enoncé du moyen
8. L'association fait grief à l'arrêt de rejeter sa demande en restitution de la somme de 485 611,87 euros, alors « que, par ailleurs, le professionnel, au sens de la régime des clauses abusives, est celui qui agit à des fins entrant dans le cadre de son activité commerciale, industrielle, artisanale, libérale ou agricole, y compris lorsqu'il agit au nom ou pour le compte d'un autre professionnel ; que, de plus, la notion de « professionnel » est une notion fonctionnelle impliquant d'apprécier si le rapport contractuel s'inscrit dans le cadre des activités auxquelles une personne se livre à titre professionnel ; que, pour attribuer à la Congrégation des s?urs de Notre-Dame de la compassion de Toulouse la qualité de professionnel et ainsi exclure l'application des dispositions relatives aux clauses abusives, la cour d'appel a retenu, d'une part, que le contrat de prêt litigieux était destiné à financer un investissement immobilier comportant notamment la création d'une maison de retraite pour lequel elle a passé avec une association une convention d'assistance à maîtrise d'ouvrage, d'autre part, qu'aux termes des statuts de l'association qui en assure le fonctionnement, celle-ci agit conformément aux orientations et directives de ladite Congrégation fondatrice" et, enfin, qu'un contrat de bail a été consenti par la congrégation qui porte sur l'ensemble immobilier financé au moyen du prêt, comprenant 78 locaux répartis sur 2007 m2 utiles moyennant un loyer annuel principal de 122 000 euros ; qu'en statuant ainsi par de tels motifs, qui ne caractérisent pas que la congrégation exerce une activité professionnelle d'investisseur ou de gestionnaire de maison de retraite et, partant, impropres à caractériser qu'elle ait agi à des fins entrant dans le cadre d'une activité commerciale, industrielle, artisanale, libérale ou agricole et que le contrat se soit inscrit dans le cadre d'activités auxquelles elle se serait livrée à titre professionnel, la cour d'appel a violé l'article L. 132-1 du code de la consommation, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance du 14 mars 2016, applicable à la cause. »
Réponse de la Cour
9. Ayant retenu que l'association avait souscrit le prêt afin d'acquérir, à titre d'investissement immobilier, 2007 m² de terrain et 78 locaux et d'y installer et faire exploiter sous ses directives, moyennant le versement d'un loyer annuel de 122 000 euros, une maison de retraite, la cour d'appel en a exactement déduit que l'association, qui avait agi dans le cadre d'une activité professionnelle, ne pouvait pas se prévaloir du caractère abusif de la clause d'indemnité contractuelle due au prêteur en cas de remboursement anticipé du prêt et que la demande tendant à ce que cette clause soit réputée non écrite devait être rejetée.
Mais sur le troisième moyen, pris en sa première branche
Enoncé du moyen
10. L'association fait grief à l'arrêt de déclarer irrecevable comme prescrite son action en responsabilité fondée sur les manquements de la banque à ses obligations lors de la conclusion du contrat, alors : « que le point de départ du délai de prescription de l'action en paiement de dommages-intérêts formée par l'emprunteur contre l'établissement de crédit pour manquement de ce dernier à son devoir d'information est le jour où l'emprunteur n'a pu légitimement ignorer le dommage qui résultait du manquement du prêteur ; qu'en faisant courir le délai de prescription de l'action en responsabilité pour manquement de la société Dexia à son obligation d'information du moment de la conclusion du contrat, en décembre 2004, et de l'intervention de l'opération de refinancement en septembre 2009, sans constater que Congrégation des s?urs de Notre-Dame de la compassion de Toulouse pouvait avoir connaissance du dommage qui en résultait au moment de la souscription du prêt litigieux et au moment de l'intervention de l'opération de refinancement, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 2224 du code civil. »
Réponse de la Cour
Vu les articles 2224 du code civil et L. 110-1 du code de commerce :
11. Il résulte de ces textes que l'action en responsabilité de l'emprunteur à l'encontre du prêteur au titre d'un manquement à son devoir d'information se prescrit par cinq ans à compter de la date à laquelle celui-ci a eu connaissance effective de l'existence et des conséquences éventuelles d'un tel manquement.
12. Pour déclarer irrecevable, comme prescrite, la demande d'indemnisation de l'association, fondée sur le manquement de la banque à son devoir d'information quant aux modalités de mise en oeuvre de la clause du contrat de prêt stipulant, au profit de la banque, une indemnité en cas de remboursement anticipé du capital, et quant aux conséquences, sur l'application de cette clause, de la modification des modalités de remboursement du prêt intervenue le 1er octobre 2009, l'arrêt retient, d'une part, que le délai de prescription de l'action a commencé à courir à compter de la date de formation du contrat, dès lors que le dommage résultant du manquement à l'obligation d'information consiste en la perte de chance de ne pas contracter, de sorte que le délai de dix ans avait commencé à courir le 30 décembre 2004 et qu'en application des dispositions transitoires de la loi du 17 juin 2008, l'association devait agir avant le 19 juin 2013, et que, d'autre part, l'association disposait de tous les éléments lui permettant d'agir à compter du 18 septembre 2009.
13. En statuant ainsi, sans établir la date à laquelle l'association avait eu une connaissance effective du dommage résultant des manquements au devoir d'information reprochés à la banque, la cour d'appel a violé les textes susvisés.
Et sur le quatrième moyen, pris en sa première branche
Enoncé du moyen
14. L'association fait grief à l'arrêt de rejeter sa demande indemnitaire fondée sur les manquements de la banque à ses obligations lors de l'exécution du contrat de prêt, alors « que le juge ne peut, sans commettre de déni de justice, refuser de juger au prétexte d'une insuffisance d'éléments ; qu'en se bornant à énoncer, pour écarter la demande de la congrégation, que celle-ci limitait sa démonstration au caractère contradictoire des courriers adressés par la banque à la congrégation et à la confusion qu'ils avaient pu générer chez cette dernière, de sorte qu'elle ne saurait valablement se prononcer sur la responsabilité de la banque de ce chef et accueillir, partant, sa demande à ce titre", la cour d'appel a entaché sa décision d'un déni de justice, en violation de l'article 4 du code civil. »
Réponse de la Cour
Vu l'article 4 du code civil :
15. Il résulte de ce texte que le juge ne peut refuser de statuer en se fondant sur l'insuffisance des preuves qui lui sont fournies par les parties.
16. Pour rejeter la demande indemnitaire de l'association fondée sur des manquements de la banque à ses obligations lors de l'exécution du contrat de prêt, l'arrêt retient qu'il n'est pas possible de se prononcer sur la responsabilité de la banque dès lors que l'association se borne à invoquer, au soutien de sa demande, des lettres, adressées par la banque, qualifiées de contradictoires et confuses.
17. En statuant ainsi, la cour d'appel a violé le texte susvisé.
PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur le dernier grief, la Cour :
CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il déclare irrecevable, comme prescrite, l'action en responsabilité de la Congrégation des soeurs de Notre-Dame de la compassion de Toulouse formée à l'encontre de la société Dexia crédit local fondée sur ses manquements fautifs lors de la formation du contrat de prêt, déboute la Congrégation des soeurs de Notre-Dame de la compassion de Toulouse de sa demande indemnitaire formée à titre subsidiaire à l'encontre de la société Dexia crédit local fondée sur ses manquements fautifs lors de l'exécution du contrat de prêt, condamne la Congrégation des soeurs de Notre-Dame de la compassion de Toulouse à verser à la société Dexia crédit local la somme de 10 000 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile et à supporter les dépens de première instance et d'appel avec faculté de recouvrement conformément aux dispositions de l'article 699 du même code, l'arrêt rendu le 3 novembre 2022, entre les parties, par la cour d'appel de Versailles ;
Remet, sur ces points, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Paris ;
Condamne la société Dexia crédit local aux dépens ;
En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par la société Dexia crédit local et la condamne à payer à l'association Congrégation des soeurs de Notre-Dame de la compassion de Toulouse la somme de 3 000 euros ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du quatre avril deux mille vingt-quatre.ECLI:FR:CCASS:2024:C100177
CIV. 1
MY1
COUR DE CASSATION
______________________
Audience publique du 4 avril 2024
Cassation partielle
Mme CHAMPALAUNE, président
Arrêt n° 177 F-D
Pourvoi n° D 23-12.791
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
_________________________
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________
ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, DU 4 AVRIL 2024
L'association Congrégation des soeurs de Notre-Dame de la compassion, dont le siège est [Adresse 1], a formé le pourvoi n° D 23-12.791 contre l'arrêt rendu le 3 novembre 2022 par la cour d'appel de Versailles (16e chambre), dans le litige l'opposant à la société Dexia crédit local, société anonyme, dont le siège est [Adresse 2], défenderesse à la cassation.
La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, cinq moyens de cassation.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de Mme Robin-Raschel, conseiller référendaire, les observations de la SARL Delvolvé et Trichet, avocat de l'association Congrégation des soeurs de Notre-Dame de la compassion, de la SCP Piwnica et Molinié, avocat de la société Dexia crédit local, après débats en l'audience publique du 13 février 2024 où étaient présentes Mme Champalaune, président, Mme Robin-Raschel, conseiller référendaire rapporteur, Mme Guihal, conseiller doyen, et Mme Vignes, greffier de chambre,
la première chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. Selon l'arrêt attaqué (Versailles, 3 novembre 2022), par acte du 30 décembre 2004, la société Dexia crédit local (la banque) a consenti à l'association Congrégation des soeurs de Notre-Dame de la compassion de Toulouse (l'association) un prêt de 1 800 000 euros, d'une durée de trente-deux ans, portant intérêts à taux variable.
2. L'article 5 de ce prêt comportait une clause intitulée « option de passage en taux fixe », laquelle comprenait des stipulations relatives à l'indemnité pouvant être due au prêteur en cas de remboursement anticipé du capital.
3. Par acte du 11 janvier 2005, l'association a consenti à la banque, en cas d'incidents de paiement et/ou d'exigibilité anticipée du prêt garanti, le droit d'obtenir à tout moment le rachat partiel ou total d'un contrat de capitalisation.
4. Le 18 septembre 2009, l'association a accepté une « proposition de refinancement de prêt à taux révisable ou variable en prêt à taux fixe » prévoyant une modification du taux d'intérêt variable initial en un taux d'intérêt fixe à compter du 1er octobre 2009.
5. En 2016, l'association ayant procédé au remboursement anticipé du prêt, la banque lui a demandé paiement de l'indemnité prévue au contrat. A la suite du refus de l'association, la banque a procédé au rachat partiel du contrat de capitalisation à hauteur de 485 611,87 euros.
6. Le 27 décembre 2017, l'association a assigné la banque en annulation du contrat de prêt, remboursement de la somme prélevée sur le contrat de capitalisation, constat du caractère abusif de la clause relative à l'indemnité de remboursement anticipé et indemnisation des préjudices subis en raison des manquements de la banque à ses obligations contractuelles.
Examen des moyens
Sur le premier moyen, sur le deuxième moyen, pris en ses dix premières et en ses deux dernières branches, sur le troisième moyen, pris en sa seconde branche, sur le quatrième moyen, pris en sa dernière branche et sur le cinquième moyen
7. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ces griefs qui ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation.
Sur le deuxième moyen, pris en sa onzième branche
Enoncé du moyen
8. L'association fait grief à l'arrêt de rejeter sa demande en restitution de la somme de 485 611,87 euros, alors « que, par ailleurs, le professionnel, au sens de la régime des clauses abusives, est celui qui agit à des fins entrant dans le cadre de son activité commerciale, industrielle, artisanale, libérale ou agricole, y compris lorsqu'il agit au nom ou pour le compte d'un autre professionnel ; que, de plus, la notion de « professionnel » est une notion fonctionnelle impliquant d'apprécier si le rapport contractuel s'inscrit dans le cadre des activités auxquelles une personne se livre à titre professionnel ; que, pour attribuer à la Congrégation des s?urs de Notre-Dame de la compassion de Toulouse la qualité de professionnel et ainsi exclure l'application des dispositions relatives aux clauses abusives, la cour d'appel a retenu, d'une part, que le contrat de prêt litigieux était destiné à financer un investissement immobilier comportant notamment la création d'une maison de retraite pour lequel elle a passé avec une association une convention d'assistance à maîtrise d'ouvrage, d'autre part, qu'aux termes des statuts de l'association qui en assure le fonctionnement, celle-ci agit conformément aux orientations et directives de ladite Congrégation fondatrice" et, enfin, qu'un contrat de bail a été consenti par la congrégation qui porte sur l'ensemble immobilier financé au moyen du prêt, comprenant 78 locaux répartis sur 2007 m2 utiles moyennant un loyer annuel principal de 122 000 euros ; qu'en statuant ainsi par de tels motifs, qui ne caractérisent pas que la congrégation exerce une activité professionnelle d'investisseur ou de gestionnaire de maison de retraite et, partant, impropres à caractériser qu'elle ait agi à des fins entrant dans le cadre d'une activité commerciale, industrielle, artisanale, libérale ou agricole et que le contrat se soit inscrit dans le cadre d'activités auxquelles elle se serait livrée à titre professionnel, la cour d'appel a violé l'article L. 132-1 du code de la consommation, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance du 14 mars 2016, applicable à la cause. »
Réponse de la Cour
9. Ayant retenu que l'association avait souscrit le prêt afin d'acquérir, à titre d'investissement immobilier, 2007 m² de terrain et 78 locaux et d'y installer et faire exploiter sous ses directives, moyennant le versement d'un loyer annuel de 122 000 euros, une maison de retraite, la cour d'appel en a exactement déduit que l'association, qui avait agi dans le cadre d'une activité professionnelle, ne pouvait pas se prévaloir du caractère abusif de la clause d'indemnité contractuelle due au prêteur en cas de remboursement anticipé du prêt et que la demande tendant à ce que cette clause soit réputée non écrite devait être rejetée.
Mais sur le troisième moyen, pris en sa première branche
Enoncé du moyen
10. L'association fait grief à l'arrêt de déclarer irrecevable comme prescrite son action en responsabilité fondée sur les manquements de la banque à ses obligations lors de la conclusion du contrat, alors : « que le point de départ du délai de prescription de l'action en paiement de dommages-intérêts formée par l'emprunteur contre l'établissement de crédit pour manquement de ce dernier à son devoir d'information est le jour où l'emprunteur n'a pu légitimement ignorer le dommage qui résultait du manquement du prêteur ; qu'en faisant courir le délai de prescription de l'action en responsabilité pour manquement de la société Dexia à son obligation d'information du moment de la conclusion du contrat, en décembre 2004, et de l'intervention de l'opération de refinancement en septembre 2009, sans constater que Congrégation des s?urs de Notre-Dame de la compassion de Toulouse pouvait avoir connaissance du dommage qui en résultait au moment de la souscription du prêt litigieux et au moment de l'intervention de l'opération de refinancement, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 2224 du code civil. »
Réponse de la Cour
Vu les articles 2224 du code civil et L. 110-1 du code de commerce :
11. Il résulte de ces textes que l'action en responsabilité de l'emprunteur à l'encontre du prêteur au titre d'un manquement à son devoir d'information se prescrit par cinq ans à compter de la date à laquelle celui-ci a eu connaissance effective de l'existence et des conséquences éventuelles d'un tel manquement.
12. Pour déclarer irrecevable, comme prescrite, la demande d'indemnisation de l'association, fondée sur le manquement de la banque à son devoir d'information quant aux modalités de mise en oeuvre de la clause du contrat de prêt stipulant, au profit de la banque, une indemnité en cas de remboursement anticipé du capital, et quant aux conséquences, sur l'application de cette clause, de la modification des modalités de remboursement du prêt intervenue le 1er octobre 2009, l'arrêt retient, d'une part, que le délai de prescription de l'action a commencé à courir à compter de la date de formation du contrat, dès lors que le dommage résultant du manquement à l'obligation d'information consiste en la perte de chance de ne pas contracter, de sorte que le délai de dix ans avait commencé à courir le 30 décembre 2004 et qu'en application des dispositions transitoires de la loi du 17 juin 2008, l'association devait agir avant le 19 juin 2013, et que, d'autre part, l'association disposait de tous les éléments lui permettant d'agir à compter du 18 septembre 2009.
13. En statuant ainsi, sans établir la date à laquelle l'association avait eu une connaissance effective du dommage résultant des manquements au devoir d'information reprochés à la banque, la cour d'appel a violé les textes susvisés.
Et sur le quatrième moyen, pris en sa première branche
Enoncé du moyen
14. L'association fait grief à l'arrêt de rejeter sa demande indemnitaire fondée sur les manquements de la banque à ses obligations lors de l'exécution du contrat de prêt, alors « que le juge ne peut, sans commettre de déni de justice, refuser de juger au prétexte d'une insuffisance d'éléments ; qu'en se bornant à énoncer, pour écarter la demande de la congrégation, que celle-ci limitait sa démonstration au caractère contradictoire des courriers adressés par la banque à la congrégation et à la confusion qu'ils avaient pu générer chez cette dernière, de sorte qu'elle ne saurait valablement se prononcer sur la responsabilité de la banque de ce chef et accueillir, partant, sa demande à ce titre", la cour d'appel a entaché sa décision d'un déni de justice, en violation de l'article 4 du code civil. »
Réponse de la Cour
Vu l'article 4 du code civil :
15. Il résulte de ce texte que le juge ne peut refuser de statuer en se fondant sur l'insuffisance des preuves qui lui sont fournies par les parties.
16. Pour rejeter la demande indemnitaire de l'association fondée sur des manquements de la banque à ses obligations lors de l'exécution du contrat de prêt, l'arrêt retient qu'il n'est pas possible de se prononcer sur la responsabilité de la banque dès lors que l'association se borne à invoquer, au soutien de sa demande, des lettres, adressées par la banque, qualifiées de contradictoires et confuses.
17. En statuant ainsi, la cour d'appel a violé le texte susvisé.
PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur le dernier grief, la Cour :
CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il déclare irrecevable, comme prescrite, l'action en responsabilité de la Congrégation des soeurs de Notre-Dame de la compassion de Toulouse formée à l'encontre de la société Dexia crédit local fondée sur ses manquements fautifs lors de la formation du contrat de prêt, déboute la Congrégation des soeurs de Notre-Dame de la compassion de Toulouse de sa demande indemnitaire formée à titre subsidiaire à l'encontre de la société Dexia crédit local fondée sur ses manquements fautifs lors de l'exécution du contrat de prêt, condamne la Congrégation des soeurs de Notre-Dame de la compassion de Toulouse à verser à la société Dexia crédit local la somme de 10 000 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile et à supporter les dépens de première instance et d'appel avec faculté de recouvrement conformément aux dispositions de l'article 699 du même code, l'arrêt rendu le 3 novembre 2022, entre les parties, par la cour d'appel de Versailles ;
Remet, sur ces points, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Paris ;
Condamne la société Dexia crédit local aux dépens ;
En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par la société Dexia crédit local et la condamne à payer à l'association Congrégation des soeurs de Notre-Dame de la compassion de Toulouse la somme de 3 000 euros ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du quatre avril deux mille vingt-quatre.