Cour de cassation, criminelle, Chambre criminelle, 4 avril 2024, 22-80.417 22-82.169 23-80.910, Publié au bulletin
Cour de cassation, criminelle, Chambre criminelle, 4 avril 2024, 22-80.417 22-82.169 23-80.910, Publié au bulletin
Cour de cassation - Chambre criminelle
- N° de pourvoi : 22-80.417, 22-82.169, 23-80.910
- ECLI:FR:CCASS:2024:CR00335
- Publié au bulletin
- Solution : Rejet
Audience publique du jeudi 04 avril 2024
Décision attaquée : Cour d'appel de Paris, du 26 janvier 2023- Président
- M. Bonnal
Texte intégral
RÉPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, a rendu l'arrêt suivant :
N° U 22-82.169 FS-B
Q 22-80.417
W 23-80.910
N° 00335
SL2
4 AVRIL 2024
CASSATION
REJET
M. BONNAL président,
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
________________________________________
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________
ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE,
DU 4 AVRIL 2024
M. [X] [B] a formé des pourvois contre les arrêts de la cour d'appel de Paris, chambre 2-9, rendus dans la procédure suivie contre lui du chef d'agression sexuelle aggravée :
- le premier, en date du 12 janvier 2022, qui a prononcé sur sa demande d'annulation de pièces et annulé le jugement déféré (pourvoi n° 22-80.417) ;
- le deuxième, en date du 23 mars 2022, qui a rejeté la demande de comparution forcée de la partie civile (pourvoi n° 22-82.169) ;
- le troisième, en date du 26 janvier 2023, qui l'a condamné à deux ans d'emprisonnement avec sursis probatoire, une confiscation et a prononcé sur les intérêts civils (pourvoi n° 23-80.910).
Les pourvois sont joints en raison de la connexité.
Un mémoire a été produit.
Sur le rapport de M. Brugère, conseiller, les observations de la SCP Célice, Texidor, Périer, avocat de M. [X] [B], et les conclusions de M. Aldebert, avocat général, après débats en l'audience publique du 14 février 2024 où étaient présents M. Bonnal, président, M. Brugère, conseiller rapporteur, M. de Larosière de Champfeu, Mme Leprieur, MM. Turbeaux, Laurent, Gouton, Tessereau, conseillers, M. Mallard, Mmes Guerrini, Diop-Simon, conseillers référendaires, M. Jean-Michel Aldebert, avocat général, et Mme Lavaud, greffier de chambre,
la chambre criminelle de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. Il résulte des arrêts attaqués et des pièces de procédure ce qui suit.
2. Le 2 juillet 2016, [W] [M], alors âgée de 17 ans, a déposé plainte contre M. [X] [B] pour agression sexuelle sur personne dont la particulière vulnérabilité, due à une déficience physique ou psychique, était apparente ou connue de son auteur.
3. Par jugement du 1er octobre 2020, le tribunal correctionnel a condamné M. [B] à deux ans d'emprisonnement avec sursis probatoire, une confiscation et a prononcé sur les intérêts civils.
4. Le prévenu a relevé appel de cette décision, ainsi que le ministère public, à titre incident. La partie civile a également formé appel incident sur les dispositions civiles.
5. Par arrêt du 12 janvier 2022, la cour d'appel a annulé le jugement déféré pour défaut de motivation, rejeté une exception de nullité et renvoyé l'examen de l'affaire.
6. Par arrêt du 23 mars 2022, la cour d'appel a ordonné que lui soient transmis les scellés de l'enregistrement de l'audition de la partie civile en date du 4 juillet 2016, afin qu'ils puissent être mis à la disposition de la défense du prévenu, a refusé d'ordonner la comparution forcée de [W] [M] et renvoyé l'examen de l'affaire.
Examen des moyens
Sur le moyen du pourvoi formé contre l'arrêt du 12 janvier 2022
7. Il n'est pas de nature à permettre l'admission du pourvoi au sens de l'article 567-1-1 du code de procédure pénale.
Sur le moyen du pourvoi formé contre l'arrêt du 23 mars 2022 et le troisième moyen du pourvoi formé contre l'arrêt du 26 janvier 2023
Enoncé des moyens
8. Le moyen du pourvoi formé contre l'arrêt du 23 mars 2022 critique l'arrêt attaqué en ce qu'il a fait droit à la demande de renvoi formée par la défense « à seule fin de permettre l'exercice des droits de la défense, et ordonnera en conséquence la transmission » et a ainsi rejeté la demande de renvoi en vue d'obtenir la comparution forcée de la plaignante, alors :
« 1°/ d'une part que tout prévenu dont la mise en cause repose essentiellement sur les déclarations d'une personne se déclarant victime a le droit d'interroger ou de faire interroger celle-ci au cours de l'enquête ou devant les juges ; que les juges tirent de ce principe et des articles 439 et 460-1 du code de procédure pénale le pouvoir d'ordonner la comparution de la partie civile ; qu'au cas d'espèce, les poursuites reposent essentiellement sur les déclarations de Madame [M], qui a pourtant systématiquement refusé de se confronter à Monsieur [B], tant au cours de la procédure, en ne se participant pas à la confrontation organisée pendant l'enquête, que devant les juges, en refusant de comparaître devant le tribunal correctionnel puis devant la cour d'appel, malgré la citation adressée par la défense à la plaignante et à ses parents ; que la défense était dès lors fondée à solliciter de la Cour, au visa des dispositions conventionnelles garantissant les droits de la défense, qu'elle ordonne la comparution de Madame [M] ; qu'en se bornant toutefois, pour rejeter cette demande, à affirmer que « lorsqu'elle examinera le fond, la cour aura à rechercher, à supposer que [W] [M] persiste dans sa volonté de ne pas se présenter, s'il existe à la procédure des éléments compensateurs permettant de pallier l'absence de toute confrontation avec le prévenu et, à défaut, d'en tirer toutes les conséquences », quand ces motifs sont inopérants à écarter l'atteinte aux droits de la défense subie par Monsieur [B], et en particulier au droit procédural de faire comparaître les « témoins » à charge, la Cour d'appel n'a pas légalement justifié sa décision au regard des article 6, § 3, d), de la Convention européenne des droits de l'homme, 591 et 593 du code de procédure pénale ;
2°/ d'autre part que tout prévenu dont la mise en cause repose essentiellement sur les déclarations d'une personne se déclarant victime a le droit d'interroger ou de faire interroger celle-ci au cours de l'enquête ou devant les juges ; que les juges tirent de ce principe et des articles 439 et 460-1 du code de procédure pénale le pouvoir d'ordonner la comparution de la partie civile ; qu'au cas d'espèce, la défense faisait valoir que les poursuites reposent essentiellement sur les déclarations de Madame [M], qui a pourtant systématiquement refusé de se confronter à Monsieur [B], tant au cours de la procédure, en ne se participant pas à la confrontation organisée pendant l'enquête, que devant les juges, en refusant de comparaître devant le tribunal correctionnel puis devant la cour d'appel, malgré la citation adressée par la défense à la plaignante et à ses parents ; que la défense était dès lors fondée à solliciter de la Cour, au visa des dispositions conventionnelles garantissant les droits de la défense, qu'elle ordonne la comparution de Madame [M] ; qu'en se bornant toutefois, pour rejeter cette demande, à affirmer qu' « aucune décision postérieure aux arrêts cités par la défense ne s'est prononcée sur la possibilité d'ordonner la comparution forcée de la partie civile citée comme témoin », qu'« en l'état de la jurisprudence de la haute cour, non contraire à la jurisprudence européenne citée par la défense, la participe civile peut être citée devant la Cour comme témoin (Crim., 29 mars 2017, n° 15-86.134, publié au Bulletin) mais pour autant qu'elle ait perdu, à hauteur d'appel, cette qualité » et qu'« en l'état actuel du droit positif et des articles 422 et 424 du code de procédure pénale, la comparution forcée de la partie civile citée comme témoin est proscrite », quand ces motifs, qui procèdent d'une confusion entre la notion de « témoin » au sens de la Convention européenne des droits de l'homme et celle de « témoin » au sens des dispositions du Code de procédure pénale, sont impropres à justifier le refus d'ordonner la comparution de la partie civile, en vertu de l'article 460-1 du code de procédure pénale, afin de permettre sa confrontation avec le prévenu, la Cour d'appel a violé les articles 6, § 3, d), de la Convention européenne des droits de l'homme, 422, 424, 460-1, 591 et 593 du code de procédure pénale. »
9. Le moyen du pourvoi formé contre l'arrêt du 26 janvier 2023 critique l'arrêt attaqué en ce qu'il a, sur l'action publique, confirmé le jugement attaqué sur la culpabilité de [X] [B] et sur la peine et confirmé le jugement en ce qu'il a constaté l'inscription de l'intéressé au FIJAIS et ordonné la confiscation des scellés, et sur l'action civile, confirmé le jugement en toutes ses dispositions civiles, et y ajoutant, condamné [X] [B] à payer à [W] [M] la somme de 2500 euros au titre de l'article 475-1 du code de procédure pénale pour les frais engagés en cause d'appel, alors :
1°/ d'une part que les juges ne peuvent fonder une déclaration de culpabilité essentiellement sur les déclarations de la plaignante lorsque la défense n'a jamais été en mesure de contester celles-ci ; qu'au cas d'espèce, la défense faisait valoir que les poursuites reposent essentiellement sur les déclarations de Madame [M], qui a pourtant systématiquement refusé de se confronter à Monsieur [B], tant au cours de la procédure, en ne se participant pas à la confrontation organisée pendant l'enquête, que devant les juges, en refusant de comparaître devant le tribunal correctionnel puis devant la cour d'appel, malgré la citation adressée par la défense à la plaignante et à ses parents ; qu'en se fondant essentiellement sur ces déclarations pour déclarer l'exposant coupable des faits de la prévention, la Cour d'appel, qui n'a pas mis la défense en mesure d'exercer ses droits, et en particulier d'interroger ou faire interroger, au cours de la procédure, les témoins à charge sur les déclarations desquels elle entendait fonder sa décision, a violé les articles 6, § 3, d), de la Convention européenne des droits de l'homme, préliminaire, 591 et 593 du code de procédure pénale ;
2°/ d'autre part que les juges ne peuvent fonder une déclaration de culpabilité essentiellement sur les déclarations de la plaignante lorsque la défense n'a jamais été en mesure de contester celles-ci ; que lorsque la partie civile invoque sa « peur » pour refuser de se confronter au prévenu, il incombe aux juges de vérifier si la peur invoquée par la partie civile est attribuable aux menaces et autres pressions du prévenu sur sa personne ou simplement et plus généralement au seul fait de comparaître en justice, et, dans le second cas, s'il existe des motifs objectifs permettant de caractériser cette peur et si ces motifs objectifs sont corroborés par des éléments de preuve ; qu'au cas d'espèce, la défense faisait valoir que les poursuites reposent essentiellement sur les déclarations de Madame [M], qui a pourtant systématiquement refusé de se confronter à Monsieur [B], tant au cours de la procédure, en ne se participant pas à la confrontation organisée pendant l'enquête, que devant les juges, en refusant de comparaître devant le tribunal correctionnel puis devant la cour d'appel, malgré la citation adressée par la défense à la plaignante et à ses parents ; qu'en retenant, pour s'autoriser à se fonder essentiellement sur ces déclarations et déclarer l'exposant coupable des faits de la prévention, que « la confrontation de [X] [B] et [W] [M] [a] été empêchée en raison de la très grande peur manifestée par cette dernière », sans rechercher si la « peur » invoquée par Madame [M] était caractérisée par des motifs objectifs corroborés par des éléments de la procédure, la cour d'appel, qui a statué par des motifs impropres à écarter l'atteinte aux droits de la défense invoquée par l'exposant, n'a pas légalement justifié sa décision. »
Réponse de la Cour
Les moyens sont réunis.
Sur le moyen formé contre l'arrêt du 23 mars 2022, en ce qu'il critique le refus d'ordonner la comparution forcée de la partie civile
10. Pour écarter la demande de comparution forcée de la partie civile présentée par la défense, l'arrêt attaqué énonce que cette mesure est proscrite en l'état du droit interne par les articles 422 et 424 du code de procédure pénale.
11. En statuant ainsi, la cour d'appel n'a méconnu aucun des textes visés au moyen.
12. En effet, aucune disposition du code de procédure pénale ne permet de contraindre la partie civile à comparaître devant la juridiction correctionnelle.
13. Dès lors, ce grief doit être écarté.
Mais sur le moyen formé contre l'arrêt du 23 mars 2022, pris pour le surplus et le troisième moyen du pourvoi formé contre l'arrêt du 26 janvier 2023
Vu les articles 6, § 3, d), de la Convention européenne des droits de l'homme et préliminaire du code de procédure pénale :
14. Selon le premier de ces textes, toute personne accusée d'une infraction a droit, notamment, à interroger ou faire interroger les témoins à charge et obtenir la convocation et l'interrogation des témoins à décharge dans les mêmes conditions que les témoins à charge.
15. Selon le second, la procédure pénale doit être équitable et contradictoire et préserver l'équilibre des droits des parties.
16. La Cour européenne des droits de l'homme juge que le droit d'interroger ou de faire interroger les témoins à charge constitue une garantie du droit à l'équité de la procédure, en ce que, non seulement il vise l'égalité des armes entre l'accusation et la défense, mais encore il fournit à la défense et au système judiciaire un instrument essentiel de contrôle de la crédibilité et de la fiabilité des dépositions incriminantes et, par-là, du bien-fondé des chefs d'accusation (CEDH, arrêt du 14 juin 2016, Riahi c. Belgique, n° 65400/10, § 39).
17. Elle juge qu'il y a violation de l'article 6, §§ 1 et 3, d), de la Convention européenne des droits de l'homme, s'il n'est pas démontré que les juges ont déployé tous les efforts que l'on pouvait raisonnablement attendre d'eux pour tenter d'assurer la comparution du témoin dont le témoignage est déterminant au sens de sa jurisprudence (CEDH, arrêt du 10 avril 2012, Tseber c. République tchèque, n° 46203/08, § 48).
18. Elle exige qu'un contrôle minutieux des raisons données pour justifier l'incapacité du témoin à assister au procès soit effectué par les juges en tenant compte de la situation particulière de l'intéressé. Si l'absence de motif sérieux justifiant la non-comparution ne peut en soi rendre un procès inéquitable, elle constitue un élément de poids s'agissant d'apprécier l'équité globale d'un procès (CEDH, [GC] arrêt du 15 décembre 2015, Schatschaschwili c. Allemagne, n° 9154/10, §§ 111-131).
19. S'agissant particulièrement de la personne se déclarant victime d'infractions sexuelles et invoquant la peur d'assister au procès, le juge doit notamment vérifier si toutes les autres possibilités, telles que l'anonymat ou d'autres mesures spéciales, étaient inadaptées ou impossibles à mettre en oeuvre (CEDH, arrêt du 27 février 2014, Lucic c. Croatie, n° 5699/11, § 75).
20. Il s'en déduit qu'au regard des déclarations incriminantes du plaignant et à défaut de confrontation, durant l'enquête, entre la partie civile et le prévenu, il appartient aux juges, d'une part, de mettre en oeuvre les moyens procéduraux à leur disposition pour tenter d'assurer la comparution de la partie civile à l'audience, afin de permettre à la défense, qui en avait manifesté la volonté, de l'interroger, d'autre part, de vérifier si l'absence de la partie civile était justifiée par une excuse légitime.
21. Pour refuser d'ordonner la comparution de la partie civile, les juges indiquent qu'ils auront à rechercher s'il existe dans la procédure des éléments compensateurs permettant de pallier l'absence de toute confrontation avec le prévenu et à défaut d'en tirer toutes les conséquences.
22. Pour condamner M. [B] pour agression sexuelle aggravée, en l'absence de la partie civile, les juges, après avoir constaté que les poursuites avaient été engagées à la suite des dénonciations de [W] [M] et que le prévenu contestait les faits, retiennent que la confrontation entre les parties avait été empêchée par la très grande peur manifestée par la plaignante.
23. En prononçant ainsi, la cour d'appel a méconnu les textes susvisés et les principes ci-dessus rappelés pour les motifs qui suivent.
24. [W] [M] n'a jamais été confrontée à M. [B], et n'a pas comparu devant les juridictions de jugement, y compris devant la cour d'appel alors qu'elle a été citée par la défense. Constituée partie civile, elle a été représentée à l'audience de la cour d'appel par un avocat, qui, pour expliquer le défaut de comparution à l'audience de sa cliente, a fait état de son lourd handicap et du traumatisme causé par les faits. Cependant, aucun document médical n'a été produit, ni demandé par les juges, pour justifier cet empêchement de comparaître.
25. Les juges n'ont pas ordonné la comparution personnelle de [W] [M] à l'audience, y compris par un moyen de télécommunication audiovisuelle sur le fondement de l'article 706-71, alinéa 3, du code de procédure pénale, alors qu'ils disposaient de cette faculté sans pour autant user de la contrainte.
26. Ils n'ont pas davantage ordonné une expertise pour vérifier si la comparution de la partie civile, à l'audience ou en visioconférence, se heurtait à un obstacle insurmontable.
27. La cassation est, en conséquence, encourue.
Et sur le deuxième moyen du pourvoi formé contre l'arrêt du 26 janvier 2023
Enoncé du moyen
28. Le moyen critique l'arrêt attaqué en ce qu'il a, sur l'action publique, confirmé le jugement attaqué sur la culpabilité de M. [B] et sur la peine et confirmé le jugement en ce qu'il a constaté l'inscription de l'intéressé au FIJAIS et ordonné la confiscation des scellés, et sur l'action civile, confirmé le jugement en toutes ses dispositions civiles, et y ajoutant, condamné M. [B] à payer à [W] [M] la somme de 2 500 euros au titre de l'article 475-1 du code de procédure pénale pour les frais engagés en cause d'appel, alors :
« 1°/ d'une part que la cour d'appel, qui a prononcé l'annulation du jugement du tribunal correctionnel de Sens en date du 15 octobre 2020 par son arrêt du 12 janvier 2022, ne pouvait ultérieurement confirmer celui-ci en ses dispositions relatives à l'action publique ou à l'action civile, l'ensemble de ces dispositions étant non avenues ; qu'en statuant ainsi, la Cour d'appel a violé les articles 514, 591 et 593 du code de procédure pénale ;
2°/ d'autre part qu'en rappelant d'une part que « par arrêt rendu en date du 12 janvier 2022, contradictoire à l'égard de [X] [B], prévenu, et de [H] [M], en sa qualité de tuteur de [W] [M], partie civile, cette chambre de la cour a reçu les appels du prévenu, de la partie civile, et du ministère public, fait droit à l'exception de nullité soulevée par le conseil du prévenu concernant la demande d'annulation du jugement pour défaut de motivation [et] annulé le jugement du tribunal correctionnel de SENS du 15 octobre 2020 », et en confirmant d'autre part ce jugement en ses dispositions relatives à l'action publique et l'action civile, la Cour d'appel, qui a statué par des motifs contradictoires, n'a pas légalement justifié sa décision au regard des articles 514, 591 et 593 du code de procédure pénale. »
Réponse de la Cour
Vu l'article 520 du code de procédure pénale :
29. Aux termes de ce texte, si le jugement est annulé pour violation ou omission non réparée de formes prescrites par la loi à peine de nullité, la cour évoque et statue sur le fond.
30. Par arrêt du 12 janvier 2022, la cour d'appel a annulé, pour défaut de motivation, le jugement du 1er octobre 2020 ayant condamné M. [B] pour agression sexuelle aggravée.
31. Par arrêt du 26 janvier 2023, cette juridiction a confirmé le jugement du 1er octobre 2020, tant en ses dispositions pénales que civiles.
32. En prononçant ainsi, la cour d'appel a méconnu le texte susvisé et le principe ci-dessus rappelé.
33. La cassation est, dès lors, de nouveau encourue.
PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu d'examiner les autres moyens de cassation proposés, la Cour :
Sur le pourvoi formé contre l'arrêt du 12 janvier 2022 :
LE REJETTE ;
Sur les pourvois formés contre les arrêts du 23 mars 2022 et du 26 janvier 2023 :
CASSE et ANNULE, en toutes leurs dispositions, les arrêts de la cour d'appel de Paris en date des 23 mars 2022 et 26 janvier 2023, et pour qu'il soit à nouveau jugé, conformément à la loi ;
RENVOIE la cause et les parties devant la cour d'appel de Paris, autrement composée, à ce désignée par délibération spéciale prise en chambre du conseil ;
ORDONNE l'impression du présent arrêt, sa transcription sur les registres du greffe de la cour d'appel de Paris et sa mention en marge ou à la suite des arrêts annulés.
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre criminelle, et prononcé par le président en son audience publique du quatre avril deux mille vingt-quatre.ECLI:FR:CCASS:2024:CR00335
N° U 22-82.169 FS-B
Q 22-80.417
W 23-80.910
N° 00335
SL2
4 AVRIL 2024
CASSATION
REJET
M. BONNAL président,
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
________________________________________
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________
ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE,
DU 4 AVRIL 2024
M. [X] [B] a formé des pourvois contre les arrêts de la cour d'appel de Paris, chambre 2-9, rendus dans la procédure suivie contre lui du chef d'agression sexuelle aggravée :
- le premier, en date du 12 janvier 2022, qui a prononcé sur sa demande d'annulation de pièces et annulé le jugement déféré (pourvoi n° 22-80.417) ;
- le deuxième, en date du 23 mars 2022, qui a rejeté la demande de comparution forcée de la partie civile (pourvoi n° 22-82.169) ;
- le troisième, en date du 26 janvier 2023, qui l'a condamné à deux ans d'emprisonnement avec sursis probatoire, une confiscation et a prononcé sur les intérêts civils (pourvoi n° 23-80.910).
Les pourvois sont joints en raison de la connexité.
Un mémoire a été produit.
Sur le rapport de M. Brugère, conseiller, les observations de la SCP Célice, Texidor, Périer, avocat de M. [X] [B], et les conclusions de M. Aldebert, avocat général, après débats en l'audience publique du 14 février 2024 où étaient présents M. Bonnal, président, M. Brugère, conseiller rapporteur, M. de Larosière de Champfeu, Mme Leprieur, MM. Turbeaux, Laurent, Gouton, Tessereau, conseillers, M. Mallard, Mmes Guerrini, Diop-Simon, conseillers référendaires, M. Jean-Michel Aldebert, avocat général, et Mme Lavaud, greffier de chambre,
la chambre criminelle de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. Il résulte des arrêts attaqués et des pièces de procédure ce qui suit.
2. Le 2 juillet 2016, [W] [M], alors âgée de 17 ans, a déposé plainte contre M. [X] [B] pour agression sexuelle sur personne dont la particulière vulnérabilité, due à une déficience physique ou psychique, était apparente ou connue de son auteur.
3. Par jugement du 1er octobre 2020, le tribunal correctionnel a condamné M. [B] à deux ans d'emprisonnement avec sursis probatoire, une confiscation et a prononcé sur les intérêts civils.
4. Le prévenu a relevé appel de cette décision, ainsi que le ministère public, à titre incident. La partie civile a également formé appel incident sur les dispositions civiles.
5. Par arrêt du 12 janvier 2022, la cour d'appel a annulé le jugement déféré pour défaut de motivation, rejeté une exception de nullité et renvoyé l'examen de l'affaire.
6. Par arrêt du 23 mars 2022, la cour d'appel a ordonné que lui soient transmis les scellés de l'enregistrement de l'audition de la partie civile en date du 4 juillet 2016, afin qu'ils puissent être mis à la disposition de la défense du prévenu, a refusé d'ordonner la comparution forcée de [W] [M] et renvoyé l'examen de l'affaire.
Examen des moyens
Sur le moyen du pourvoi formé contre l'arrêt du 12 janvier 2022
7. Il n'est pas de nature à permettre l'admission du pourvoi au sens de l'article 567-1-1 du code de procédure pénale.
Sur le moyen du pourvoi formé contre l'arrêt du 23 mars 2022 et le troisième moyen du pourvoi formé contre l'arrêt du 26 janvier 2023
Enoncé des moyens
8. Le moyen du pourvoi formé contre l'arrêt du 23 mars 2022 critique l'arrêt attaqué en ce qu'il a fait droit à la demande de renvoi formée par la défense « à seule fin de permettre l'exercice des droits de la défense, et ordonnera en conséquence la transmission » et a ainsi rejeté la demande de renvoi en vue d'obtenir la comparution forcée de la plaignante, alors :
« 1°/ d'une part que tout prévenu dont la mise en cause repose essentiellement sur les déclarations d'une personne se déclarant victime a le droit d'interroger ou de faire interroger celle-ci au cours de l'enquête ou devant les juges ; que les juges tirent de ce principe et des articles 439 et 460-1 du code de procédure pénale le pouvoir d'ordonner la comparution de la partie civile ; qu'au cas d'espèce, les poursuites reposent essentiellement sur les déclarations de Madame [M], qui a pourtant systématiquement refusé de se confronter à Monsieur [B], tant au cours de la procédure, en ne se participant pas à la confrontation organisée pendant l'enquête, que devant les juges, en refusant de comparaître devant le tribunal correctionnel puis devant la cour d'appel, malgré la citation adressée par la défense à la plaignante et à ses parents ; que la défense était dès lors fondée à solliciter de la Cour, au visa des dispositions conventionnelles garantissant les droits de la défense, qu'elle ordonne la comparution de Madame [M] ; qu'en se bornant toutefois, pour rejeter cette demande, à affirmer que « lorsqu'elle examinera le fond, la cour aura à rechercher, à supposer que [W] [M] persiste dans sa volonté de ne pas se présenter, s'il existe à la procédure des éléments compensateurs permettant de pallier l'absence de toute confrontation avec le prévenu et, à défaut, d'en tirer toutes les conséquences », quand ces motifs sont inopérants à écarter l'atteinte aux droits de la défense subie par Monsieur [B], et en particulier au droit procédural de faire comparaître les « témoins » à charge, la Cour d'appel n'a pas légalement justifié sa décision au regard des article 6, § 3, d), de la Convention européenne des droits de l'homme, 591 et 593 du code de procédure pénale ;
2°/ d'autre part que tout prévenu dont la mise en cause repose essentiellement sur les déclarations d'une personne se déclarant victime a le droit d'interroger ou de faire interroger celle-ci au cours de l'enquête ou devant les juges ; que les juges tirent de ce principe et des articles 439 et 460-1 du code de procédure pénale le pouvoir d'ordonner la comparution de la partie civile ; qu'au cas d'espèce, la défense faisait valoir que les poursuites reposent essentiellement sur les déclarations de Madame [M], qui a pourtant systématiquement refusé de se confronter à Monsieur [B], tant au cours de la procédure, en ne se participant pas à la confrontation organisée pendant l'enquête, que devant les juges, en refusant de comparaître devant le tribunal correctionnel puis devant la cour d'appel, malgré la citation adressée par la défense à la plaignante et à ses parents ; que la défense était dès lors fondée à solliciter de la Cour, au visa des dispositions conventionnelles garantissant les droits de la défense, qu'elle ordonne la comparution de Madame [M] ; qu'en se bornant toutefois, pour rejeter cette demande, à affirmer qu' « aucune décision postérieure aux arrêts cités par la défense ne s'est prononcée sur la possibilité d'ordonner la comparution forcée de la partie civile citée comme témoin », qu'« en l'état de la jurisprudence de la haute cour, non contraire à la jurisprudence européenne citée par la défense, la participe civile peut être citée devant la Cour comme témoin (Crim., 29 mars 2017, n° 15-86.134, publié au Bulletin) mais pour autant qu'elle ait perdu, à hauteur d'appel, cette qualité » et qu'« en l'état actuel du droit positif et des articles 422 et 424 du code de procédure pénale, la comparution forcée de la partie civile citée comme témoin est proscrite », quand ces motifs, qui procèdent d'une confusion entre la notion de « témoin » au sens de la Convention européenne des droits de l'homme et celle de « témoin » au sens des dispositions du Code de procédure pénale, sont impropres à justifier le refus d'ordonner la comparution de la partie civile, en vertu de l'article 460-1 du code de procédure pénale, afin de permettre sa confrontation avec le prévenu, la Cour d'appel a violé les articles 6, § 3, d), de la Convention européenne des droits de l'homme, 422, 424, 460-1, 591 et 593 du code de procédure pénale. »
9. Le moyen du pourvoi formé contre l'arrêt du 26 janvier 2023 critique l'arrêt attaqué en ce qu'il a, sur l'action publique, confirmé le jugement attaqué sur la culpabilité de [X] [B] et sur la peine et confirmé le jugement en ce qu'il a constaté l'inscription de l'intéressé au FIJAIS et ordonné la confiscation des scellés, et sur l'action civile, confirmé le jugement en toutes ses dispositions civiles, et y ajoutant, condamné [X] [B] à payer à [W] [M] la somme de 2500 euros au titre de l'article 475-1 du code de procédure pénale pour les frais engagés en cause d'appel, alors :
1°/ d'une part que les juges ne peuvent fonder une déclaration de culpabilité essentiellement sur les déclarations de la plaignante lorsque la défense n'a jamais été en mesure de contester celles-ci ; qu'au cas d'espèce, la défense faisait valoir que les poursuites reposent essentiellement sur les déclarations de Madame [M], qui a pourtant systématiquement refusé de se confronter à Monsieur [B], tant au cours de la procédure, en ne se participant pas à la confrontation organisée pendant l'enquête, que devant les juges, en refusant de comparaître devant le tribunal correctionnel puis devant la cour d'appel, malgré la citation adressée par la défense à la plaignante et à ses parents ; qu'en se fondant essentiellement sur ces déclarations pour déclarer l'exposant coupable des faits de la prévention, la Cour d'appel, qui n'a pas mis la défense en mesure d'exercer ses droits, et en particulier d'interroger ou faire interroger, au cours de la procédure, les témoins à charge sur les déclarations desquels elle entendait fonder sa décision, a violé les articles 6, § 3, d), de la Convention européenne des droits de l'homme, préliminaire, 591 et 593 du code de procédure pénale ;
2°/ d'autre part que les juges ne peuvent fonder une déclaration de culpabilité essentiellement sur les déclarations de la plaignante lorsque la défense n'a jamais été en mesure de contester celles-ci ; que lorsque la partie civile invoque sa « peur » pour refuser de se confronter au prévenu, il incombe aux juges de vérifier si la peur invoquée par la partie civile est attribuable aux menaces et autres pressions du prévenu sur sa personne ou simplement et plus généralement au seul fait de comparaître en justice, et, dans le second cas, s'il existe des motifs objectifs permettant de caractériser cette peur et si ces motifs objectifs sont corroborés par des éléments de preuve ; qu'au cas d'espèce, la défense faisait valoir que les poursuites reposent essentiellement sur les déclarations de Madame [M], qui a pourtant systématiquement refusé de se confronter à Monsieur [B], tant au cours de la procédure, en ne se participant pas à la confrontation organisée pendant l'enquête, que devant les juges, en refusant de comparaître devant le tribunal correctionnel puis devant la cour d'appel, malgré la citation adressée par la défense à la plaignante et à ses parents ; qu'en retenant, pour s'autoriser à se fonder essentiellement sur ces déclarations et déclarer l'exposant coupable des faits de la prévention, que « la confrontation de [X] [B] et [W] [M] [a] été empêchée en raison de la très grande peur manifestée par cette dernière », sans rechercher si la « peur » invoquée par Madame [M] était caractérisée par des motifs objectifs corroborés par des éléments de la procédure, la cour d'appel, qui a statué par des motifs impropres à écarter l'atteinte aux droits de la défense invoquée par l'exposant, n'a pas légalement justifié sa décision. »
Réponse de la Cour
Les moyens sont réunis.
Sur le moyen formé contre l'arrêt du 23 mars 2022, en ce qu'il critique le refus d'ordonner la comparution forcée de la partie civile
10. Pour écarter la demande de comparution forcée de la partie civile présentée par la défense, l'arrêt attaqué énonce que cette mesure est proscrite en l'état du droit interne par les articles 422 et 424 du code de procédure pénale.
11. En statuant ainsi, la cour d'appel n'a méconnu aucun des textes visés au moyen.
12. En effet, aucune disposition du code de procédure pénale ne permet de contraindre la partie civile à comparaître devant la juridiction correctionnelle.
13. Dès lors, ce grief doit être écarté.
Mais sur le moyen formé contre l'arrêt du 23 mars 2022, pris pour le surplus et le troisième moyen du pourvoi formé contre l'arrêt du 26 janvier 2023
Vu les articles 6, § 3, d), de la Convention européenne des droits de l'homme et préliminaire du code de procédure pénale :
14. Selon le premier de ces textes, toute personne accusée d'une infraction a droit, notamment, à interroger ou faire interroger les témoins à charge et obtenir la convocation et l'interrogation des témoins à décharge dans les mêmes conditions que les témoins à charge.
15. Selon le second, la procédure pénale doit être équitable et contradictoire et préserver l'équilibre des droits des parties.
16. La Cour européenne des droits de l'homme juge que le droit d'interroger ou de faire interroger les témoins à charge constitue une garantie du droit à l'équité de la procédure, en ce que, non seulement il vise l'égalité des armes entre l'accusation et la défense, mais encore il fournit à la défense et au système judiciaire un instrument essentiel de contrôle de la crédibilité et de la fiabilité des dépositions incriminantes et, par-là, du bien-fondé des chefs d'accusation (CEDH, arrêt du 14 juin 2016, Riahi c. Belgique, n° 65400/10, § 39).
17. Elle juge qu'il y a violation de l'article 6, §§ 1 et 3, d), de la Convention européenne des droits de l'homme, s'il n'est pas démontré que les juges ont déployé tous les efforts que l'on pouvait raisonnablement attendre d'eux pour tenter d'assurer la comparution du témoin dont le témoignage est déterminant au sens de sa jurisprudence (CEDH, arrêt du 10 avril 2012, Tseber c. République tchèque, n° 46203/08, § 48).
18. Elle exige qu'un contrôle minutieux des raisons données pour justifier l'incapacité du témoin à assister au procès soit effectué par les juges en tenant compte de la situation particulière de l'intéressé. Si l'absence de motif sérieux justifiant la non-comparution ne peut en soi rendre un procès inéquitable, elle constitue un élément de poids s'agissant d'apprécier l'équité globale d'un procès (CEDH, [GC] arrêt du 15 décembre 2015, Schatschaschwili c. Allemagne, n° 9154/10, §§ 111-131).
19. S'agissant particulièrement de la personne se déclarant victime d'infractions sexuelles et invoquant la peur d'assister au procès, le juge doit notamment vérifier si toutes les autres possibilités, telles que l'anonymat ou d'autres mesures spéciales, étaient inadaptées ou impossibles à mettre en oeuvre (CEDH, arrêt du 27 février 2014, Lucic c. Croatie, n° 5699/11, § 75).
20. Il s'en déduit qu'au regard des déclarations incriminantes du plaignant et à défaut de confrontation, durant l'enquête, entre la partie civile et le prévenu, il appartient aux juges, d'une part, de mettre en oeuvre les moyens procéduraux à leur disposition pour tenter d'assurer la comparution de la partie civile à l'audience, afin de permettre à la défense, qui en avait manifesté la volonté, de l'interroger, d'autre part, de vérifier si l'absence de la partie civile était justifiée par une excuse légitime.
21. Pour refuser d'ordonner la comparution de la partie civile, les juges indiquent qu'ils auront à rechercher s'il existe dans la procédure des éléments compensateurs permettant de pallier l'absence de toute confrontation avec le prévenu et à défaut d'en tirer toutes les conséquences.
22. Pour condamner M. [B] pour agression sexuelle aggravée, en l'absence de la partie civile, les juges, après avoir constaté que les poursuites avaient été engagées à la suite des dénonciations de [W] [M] et que le prévenu contestait les faits, retiennent que la confrontation entre les parties avait été empêchée par la très grande peur manifestée par la plaignante.
23. En prononçant ainsi, la cour d'appel a méconnu les textes susvisés et les principes ci-dessus rappelés pour les motifs qui suivent.
24. [W] [M] n'a jamais été confrontée à M. [B], et n'a pas comparu devant les juridictions de jugement, y compris devant la cour d'appel alors qu'elle a été citée par la défense. Constituée partie civile, elle a été représentée à l'audience de la cour d'appel par un avocat, qui, pour expliquer le défaut de comparution à l'audience de sa cliente, a fait état de son lourd handicap et du traumatisme causé par les faits. Cependant, aucun document médical n'a été produit, ni demandé par les juges, pour justifier cet empêchement de comparaître.
25. Les juges n'ont pas ordonné la comparution personnelle de [W] [M] à l'audience, y compris par un moyen de télécommunication audiovisuelle sur le fondement de l'article 706-71, alinéa 3, du code de procédure pénale, alors qu'ils disposaient de cette faculté sans pour autant user de la contrainte.
26. Ils n'ont pas davantage ordonné une expertise pour vérifier si la comparution de la partie civile, à l'audience ou en visioconférence, se heurtait à un obstacle insurmontable.
27. La cassation est, en conséquence, encourue.
Et sur le deuxième moyen du pourvoi formé contre l'arrêt du 26 janvier 2023
Enoncé du moyen
28. Le moyen critique l'arrêt attaqué en ce qu'il a, sur l'action publique, confirmé le jugement attaqué sur la culpabilité de M. [B] et sur la peine et confirmé le jugement en ce qu'il a constaté l'inscription de l'intéressé au FIJAIS et ordonné la confiscation des scellés, et sur l'action civile, confirmé le jugement en toutes ses dispositions civiles, et y ajoutant, condamné M. [B] à payer à [W] [M] la somme de 2 500 euros au titre de l'article 475-1 du code de procédure pénale pour les frais engagés en cause d'appel, alors :
« 1°/ d'une part que la cour d'appel, qui a prononcé l'annulation du jugement du tribunal correctionnel de Sens en date du 15 octobre 2020 par son arrêt du 12 janvier 2022, ne pouvait ultérieurement confirmer celui-ci en ses dispositions relatives à l'action publique ou à l'action civile, l'ensemble de ces dispositions étant non avenues ; qu'en statuant ainsi, la Cour d'appel a violé les articles 514, 591 et 593 du code de procédure pénale ;
2°/ d'autre part qu'en rappelant d'une part que « par arrêt rendu en date du 12 janvier 2022, contradictoire à l'égard de [X] [B], prévenu, et de [H] [M], en sa qualité de tuteur de [W] [M], partie civile, cette chambre de la cour a reçu les appels du prévenu, de la partie civile, et du ministère public, fait droit à l'exception de nullité soulevée par le conseil du prévenu concernant la demande d'annulation du jugement pour défaut de motivation [et] annulé le jugement du tribunal correctionnel de SENS du 15 octobre 2020 », et en confirmant d'autre part ce jugement en ses dispositions relatives à l'action publique et l'action civile, la Cour d'appel, qui a statué par des motifs contradictoires, n'a pas légalement justifié sa décision au regard des articles 514, 591 et 593 du code de procédure pénale. »
Réponse de la Cour
Vu l'article 520 du code de procédure pénale :
29. Aux termes de ce texte, si le jugement est annulé pour violation ou omission non réparée de formes prescrites par la loi à peine de nullité, la cour évoque et statue sur le fond.
30. Par arrêt du 12 janvier 2022, la cour d'appel a annulé, pour défaut de motivation, le jugement du 1er octobre 2020 ayant condamné M. [B] pour agression sexuelle aggravée.
31. Par arrêt du 26 janvier 2023, cette juridiction a confirmé le jugement du 1er octobre 2020, tant en ses dispositions pénales que civiles.
32. En prononçant ainsi, la cour d'appel a méconnu le texte susvisé et le principe ci-dessus rappelé.
33. La cassation est, dès lors, de nouveau encourue.
PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu d'examiner les autres moyens de cassation proposés, la Cour :
Sur le pourvoi formé contre l'arrêt du 12 janvier 2022 :
LE REJETTE ;
Sur les pourvois formés contre les arrêts du 23 mars 2022 et du 26 janvier 2023 :
CASSE et ANNULE, en toutes leurs dispositions, les arrêts de la cour d'appel de Paris en date des 23 mars 2022 et 26 janvier 2023, et pour qu'il soit à nouveau jugé, conformément à la loi ;
RENVOIE la cause et les parties devant la cour d'appel de Paris, autrement composée, à ce désignée par délibération spéciale prise en chambre du conseil ;
ORDONNE l'impression du présent arrêt, sa transcription sur les registres du greffe de la cour d'appel de Paris et sa mention en marge ou à la suite des arrêts annulés.
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre criminelle, et prononcé par le président en son audience publique du quatre avril deux mille vingt-quatre.