Cour de cassation, civile, Chambre sociale, 3 avril 2024, 22-22.021, Inédit
Cour de cassation, civile, Chambre sociale, 3 avril 2024, 22-22.021, Inédit
Cour de cassation - Chambre sociale
- N° de pourvoi : 22-22.021
- ECLI:FR:CCASS:2024:SO00388
- Non publié au bulletin
- Solution : Cassation partielle
Audience publique du mercredi 03 avril 2024
Décision attaquée : Cour d'appel de Nancy, du 05 septembre 2022- Président
- M. Huglo (conseiller doyen faisant fonction de président)
Texte intégral
RÉPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
SOC.
ZB1
COUR DE CASSATION
______________________
Audience publique du 3 avril 2024
Cassation partielle
M. HUGLO, conseiller doyen
faisant fonction de président
Arrêt n° 388 F-D
Pourvoi n° R 22-22.021
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
_________________________
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________
ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 3 AVRIL 2024
La société Hertz France, société par actions simplifiée unipersonnelle, dont le siège est [Adresse 1], a formé le pourvoi n° R 22-22.021 contre l'arrêt rendu le 5 septembre 2022 par la cour d'appel de Nancy (première chambre civile), dans le litige l'opposant à la société MLC Ergo, société par actions simplifiée, dont le siège est [Adresse 2], défenderesse à la cassation.
La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, deux moyens de cassation.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de M. Rinuy, conseiller, les observations de la SCP Célice, Texidor, Périer, avocat de la société Hertz France, de la SARL Thouvenin, Coudray et Grévy, avocat de la société MLC Ergo, après débats en l'audience publique du 6 mars 2024 où étaient présents M. Huglo, conseiller doyen faisant fonction de président, M. Rinuy, conseiller rapporteur, Mme Sommé, conseiller, et Mme Dumont, greffier de chambre,
la chambre sociale de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. Selon l'arrêt attaqué (Nancy, 5 septembre 2022), lors d'une réunion extraordinaire, le 18 octobre 2018, les membres du comité d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail (CHSCT) de la société Hertz France (la société) ont décidé de recourir à une expertise pour risque grave en application de l'article L. 4614-12 du code du travail et désigné la société MLC Ergo (l'expert) pour effectuer cette mission. L'expert a établi un rapport qu'il a présenté au CHSCT le 11 février 2019. Le même jour, une facture d'un montant de 43 680 euros HT a été établie à l'ordre de la société.
2. Par acte du 27 février 2019, la société a fait assigner devant le tribunal de grande instance l'expert pour contester le coût de l'expertise. Parallèlement à cette saisine, elle a attrait, aux mêmes fins, l'expert devant le président du tribunal de grande instance statuant en la forme des référés, lequel s'est déclaré incompétent par ordonnance du 27 août 2019 au profit du tribunal de grande instance.
Examen des moyens
Sur le premier moyen
3. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ce moyen qui n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation.
Mais sur le second moyen
Enoncé du moyen
4. La société fait grief à l'arrêt de la condamner à payer à l'expert une certaine somme à titre de dommages-intérêts pour procédure abusive, alors « que le droit d'ester en justice est un droit fondamental et qu'une action en justice ne peut constituer une faute du demandeur de nature à engager sa responsabilité civile, sauf en cas d'abus de droit qu'il appartient au juge de caractériser ; qu'au cas présent, pour condamner la société à payer à la société MLC Ergo des dommages-intérêts pour procédure abusive, la cour d'appel s'est fondée sur des considérations absolument étrangères à l'objet du litige dont elle avait à connaître, relatif à la détermination du montant des honoraires réclamés par l'expert désigné par le CHSCT et exclusivement supportés par la société Hertz France ; que la cour d'appel a ainsi affirmé que la société avait ''fait interdiction aux membres du CHSCT de le diffuser en le qualifiant de diffamatoire, faisant état dans le courrier qu'elle leur a
adressé en ce sens non seulement de la plainte déposée par elle auprès du Procureur de la République de Nancy pour diffamation contre l'expert - dont elle ne justifie d'ailleurs pas du devenir bien qu'elle ait été déposée en mai 2019 - mais également de la présente action, position qui a obligé le CHSCT à lui délivrer une assignation le 27 août 2019 - laquelle signalait la présente instance comme une manifestation de la contestation du rapport par l'appelante - pour être autorisé à diffuser les procès-verbaux des réunions tenues entre février et mai 2019 à l'occasion desquelles le rapport avait été débattu'' ; qu'en statuant ainsi, par des motifs impropres à caractériser une faute de la société faisant dégénérer en abus le droit d'agir en justice et d'exercer une voie de recours, la cour d'appel a violé les articles 32-1 et 559 du code de procédure civile et 1240 du code civil, ensemble l'article 1er du Protocole additionnel à la Convention de sauvegarde des droits de l'Homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950. »
Réponse de la Cour
Vu l'article 1240 du code civil :
5. L'exercice d'une action en justice peut dégénérer en un abus du droit d'ester en justice qui suppose la démonstration d'une faute.
6. Pour condamner la société à payer à l'expert une certaine somme à titre de dommages-intérêts pour procédure abusive, l'arrêt retient qu'il ressort des pièces produites aux débats que la société, par la procédure qu'elle a diligentée puis portée en appel, a entendu poursuivre un but étranger à son objet, à savoir décrédibiliser le rapport qu'elle contestait et en empêcher la diffusion en interne, qu'en effet, elle a fait interdiction aux membres du CHSCT de le diffuser en le qualifiant de diffamatoire, faisant état dans le courrier qu'elle leur a adressé en ce sens non seulement de la plainte déposée par elle auprès du procureur de la République de Nancy pour diffamation contre l'expert mais également de la présente action, position qui a obligé le CHSCT à lui délivrer une assignation le 27 août 2019 pour être autorisé à diffuser les procès-verbaux des réunions tenues entre février et mai 2019 à l'occasion desquelles le rapport avait été débattu. Il ajoute qu'aucun préjudice financier n'a été enduré par l'expert qui a été intégralement payé des factures émises mais a subi un préjudice moral résultant de l'abus de droit commis par la société.
7. En statuant ainsi, par des motifs impropres à caractériser un abus du droit d'agir en justice, la cour d'appel a violé le texte susvisé.
Portée et conséquences de la cassation
8. La cassation du chef de dispositif condamnant la société à payer à la société MLC Ergo une certaine somme à titre de dommages-intérêts pour procédure abusive n'emporte pas celle des chefs de dispositif de l'arrêt condamnant la société aux dépens ainsi qu'au paiement d'une somme en application de l'article 700 du code de procédure civile, justifiés par d'autres dispositions de l'arrêt non remises en cause.
PAR CES MOTIFS, la Cour :
CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il condamne la société Hertz France à payer à la société MLC Ergo la somme de 2 000 euros de dommages-intérêts, l'arrêt rendu le 5 septembre 2022, entre les parties, par la cour d'appel de Nancy ;
Remet, sur ces points, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Metz ;
Laisse à chacune des parties la charge des dépens par elle exposés ;
En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du trois avril deux mille vingt-quatre.ECLI:FR:CCASS:2024:SO00388
SOC.
ZB1
COUR DE CASSATION
______________________
Audience publique du 3 avril 2024
Cassation partielle
M. HUGLO, conseiller doyen
faisant fonction de président
Arrêt n° 388 F-D
Pourvoi n° R 22-22.021
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
_________________________
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________
ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 3 AVRIL 2024
La société Hertz France, société par actions simplifiée unipersonnelle, dont le siège est [Adresse 1], a formé le pourvoi n° R 22-22.021 contre l'arrêt rendu le 5 septembre 2022 par la cour d'appel de Nancy (première chambre civile), dans le litige l'opposant à la société MLC Ergo, société par actions simplifiée, dont le siège est [Adresse 2], défenderesse à la cassation.
La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, deux moyens de cassation.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de M. Rinuy, conseiller, les observations de la SCP Célice, Texidor, Périer, avocat de la société Hertz France, de la SARL Thouvenin, Coudray et Grévy, avocat de la société MLC Ergo, après débats en l'audience publique du 6 mars 2024 où étaient présents M. Huglo, conseiller doyen faisant fonction de président, M. Rinuy, conseiller rapporteur, Mme Sommé, conseiller, et Mme Dumont, greffier de chambre,
la chambre sociale de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. Selon l'arrêt attaqué (Nancy, 5 septembre 2022), lors d'une réunion extraordinaire, le 18 octobre 2018, les membres du comité d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail (CHSCT) de la société Hertz France (la société) ont décidé de recourir à une expertise pour risque grave en application de l'article L. 4614-12 du code du travail et désigné la société MLC Ergo (l'expert) pour effectuer cette mission. L'expert a établi un rapport qu'il a présenté au CHSCT le 11 février 2019. Le même jour, une facture d'un montant de 43 680 euros HT a été établie à l'ordre de la société.
2. Par acte du 27 février 2019, la société a fait assigner devant le tribunal de grande instance l'expert pour contester le coût de l'expertise. Parallèlement à cette saisine, elle a attrait, aux mêmes fins, l'expert devant le président du tribunal de grande instance statuant en la forme des référés, lequel s'est déclaré incompétent par ordonnance du 27 août 2019 au profit du tribunal de grande instance.
Examen des moyens
Sur le premier moyen
3. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ce moyen qui n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation.
Mais sur le second moyen
Enoncé du moyen
4. La société fait grief à l'arrêt de la condamner à payer à l'expert une certaine somme à titre de dommages-intérêts pour procédure abusive, alors « que le droit d'ester en justice est un droit fondamental et qu'une action en justice ne peut constituer une faute du demandeur de nature à engager sa responsabilité civile, sauf en cas d'abus de droit qu'il appartient au juge de caractériser ; qu'au cas présent, pour condamner la société à payer à la société MLC Ergo des dommages-intérêts pour procédure abusive, la cour d'appel s'est fondée sur des considérations absolument étrangères à l'objet du litige dont elle avait à connaître, relatif à la détermination du montant des honoraires réclamés par l'expert désigné par le CHSCT et exclusivement supportés par la société Hertz France ; que la cour d'appel a ainsi affirmé que la société avait ''fait interdiction aux membres du CHSCT de le diffuser en le qualifiant de diffamatoire, faisant état dans le courrier qu'elle leur a
adressé en ce sens non seulement de la plainte déposée par elle auprès du Procureur de la République de Nancy pour diffamation contre l'expert - dont elle ne justifie d'ailleurs pas du devenir bien qu'elle ait été déposée en mai 2019 - mais également de la présente action, position qui a obligé le CHSCT à lui délivrer une assignation le 27 août 2019 - laquelle signalait la présente instance comme une manifestation de la contestation du rapport par l'appelante - pour être autorisé à diffuser les procès-verbaux des réunions tenues entre février et mai 2019 à l'occasion desquelles le rapport avait été débattu'' ; qu'en statuant ainsi, par des motifs impropres à caractériser une faute de la société faisant dégénérer en abus le droit d'agir en justice et d'exercer une voie de recours, la cour d'appel a violé les articles 32-1 et 559 du code de procédure civile et 1240 du code civil, ensemble l'article 1er du Protocole additionnel à la Convention de sauvegarde des droits de l'Homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950. »
Réponse de la Cour
Vu l'article 1240 du code civil :
5. L'exercice d'une action en justice peut dégénérer en un abus du droit d'ester en justice qui suppose la démonstration d'une faute.
6. Pour condamner la société à payer à l'expert une certaine somme à titre de dommages-intérêts pour procédure abusive, l'arrêt retient qu'il ressort des pièces produites aux débats que la société, par la procédure qu'elle a diligentée puis portée en appel, a entendu poursuivre un but étranger à son objet, à savoir décrédibiliser le rapport qu'elle contestait et en empêcher la diffusion en interne, qu'en effet, elle a fait interdiction aux membres du CHSCT de le diffuser en le qualifiant de diffamatoire, faisant état dans le courrier qu'elle leur a adressé en ce sens non seulement de la plainte déposée par elle auprès du procureur de la République de Nancy pour diffamation contre l'expert mais également de la présente action, position qui a obligé le CHSCT à lui délivrer une assignation le 27 août 2019 pour être autorisé à diffuser les procès-verbaux des réunions tenues entre février et mai 2019 à l'occasion desquelles le rapport avait été débattu. Il ajoute qu'aucun préjudice financier n'a été enduré par l'expert qui a été intégralement payé des factures émises mais a subi un préjudice moral résultant de l'abus de droit commis par la société.
7. En statuant ainsi, par des motifs impropres à caractériser un abus du droit d'agir en justice, la cour d'appel a violé le texte susvisé.
Portée et conséquences de la cassation
8. La cassation du chef de dispositif condamnant la société à payer à la société MLC Ergo une certaine somme à titre de dommages-intérêts pour procédure abusive n'emporte pas celle des chefs de dispositif de l'arrêt condamnant la société aux dépens ainsi qu'au paiement d'une somme en application de l'article 700 du code de procédure civile, justifiés par d'autres dispositions de l'arrêt non remises en cause.
PAR CES MOTIFS, la Cour :
CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il condamne la société Hertz France à payer à la société MLC Ergo la somme de 2 000 euros de dommages-intérêts, l'arrêt rendu le 5 septembre 2022, entre les parties, par la cour d'appel de Nancy ;
Remet, sur ces points, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Metz ;
Laisse à chacune des parties la charge des dépens par elle exposés ;
En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du trois avril deux mille vingt-quatre.