Cour de cassation, civile, Chambre sociale, 3 avril 2024, 22-10.261 22-10.262 22-10.263 22-10.264 22-10.265 22-10.266 22-10.267, Publié au bulletin

Texte intégral

RÉPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

SOC.

ZB1



COUR DE CASSATION
______________________


Audience publique du 3 avril 2024




Cassation


M. SOMMER, président



Arrêt n° 387 FS-B


Pourvois n°
G 22-10.261 à Q 22-10.267 JONCTION




R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________


ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 3 AVRIL 2024


1°/ M. [W] [D], domicilié [Adresse 5],

2°/ M. [S] [O], domicilié [Adresse 9],

3°/ M. [A] [I], domicilié [Adresse 4],

4°/ M. [N] [X], domicilié [Adresse 2],

5°/ M. [T] [E], domicilié [Adresse 6],

6°/ Mme [F] [R], épouse [Y], domiciliée [Adresse 10],

7°/ Mme [C] [B], domiciliée [Adresse 8],

ont formé respectivement les pourvois n° G 22-10.261, J 22-10.262, K 22-10.263, M 22-10.264, N 22-10.265, P 22-10.266 et Q 22-10.267 contre sept arrêts rendus le 5 novembre 2021 par la cour d'appel d'Aix-en-Provence (chambre 4-7), dans les litiges les opposant :

1°/ à la société Horizon, dont le siège est [Adresse 3],

2°/ à M. [J] [U], domicilié [Adresse 7], pris en qualité de mandataire judiciaire de la société Horizon,

3°/ à la société GM, société d'exercice libéral à responsabilité limitée, dont le siège est [Adresse 7], représentée par M. [G], prise en qualité de commissaire à l'exécution du plan de la société Horizon,

4°/ à l'AGS CGEA de [Localité 11], délégation régionale du Sud Est, dont le siège est [Adresse 1],

défendeurs à la cassation.

Les demandeurs invoquent, à l'appui de leurs pourvois, un moyen commun de cassation.

Les dossiers ont été communiqués au procureur général.

Sur le rapport de M. Carillon, conseiller référendaire, les observations de la SCP Bouzidi et Bouhanna, avocat de MM. [D], [O], [I], [E], [X], de Mmes [B] et [R], de la SCP Claire Leduc et Solange Vigand, avocat de la société Horizon, de M. [U], et de la société GM, ces deux derniers pris ès qualités, ainsi que l'avis de Mme Grivel, avocat général, après débats en l'audience publique du 5 mars 2024 où étaient présents M. Sommer, président, M. Carillon, conseiller référendaire rapporteur, Mme Mariette, conseiller doyen, MM. Pietton, Barincou, Seguy, Mmes Douxami, Panetta, Brinet, conseillers, Mmes Prieur, Maitral, M. Redon, conseillers référendaires, Mme Grivel, avocat général, et Mme Pontonnier, greffier de chambre,

la chambre sociale de la Cour de cassation, composée, en application de l'article R. 431-5 du code de l'organisation judiciaire, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt ;

Jonction

1. En raison de leur connexité, les pourvois n° 22-10.261, 22-10.262, 22-10.263, 22-10.264, 22-10.265, 22-10.266 et 22-10.267 sont joints.

Faits et procédure

2. Selon les arrêts attaqués (Aix-en-Provence, 5 novembre 2021) et les productions, la société Exploitation du festival, locataire-gérante d'un fonds de commerce appartenant à la société Horizon (la société), a engagé M. [D] et six autres salariés entre le 1er mai 2000 et le 8 juillet 2016.

3. Par jugement du tribunal de commerce du 24 janvier 2017, la procédure de redressement judiciaire ouverte au bénéfice de la société locataire-gérante a été convertie en liquidation judiciaire et la société ISA, désignée en qualité de liquidateur.

4. Le liquidateur judiciaire de la locataire-gérante a notifié à la société Horizon, par lettre du 6 février 2017, l'impossibilité de poursuivre le contrat de location-gérance et l'intention de restituer le fonds à compter du jour de la liquidation judiciaire.

5. Après le transfert de leurs contrats de travail à la société Horizon, celle-ci ayant refusé de verser les salaires pour la période du 6 février au 31 mars 2017, les salariés ont saisi la juridiction prud'homale de diverses demandes, salariales et indemnitaires.

6. Par jugement du tribunal de commerce du 15 octobre 2019, la société Horizon a été placée en redressement judiciaire, M. [U] a été désigné en qualité de mandataire judiciaire et la société GM, prise en la personne de M. [G], a été désignée en qualité de commissaire à l'exécution du plan.

Examen du moyen

Enoncé du moyen

7. Les salariés font grief aux arrêts de les débouter de leurs demandes et de fixer la date du transfert du contrat de travail au 1er avril 2017, alors « que, sauf ruine du fonds, la résiliation du contrat de location-gérance par le liquidateur judiciaire du locataire gérant entraîne automatiquement le retour du fonds dans le patrimoine de son propriétaire et le transfert des contrats de travail lesquels se poursuivent avec ce dernier ; qu'ayant retenu que la liquidation judiciaire du locataire gérant avait été prononcée par jugement du 24 janvier 2017 et que, par lettre du 6 février 2017, le mandataire liquidateur avait notifié à la société Horizon, bailleresse et propriétaire du fonds, l'impossibilité de poursuivre le contrat de location gérance et son intention de restituer le fonds à compter du jour de la liquidation judiciaire en lui indiquant le nom des salariés attachés au fonds et dont les contrats de travail étaient par conséquent transférés, la cour d'appel qui pour fixer au 1er avril 2017, la date du transfert du contrat de travail de l'exposant et débouter ce dernier de ses demandes relève par des motifs inopérants que les clés ont été reçues le 31 mars 2017 par la société Horizon et que cette dernière n'avait pu exercer son activité commerciale qu'à compter du 1er avril suivant, sans rechercher ni caractériser si, au moment de la rupture du contrat, le fonds était inexploitable ou en ruine, circonstance qui seule pouvait s'opposer au transfert à cette date de l'entité économique dès lors que par l'effet de l'expiration du contrat de location gérance, le fonds qui en était l'objet faisait automatiquement retour à son propriétaire lequel devait assumer toutes les obligations du contrat de travail a violé, l'article L. 1224-1 du code du travail. »

Réponse de la Cour

Vu l'article L. 1224-1 du code du travail :

8. Aux termes de ce texte, lorsque survient une modification dans la situation juridique de l'employeur, notamment par succession, vente, fusion, transformation du fonds, mise en société de l'entreprise, tous les contrats de travail en cours au jour de la modification subsistent entre le nouvel employeur et le personnel de l'entreprise.

9. Il en résulte que sauf ruine du fonds, la résiliation du contrat de location-gérance par le liquidateur judiciaire entraîne le retour du fonds dans le patrimoine de son propriétaire lequel doit assumer toutes les obligations du contrat de travail.

10. Pour débouter les salariés de leurs demandes, les arrêts constatent d'abord que le liquidateur a notifié au loueur, le 6 février 2017, l'impossibilité de poursuivre le contrat de location-gérance et son intention de restituer le fonds à compter du jour de la liquidation judiciaire en précisant que la date d'entrée en jouissance du fonds de commerce était conditionnée par les opérations d'inventaire.

11. Ils retiennent ensuite que la détermination de la consistance du fonds de commerce étant subordonnée aux opérations d'inventaire, la date effective de la reprise doit être recherchée dans la mise en oeuvre des opérations de la liquidation judiciaire et que les clefs permettant l'accès aux locaux et au matériel garnissant le fonds n'ont été adressées que par courrier du 28 mars 2017 et reçues le 31 mars suivant par le propriétaire du fonds.

12. En statuant ainsi, alors que la résiliation du contrat de location-gérance par le liquidateur dès le 6 février 2017 avait entraîné le retour du fonds de commerce dans le patrimoine de son propriétaire lequel devait assumer, dès cette date, toutes les obligations du contrat de travail, la cour d'appel a violé texte susvisé.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

CASSE ET ANNULE, en toutes leurs dispositions, les arrêts rendus le 5 novembre 2021, entre les parties, par la cour d'appel d'Aix-en-Provence ;

Remet l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ces arrêts et les renvoie devant la cour d'appel d'Aix-en-Provence autrement composée ;

Condamne la société Horizon aux dépens ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile, condamne la société Horizon à payer à MM. [D], [O], [I], [X], [E], Mme [B] et à la SCP Bouzibi et Bouhanna la somme de 450 euros chacun et rejette l'autre demande ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite des arrêts cassés ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du trois avril deux mille vingt-quatre. ECLI:FR:CCASS:2024:SO00387
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