Cour de cassation, civile, Chambre civile 2, 29 février 2024, 22-17.809, Inédit
Cour de cassation, civile, Chambre civile 2, 29 février 2024, 22-17.809, Inédit
Cour de cassation - Chambre civile 2
- N° de pourvoi : 22-17.809
- ECLI:FR:CCASS:2024:C200178
- Non publié au bulletin
- Solution : Cassation partielle sans renvoi
Audience publique du jeudi 29 février 2024
Décision attaquée : Cour d'appel de Toulouse, du 15 avril 2022- Président
- Mme Martinel (président)
Texte intégral
RÉPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
CIV. 2
FD
COUR DE CASSATION
______________________
Audience publique du 29 février 2024
Cassation partielle sans renvoi
Mme MARTINEL, président
Arrêt n° 178 F-D
Pourvoi n° N 22-17.809
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
_________________________
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________
ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 29 FÉVRIER 2024
La société [3], société par actions simplifiée, dont le siège est [Adresse 2], a formé le pourvoi n° N 22-17.809 contre l'arrêt rendu le 15 avril 2022 par la cour d'appel de Toulouse (4e chambre section 3 - chambre sociale), dans le litige l'opposant à la caisse primaire d'assurance maladie du Tarn, dont le siège est [Adresse 1], défenderesse à la cassation.
La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, un moyen unique de cassation.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de M. Montfort, conseiller référendaire, les observations de la SCP Rocheteau, Uzan-Sarano et Goulet, avocat de la société [3], de la SCP Foussard et Froger, avocat de la caisse primaire d'assurance maladie du Tarn, et l'avis de Mme Tuffreau, avocat général référendaire, après débats en l'audience publique du 16 janvier 2024 où étaient présents Mme Martinel, président, M. Montfort, conseiller référendaire rapporteur, Mme Renault-Malignac, conseiller doyen, et Mme Catherine, greffier de chambre,
la deuxième chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. Selon l'arrêt attaqué (Toulouse, 15 avril 2022), la caisse primaire d'assurance maladie du Tarn (la caisse) a pris en charge, au titre de la législation professionnelle, par une décision du 4 juin 2018, l'accident déclaré le 18 mai 2018, avec réserves, par la société [3] (l'employeur), concernant l'un de ses salariés.
2. L'employeur a saisi une juridiction chargée du contentieux de la sécurité sociale aux fins d'inopposabilité de cette décision.
Examen du moyen
Sur le moyen, pris en sa première branche
Enoncé du moyen
3. L'employeur fait grief à l'arrêt de rejeter son recours, alors « que en cas de réserves motivées de l'employeur ou si elle l'estime nécessaire, la caisse envoie, avant décision à l'employeur et à la victime d'un accident du travail ou d'une maladie professionnelle, un questionnaire portant sur les circonstances ou la cause de l'accident ou de la maladie, ou procède à une enquête auprès des intéressés ; qu'à défaut, la décision de prise en charge est inopposable à l'employeur ; qu'en décidant que la lettre adressée par la l'employeur à la caisse le 25 mai 2018 mentionnant au titre des réserves que : « Nous émettons des réserves sur le caractère professionnel de l'accident cité en référence du fait qu'aucun témoin ne peut attester l'heure et le lieu indiqué par l'intérimaire » ne pouvait être l'expression de réserves motivées aux motifs que l'employeur ne donnait dans ses réserves « stéréotypées » « aucune précision sur les circonstances entourant le déroulement du travail du salarié le jour des faits litigieux », quand il ressortait de ses propres constatations que l'employeur avait formulé en temps utile des réserves quant aux circonstances de temps et de lieu de l'accident ainsi que sur la matérialité même du fait accidentel, de sorte que la caisse ne pouvait pas prendre sa décision sans procéder à une instruction préalable, la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations et a violé l'article R. 441-11, III, du code de la sécurité sociale, dans sa rédaction applicable au litige, issue du décret nº 2009-938 du 29 juillet 2009. »
Réponse de la Cour
Vu l'article R. 441-11, III, du code de la sécurité sociale, dans sa rédaction issue du décret n° 2009-938 du 29 juillet 2009, applicable au litige :
4. Aux termes de ce texte, en cas de réserves motivées de la part de l'employeur ou si elle l'estime nécessaire, la caisse envoie avant décision à l'employeur et à la victime d'un accident du travail ou d'une maladie professionnelle un questionnaire portant sur les circonstances ou la cause de l'accident ou de la maladie ou procède à une enquête auprès des intéressés.
5. Pour rejeter le recours de l'employeur, l'arrêt relève que les réserves de celui-ci sont émises de manière formelle, stéréotypée et non circonstanciée par rapport au jour des faits litigieux, les même formulations accompagnant toutes les déclarations d'accident adressées à la caisse. Il retient qu'aucun témoin ne peut attester l'heure et le lieu indiqué par le salarié alors même que la déclaration mentionne que l'accident a été constaté dès le 18 mai 2018 à 10 heures 15 par un préposé de l'entreprise utilisatrice et que l'employeur en a été avisé le même jour à 16 heures. Il en déduit qu'à défaut de réserves non réellement motivées concernant la réalité de la survenance de l'accident ou de l'imputabilité des lésions au travail, la caisse n'avait pas à mettre en oeuvre une procédure d'instruction avant la prise en charge de l'accident au titre de la législation professionnelle.
6. En statuant ainsi, alors qu'il résultait de ses propres constatations que l'employeur avait formulé, en temps utile, des réserves quant aux circonstances de temps et de lieu de l'accident ainsi que sur la matérialité du fait accidentel, de sorte que la caisse ne pouvait prendre sa décision sans procéder à une instruction préalable, la cour d'appel a violé le texte susvisé.
Portée et conséquences de la cassation
7. Après avis donné aux parties, conformément à l'article 1015 du code de procédure civile, il est fait application des articles L. 411-3, alinéa 2, du code de l'organisation judiciaire et 627 du code de procédure civile.
8. L'intérêt d'une bonne administration de la justice justifie, en effet, que la Cour de cassation statue au fond.
9. Il résulte de ce qui est dit aux paragraphes 4 et 6 qu'il y a lieu de déclarer inopposable à l'employeur la décision de prise en charge par la caisse, au titre de la législation professionnelle, de l'accident en cause.
PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs du pourvoi, la Cour :
CASSE ET ANNULE, sauf en ce qu'il confirme le jugement en tant qu'il déclare recevable le recours formé par la société [3], l'arrêt rendu le 15 avril 2022, entre les parties, par la cour d'appel de Toulouse ;
DIT n'y avoir lieu à renvoi ;
Déclare inopposable à la société [3] la décision de prise en charge au titre de la législation professionnelle du 4 juin 2018 de l'accident dont a été victime M. [O] ;
Condamne la caisse primaire d'assurance maladie du Tarn aux dépens, en ce compris ceux exposés devant la cour d'appel de Toulouse ;
En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par la caisse primaire d'assurance maladie du Tarn et la condamne à payer à la société [3] la somme de 3 000 euros ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-neuf février deux mille vingt-quatre.ECLI:FR:CCASS:2024:C200178
CIV. 2
FD
COUR DE CASSATION
______________________
Audience publique du 29 février 2024
Cassation partielle sans renvoi
Mme MARTINEL, président
Arrêt n° 178 F-D
Pourvoi n° N 22-17.809
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
_________________________
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________
ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 29 FÉVRIER 2024
La société [3], société par actions simplifiée, dont le siège est [Adresse 2], a formé le pourvoi n° N 22-17.809 contre l'arrêt rendu le 15 avril 2022 par la cour d'appel de Toulouse (4e chambre section 3 - chambre sociale), dans le litige l'opposant à la caisse primaire d'assurance maladie du Tarn, dont le siège est [Adresse 1], défenderesse à la cassation.
La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, un moyen unique de cassation.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de M. Montfort, conseiller référendaire, les observations de la SCP Rocheteau, Uzan-Sarano et Goulet, avocat de la société [3], de la SCP Foussard et Froger, avocat de la caisse primaire d'assurance maladie du Tarn, et l'avis de Mme Tuffreau, avocat général référendaire, après débats en l'audience publique du 16 janvier 2024 où étaient présents Mme Martinel, président, M. Montfort, conseiller référendaire rapporteur, Mme Renault-Malignac, conseiller doyen, et Mme Catherine, greffier de chambre,
la deuxième chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. Selon l'arrêt attaqué (Toulouse, 15 avril 2022), la caisse primaire d'assurance maladie du Tarn (la caisse) a pris en charge, au titre de la législation professionnelle, par une décision du 4 juin 2018, l'accident déclaré le 18 mai 2018, avec réserves, par la société [3] (l'employeur), concernant l'un de ses salariés.
2. L'employeur a saisi une juridiction chargée du contentieux de la sécurité sociale aux fins d'inopposabilité de cette décision.
Examen du moyen
Sur le moyen, pris en sa première branche
Enoncé du moyen
3. L'employeur fait grief à l'arrêt de rejeter son recours, alors « que en cas de réserves motivées de l'employeur ou si elle l'estime nécessaire, la caisse envoie, avant décision à l'employeur et à la victime d'un accident du travail ou d'une maladie professionnelle, un questionnaire portant sur les circonstances ou la cause de l'accident ou de la maladie, ou procède à une enquête auprès des intéressés ; qu'à défaut, la décision de prise en charge est inopposable à l'employeur ; qu'en décidant que la lettre adressée par la l'employeur à la caisse le 25 mai 2018 mentionnant au titre des réserves que : « Nous émettons des réserves sur le caractère professionnel de l'accident cité en référence du fait qu'aucun témoin ne peut attester l'heure et le lieu indiqué par l'intérimaire » ne pouvait être l'expression de réserves motivées aux motifs que l'employeur ne donnait dans ses réserves « stéréotypées » « aucune précision sur les circonstances entourant le déroulement du travail du salarié le jour des faits litigieux », quand il ressortait de ses propres constatations que l'employeur avait formulé en temps utile des réserves quant aux circonstances de temps et de lieu de l'accident ainsi que sur la matérialité même du fait accidentel, de sorte que la caisse ne pouvait pas prendre sa décision sans procéder à une instruction préalable, la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations et a violé l'article R. 441-11, III, du code de la sécurité sociale, dans sa rédaction applicable au litige, issue du décret nº 2009-938 du 29 juillet 2009. »
Réponse de la Cour
Vu l'article R. 441-11, III, du code de la sécurité sociale, dans sa rédaction issue du décret n° 2009-938 du 29 juillet 2009, applicable au litige :
4. Aux termes de ce texte, en cas de réserves motivées de la part de l'employeur ou si elle l'estime nécessaire, la caisse envoie avant décision à l'employeur et à la victime d'un accident du travail ou d'une maladie professionnelle un questionnaire portant sur les circonstances ou la cause de l'accident ou de la maladie ou procède à une enquête auprès des intéressés.
5. Pour rejeter le recours de l'employeur, l'arrêt relève que les réserves de celui-ci sont émises de manière formelle, stéréotypée et non circonstanciée par rapport au jour des faits litigieux, les même formulations accompagnant toutes les déclarations d'accident adressées à la caisse. Il retient qu'aucun témoin ne peut attester l'heure et le lieu indiqué par le salarié alors même que la déclaration mentionne que l'accident a été constaté dès le 18 mai 2018 à 10 heures 15 par un préposé de l'entreprise utilisatrice et que l'employeur en a été avisé le même jour à 16 heures. Il en déduit qu'à défaut de réserves non réellement motivées concernant la réalité de la survenance de l'accident ou de l'imputabilité des lésions au travail, la caisse n'avait pas à mettre en oeuvre une procédure d'instruction avant la prise en charge de l'accident au titre de la législation professionnelle.
6. En statuant ainsi, alors qu'il résultait de ses propres constatations que l'employeur avait formulé, en temps utile, des réserves quant aux circonstances de temps et de lieu de l'accident ainsi que sur la matérialité du fait accidentel, de sorte que la caisse ne pouvait prendre sa décision sans procéder à une instruction préalable, la cour d'appel a violé le texte susvisé.
Portée et conséquences de la cassation
7. Après avis donné aux parties, conformément à l'article 1015 du code de procédure civile, il est fait application des articles L. 411-3, alinéa 2, du code de l'organisation judiciaire et 627 du code de procédure civile.
8. L'intérêt d'une bonne administration de la justice justifie, en effet, que la Cour de cassation statue au fond.
9. Il résulte de ce qui est dit aux paragraphes 4 et 6 qu'il y a lieu de déclarer inopposable à l'employeur la décision de prise en charge par la caisse, au titre de la législation professionnelle, de l'accident en cause.
PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs du pourvoi, la Cour :
CASSE ET ANNULE, sauf en ce qu'il confirme le jugement en tant qu'il déclare recevable le recours formé par la société [3], l'arrêt rendu le 15 avril 2022, entre les parties, par la cour d'appel de Toulouse ;
DIT n'y avoir lieu à renvoi ;
Déclare inopposable à la société [3] la décision de prise en charge au titre de la législation professionnelle du 4 juin 2018 de l'accident dont a été victime M. [O] ;
Condamne la caisse primaire d'assurance maladie du Tarn aux dépens, en ce compris ceux exposés devant la cour d'appel de Toulouse ;
En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par la caisse primaire d'assurance maladie du Tarn et la condamne à payer à la société [3] la somme de 3 000 euros ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-neuf février deux mille vingt-quatre.