Cour de cassation, criminelle, Chambre criminelle, 28 février 2024, 23-81.826, Publié au bulletin
Cour de cassation, criminelle, Chambre criminelle, 28 février 2024, 23-81.826, Publié au bulletin
Cour de cassation - Chambre criminelle
- N° de pourvoi : 23-81.826
- ECLI:FR:CCASS:2024:CR00224
- Publié au bulletin
- Solution : Cassation partielle
Audience publique du mercredi 28 février 2024
Décision attaquée : Cour d'appel de Rennes, du 15 février 2023- Président
- M. Bonnal
Texte intégral
RÉPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, a rendu l'arrêt suivant :
N° S 23-81.826 F-B
N° 00224
ODVS
28 FÉVRIER 2024
CASSATION PARTIELLE
M. BONNAL président,
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
________________________________________
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________
ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE,
DU 28 FÉVRIER 2024
MM. [M] [I], [Z] [I] et la société KLS, anciennement dénommée [I] location, partie civile, ont formé des pourvois contre l'arrêt de la cour d'appel de Rennes, 11e chambre, en date du 15 février 2023, qui a condamné, le premier, pour recel, à quatre mois d'emprisonnement avec sursis, 4 000 euros d'amende et un an d'interdiction des droits civiques, civils et de famille, le second, pour abus de biens sociaux, escroquerie, banqueroute, entrave à l'exercice des fonctions de commissaire aux comptes, à trente mois d'emprisonnement dont vingt-quatre mois avec sursis, trois ans d'interdiction des droits civiques, civils et de famille, deux ans d'interdiction professionnelle, cinq ans d'interdiction de gérer, une confiscation, et a prononcé sur les intérêts civils.
Les pourvois sont joints en raison de la connexité.
Des mémoires ont été produits.
Sur le rapport de M. Gillis, conseiller référendaire, les observations de la SCP Spinosi, avocat de M. [M] [I], M. [Z] [I] et la société KLS, et les conclusions de Mme Bellone, avocat général référendaire, après débats en l'audience publique du 24 janvier 2024 où étaient présents M. Bonnal, président, M. Gillis, conseiller rapporteur, Mme de la Lance, conseiller de la chambre, et Mme Dang Van Sung, greffier de chambre,
la chambre criminelle de la Cour de cassation, composée en application de l'article 567-1-1 du code de procédure pénale, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. Il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de procédure ce qui suit.
2. Le 20 février 2019, le commissaire aux comptes de la société [I] bâtiment a dénoncé des anomalies dans la gestion de cette société.
3. Une enquête a été diligentée à la suite de laquelle M. [Z] [I], gérant de cette société, a été poursuivi notamment du chef d'abus de biens sociaux pour avoir fait consentir, pour des raisons amicales, à la société [I] bâtiment, un prêt au profit d'une autre société et pour avoir refusé de communiquer des pièces au commissaire aux comptes dans le cadre de l'exercice de sa mission.
4. Il a été aussi poursuivi pour avoir escroqué différents établissements bancaires partenaires de la société [I] bâtiment en utilisant des bilans provisoires de cette société présentés comme des bilans définitifs, afin notamment de maintenir les crédits et facilités de caisse accordés par ces établissements.
5. En tant que gérant de la société [I] habitat, M. [Z] [I] a été poursuivi pour avoir commis un abus de biens sociaux en faisant acquérir à cette société un véhicule Porsche et en ayant utilisé celui-ci à des fins personnelles. Il lui a été également reproché d'avoir, en tant que gérant de la société [I] location, acquis à nouveau ce véhicule lors de la liquidation judiciaire de la société [I] habitat.
6. Le fils de M. [Z] [I], M. [M] [I], a été pour sa part poursuivi pour recel d'abus de confiance en raison de son usage du véhicule Porsche.
7. Les juges du premier degré ont condamné MM. [Z] et [M] [I] pour ces faits, le premier à deux ans d'emprisonnement avec sursis, cinq ans d'interdiction professionnelle, trois ans d'interdiction des droits civiques, civils et de famille et une confiscation, le second à quatre mois d'emprisonnement avec sursis, trois ans d'interdiction professionnelle et un an de privation des droits civiques, civils et de famille.
8. Les prévenus ont relevé appel de cette décision, le ministère public a relevé appel incident.
Examen des moyens
Sur les premier, deuxième, troisième, quatrième et sixième moyens et le septième moyen, pris en sa première branche, proposés pour MM. [Z] et [M] [I]
9. Les griefs ne sont pas de nature à permettre l'admission du pourvoi au sens de l'article 567-1-1 du code de procédure pénale.
Sur le cinquième moyen proposé pour M. [Z] [I]
Enoncé du moyen
10. Le moyen critique l'arrêt attaqué en ce qu'il a confirmé la condamnation de M. [Z] [I] du chef d'abus de biens sociaux, au titre du prêt consenti par [I] Bâtiment à la société TB construction, alors « que, le prêt consenti par une société à une société tierce n'est contraire à ses intérêts que s'il est dépourvu de contrepartie ; qu'en retenant que le prêt accordé à la société TB Construction par la société [I] Bâtiment était contraire à l'intérêt social de cette dernière, tout en constatant que ce prêt avait fait l'objet d'une convention écrite, signée entre les deux parties, prévoyant que les sommes prêtés étaient rémunérés au taux de 2% l'an, la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations, en violation des articles L. 241-3, 4°, du code de commerce et 591 du code de procédure pénale. »
Réponse de la Cour
11. Pour déclarer le prévenu coupable d'abus de biens sociaux s'agissant du prêt consenti par la société [I] bâtiment à la société TB construction, l'arrêt attaqué relève notamment que ce prêt, d'un montant de 127 295 euros, ne faisait l'objet d'aucune garantie et était rémunéré à hauteur de 2 %.
12. Les juges ajoutent que, au moment de l'octroi de ce prêt, la société [I] bâtiment présentait un résultat déficitaire depuis plusieurs années et qu'il en était de même de la société TB construction.
13. Ils en concluent qu'en consentant ce prêt dans de telles conditions au profit d'une société avec laquelle la société [I] habitat n'avait aucun lien capitalistique ou commercial, pour favoriser un tiers avec lequel il entretenait des relations amicales, M. [Z] [I] a fait des biens de la société [I] habitat un usage contraire aux intérêts de celle-ci en lui faisant courir un risque anormal auquel elle ne devait pas être exposée.
14. En se déterminant ainsi, la cour d'appel, qui a établi que les faits reprochés avaient fait courir un risque injustifié à l'actif social, n'a méconnu aucun des textes visés au moyen.
15. Dès lors, le moyen doit être écarté.
Sur le septième moyen, pris en sa seconde branche, proposé pour M. [Z] [I]
Enoncé du moyen
16. Le moyen critique l'arrêt attaqué en ce qu'il a confirmé la condamnation de M. [Z] [I] du chef d'entrave à l'exercice des fonctions de commissaire aux comptes, alors :
« 2°/ que d'autre part, l'entrave à l'exercice des fonctions de commissaire aux comptes suppose la conscience et la volonté d'entraver l'exécution de la mission du commissaire aux comptes ; qu'en déclarant le prévenu coupable de ce chef aux motifs que l'infraction était constituée « quand bien même [Z] [I] aurait-il transmis les pièces sollicitées concernant [I] Bâtiment postérieurement au 14 février 2019 », lorsqu'il faisait valoir qu'il avait transmis les documents demandés concernant la société [I] Bâtiment dès le lendemain de la visite du commissaire aux comptes, le 15 février 2019, ce dont il résulte qu'il n'a pas eu la volonté d'entraver la mission du commissaire aux comptes, la cour d'appel a violé les articles L. 820-4, 2°, du code de commerce et 591 du code de procédure pénale. »
Réponse de la Cour
17. Pour dire établi le délit d'entrave à l'exercice des fonctions de commissaire aux comptes, l'arrêt attaqué relève que, le 14 février 2019, le commissaire aux comptes s'est présenté dans les locaux de la société [I] bâtiment, après avoir pris rendez-vous avec la comptable de cette société.
18. Les juges ajoutent que la comptable était absente et que le personnel sur place a refusé de communiquer au commissaire aux comptes les pièces demandées. Ils indiquent également que la comptable a déclaré que M. [Z] [I] lui avait interdit de rencontrer le commissaire aux comptes et lui avait dit de s'absenter et que le prévenu a reconnu avoir donné ces instructions.
19. Ils en concluent que, bien que M. [Z] [I] ait justifié ses directives par sa volonté d'être l'interlocuteur principal du commissaire aux comptes et son impossibilité d'être présent le jour de la visite en raison d'un arrêt maladie, il ressort de la procédure qu'il a donné des instructions afin que les pièces demandées ne soient pas remises et s'est donc rendu coupable des faits reprochés, quand bien même il aurait transmis certaines des pièces sollicitées postérieurement à la visite du commissaire aux comptes.
20. En l'état de ces énonciations, dont il résulte que la cour d'appel a établi le refus volontaire du prévenu de communiquer au commissaire aux comptes sur place des pièces utiles à l'exercice de sa mission, et dès lors que la communication de ces pièces le lendemain de la visite du commissaire aux comptes ne présente pas les mêmes garanties que leur remise immédiate, la cour d'appel, qui n'avait pas à caractériser en outre une volonté du prévenu d'entraver la mission du commissaire aux comptes, a fait l'exacte application des textes visés au moyen.
21. Ainsi, le moyen doit être écarté.
Mais sur le huitième moyen proposé pour MM. [Z] et [M] [I]
Enoncé du moyen
22. Le moyen critique l'arrêt attaqué en ce qu'il a prononcé à l'encontre de MM. [Z] et [M] [I] la peine d'interdiction des droits civiques, civils et de famille, alors « qu'en prononçant contre les prévenus la peine de privation de privation des droits civiques, civils et de famille sur le fondement de l'article 131-26-2, 10°, du code pénal, aux motifs qu'il s'agit « d'une peine obligatoire à l'encontre de toute personne coupable d'abus de biens sociaux et de recel de ce même délit » (arrêt, p. 31 et 33), lorsqu'il ressort de ces dispositions que seule la peine d'inéligibilité est obligatoirement prononcée à l'encontre du prévenu condamné de l'un de ces chefs, ce dont il résulte que la cour d'appel a prononcé cette peine sans s'interroger sur sa nécessité au regard des circonstances des infractions, de la personnalité des auteurs ainsi que de leur situation personnelle, en violation des articles 131-26, 131-26-2, 132-1 du code pénal, L. 241-3 du code de commerce et 593 du code de procédure pénale. »
Réponse de la Cour
Vu les articles L. 241-3, 4°, du code de commerce, 132-1, 131-26-2, 10°, du code pénal, 485-1 et 593 du code de procédure pénale :
23. Il résulte du deuxième et de l'avant-dernier de ces textes que, en matière correctionnelle, le choix de la peine doit être motivé, sauf s'il s'agit d'une peine obligatoire ou de la confiscation du produit ou de l'objet de l'infraction, en fonction des circonstances de l'infraction, de la personnalité ainsi que de la situation matérielle, familiale et sociale de son auteur.
24. Il résulte des premier et troisième que, si la peine complémentaire d'inéligibilité est obligatoire à l'encontre des personnes déclarées coupables du délit d'abus de biens sociaux ou de recel de ce délit, les autres peines mentionnées à l'article 131-26 du code pénal ne sont pas obligatoires.
25. Selon le dernier, tout jugement ou arrêt doit comporter les motifs propres à justifier la décision. L'insuffisance ou la contradiction des motifs équivaut à leur absence.
26. En l'espèce, après avoir déclaré M. [Z] [I] coupable d'abus de biens sociaux et M. [M] [I] coupable de recel d'abus de biens sociaux, la cour d'appel les a condamnés, à titre de peine complémentaire, à la privation de tous leurs droits civiques, civils et de famille pour une durée de trois ans pour le premier et pour une durée d'un an pour le second, en indiquant appliquer l'article 131-26-2, 10°, du code pénal et en relevant qu'il s'agit d'une peine obligatoire à l'encontre de toute personne coupable d'abus de biens sociaux ou de recel de ce délit.
27. En se déterminant ainsi, sans rechercher si cette peine complémentaire, facultative pour l'interdiction des droits autres que l'éligibilité, était justifiée au regard de la gravité des faits, de la personnalité des auteurs et de leur situation personnelle, la cour d'appel n'a pas justifié sa décision.
28. La cassation est, dès lors, encourue de ce chef.
Et sur le neuvième moyen proposé pour M. [Z] [I] et le moyen proposé pour la société KLS
Enoncé des moyens
29. Le moyen proposé pour M. [Z] [I] critique l'arrêt attaqué en ce qu'il a prononcé à l'encontre de celui-ci la peine de confiscation des scellés (les clés de contact et le double des clés du véhicule Porsche Panamera immatriculé [Immatriculation 2], un téléphone Apple iPhone numéro 359, un téléphone iPhone numéro 353), alors « qu'il incombe au juge qui décide de confisquer un bien, après s'être assuré de son caractère confiscable en application des conditions légales, de préciser la nature et l'origine de ce bien ainsi que le fondement de la mesure ; qu'en confirmant la confiscation des scellés, sans indiquer le fondement légal de cette peine, la cour d'appel n'a pas mis la Cour de cassation en mesure de contrôler la légalité de sa décision, en méconnaissance des articles 131-21 du code pénal et 593 du code de procédure pénale. »
30. Le moyen proposé pour la société KLS critique l'arrêt attaqué en ce qu'il a rejeté sa demande de restitution du véhicule Porsche Panamera immatriculé [Immatriculation 1] et des deux jeux de clés de contact, alors « que, la qualité de victime du tiers propriétaire qui sollicite la restitution de son bien est exclusive de sa mauvaise foi ; qu'en rejetant la demande de restitution du véhicule Porsche Panamera et des deux jeux de clés de contact introduite par la société K.L.S, anciennement dénommée [I] Location, au motif qu'elle ne peut être considérée de bonne foi, lorsqu'elle condamnait M. [Z] [I] pour avoir fait des biens de la société [I] Location un usage contraire à ses intérêts en rachetant aux enchères le véhicule anciennement détenu par la société [I] Habitat, ce dont il résulte que la société [I] location était la victime du délit d'abus de bien sociaux commis par son ancien gérant, la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences de ses propres constations, en violation des articles 131-21 du code pénal et 591 du code de procédure pénale. »
Réponse de la Cour
31. Les moyens sont réunis.
Vu les articles 131-21 du code pénal et 593 du code de procédure pénale :
32. Selon le premier de ces textes, la peine complémentaire de confiscation est encourue dans les cas prévus par la loi ou le règlement. La confiscation porte alors sur les biens qui ont servi à commettre l'infraction, ou qui étaient destinés à la commettre, et sur ceux qui sont l'objet ou le produit direct ou indirect de l'infraction, à l'exception des biens susceptibles de restitution à la victime. Si la loi qui réprime le crime ou le délit le prévoit, la confiscation peut porter sur tout ou partie des biens appartenant au condamné ou, sous réserve des droits du propriétaire de bonne foi, dont il a la libre disposition.
33. Selon le second, tout jugement ou arrêt doit contenir les motifs propres à justifier la décision. L'insuffisance ou la contradiction des motifs équivaut à leur absence.
34. Pour confirmer le jugement en ce qu'il a refusé la restitution du véhicule Porsche à la société KLS, anciennement [I] location, et ordonner la confiscation de celui-ci ainsi que des autres scellés, à savoir les clés du véhicule, deux téléphones, une clé USB et deux disques compacts, l'arrêt attaqué énonce que M. [Z] [I], au regard de l'article 131-21 du code pénal, encourt la peine complémentaire de confiscation pour les faits d'abus de biens sociaux qui lui sont reprochés.
35. Les juges ajoutent que, si le véhicule Porsche a constitué un actif de la société [I] habitat avant de devenir un actif de la société [I] location, l'enquête a établi que M. [Z] [I], en sa qualité de gérant de ces sociétés, en avait la libre disposition.
36. Ils indiquent également que, au moment de l'acquisition de ce véhicule, il ne peut être soutenu que la société [I] location était de bonne foi et que la société KLS ne peut pas non plus être considérée comme de bonne foi.
37. Ils relèvent enfin que le véhicule est le produit des délits d'abus de biens sociaux reprochés à M. [Z] [I].
38. En prononçant ainsi, la cour d'appel n'a pas justifié sa décision et a méconnu les textes visés aux moyens pour les motifs qui suivent.
39. En premier lieu, en prononçant la confiscation des biens placés sous scellés autres que le véhicule Porsche sans indiquer le fondement de cette peine, la cour d'appel n'a pas mis la Cour de cassation en mesure d'en contrôler la légalité.
40. En second lieu, dès lors que la confiscation peut porter sur l'objet ou le produit direct ou indirect de l'infraction, à l'exception des biens susceptibles de restitution à la victime, la cour d'appel ne pouvait refuser la restitution du véhicule Porsche à la société KLS, alors que ce véhicule est encore dans le patrimoine de cette société, au motif que cette dernière était un propriétaire de mauvaise foi, tout en relevant que cette société était la victime de l'abus de biens sociaux dont le véhicule Porsche était l'objet ou le produit.
41. La cassation est par conséquent encore encourue de ces chefs.
Et sur le onzième moyen proposé pour M. [Z] [I]
Enoncé du moyen
42. Le moyen critique l'arrêt attaqué en ce qu'il a déclaré recevable la constitution de partie civile de la société Fiduciaire nationale d'expertise comptable, alors « que, l'action civile ne peut être exercée devant les juridictions pénales que par celui qui a subi un préjudice personnel prenant directement sa source dans l'infraction poursuivie ; qu'en déclarant recevable la constitution de partie civile de la société Fiduciaire nationale d'expertise comptable en ce qu'elle a subi un préjudice d'image lié à l'utilisation de son enseigne et de sa dénomination aux fins de commettre le délit d'escroquerie, lorsque seules éprouvent un préjudice résultant directement d'une escroquerie, les personnes qui, déterminées par les manoeuvres frauduleuses, ont opéré une remise à leur préjudice, la cour d'appel a violé l'article 2 du code de procédure pénale. »
Réponse de la Cour
Vu l'article 2 du code de procédure pénale :
43. Selon ce texte, l'action civile en réparation du dommage causé par un délit appartient à tous ceux qui ont personnellement souffert du dommage directement causé par cette infraction. Il en résulte que les droits de la partie civile ne peuvent être exercés que par les personnes justifiant d'un préjudice résultant de l'ensemble des éléments constitutifs de l'infraction visée à la poursuite.
44. Pour confirmer le jugement en ce qu'il a accordé à la société Fiduciaire nationale d'expertise comptable la somme de 2 000 euros à titre de dommages et intérêts, l'arrêt attaqué énonce que cette somme répare le préjudice d'image subi par cette société en raison de l'utilisation de son enseigne et de sa dénomination sur de faux documents comptables.
45. En statuant ainsi, la cour d'appel a méconnu le texte susvisé et le principe ci-dessus rappelé.
46. En effet, la cour d'appel a déclaré M. [Z] [I] coupable d'escroqueries au préjudice de divers établissements bancaires en retenant, au titre des manoeuvres frauduleuses, que celui-ci avait produit auprès de ces établissements des bilans provisoires des comptes de la société dont il était gérant établis par la société Fiduciaire nationale d'expertise comptable. Or, le préjudice d'image allégué par cette dernière société en raison de l'utilisation de ces documents ne résulte pas des remises effectuées par les établissements bancaires escroqués.
47. La cassation est par conséquent encore encourue.
Portée et conséquences de la cassation
48. La cassation à intervenir ne concerne que les dispositions relatives aux peines prononcées à l'encontre de MM. [Z] et [M] [I], au rejet de la demande de restitution formée par la société KLS et par M. [Z] [I], à la déclaration de recevabilité de la constitution de partie civile de la société Fiduciaire nationale d'expertise comptable et à la condamnation de M. [Z] [I] à lui payer la somme de 2 000 euros à titre de dommages et intérêts et les sommes de 300 et 700 euros sur le fondement de l'article 475-1 du code de procédure pénale. Les autres dispositions seront donc maintenues.
PAR CES MOTIFS, sans qu'il y ait lieu de statuer sur le dixième moyen de cassation proposé pour M. [M] [I], la Cour :
CASSE et ANNULE l'arrêt susvisé de la cour d'appel de Rennes, en date du 15 février 2023, mais en ses seules dispositions relatives aux peines prononcées à l'encontre de MM. [Z] et [M] [I], au rejet de la demande de restitution formée par la société KLS et par M. [Z] [I], à la déclaration de recevabilité de la constitution de partie civile de la société Fiduciaire nationale d'expertise comptable et à la condamnation de M. [Z] [I] à lui payer la somme de 2 000 euros à titre de dommages et intérêts et les sommes de 300 et 700 euros sur le fondement de l'article 475-1 du code de procédure pénale, toutes autres dispositions étant expressément maintenues ;
Et pour qu'il soit à nouveau jugé, conformément à la loi, dans les limites de la cassation ainsi prononcée,
RENVOIE la cause et les parties devant la cour d'appel de Rennes, autrement composée, à ce désignée par délibération spéciale prise en chambre du conseil ;
ORDONNE l'impression du présent arrêt, sa transcription sur les registres du greffe de la cour d'appel de Rennes et sa mention en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement annulé.
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre criminelle, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-huit février deux mille vingt-quatre.ECLI:FR:CCASS:2024:CR00224
N° S 23-81.826 F-B
N° 00224
ODVS
28 FÉVRIER 2024
CASSATION PARTIELLE
M. BONNAL président,
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
________________________________________
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________
ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE,
DU 28 FÉVRIER 2024
MM. [M] [I], [Z] [I] et la société KLS, anciennement dénommée [I] location, partie civile, ont formé des pourvois contre l'arrêt de la cour d'appel de Rennes, 11e chambre, en date du 15 février 2023, qui a condamné, le premier, pour recel, à quatre mois d'emprisonnement avec sursis, 4 000 euros d'amende et un an d'interdiction des droits civiques, civils et de famille, le second, pour abus de biens sociaux, escroquerie, banqueroute, entrave à l'exercice des fonctions de commissaire aux comptes, à trente mois d'emprisonnement dont vingt-quatre mois avec sursis, trois ans d'interdiction des droits civiques, civils et de famille, deux ans d'interdiction professionnelle, cinq ans d'interdiction de gérer, une confiscation, et a prononcé sur les intérêts civils.
Les pourvois sont joints en raison de la connexité.
Des mémoires ont été produits.
Sur le rapport de M. Gillis, conseiller référendaire, les observations de la SCP Spinosi, avocat de M. [M] [I], M. [Z] [I] et la société KLS, et les conclusions de Mme Bellone, avocat général référendaire, après débats en l'audience publique du 24 janvier 2024 où étaient présents M. Bonnal, président, M. Gillis, conseiller rapporteur, Mme de la Lance, conseiller de la chambre, et Mme Dang Van Sung, greffier de chambre,
la chambre criminelle de la Cour de cassation, composée en application de l'article 567-1-1 du code de procédure pénale, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. Il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de procédure ce qui suit.
2. Le 20 février 2019, le commissaire aux comptes de la société [I] bâtiment a dénoncé des anomalies dans la gestion de cette société.
3. Une enquête a été diligentée à la suite de laquelle M. [Z] [I], gérant de cette société, a été poursuivi notamment du chef d'abus de biens sociaux pour avoir fait consentir, pour des raisons amicales, à la société [I] bâtiment, un prêt au profit d'une autre société et pour avoir refusé de communiquer des pièces au commissaire aux comptes dans le cadre de l'exercice de sa mission.
4. Il a été aussi poursuivi pour avoir escroqué différents établissements bancaires partenaires de la société [I] bâtiment en utilisant des bilans provisoires de cette société présentés comme des bilans définitifs, afin notamment de maintenir les crédits et facilités de caisse accordés par ces établissements.
5. En tant que gérant de la société [I] habitat, M. [Z] [I] a été poursuivi pour avoir commis un abus de biens sociaux en faisant acquérir à cette société un véhicule Porsche et en ayant utilisé celui-ci à des fins personnelles. Il lui a été également reproché d'avoir, en tant que gérant de la société [I] location, acquis à nouveau ce véhicule lors de la liquidation judiciaire de la société [I] habitat.
6. Le fils de M. [Z] [I], M. [M] [I], a été pour sa part poursuivi pour recel d'abus de confiance en raison de son usage du véhicule Porsche.
7. Les juges du premier degré ont condamné MM. [Z] et [M] [I] pour ces faits, le premier à deux ans d'emprisonnement avec sursis, cinq ans d'interdiction professionnelle, trois ans d'interdiction des droits civiques, civils et de famille et une confiscation, le second à quatre mois d'emprisonnement avec sursis, trois ans d'interdiction professionnelle et un an de privation des droits civiques, civils et de famille.
8. Les prévenus ont relevé appel de cette décision, le ministère public a relevé appel incident.
Examen des moyens
Sur les premier, deuxième, troisième, quatrième et sixième moyens et le septième moyen, pris en sa première branche, proposés pour MM. [Z] et [M] [I]
9. Les griefs ne sont pas de nature à permettre l'admission du pourvoi au sens de l'article 567-1-1 du code de procédure pénale.
Sur le cinquième moyen proposé pour M. [Z] [I]
Enoncé du moyen
10. Le moyen critique l'arrêt attaqué en ce qu'il a confirmé la condamnation de M. [Z] [I] du chef d'abus de biens sociaux, au titre du prêt consenti par [I] Bâtiment à la société TB construction, alors « que, le prêt consenti par une société à une société tierce n'est contraire à ses intérêts que s'il est dépourvu de contrepartie ; qu'en retenant que le prêt accordé à la société TB Construction par la société [I] Bâtiment était contraire à l'intérêt social de cette dernière, tout en constatant que ce prêt avait fait l'objet d'une convention écrite, signée entre les deux parties, prévoyant que les sommes prêtés étaient rémunérés au taux de 2% l'an, la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations, en violation des articles L. 241-3, 4°, du code de commerce et 591 du code de procédure pénale. »
Réponse de la Cour
11. Pour déclarer le prévenu coupable d'abus de biens sociaux s'agissant du prêt consenti par la société [I] bâtiment à la société TB construction, l'arrêt attaqué relève notamment que ce prêt, d'un montant de 127 295 euros, ne faisait l'objet d'aucune garantie et était rémunéré à hauteur de 2 %.
12. Les juges ajoutent que, au moment de l'octroi de ce prêt, la société [I] bâtiment présentait un résultat déficitaire depuis plusieurs années et qu'il en était de même de la société TB construction.
13. Ils en concluent qu'en consentant ce prêt dans de telles conditions au profit d'une société avec laquelle la société [I] habitat n'avait aucun lien capitalistique ou commercial, pour favoriser un tiers avec lequel il entretenait des relations amicales, M. [Z] [I] a fait des biens de la société [I] habitat un usage contraire aux intérêts de celle-ci en lui faisant courir un risque anormal auquel elle ne devait pas être exposée.
14. En se déterminant ainsi, la cour d'appel, qui a établi que les faits reprochés avaient fait courir un risque injustifié à l'actif social, n'a méconnu aucun des textes visés au moyen.
15. Dès lors, le moyen doit être écarté.
Sur le septième moyen, pris en sa seconde branche, proposé pour M. [Z] [I]
Enoncé du moyen
16. Le moyen critique l'arrêt attaqué en ce qu'il a confirmé la condamnation de M. [Z] [I] du chef d'entrave à l'exercice des fonctions de commissaire aux comptes, alors :
« 2°/ que d'autre part, l'entrave à l'exercice des fonctions de commissaire aux comptes suppose la conscience et la volonté d'entraver l'exécution de la mission du commissaire aux comptes ; qu'en déclarant le prévenu coupable de ce chef aux motifs que l'infraction était constituée « quand bien même [Z] [I] aurait-il transmis les pièces sollicitées concernant [I] Bâtiment postérieurement au 14 février 2019 », lorsqu'il faisait valoir qu'il avait transmis les documents demandés concernant la société [I] Bâtiment dès le lendemain de la visite du commissaire aux comptes, le 15 février 2019, ce dont il résulte qu'il n'a pas eu la volonté d'entraver la mission du commissaire aux comptes, la cour d'appel a violé les articles L. 820-4, 2°, du code de commerce et 591 du code de procédure pénale. »
Réponse de la Cour
17. Pour dire établi le délit d'entrave à l'exercice des fonctions de commissaire aux comptes, l'arrêt attaqué relève que, le 14 février 2019, le commissaire aux comptes s'est présenté dans les locaux de la société [I] bâtiment, après avoir pris rendez-vous avec la comptable de cette société.
18. Les juges ajoutent que la comptable était absente et que le personnel sur place a refusé de communiquer au commissaire aux comptes les pièces demandées. Ils indiquent également que la comptable a déclaré que M. [Z] [I] lui avait interdit de rencontrer le commissaire aux comptes et lui avait dit de s'absenter et que le prévenu a reconnu avoir donné ces instructions.
19. Ils en concluent que, bien que M. [Z] [I] ait justifié ses directives par sa volonté d'être l'interlocuteur principal du commissaire aux comptes et son impossibilité d'être présent le jour de la visite en raison d'un arrêt maladie, il ressort de la procédure qu'il a donné des instructions afin que les pièces demandées ne soient pas remises et s'est donc rendu coupable des faits reprochés, quand bien même il aurait transmis certaines des pièces sollicitées postérieurement à la visite du commissaire aux comptes.
20. En l'état de ces énonciations, dont il résulte que la cour d'appel a établi le refus volontaire du prévenu de communiquer au commissaire aux comptes sur place des pièces utiles à l'exercice de sa mission, et dès lors que la communication de ces pièces le lendemain de la visite du commissaire aux comptes ne présente pas les mêmes garanties que leur remise immédiate, la cour d'appel, qui n'avait pas à caractériser en outre une volonté du prévenu d'entraver la mission du commissaire aux comptes, a fait l'exacte application des textes visés au moyen.
21. Ainsi, le moyen doit être écarté.
Mais sur le huitième moyen proposé pour MM. [Z] et [M] [I]
Enoncé du moyen
22. Le moyen critique l'arrêt attaqué en ce qu'il a prononcé à l'encontre de MM. [Z] et [M] [I] la peine d'interdiction des droits civiques, civils et de famille, alors « qu'en prononçant contre les prévenus la peine de privation de privation des droits civiques, civils et de famille sur le fondement de l'article 131-26-2, 10°, du code pénal, aux motifs qu'il s'agit « d'une peine obligatoire à l'encontre de toute personne coupable d'abus de biens sociaux et de recel de ce même délit » (arrêt, p. 31 et 33), lorsqu'il ressort de ces dispositions que seule la peine d'inéligibilité est obligatoirement prononcée à l'encontre du prévenu condamné de l'un de ces chefs, ce dont il résulte que la cour d'appel a prononcé cette peine sans s'interroger sur sa nécessité au regard des circonstances des infractions, de la personnalité des auteurs ainsi que de leur situation personnelle, en violation des articles 131-26, 131-26-2, 132-1 du code pénal, L. 241-3 du code de commerce et 593 du code de procédure pénale. »
Réponse de la Cour
Vu les articles L. 241-3, 4°, du code de commerce, 132-1, 131-26-2, 10°, du code pénal, 485-1 et 593 du code de procédure pénale :
23. Il résulte du deuxième et de l'avant-dernier de ces textes que, en matière correctionnelle, le choix de la peine doit être motivé, sauf s'il s'agit d'une peine obligatoire ou de la confiscation du produit ou de l'objet de l'infraction, en fonction des circonstances de l'infraction, de la personnalité ainsi que de la situation matérielle, familiale et sociale de son auteur.
24. Il résulte des premier et troisième que, si la peine complémentaire d'inéligibilité est obligatoire à l'encontre des personnes déclarées coupables du délit d'abus de biens sociaux ou de recel de ce délit, les autres peines mentionnées à l'article 131-26 du code pénal ne sont pas obligatoires.
25. Selon le dernier, tout jugement ou arrêt doit comporter les motifs propres à justifier la décision. L'insuffisance ou la contradiction des motifs équivaut à leur absence.
26. En l'espèce, après avoir déclaré M. [Z] [I] coupable d'abus de biens sociaux et M. [M] [I] coupable de recel d'abus de biens sociaux, la cour d'appel les a condamnés, à titre de peine complémentaire, à la privation de tous leurs droits civiques, civils et de famille pour une durée de trois ans pour le premier et pour une durée d'un an pour le second, en indiquant appliquer l'article 131-26-2, 10°, du code pénal et en relevant qu'il s'agit d'une peine obligatoire à l'encontre de toute personne coupable d'abus de biens sociaux ou de recel de ce délit.
27. En se déterminant ainsi, sans rechercher si cette peine complémentaire, facultative pour l'interdiction des droits autres que l'éligibilité, était justifiée au regard de la gravité des faits, de la personnalité des auteurs et de leur situation personnelle, la cour d'appel n'a pas justifié sa décision.
28. La cassation est, dès lors, encourue de ce chef.
Et sur le neuvième moyen proposé pour M. [Z] [I] et le moyen proposé pour la société KLS
Enoncé des moyens
29. Le moyen proposé pour M. [Z] [I] critique l'arrêt attaqué en ce qu'il a prononcé à l'encontre de celui-ci la peine de confiscation des scellés (les clés de contact et le double des clés du véhicule Porsche Panamera immatriculé [Immatriculation 2], un téléphone Apple iPhone numéro 359, un téléphone iPhone numéro 353), alors « qu'il incombe au juge qui décide de confisquer un bien, après s'être assuré de son caractère confiscable en application des conditions légales, de préciser la nature et l'origine de ce bien ainsi que le fondement de la mesure ; qu'en confirmant la confiscation des scellés, sans indiquer le fondement légal de cette peine, la cour d'appel n'a pas mis la Cour de cassation en mesure de contrôler la légalité de sa décision, en méconnaissance des articles 131-21 du code pénal et 593 du code de procédure pénale. »
30. Le moyen proposé pour la société KLS critique l'arrêt attaqué en ce qu'il a rejeté sa demande de restitution du véhicule Porsche Panamera immatriculé [Immatriculation 1] et des deux jeux de clés de contact, alors « que, la qualité de victime du tiers propriétaire qui sollicite la restitution de son bien est exclusive de sa mauvaise foi ; qu'en rejetant la demande de restitution du véhicule Porsche Panamera et des deux jeux de clés de contact introduite par la société K.L.S, anciennement dénommée [I] Location, au motif qu'elle ne peut être considérée de bonne foi, lorsqu'elle condamnait M. [Z] [I] pour avoir fait des biens de la société [I] Location un usage contraire à ses intérêts en rachetant aux enchères le véhicule anciennement détenu par la société [I] Habitat, ce dont il résulte que la société [I] location était la victime du délit d'abus de bien sociaux commis par son ancien gérant, la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences de ses propres constations, en violation des articles 131-21 du code pénal et 591 du code de procédure pénale. »
Réponse de la Cour
31. Les moyens sont réunis.
Vu les articles 131-21 du code pénal et 593 du code de procédure pénale :
32. Selon le premier de ces textes, la peine complémentaire de confiscation est encourue dans les cas prévus par la loi ou le règlement. La confiscation porte alors sur les biens qui ont servi à commettre l'infraction, ou qui étaient destinés à la commettre, et sur ceux qui sont l'objet ou le produit direct ou indirect de l'infraction, à l'exception des biens susceptibles de restitution à la victime. Si la loi qui réprime le crime ou le délit le prévoit, la confiscation peut porter sur tout ou partie des biens appartenant au condamné ou, sous réserve des droits du propriétaire de bonne foi, dont il a la libre disposition.
33. Selon le second, tout jugement ou arrêt doit contenir les motifs propres à justifier la décision. L'insuffisance ou la contradiction des motifs équivaut à leur absence.
34. Pour confirmer le jugement en ce qu'il a refusé la restitution du véhicule Porsche à la société KLS, anciennement [I] location, et ordonner la confiscation de celui-ci ainsi que des autres scellés, à savoir les clés du véhicule, deux téléphones, une clé USB et deux disques compacts, l'arrêt attaqué énonce que M. [Z] [I], au regard de l'article 131-21 du code pénal, encourt la peine complémentaire de confiscation pour les faits d'abus de biens sociaux qui lui sont reprochés.
35. Les juges ajoutent que, si le véhicule Porsche a constitué un actif de la société [I] habitat avant de devenir un actif de la société [I] location, l'enquête a établi que M. [Z] [I], en sa qualité de gérant de ces sociétés, en avait la libre disposition.
36. Ils indiquent également que, au moment de l'acquisition de ce véhicule, il ne peut être soutenu que la société [I] location était de bonne foi et que la société KLS ne peut pas non plus être considérée comme de bonne foi.
37. Ils relèvent enfin que le véhicule est le produit des délits d'abus de biens sociaux reprochés à M. [Z] [I].
38. En prononçant ainsi, la cour d'appel n'a pas justifié sa décision et a méconnu les textes visés aux moyens pour les motifs qui suivent.
39. En premier lieu, en prononçant la confiscation des biens placés sous scellés autres que le véhicule Porsche sans indiquer le fondement de cette peine, la cour d'appel n'a pas mis la Cour de cassation en mesure d'en contrôler la légalité.
40. En second lieu, dès lors que la confiscation peut porter sur l'objet ou le produit direct ou indirect de l'infraction, à l'exception des biens susceptibles de restitution à la victime, la cour d'appel ne pouvait refuser la restitution du véhicule Porsche à la société KLS, alors que ce véhicule est encore dans le patrimoine de cette société, au motif que cette dernière était un propriétaire de mauvaise foi, tout en relevant que cette société était la victime de l'abus de biens sociaux dont le véhicule Porsche était l'objet ou le produit.
41. La cassation est par conséquent encore encourue de ces chefs.
Et sur le onzième moyen proposé pour M. [Z] [I]
Enoncé du moyen
42. Le moyen critique l'arrêt attaqué en ce qu'il a déclaré recevable la constitution de partie civile de la société Fiduciaire nationale d'expertise comptable, alors « que, l'action civile ne peut être exercée devant les juridictions pénales que par celui qui a subi un préjudice personnel prenant directement sa source dans l'infraction poursuivie ; qu'en déclarant recevable la constitution de partie civile de la société Fiduciaire nationale d'expertise comptable en ce qu'elle a subi un préjudice d'image lié à l'utilisation de son enseigne et de sa dénomination aux fins de commettre le délit d'escroquerie, lorsque seules éprouvent un préjudice résultant directement d'une escroquerie, les personnes qui, déterminées par les manoeuvres frauduleuses, ont opéré une remise à leur préjudice, la cour d'appel a violé l'article 2 du code de procédure pénale. »
Réponse de la Cour
Vu l'article 2 du code de procédure pénale :
43. Selon ce texte, l'action civile en réparation du dommage causé par un délit appartient à tous ceux qui ont personnellement souffert du dommage directement causé par cette infraction. Il en résulte que les droits de la partie civile ne peuvent être exercés que par les personnes justifiant d'un préjudice résultant de l'ensemble des éléments constitutifs de l'infraction visée à la poursuite.
44. Pour confirmer le jugement en ce qu'il a accordé à la société Fiduciaire nationale d'expertise comptable la somme de 2 000 euros à titre de dommages et intérêts, l'arrêt attaqué énonce que cette somme répare le préjudice d'image subi par cette société en raison de l'utilisation de son enseigne et de sa dénomination sur de faux documents comptables.
45. En statuant ainsi, la cour d'appel a méconnu le texte susvisé et le principe ci-dessus rappelé.
46. En effet, la cour d'appel a déclaré M. [Z] [I] coupable d'escroqueries au préjudice de divers établissements bancaires en retenant, au titre des manoeuvres frauduleuses, que celui-ci avait produit auprès de ces établissements des bilans provisoires des comptes de la société dont il était gérant établis par la société Fiduciaire nationale d'expertise comptable. Or, le préjudice d'image allégué par cette dernière société en raison de l'utilisation de ces documents ne résulte pas des remises effectuées par les établissements bancaires escroqués.
47. La cassation est par conséquent encore encourue.
Portée et conséquences de la cassation
48. La cassation à intervenir ne concerne que les dispositions relatives aux peines prononcées à l'encontre de MM. [Z] et [M] [I], au rejet de la demande de restitution formée par la société KLS et par M. [Z] [I], à la déclaration de recevabilité de la constitution de partie civile de la société Fiduciaire nationale d'expertise comptable et à la condamnation de M. [Z] [I] à lui payer la somme de 2 000 euros à titre de dommages et intérêts et les sommes de 300 et 700 euros sur le fondement de l'article 475-1 du code de procédure pénale. Les autres dispositions seront donc maintenues.
PAR CES MOTIFS, sans qu'il y ait lieu de statuer sur le dixième moyen de cassation proposé pour M. [M] [I], la Cour :
CASSE et ANNULE l'arrêt susvisé de la cour d'appel de Rennes, en date du 15 février 2023, mais en ses seules dispositions relatives aux peines prononcées à l'encontre de MM. [Z] et [M] [I], au rejet de la demande de restitution formée par la société KLS et par M. [Z] [I], à la déclaration de recevabilité de la constitution de partie civile de la société Fiduciaire nationale d'expertise comptable et à la condamnation de M. [Z] [I] à lui payer la somme de 2 000 euros à titre de dommages et intérêts et les sommes de 300 et 700 euros sur le fondement de l'article 475-1 du code de procédure pénale, toutes autres dispositions étant expressément maintenues ;
Et pour qu'il soit à nouveau jugé, conformément à la loi, dans les limites de la cassation ainsi prononcée,
RENVOIE la cause et les parties devant la cour d'appel de Rennes, autrement composée, à ce désignée par délibération spéciale prise en chambre du conseil ;
ORDONNE l'impression du présent arrêt, sa transcription sur les registres du greffe de la cour d'appel de Rennes et sa mention en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement annulé.
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre criminelle, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-huit février deux mille vingt-quatre.