Cour de cassation, civile, Chambre civile 1, 7 février 2024, 22-11.090, Inédit
Cour de cassation, civile, Chambre civile 1, 7 février 2024, 22-11.090, Inédit
Cour de cassation - Chambre civile 1
- N° de pourvoi : 22-11.090
- ECLI:FR:CCASS:2024:C100053
- Non publié au bulletin
- Solution : Rejet
Audience publique du mercredi 07 février 2024
Décision attaquée : Cour d'appel de Rennes, du 09 novembre 2021- Président
- Mme Champalaune (président)
Texte intégral
RÉPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
CIV. 1
IJ
COUR DE CASSATION
______________________
Audience publique du 7 février 2024
Rejet
Mme CHAMPALAUNE, président
Arrêt n° 53 F-D
Pourvoi n° J 22-11.090
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
_________________________
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________
ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, DU 7 FÉVRIER 2024
Mme [O] [Y], domiciliée [Adresse 1], a formé le pourvoi n° J 22-11.090 contre l'arrêt rendu le 9 novembre 2021 par la cour d'appel de Rennes (6e chambre B), dans le litige l'opposant à M. [S] [I], domicilié [Adresse 2], défendeur à la cassation.
La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, un moyen unique de cassation.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de Mme Agostini, conseiller, les observations de la SCP Delamarre et Jehannin, avocat de Mme [Y], de la SARL Thouvenin, Coudray et Grévy, avocat de M. [I], et l'avis de Mme Caron-Deglise, avocat général, après débats en l'audience publique du 12 décembre 2023 où étaient présents Mme Champalaune, président, Mme Agostini, conseiller rapporteur, Mme Auroy, conseiller doyen, et Mme Layemar, greffier de chambre,
la première chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. Selon l'arrêt attaqué (Rennes, 9 novembre 2021), M. [I] et Mme [Y] se sont mariés en France, le 22 septembre 2001, sous le régime de la séparation de biens.
2. Un jugement belge du 22 mai 2012 a prononcé leur divorce et ordonné la tenue des opérations d'inventaire et de comptes, liquidation et partage de leur régime matrimonial, en désignant un notaire pour y procéder.
3. En juillet 2013, Mme [Y] et M. [I] ont rétabli leur résidence habituelle respective en France.
4. Le 13 juillet 2018, Mme [Y] a assigné M. [I] en fixation d'une prestation compensatoire, sur le fondement des articles 270 et 271 du code civil.
Examen du moyen
Enoncé du moyen
5. Mme [Y] fait grief à l'arrêt de déclarer irrecevable sa demande de prestation compensatoire, alors :
« 1°/ que si la demande de prestation compensatoire est en principe irrecevable si elle est présentée après que le jugement de divorce est passé en force de chose jugée, il en va autrement lorsque le jugement de divorce a été rendu à l'étranger en application d'une loi étrangère ne permettant pas l'allocation d'une prestation compensatoire ; qu'en cette seule hypothèse, l'ancien époux est recevable à saisir le juge français compétent pour demander l'allocation d'une prestation compensatoire en application du droit français, même après que le jugement de divorce étranger est passé en force de chose jugée ; qu'en l'espèce, Mme [Y] faisait valoir qu'elle n'avait pu former une demande de prestation compensatoire devant le juge belge du divorce, la loi belge applicable à l'époque de l'instance en divorce ne connaissant pas le mécanisme de la prestation compensatoire ; qu'en retenant cependant que la demande de prestation compensatoire de Mme [Y], "alors que le divorce entre les parties a été prononcé par un jugement devenu définitif et de longue date, est irrecevable au regard de la lex fori applicable à la procédure", la cour d'appel a violé les articles 3 et 270 du code civil, ensemble l'article 6 § 1 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'Homme et des libertés fondamentales ;
2°/ qu'en tout état de cause, la prestation compensatoire est destinée à compenser autant qu'il est possible, la disparité que la rupture du mariage crée dans les conditions de vie respectives des époux ; qu'elle présente donc au premier chef un caractère indemnitaire, raison pour laquelle elle n'est pas subordonnée à la démonstration, par son créancier, de son état de besoin ; qu'en conséquence, la pension alimentaire que le droit étranger reconnaît au profit d'un ancien époux en la subordonnant toutefois, en principe, à ce que son créancier justifie de son état de besoin, ne constitue pas l'équivalent de la prestation compensatoire admise en droit français ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a elle-même constaté qu'en principe la pension alimentaire qu'un ancien époux peut solliciter en application du droit belge ne couvre que son état de besoin, seules des circonstances particulières permettant d'obtenir une somme excédant la couverture de l'état de besoin), en sorte que la prestation compensatoire de droit français "se différencie partiellement de la notion de pension alimentaire après divorce, connue du droit belge applicable au temps du prononcé du jugement de divorce entre les parties, quant à la force respective que prend, dans l'une et l'autre de ces notions, le caractère alimentaire de la créance à laquelle peut prétendre une partie" ; qu'il en résultait que la pension alimentaire admise en droit belge n'était pas équivalente à la prestation compensatoire de droit français, de sorte que Mme [Y], qui n'avait pas demandé de pension alimentaire pendant l'instance en divorce tenue en Belgique, était recevable à solliciter du juge français une prestation compensatoire après que le jugement belge de divorce fut passé en force de chose jugée ; qu'en retenant l'inverse, la cour d'appel a violé les articles 3 et 270 du code civil ;
3°/ qu'en tout état de cause, le principe selon lequel la prestation compensatoire n'a pas pour objet de corriger les effets du régime de séparation des biens choisis par les époux, s'il permet d'apprécier le bien-fondé de la demande de prestation compensatoire, est étranger à l'appréciation de sa recevabilité ; qu'en l'espèce, le juge aux affaire familiales a pourtant considéré que la prestation compensatoire " n'a pas pour vocation d'anéantir les effets du régime matrimonial de séparation de biens choisi par les époux, ni la répartition subséquente constatée au moment de la liquidation du régime matrimonial " ; qu'en déclarant irrecevable la demande de prestation compensatoire sur ce fondement qui ne relevait que de l'appréciation de son bien-fondé, la cour d'appel, à supposer ce motif adopté, a violé l'article 270 du code civil, ensemble l'article 122 du code de procédure civile. »
Réponse de la Cour
6. Il résulte des articles 270 et 271 du code civil que le juge doit se prononcer par une même décision sur le divorce et sur la disparité que celui-ci peut créer dans les conditions de vie respectives des époux.
7. Ayant constaté que le divorce de M. [I] et de Mme [Y] avait été prononcé précédemment en Belgique, la cour d'appel, qui n'était pas saisie d'une contestation de la régularité internationale du jugement étranger et était tenue, comme il le lui était demandé par les parties, de mettre en oeuvre la loi française sur les obligations alimentaires, en vertu des articles 3 et 5 du protocole de la Haye du 23 novembre 2007 sur la loi applicable aux obligations alimentaires, n'a pu qu'en déduire, sans méconnaître les exigences conventionnelles de l'accès au juge, que la demande de prestation compensatoire était irrecevable.
8. Le moyen, inopérant en ses deux dernières branches, qui s'attaquent à des motifs surabondants, n'est donc pas fondé pour le surplus.
PAR CES MOTIFS, la Cour :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne Mme [Y] aux dépens ;
En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du sept février deux mille vingt-quatre.ECLI:FR:CCASS:2024:C100053
CIV. 1
IJ
COUR DE CASSATION
______________________
Audience publique du 7 février 2024
Rejet
Mme CHAMPALAUNE, président
Arrêt n° 53 F-D
Pourvoi n° J 22-11.090
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
_________________________
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________
ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, DU 7 FÉVRIER 2024
Mme [O] [Y], domiciliée [Adresse 1], a formé le pourvoi n° J 22-11.090 contre l'arrêt rendu le 9 novembre 2021 par la cour d'appel de Rennes (6e chambre B), dans le litige l'opposant à M. [S] [I], domicilié [Adresse 2], défendeur à la cassation.
La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, un moyen unique de cassation.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de Mme Agostini, conseiller, les observations de la SCP Delamarre et Jehannin, avocat de Mme [Y], de la SARL Thouvenin, Coudray et Grévy, avocat de M. [I], et l'avis de Mme Caron-Deglise, avocat général, après débats en l'audience publique du 12 décembre 2023 où étaient présents Mme Champalaune, président, Mme Agostini, conseiller rapporteur, Mme Auroy, conseiller doyen, et Mme Layemar, greffier de chambre,
la première chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. Selon l'arrêt attaqué (Rennes, 9 novembre 2021), M. [I] et Mme [Y] se sont mariés en France, le 22 septembre 2001, sous le régime de la séparation de biens.
2. Un jugement belge du 22 mai 2012 a prononcé leur divorce et ordonné la tenue des opérations d'inventaire et de comptes, liquidation et partage de leur régime matrimonial, en désignant un notaire pour y procéder.
3. En juillet 2013, Mme [Y] et M. [I] ont rétabli leur résidence habituelle respective en France.
4. Le 13 juillet 2018, Mme [Y] a assigné M. [I] en fixation d'une prestation compensatoire, sur le fondement des articles 270 et 271 du code civil.
Examen du moyen
Enoncé du moyen
5. Mme [Y] fait grief à l'arrêt de déclarer irrecevable sa demande de prestation compensatoire, alors :
« 1°/ que si la demande de prestation compensatoire est en principe irrecevable si elle est présentée après que le jugement de divorce est passé en force de chose jugée, il en va autrement lorsque le jugement de divorce a été rendu à l'étranger en application d'une loi étrangère ne permettant pas l'allocation d'une prestation compensatoire ; qu'en cette seule hypothèse, l'ancien époux est recevable à saisir le juge français compétent pour demander l'allocation d'une prestation compensatoire en application du droit français, même après que le jugement de divorce étranger est passé en force de chose jugée ; qu'en l'espèce, Mme [Y] faisait valoir qu'elle n'avait pu former une demande de prestation compensatoire devant le juge belge du divorce, la loi belge applicable à l'époque de l'instance en divorce ne connaissant pas le mécanisme de la prestation compensatoire ; qu'en retenant cependant que la demande de prestation compensatoire de Mme [Y], "alors que le divorce entre les parties a été prononcé par un jugement devenu définitif et de longue date, est irrecevable au regard de la lex fori applicable à la procédure", la cour d'appel a violé les articles 3 et 270 du code civil, ensemble l'article 6 § 1 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'Homme et des libertés fondamentales ;
2°/ qu'en tout état de cause, la prestation compensatoire est destinée à compenser autant qu'il est possible, la disparité que la rupture du mariage crée dans les conditions de vie respectives des époux ; qu'elle présente donc au premier chef un caractère indemnitaire, raison pour laquelle elle n'est pas subordonnée à la démonstration, par son créancier, de son état de besoin ; qu'en conséquence, la pension alimentaire que le droit étranger reconnaît au profit d'un ancien époux en la subordonnant toutefois, en principe, à ce que son créancier justifie de son état de besoin, ne constitue pas l'équivalent de la prestation compensatoire admise en droit français ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a elle-même constaté qu'en principe la pension alimentaire qu'un ancien époux peut solliciter en application du droit belge ne couvre que son état de besoin, seules des circonstances particulières permettant d'obtenir une somme excédant la couverture de l'état de besoin), en sorte que la prestation compensatoire de droit français "se différencie partiellement de la notion de pension alimentaire après divorce, connue du droit belge applicable au temps du prononcé du jugement de divorce entre les parties, quant à la force respective que prend, dans l'une et l'autre de ces notions, le caractère alimentaire de la créance à laquelle peut prétendre une partie" ; qu'il en résultait que la pension alimentaire admise en droit belge n'était pas équivalente à la prestation compensatoire de droit français, de sorte que Mme [Y], qui n'avait pas demandé de pension alimentaire pendant l'instance en divorce tenue en Belgique, était recevable à solliciter du juge français une prestation compensatoire après que le jugement belge de divorce fut passé en force de chose jugée ; qu'en retenant l'inverse, la cour d'appel a violé les articles 3 et 270 du code civil ;
3°/ qu'en tout état de cause, le principe selon lequel la prestation compensatoire n'a pas pour objet de corriger les effets du régime de séparation des biens choisis par les époux, s'il permet d'apprécier le bien-fondé de la demande de prestation compensatoire, est étranger à l'appréciation de sa recevabilité ; qu'en l'espèce, le juge aux affaire familiales a pourtant considéré que la prestation compensatoire " n'a pas pour vocation d'anéantir les effets du régime matrimonial de séparation de biens choisi par les époux, ni la répartition subséquente constatée au moment de la liquidation du régime matrimonial " ; qu'en déclarant irrecevable la demande de prestation compensatoire sur ce fondement qui ne relevait que de l'appréciation de son bien-fondé, la cour d'appel, à supposer ce motif adopté, a violé l'article 270 du code civil, ensemble l'article 122 du code de procédure civile. »
Réponse de la Cour
6. Il résulte des articles 270 et 271 du code civil que le juge doit se prononcer par une même décision sur le divorce et sur la disparité que celui-ci peut créer dans les conditions de vie respectives des époux.
7. Ayant constaté que le divorce de M. [I] et de Mme [Y] avait été prononcé précédemment en Belgique, la cour d'appel, qui n'était pas saisie d'une contestation de la régularité internationale du jugement étranger et était tenue, comme il le lui était demandé par les parties, de mettre en oeuvre la loi française sur les obligations alimentaires, en vertu des articles 3 et 5 du protocole de la Haye du 23 novembre 2007 sur la loi applicable aux obligations alimentaires, n'a pu qu'en déduire, sans méconnaître les exigences conventionnelles de l'accès au juge, que la demande de prestation compensatoire était irrecevable.
8. Le moyen, inopérant en ses deux dernières branches, qui s'attaquent à des motifs surabondants, n'est donc pas fondé pour le surplus.
PAR CES MOTIFS, la Cour :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne Mme [Y] aux dépens ;
En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du sept février deux mille vingt-quatre.