Cour de cassation, civile, Chambre civile 2, 1 février 2024, 22-14.255, Publié au bulletin

Texte intégral

RÉPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

CIV. 2

LM



COUR DE CASSATION
______________________


Audience publique du 1er février 2024




Cassation partielle


Mme MARTINEL, président



Arrêt n° 98 F-B

Pourvoi n° Z 22-14.255

Aide juridictionnelle totale en demande
au profit de M. [Y].
Admission du bureau d'aide juridictionnelle
près la Cour de cassation
en date du 17 mars 2022.


R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________


ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 1ER FÉVRIER 2024

M. [W] [Y], domicilié [Adresse 2], a formé le pourvoi n° 22-14.255 contre l'arrêt rendu le 28 octobre 2021 par la cour d'appel de Colmar (chambre sociale, section SB), dans le litige l'opposant à la caisse primaire d'assurance maladie du Haut-Rhin, dont le siège est [Adresse 1], défenderesse à la cassation.

Le demandeur invoque, à l'appui de son pourvoi, un moyen unique de cassation.

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de Mme Lerbret-Féréol, conseiller référendaire, les observations de Me Soltner, avocat de M. [Y], de la SCP Gatineau, Fattaccini et Rebeyrol, avocat de la caisse primaire d'assurance maladie du Haut-Rhin, et l'avis de M. Gaillardot, premier avocat général, après débats en l'audience publique du 12 décembre 2023 où étaient présentes Mme Martinel, président, Mme Lerbret-Féréol, conseiller référendaire rapporteur, Mme Renault-Malignac, conseiller doyen, et Mme Thomas, greffier de chambre,

la deuxième chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt ;

Faits et procédures

1. Selon l'arrêt attaqué (Colmar, 28 octobre 2021), la caisse primaire d'assurance maladie du Haut-Rhin (la caisse) a, après expertise technique, notifié à M. [Y] (l'assuré), en arrêt de travail pour maladie depuis le 24 novembre 2014, une date d'aptitude à la reprise du travail au 16 février 2015 et cessé de lui verser les indemnités journalières à compter de cette date.

2. L'assuré a saisi d'un recours une juridiction chargée du contentieux de la sécurité sociale.

Examen du moyen

Sur le moyen, pris en sa seconde branche

3. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ce grief qui n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation.

Mais sur le moyen, pris en sa première branche

Enoncé du moyen

4. L'assuré fait grief à l'arrêt de confirmer la date du 16 février 2015 pour date d'aptitude à la reprise d'un travail quelconque, alors « que le rapport du docteur [X], désigné par l'arrêt avant dire droit en date du 9 mai 2018, indiquait « Ainsi, si nous ne modifions pas nos conclusions, à savoir que, à la date du 16 février 2015 le sujet n'était « pas apte à tout travail » à la suite de son arrêt maladie à compter du 24 novembre 2014 ; Et que précisément, une aptitude à tout travail ne peut être fixée d'autant que le traitement psychotrope du patient est encore assez important » ; qu'en ne tenant pas compte de cette expertise médicale établie par l'expert qu'elle avait désigné, d'où il ressortait d'une part, que l'intéressé connaissait encore des troubles psychiatriques graves, et d'autre part, qu'aucune date d'aptitude à tout travail ne pouvait encore être fixée, ce dont il ressortait que la date du 16 février 2015 ne pouvait être retenue comme marquant celle à laquelle l'intéressé devait voir cesser ses indemnités journalières, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 141-1 et L. 142-2 du code de la sécurité sociale. »

Réponse de la Cour

Vu les articles L. 141-1, L. 141-2 et R. 142-24-1, devenu R. 142-17-1 du code de la sécurité sociale, dans leur rédaction alors en vigueur :

5. Il résulte de la combinaison de ces textes que lorsque le juge, saisi d'un différend portant sur une décision prise après mise en oeuvre de l'expertise médicale technique prévue par le premier, ordonne, à la demande d'une partie, une nouvelle expertise en application des deux derniers, l'avis de l'expert désigné dans les conditions prévues par le troisième s'impose à l'intéressé comme à la caisse, sauf au juge à ordonner un complément d'expertise ou, à la demande de l'une d'elles, une nouvelle expertise lorsque cet avis est ambigu ou manque de clarté.

6. Pour maintenir au 16 février 2015 la date d'aptitude de l'assuré à un travail quelconque, l'arrêt retient que la dépression chronicisée évoquée par l'expert n'était pas advenue à la date des opérations d'expertise. Il ajoute que l'expert, d'une part, relève qu'aucune hospitalisation en milieu spécialisé n'est intervenue dès 2014 et d'autre part, décrit l'assuré comme irritable et agressif, notamment dans la sphère professionnelle bruyante. L'arrêt en déduit que ces circonstances ne caractérisent pas une inaptitude totale à tout travail.

7. En statuant ainsi, alors que l'expert concluait qu'à la date du 16 février 2015, l'assuré n'était pas apte à tout travail puis précisait qu'une date d'aptitude ne pouvait être fixée à la date de son rapport du 16 octobre 2019, la cour d'appel a violé les textes susvisés.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

CASSE ET ANNULE, sauf en ce qu'il déclare recevable le recours formé contre la décision de rejet de la commission de recours amiable, l'arrêt rendu le 28 octobre 2021, entre les parties, par la cour d'appel de Colmar ;

Remet, sauf sur ce point, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Metz.

Condamne la caisse primaire d'assurance maladie du Haut-Rhin aux dépens ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par la caisse primaire d'assurance maladie du Haut-Rhin et la condamne à payer à Me Soltner la somme de 3 000 euros ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, prononcé et signé par le président en l'audience publique du premier février deux mille vingt-quatre et signé par Léa Catherine, greffier de chambre qui a assisté au prononcé de l'arrêt. ECLI:FR:CCASS:2024:C200098
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