Cour de cassation, civile, Chambre civile 2, 21 décembre 2023, 21-25.352, Publié au bulletin
Cour de cassation, civile, Chambre civile 2, 21 décembre 2023, 21-25.352, Publié au bulletin
Cour de cassation - Chambre civile 2
- N° de pourvoi : 21-25.352
- ECLI:FR:CCASS:2023:C201290
- Publié au bulletin
- Solution : Cassation partielle
Audience publique du jeudi 21 décembre 2023
Décision attaquée : Cour d'appel de Bordeaux, du 12 octobre 2021- Président
- Mme Martinel
Texte intégral
RÉPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
CIV. 2
LM
COUR DE CASSATION
______________________
Audience publique du 21 décembre 2023
Cassation partielle
Mme MARTINEL, président
Arrêt n° 1290 F-B
Pourvoi n° R 21-25.352
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
_________________________
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________
ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 21 DÉCEMBRE 2023
M. [Y] [T], domicilié [Adresse 2], a formé le pourvoi n° R 21-25.352 contre l'arrêt rendu le 12 octobre 2021 par la cour d'appel de Bordeaux (1re chambre civile), dans le litige l'opposant :
1°/ à la société Keolis [Localité 10], société anonyme, dont le siège est [Adresse 1],
2°/ à la société Allianz IARD, société anonyme, dont le siège est [Adresse 12],
3°/ à la caisse primaire d'assurance maladie de la Gironde, dont le siège est [Adresse 4],
4°/ à la mutuelle Ociane, dont le siège est [Adresse 7],
5°/ à la société GFP, société anonyme, dont le siège est [Adresse 13], prise en son établissement secondaire, [Adresse 11],
6°/ à Mme [K] [A], épouse [I], domiciliée [Adresse 5], prise en sa qualité de civilement responsable de [Z] [I],
7°/ à la société ACM IARD, société anonyme, dont le siège est [Adresse 8], venant aux droits de la société CIC assurances,
8°/ à Mme [L] [F], domiciliée [Adresse 3], prise en sa qualité de civilement responsable de [J] [X],
9°/ à la société d'assurances Matmut, dont le siège est [Adresse 9],
10°/ à Mme [D] [R], épouse [W], domiciliée [Adresse 6], prise en sa qualité de civilement responsable de [B] [W],
11°/ à Mme [P] [E], veuve [T], domiciliée [Adresse 2],
défenderesses à la cassation.
La société Keolis [Localité 10] et la société Allianz IARD ont formé un pourvoi incident contre le même arrêt.
Le demandeur au pourvoi principal invoque, à l'appui de son recours, un moyen unique de cassation.
Les demanderesses au pourvoi incident invoquent, à l'appui de leur recours, un moyen unique de cassation.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de Mme Philippart, conseiller référendaire, les observations de la SCP Lyon-Caen et Thiriez, avocat de M. [T], de la SCP Duhamel, avocat des sociétés Keolis [Localité 10] et Allianz IARD, de la SCP Gaschignard, Loiseau et Massignon, avocat de Mme [A] épouse [I], en sa qualité de civilement responsable de [Z] [I], et de la société ACM IARD, de la SCP Rocheteau, Uzan-Sarano et Goulet, avocat de la société d'assurances Matmut et de Mme [R] épouse [W], en sa qualité de civilement responsable de [B] [W], et l'avis de M. Grignon Dumoulin, avocat général, après débats en l'audience publique du 14 novembre 2023 où étaient présentes Mme Martinel, président, Mme Philippart, conseiller référendaire rapporteur, Mme Leroy-Gissinger, conseiller doyen, et Mme Cathala, greffier de chambre,
la deuxième chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt ;
Faits et procédure
1. Selon l'arrêt attaqué (Bordeaux, 12 octobre 2021), le 9 juin 2011, [Y] [T], alors âgé de 15 ans, a perdu l'équilibre et fait un écart sur la voie de tramway qui longeait le trottoir sur lequel il marchait, heurtant le tramway qui arrivait sur cette voie et chutant sur les rails.
2. Ses parents, agissant tant en leur nom personnel qu'en leurs qualités de représentants légaux de [Y] [T], ont assigné la société Keolis [Localité 10], exploitant le tramway, ainsi que la société Gan Eurocourtage, son assureur, en présence de la caisse primaire d'assurance maladie de la Gironde, la mutuelle Ociane et la société GFP, en indemnisation de leurs préjudices.
3. Faisant valoir que la chute de la victime avait été causée par le fait de trois autres mineurs, présents sur le lieu de l'accident, la société Keolis [Localité 10] et la société Allianz IARD, venant aux droits de la société Gan eurocourtage, ont assigné en garantie Mme [F], Mme [A] épouse [I] et Mme [R] épouse [W], chacune en sa qualité de représentante légale, respectivement, des mineurs [J] [X], [Z] [I] et [B] [W].
4. La société Matmut et la société CIC assurances, aux droits de laquelle vient la société ACM IARD, assureurs de responsabilité civile, respectivement de Mme [R] épouse [W] et de Mme [A] épouse [I], sont intervenues à l'instance.
Examen des moyens
Sur le second moyen du pourvoi incident, formé par la société Keolis [Localité 10] et la société Allianz IARD
5. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ce moyen qui n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation.
Sur le premier moyen du pourvoi incident
Enoncé du moyen
6. La société Keolis [Localité 10] et la société Allianz IARD font grief à l'arrêt de dire que les dispositions de la loi du 5 juillet 1985 sont applicables à l'accident, que le droit à indemnisation de M. [T] est entier, de les condamner in solidum à payer à M. [T] la somme de 240 618,75 euros à titre de réparation de son préjudice corporel et de les condamner in solidum à payer à Mme [E] veuve [T] la somme de 5 000 euros au titre de son préjudice d'affection, alors :
« 1°/ que les dispositions de la loi du 5 juillet 1985 ne s'appliquent pas aux tramways circulant sur des voies qui leur sont propres ; qu'une voie est propre au tramway quand elle est réservée à sa seule circulation, sans être destinée aux autres usagers ; qu'il résulte des propres constatations des juges du fond que la chaussée du cours l'Argonne, où s'est produit l'accident, est divisée en trois voies, à savoir deux voies ferrées contiguës, empruntées par le tramway, et une voie à sens unique « pour les autres véhicules », et que la chaussée est longée par un trottoir ; qu'il s'ensuit que les voies empruntées par le tramway à l'endroit de l'accident lui sont propres, puisqu'elles lui sont réservées et ne sont pas destinées à être empruntées par d'autres véhicules, ni par les piétons ; que dès lors, en disant que les dispositions de la loi du 5 juillet 1985 sont applicables à l'accident dont [Y] [T] a été victime le 9 juin 2011, après avoir pourtant constaté que ce dernier avait été heurté par un tramway circulant sur sa voie propre, la cour d'appel a violé l'article 1er de la loi du 5 juillet 1985 ;
2°/ que les dispositions de la loi du 5 juillet 1985 ne s'appliquent pas aux tramways circulant sur des voies qui leur sont propres ; qu'une voie est propre au tramway quand elle est réservée à sa seule circulation, sans être destinée aux autres usagers ; qu'il n'est donc pas nécessaire, pour qu'une voie soit qualifiée de propre au tramway, qu'elle soit surélevée ou séparée des autres voies par des éléments infranchissables ; que dès lors, en affirmant, notamment par motifs adoptés, que la voie ferrée empruntée par le tramway ne lui était pas réservée aux motifs qu'au point de choc elle n'était pas séparée des autres voies ou du trottoir par des obstacles infranchissables ou une barrière, que la voie de tramway n'était pas surélevée par rapport au reste de la chaussée et que le trottoir ne présentait pas une hauteur telle qu'il était infranchissable, la cour d'appel qui a ajouté des conditions qu'il ne prévoit pas à l'article 1er de la loi du 5 juillet 1985, l'a violé par là-même. »
Réponse de la Cour
7. Les dispositions du chapitre 1er de la loi n° 85-677 du 5 juillet 1985, relatives à l'indemnisation des victimes d'accidents de la circulation, sont applicables, selon l'article 1er de cette loi, aux victimes d'accidents dans lesquels est impliqué un véhicule terrestre à moteur ainsi que ses remorques ou semi-remorques, à l'exception des chemins de fer et des tramways circulant sur des voies qui leur sont propres.
8. L'arrêt relève que la chaussée, qui est divisée en trois voies, sans marquage au sol, dont deux voies ferrées contiguës empruntées par le tramway, non surélevées, et une voie à sens unique pour les autres véhicules, est longée de part et d'autre par un trottoir bordé de plots alternant avec des barrières. Il constate, par motifs adoptés, qu'à l'endroit du choc, aucune barrière ne sépare la voie de tramway du trottoir duquel la victime a chuté et que la hauteur de celui-ci ne permet pas de délimiter cette voie.
9. En l'état de ces constatations et énonciations, relevant de son pouvoir souverain d'appréciation, la cour d'appel, abstraction faite des motifs surabondants critiqués par la seconde branche du moyen, a exactement retenu qu'à l'endroit du choc, la voie de tramway ne lui était pas propre en ce qu'elle n'était pas isolée du trottoir qu'elle longeait et en a déduit, à bon droit, que la loi du 5 juillet 1985 s'appliquait à l'accident.
10. Le moyen, inopérant en sa seconde branche, n'est, dès lors, pas fondé pour le surplus.
Mais sur le moyen du pourvoi principal formé par M. [T]
Enoncé du moyen
11. M. [T] fait grief à l'arrêt de le déclarer irrecevable en sa demande d'indemnisation de ses pertes de gains professionnels futurs, alors « que l'arrêt retient, au visa des articles 564 et suivants du code de procédure civile, que la réclamation au titre du poste de préjudice de perte de gains professionnels futurs, présentée pour la première fois en cause d'appel par M. [T], doit être jugée irrecevable ; qu'en statuant ainsi, bien que cette demande ayant le même fondement que les demandes initiales de M. [T] et poursuivant la même fin d'indemnisation du préjudice résultant de l'accident de la circulation dont il avait été victime le 9 juin 2011, constituait le complément de celles formées en première instance par ce dernier, la cour d'appel a violé les articles 564, 565 et 566, dans sa rédaction issue du décret n° 2017-891 du 6 mai 2017, du code de procédure civile. »
Réponse de la Cour
Vu l'article 565 du code de procédure civile :
12. Il résulte de ce texte que les prétentions nouvelles sont recevables dès lors qu'elles tendent aux mêmes fins que celles soumises au premier juge même si leur fondement juridique est différent.
13. Pour déclarer irrecevable comme nouvelle la demande de M. [T] en indemnisation de ses pertes de gains professionnels futurs, l'arrêt énonce que celui-ci réclame devant la cour l'indemnisation de la diminution de ses revenus consécutive à l'incapacité permanente à laquelle il est confronté dans la sphère professionnelle à la suite du dommage, chef de préjudice qu'il n'a pas soumis aux premiers juges, devant lesquels il n'avait sollicité que l'indemnisation de l'incidence professionnelle.
14. En statuant ainsi, alors que la demande présentée par M. [T] devant elle, en indemnisation de ses pertes de gains professionnels futurs, tendait aux mêmes fins que celles soumises au premier juge, en l'occurrence à l'indemnisation du préjudice subi du fait de l'accident du 9 juin 2011, la cour d'appel a violé le texte susvisé.
Mise hors de cause
15. En application de l'article 625 du code de procédure civile, il y a lieu de mettre hors de cause Mme [R] épouse [W], en sa qualité de civilement responsable de [B] [W], la société Matmut, Mme [A] épouse [I], en sa qualité de civilement responsable de [Z] [I], et la société ACM IARD, dont la présence n'est pas nécessaire devant la cour d'appel de renvoi.
PAR CES MOTIFS, la Cour :
REJETTE le pourvoi incident ;
CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il déclare M. [T] irrecevable en sa demande d'indemnisation des pertes de gains professionnels futurs, l'arrêt rendu le 12 octobre 2021, entre les parties, par la cour d'appel de Bordeaux ;
Remet, sur ce point, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Bordeaux autrement composée ;
Met hors de cause Mme [R] épouse [W], en sa qualité de civilement responsable de [B] [W], la société Matmut, Mme [A] épouse [I], en sa qualité de civilement responsable de [Z] [I], et la société ACM IARD.
Condamne la société Keolis [Localité 10] et la société Allianz IARD aux dépens ;
En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par Mme [R] épouse [W], en sa qualité de civilement responsable de [B] [W], et la société Matmut, contre M. [T] ;
Rejette la demande formée par la société Keolis [Localité 10] et la société Allianz IARD, les condamne à payer à M. [T] la somme de 3 000 euros, à Mme [A] épouse [I], en sa qualité de civilement responsable de [Z] [I], et à la société ACM IARD, la somme globale de 3 000 euros, et condamne in solidum la société Keolis [Localité 10] et la société Allianz IARD à payer à Mme [R] épouse [W], en sa qualité de civilement responsable de [B] [W], et à la société Matmut la somme globale de 3 000 euros ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du vingt et un décembre deux mille vingt-trois.ECLI:FR:CCASS:2023:C201290
CIV. 2
LM
COUR DE CASSATION
______________________
Audience publique du 21 décembre 2023
Cassation partielle
Mme MARTINEL, président
Arrêt n° 1290 F-B
Pourvoi n° R 21-25.352
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
_________________________
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________
ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 21 DÉCEMBRE 2023
M. [Y] [T], domicilié [Adresse 2], a formé le pourvoi n° R 21-25.352 contre l'arrêt rendu le 12 octobre 2021 par la cour d'appel de Bordeaux (1re chambre civile), dans le litige l'opposant :
1°/ à la société Keolis [Localité 10], société anonyme, dont le siège est [Adresse 1],
2°/ à la société Allianz IARD, société anonyme, dont le siège est [Adresse 12],
3°/ à la caisse primaire d'assurance maladie de la Gironde, dont le siège est [Adresse 4],
4°/ à la mutuelle Ociane, dont le siège est [Adresse 7],
5°/ à la société GFP, société anonyme, dont le siège est [Adresse 13], prise en son établissement secondaire, [Adresse 11],
6°/ à Mme [K] [A], épouse [I], domiciliée [Adresse 5], prise en sa qualité de civilement responsable de [Z] [I],
7°/ à la société ACM IARD, société anonyme, dont le siège est [Adresse 8], venant aux droits de la société CIC assurances,
8°/ à Mme [L] [F], domiciliée [Adresse 3], prise en sa qualité de civilement responsable de [J] [X],
9°/ à la société d'assurances Matmut, dont le siège est [Adresse 9],
10°/ à Mme [D] [R], épouse [W], domiciliée [Adresse 6], prise en sa qualité de civilement responsable de [B] [W],
11°/ à Mme [P] [E], veuve [T], domiciliée [Adresse 2],
défenderesses à la cassation.
La société Keolis [Localité 10] et la société Allianz IARD ont formé un pourvoi incident contre le même arrêt.
Le demandeur au pourvoi principal invoque, à l'appui de son recours, un moyen unique de cassation.
Les demanderesses au pourvoi incident invoquent, à l'appui de leur recours, un moyen unique de cassation.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de Mme Philippart, conseiller référendaire, les observations de la SCP Lyon-Caen et Thiriez, avocat de M. [T], de la SCP Duhamel, avocat des sociétés Keolis [Localité 10] et Allianz IARD, de la SCP Gaschignard, Loiseau et Massignon, avocat de Mme [A] épouse [I], en sa qualité de civilement responsable de [Z] [I], et de la société ACM IARD, de la SCP Rocheteau, Uzan-Sarano et Goulet, avocat de la société d'assurances Matmut et de Mme [R] épouse [W], en sa qualité de civilement responsable de [B] [W], et l'avis de M. Grignon Dumoulin, avocat général, après débats en l'audience publique du 14 novembre 2023 où étaient présentes Mme Martinel, président, Mme Philippart, conseiller référendaire rapporteur, Mme Leroy-Gissinger, conseiller doyen, et Mme Cathala, greffier de chambre,
la deuxième chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt ;
Faits et procédure
1. Selon l'arrêt attaqué (Bordeaux, 12 octobre 2021), le 9 juin 2011, [Y] [T], alors âgé de 15 ans, a perdu l'équilibre et fait un écart sur la voie de tramway qui longeait le trottoir sur lequel il marchait, heurtant le tramway qui arrivait sur cette voie et chutant sur les rails.
2. Ses parents, agissant tant en leur nom personnel qu'en leurs qualités de représentants légaux de [Y] [T], ont assigné la société Keolis [Localité 10], exploitant le tramway, ainsi que la société Gan Eurocourtage, son assureur, en présence de la caisse primaire d'assurance maladie de la Gironde, la mutuelle Ociane et la société GFP, en indemnisation de leurs préjudices.
3. Faisant valoir que la chute de la victime avait été causée par le fait de trois autres mineurs, présents sur le lieu de l'accident, la société Keolis [Localité 10] et la société Allianz IARD, venant aux droits de la société Gan eurocourtage, ont assigné en garantie Mme [F], Mme [A] épouse [I] et Mme [R] épouse [W], chacune en sa qualité de représentante légale, respectivement, des mineurs [J] [X], [Z] [I] et [B] [W].
4. La société Matmut et la société CIC assurances, aux droits de laquelle vient la société ACM IARD, assureurs de responsabilité civile, respectivement de Mme [R] épouse [W] et de Mme [A] épouse [I], sont intervenues à l'instance.
Examen des moyens
Sur le second moyen du pourvoi incident, formé par la société Keolis [Localité 10] et la société Allianz IARD
5. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ce moyen qui n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation.
Sur le premier moyen du pourvoi incident
Enoncé du moyen
6. La société Keolis [Localité 10] et la société Allianz IARD font grief à l'arrêt de dire que les dispositions de la loi du 5 juillet 1985 sont applicables à l'accident, que le droit à indemnisation de M. [T] est entier, de les condamner in solidum à payer à M. [T] la somme de 240 618,75 euros à titre de réparation de son préjudice corporel et de les condamner in solidum à payer à Mme [E] veuve [T] la somme de 5 000 euros au titre de son préjudice d'affection, alors :
« 1°/ que les dispositions de la loi du 5 juillet 1985 ne s'appliquent pas aux tramways circulant sur des voies qui leur sont propres ; qu'une voie est propre au tramway quand elle est réservée à sa seule circulation, sans être destinée aux autres usagers ; qu'il résulte des propres constatations des juges du fond que la chaussée du cours l'Argonne, où s'est produit l'accident, est divisée en trois voies, à savoir deux voies ferrées contiguës, empruntées par le tramway, et une voie à sens unique « pour les autres véhicules », et que la chaussée est longée par un trottoir ; qu'il s'ensuit que les voies empruntées par le tramway à l'endroit de l'accident lui sont propres, puisqu'elles lui sont réservées et ne sont pas destinées à être empruntées par d'autres véhicules, ni par les piétons ; que dès lors, en disant que les dispositions de la loi du 5 juillet 1985 sont applicables à l'accident dont [Y] [T] a été victime le 9 juin 2011, après avoir pourtant constaté que ce dernier avait été heurté par un tramway circulant sur sa voie propre, la cour d'appel a violé l'article 1er de la loi du 5 juillet 1985 ;
2°/ que les dispositions de la loi du 5 juillet 1985 ne s'appliquent pas aux tramways circulant sur des voies qui leur sont propres ; qu'une voie est propre au tramway quand elle est réservée à sa seule circulation, sans être destinée aux autres usagers ; qu'il n'est donc pas nécessaire, pour qu'une voie soit qualifiée de propre au tramway, qu'elle soit surélevée ou séparée des autres voies par des éléments infranchissables ; que dès lors, en affirmant, notamment par motifs adoptés, que la voie ferrée empruntée par le tramway ne lui était pas réservée aux motifs qu'au point de choc elle n'était pas séparée des autres voies ou du trottoir par des obstacles infranchissables ou une barrière, que la voie de tramway n'était pas surélevée par rapport au reste de la chaussée et que le trottoir ne présentait pas une hauteur telle qu'il était infranchissable, la cour d'appel qui a ajouté des conditions qu'il ne prévoit pas à l'article 1er de la loi du 5 juillet 1985, l'a violé par là-même. »
Réponse de la Cour
7. Les dispositions du chapitre 1er de la loi n° 85-677 du 5 juillet 1985, relatives à l'indemnisation des victimes d'accidents de la circulation, sont applicables, selon l'article 1er de cette loi, aux victimes d'accidents dans lesquels est impliqué un véhicule terrestre à moteur ainsi que ses remorques ou semi-remorques, à l'exception des chemins de fer et des tramways circulant sur des voies qui leur sont propres.
8. L'arrêt relève que la chaussée, qui est divisée en trois voies, sans marquage au sol, dont deux voies ferrées contiguës empruntées par le tramway, non surélevées, et une voie à sens unique pour les autres véhicules, est longée de part et d'autre par un trottoir bordé de plots alternant avec des barrières. Il constate, par motifs adoptés, qu'à l'endroit du choc, aucune barrière ne sépare la voie de tramway du trottoir duquel la victime a chuté et que la hauteur de celui-ci ne permet pas de délimiter cette voie.
9. En l'état de ces constatations et énonciations, relevant de son pouvoir souverain d'appréciation, la cour d'appel, abstraction faite des motifs surabondants critiqués par la seconde branche du moyen, a exactement retenu qu'à l'endroit du choc, la voie de tramway ne lui était pas propre en ce qu'elle n'était pas isolée du trottoir qu'elle longeait et en a déduit, à bon droit, que la loi du 5 juillet 1985 s'appliquait à l'accident.
10. Le moyen, inopérant en sa seconde branche, n'est, dès lors, pas fondé pour le surplus.
Mais sur le moyen du pourvoi principal formé par M. [T]
Enoncé du moyen
11. M. [T] fait grief à l'arrêt de le déclarer irrecevable en sa demande d'indemnisation de ses pertes de gains professionnels futurs, alors « que l'arrêt retient, au visa des articles 564 et suivants du code de procédure civile, que la réclamation au titre du poste de préjudice de perte de gains professionnels futurs, présentée pour la première fois en cause d'appel par M. [T], doit être jugée irrecevable ; qu'en statuant ainsi, bien que cette demande ayant le même fondement que les demandes initiales de M. [T] et poursuivant la même fin d'indemnisation du préjudice résultant de l'accident de la circulation dont il avait été victime le 9 juin 2011, constituait le complément de celles formées en première instance par ce dernier, la cour d'appel a violé les articles 564, 565 et 566, dans sa rédaction issue du décret n° 2017-891 du 6 mai 2017, du code de procédure civile. »
Réponse de la Cour
Vu l'article 565 du code de procédure civile :
12. Il résulte de ce texte que les prétentions nouvelles sont recevables dès lors qu'elles tendent aux mêmes fins que celles soumises au premier juge même si leur fondement juridique est différent.
13. Pour déclarer irrecevable comme nouvelle la demande de M. [T] en indemnisation de ses pertes de gains professionnels futurs, l'arrêt énonce que celui-ci réclame devant la cour l'indemnisation de la diminution de ses revenus consécutive à l'incapacité permanente à laquelle il est confronté dans la sphère professionnelle à la suite du dommage, chef de préjudice qu'il n'a pas soumis aux premiers juges, devant lesquels il n'avait sollicité que l'indemnisation de l'incidence professionnelle.
14. En statuant ainsi, alors que la demande présentée par M. [T] devant elle, en indemnisation de ses pertes de gains professionnels futurs, tendait aux mêmes fins que celles soumises au premier juge, en l'occurrence à l'indemnisation du préjudice subi du fait de l'accident du 9 juin 2011, la cour d'appel a violé le texte susvisé.
Mise hors de cause
15. En application de l'article 625 du code de procédure civile, il y a lieu de mettre hors de cause Mme [R] épouse [W], en sa qualité de civilement responsable de [B] [W], la société Matmut, Mme [A] épouse [I], en sa qualité de civilement responsable de [Z] [I], et la société ACM IARD, dont la présence n'est pas nécessaire devant la cour d'appel de renvoi.
PAR CES MOTIFS, la Cour :
REJETTE le pourvoi incident ;
CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il déclare M. [T] irrecevable en sa demande d'indemnisation des pertes de gains professionnels futurs, l'arrêt rendu le 12 octobre 2021, entre les parties, par la cour d'appel de Bordeaux ;
Remet, sur ce point, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Bordeaux autrement composée ;
Met hors de cause Mme [R] épouse [W], en sa qualité de civilement responsable de [B] [W], la société Matmut, Mme [A] épouse [I], en sa qualité de civilement responsable de [Z] [I], et la société ACM IARD.
Condamne la société Keolis [Localité 10] et la société Allianz IARD aux dépens ;
En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par Mme [R] épouse [W], en sa qualité de civilement responsable de [B] [W], et la société Matmut, contre M. [T] ;
Rejette la demande formée par la société Keolis [Localité 10] et la société Allianz IARD, les condamne à payer à M. [T] la somme de 3 000 euros, à Mme [A] épouse [I], en sa qualité de civilement responsable de [Z] [I], et à la société ACM IARD, la somme globale de 3 000 euros, et condamne in solidum la société Keolis [Localité 10] et la société Allianz IARD à payer à Mme [R] épouse [W], en sa qualité de civilement responsable de [B] [W], et à la société Matmut la somme globale de 3 000 euros ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du vingt et un décembre deux mille vingt-trois.