Cour de cassation, civile, Chambre civile 3, 14 décembre 2023, 21-21.964, Publié au bulletin

Texte intégral

RÉPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

CIV. 3

VB



COUR DE CASSATION
______________________


Audience publique du 14 décembre 2023




Cassation


Mme TEILLER, président



Arrêt n° 825 FS-B

Pourvoi n° G 21-21.964




R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________


ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 14 DÉCEMBRE 2023

M. [T] [Y], domicilié [Adresse 2], a formé le pourvoi n° G 21-21.964 contre l'arrêt rendu le 15 juin 2021 par la cour d'appel de Paris (pôle 4, chambre 4), dans le litige l'opposant :

1°/ à M. [X] [R],

2°/ à Mme [O] [V], épouse [R],

domiciliés tous deux [Adresse 1],

défendeurs à la cassation.

Le demandeur invoque, à l'appui de son pourvoi, un moyen de cassation.

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de Mme Grall, conseiller, les observations de la SARL Delvolvé et Trichet, avocat de M. [Y], de la SCP Gaschignard, Loiseau et Massignon, avocat de M. et Mme [R], et l'avis de M. Sturlèse, avocat général, après débats en l'audience publique du 7 novembre 2023 où étaient présents Mme Teiller, président, Mme Grall, conseiller rapporteur, M. Echappé conseiller doyen, M. David, Mmes Grandjean, Grall, M. Bosse-Platière, Mme Proust, conseillers, Mmes Schmitt, Aldigé, M. Baraké, Mmes Gallet, Davoine, MM. Pons, Choquet, conseillers référendaires, et Mme Cathala, greffier de chambre,

la troisième chambre civile de la Cour de cassation, composée, en application de l'article R. 431-5 du code de l'organisation judiciaire, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt ;

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Paris, 15 juin 2021), la société civile immobilière La Charonaise, aux droits de laquelle sont venus M. et Mme [R] (les bailleurs), a, le 7 décembre 1976, donné en location à M. [Y] (le locataire) un logement de deux pièces, puis, le 20 novembre 1980, un débarras situé sur le même palier, qui ont été réunis.

2. Après avoir délivré au locataire un congé avec dénégation du droit au maintien dans les lieux fondée sur le fait qu'un autre local répondant à ses besoins était à sa disposition, les bailleurs l'ont assigné en résiliation des baux, expulsion et paiement d'une indemnité d'occupation.

Examen du moyen

Sur le moyen, pris en sa quatrième branche

Enoncé du moyen

3. Le locataire fait grief à l'arrêt de prononcer la résiliation des baux et d'ordonner son expulsion, alors « que le locataire ne peut être déchu de son droit au maintien dans les lieux si le local dont il dispose ne répond pas, à l'instar du logement dont il est locataire, à son besoin d'occupation d'un logement décent ; qu'en l'espèce, M. [Y] faisait valoir que le studio dont il est propriétaire ne répondait pas à ses besoins dès lors que la superficie de son unique pièce (8,40 m²) ne répondait pas aux normes de décence prévue par l'article 4 du décret du 30 janvier 2002 ; qu'en affirmant toutefois qu'il n'y avait pas lieu de s'interroger sur la conformité du studio dont M. [Y] est propriétaire aux normes de décence prévues par le décret n° 2002-120 du 30 janvier 2002 dès lors que ce texte a pour seul but de protéger les locataires et non les propriétaires d'un bien qui ne répondrait pas à ces normes, la cour d'appel a violé l'article 10-9° de la loi n° 48-1360 du 1er septembre 1948 ensemble, par refus d'application, l'article 4 du décret n° 2002-120 du 30 janvier 2002. »

Réponse de la Cour

4. Il résulte des articles 1719 du code civil, 6 de la loi n° 89-462 du 6 juillet 1989, dans leur rédaction issue de la loi n° 2000-1208 du 13 décembre 2000, applicable au litige, et 2 du décret n° 2002-120 du 30 janvier 2002, que le bailleur est tenu de remettre au locataire un logement décent ne laissant pas apparaître de risques manifestes pouvant porter atteinte à la sécurité physique ou à la santé et doté des éléments le rendant conforme à l'usage d'habitation.

5. Ces dispositions, dont l'objet est de préciser le contenu de l'obligation de délivrance du bailleur, sont applicables aux seuls logements objet d'un bail d'habitation.

6. Le moyen, qui postule le contraire, n'est donc pas fondé.

Mais sur le moyen, pris en sa troisième branche

Enoncé du moyen

7. Le locataire fait le même grief à l'arrêt, alors « que ne répond pas aux besoins du locataire le local dont l'occupation lui imposerait un changement profond dans ses conditions d'existence ; qu'en s'abstenant de rechercher en l'espèce si l'installation de M. [Y] dans le studio dont il est propriétaire n'était pas de nature à lui imposer un changement profond dans ses conditions d'existence en le privant de son lieu de travail, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 10-9° de la loi n° 48-1360 du 1er septembre 1948. »

Réponse de la Cour

Vu l'article 455 du code de procédure civile :

8. Selon ce texte, tout jugement doit être motivé. Le défaut de réponse aux conclusions constitue un défaut de motifs.

9. Pour prononcer la résiliation des baux, l'arrêt retient que le local que possède le locataire et qui lui sert de bureau, d'une surface totale de 13,20 m², dispose d'une cuisinette et d'un cabinet de toilette avec douche et water-closet, qu'il suffirait d'un meilleur aménagement de ce local pour pouvoir y habiter et que le fait pour le locataire de ne pouvoir y recevoir ses enfants majeurs qui ne vivent pas avec lui ne fait pas obstacle à la déchéance du droit au maintien dans les lieux.

10. En statuant ainsi, sans répondre aux conclusions de M. [Y] qui soutenait utiliser le studio dont il était propriétaire pour son activité professionnelle d'écrivain, éditeur et enseignant et qu'il ne pourrait à la fois y vivre et y exercer son métier, la cour d'appel n'a pas satisfait aux exigences du texte susvisé.

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs, la Cour :

CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 15 juin 2021, entre les parties, par la cour d'appel de Paris ;

Remet l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Paris autrement composée ;

Condamne M. et Mme [R] aux dépens ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande de M. et Mme [R] et les condamne à payer à M. [Y] la somme de 3 000 euros ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, troisième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du quatorze décembre deux mille vingt-trois. ECLI:FR:CCASS:2023:C300825
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