Cour de cassation, civile, Chambre civile 1, 29 novembre 2023, 22-20.789, Inédit

Texte intégral

RÉPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

CIV. 1

SA9



COUR DE CASSATION
______________________


Audience publique du 29 novembre 2023




Rejet


Mme CHAMPALAUNE, président



Arrêt n° 643 F-D

Pourvoi n° B 22-20.789




R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________


ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, DU 29 NOVEMBRE 2023

M. [Y] [X], domicilié [Adresse 2], a formé le pourvoi n° B 22-20.789 contre l'arrêt rendu le 28 juin 2022 par la cour d'appel d'Aix-en-Provence (chambre1-1), dans le litige l'opposant :

1°/ à Mme [G] [E] [K], domiciliée [Adresse 3],

2°/ à la société Mutuelles du Mans assurances IARD, dont le siège est [Adresse 1], défenderesses à la cassation.

Le demandeur invoque, à l'appui de son pourvoi, trois moyens de cassation.

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de Mme Kloda, conseiller référendaire, les observations de la SCP Lyon-Caen et Thiriez, avocat de M. [X], de la SARL Boré, Salve de Bruneton et Mégret, avocat de Mme [E] [K], et de la société Mutuelles du Mans Assurances IARD et après débats en l'audience publique du 10 octobre 2023 où étaient présents Mme Champalaune, président, Mme Kloda, conseiller référendaire rapporteur, Mme Guihal, conseiller doyen, et Mme Vignes, greffier de chambre,

la première chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Aix-en-Provence, 28 juin 2022), rendu sur renvoi après cassation (1re Civ., 2 juin 2021, pourvoi n° 19-22.730), par acte sous seing privé du 29 janvier 2005, rédigé par Mme [E] [K] (la notaire), M. [X] (l'acquéreur), promoteur immobilier, s'est porté acquéreur d'un ensemble immobilier appartenant à la société civile immobilière Chalet hôtel (la SCI) sous diverses conditions suspensives, comprenant l'absence de servitudes faisant obstacle à la libre disposition du bien.

2. La réitération de la vente, prorogée au 18 mars 2006, puis repoussée par M. [C], successeur de la notaire qui devait recevoir l'acte authentique, n'est pas intervenue, le propriétaire du fonds voisin ayant révélé, par lettre du 11 avril 2006, l'existence d'une servitude interdisant la construction d'un immeuble de plus d'un étage sur une largeur de 10 mètres en bordure de la ligne de séparation entre la parcelle vendue et le fonds voisin.

3. La SCI avait acquis ce bien par un acte reçu par la notaire le 5 mai 1992, qui ne mentionnait pas l'existence de cette servitude, laquelle figurait dans l'acte de vente précédent du 16 juillet 1963.

4. L'acquéreur a assigné en responsabilité et indemnisation la notaire, M. [C] et leur assureur, la société Mutuelle du Mans assurances IARD (l'assureur).

Examen des moyens

Sur le premier moyen, pris en ses première, troisième, quatrième, cinquième et septième branches, et sur le deuxième moyen, pris en ses deuxième à neuvième branches

5. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ces griefs qui ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation.

Sur le premier moyen, pris en ses deuxième et sixième branches

Enoncé du moyen

6. M. [X] fait grief à l'arrêt de dire que la notaire avait uniquement commis une faute pour défaut de vérification de l'existence d'une servitude après la signature de l'avant-contrat et rejeté l'ensemble de ses demandes indemnitaires, alors :

« 2°/ que commet une faute engageant sa responsabilité professionnelle le notaire qui, chargé de la rédaction d'un avant contrat de vente contenant la mutation du droit de propriété d'un immeuble, communique à l'acquéreur, pour justifier, préalablement à la régularisation de l'accord de la volonté des parties, du droit de propriété du vendeur, le titre de propriété de ce dernier, qu'il a lui-même précédemment établi et qui est vicié par l'omission d'une servitude grevant le bien, ce qui a conduit l'acquéreur à croire que le bien immobilier, objet de son mobile et de son accord de volonté lors de la régularisation de l'avant contrat, était libre de toute servitude ; qu'en se bornant, pour dire qu'aucune faute ne pouvait être reprochée au notaire dans l'établissement de l'avant contrat et rejeter, en conséquence, l'ensemble des demandes indemnitaires de M. [X], à énoncer que la vérification des actes des titres de propriété était nécessaire avant la rédaction de l'acte authentique de vente mais que tel n'était pas le cas en ce qui concernait l'avant contrat qui est un acte préparatoire à la vente, cette vérification relevant des démarches à accomplir en matière de règles d'urbanisme et à l'égard de la conservation des hypothèques qui doivent intervenir entre les deux conventions, la circonstance que le notaire ait établi l'acte d'acquisition du vendeur ne l'obligeant pas à réaliser les recherches avant la conclusion du compromis, sans rechercher, comme il le lui était demandé, si le notaire rédacteur de l'avant contrat n'avait pas commis une faute en communiquant à l'acquéreur, pour justifier, préalablement à la régularisation de l'accord de la volonté des parties, du droit de propriété du vendeur, le titre de propriété de ce dernier, qu'il avait lui-même précédemment établi et qui était vicié par l'omission de la servitude litigieuse, ce qui a conduit l'acquéreur à croire que le bien immobilier, objet de son mobile et de son accord de volonté lors de la régularisation de l'avant-contrat, était libre de toute servitude, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1382, devenu 1240 du code civil ;

6°/ que le notaire, tenu d'assurer l'efficacité des actes qu'il rédige, se doit, en amont, de procéder aux investigations nécessaires ; que la cour d'appel qui, bien qu'elle ait constaté que le notaire avait commis une omission dans le titre de propriété du vendeur du 5 mai 1992 en s'abstenant de mentionner dans cet acte l'existence de la servitude litigieuse, ce dont il résultait que l'omission par le notaire de la servitude litigieuse dans le titre de propriété du vendeur avait entraîné et rendu possible l'omission de cette même servitude dans l'avant contrat du 29 janvier 2005, circonstance établissant l'inefficacité de la vérification hypothécaire du notaire et, partant, l'inefficacité de l'avant contrat quant au but poursuivi par le promoteur, a néanmoins, pour rejeter l'ensemble des demandes indemnitaires de M. [X], jugé qu'aucune faute ne pouvait être reprochée au notaire dans l'établissement de l'avant
contrat, n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations et ainsi violé l'article 1382 devenu 1240 du code civil. »

Réponse de la Cour

7. Il résulte de l'article 1382, devenu 1240, du code civil, qu'il ne peut être imposé au notaire d'obtenir la délivrance d'un état de l'immeuble préalablement à la conclusion d'une promesse de vente, dès lors que cet avant-contrat est destiné à arrêter la volonté des parties sans attendre l'expiration des délais utiles à l'obtention des documents administratifs et hypothécaires nécessaires à la perfection de la vente.

8. La cour d'appel a constaté, d'abord, que la notaire avait inséré dans la promesse de vente une condition suspensive protégeant les droits de l'acquéreur en cas de servitude faisant obstacle à la libre disposition du bien et relevé, ensuite, que l'acquéreur, qui avait en sa qualité de promoteur immobilier parfaitement connaissance des conséquences financières liées à une telle démarche, avait demandé l'autorisation de déposer une demande de permis de construire et de démolir sans attendre la réitération de la vente. Elle en a exactement déduit que la notaire n'avait pas commis de faute dans l'établissement de l'avant-contrat, justifiant ainsi légalement sa décision de rejet des demandes indemnitaires à ce titre.

9. Le moyen n'est donc pas fondé.

Sur le deuxième moyen, pris en sa première branche, et le troisième moyen

Enoncé des moyens

10. Par son deuxième moyen, pris en sa première branche, l'acquéreur fait le même grief à l'arrêt, alors que « la cassation, à intervenir sur le premier moyen de l'arrêt en ce qu'il a dit que Me [E] [K] avait uniquement commis une faute pour défaut de vérification de l'existence d'une servitude après la signature de l'avant contrat, entraînera également par voie de conséquence l'annulation du chef de la décision rejetant l'ensemble des demandes indemnitaires de M. [X], en application de l'article 625 du code de procédure civile. »

11. Par son troisième moyen, l'acquéreur fait grief à l'arrêt de rejeter ses demandes indemnitaires contre l'assureur, alors « que la cassation à intervenir sur le premier ou le deuxième moyen, de l'arrêt en ce qu'il a dit que Me [E] [K] avait uniquement commis une faute pour défaut de vérification de l'existence d'une servitude après la signature de l'avant contrat et rejeté, en conséquence, l'ensemble des demandes indemnitaires de M. [X] dirigées contre le notaire, entraînera également par voie de conséquence l'annulation du chef de la décision rejetant l'ensemble des demandes indemnitaires de M. [X] dirigées contre la SA Mutuelles du Mans assurances Iard, en application de l'article 625 du code de procédure civile. »

Réponse de la Cour

12. En l'absence de cassation sur le premier ou le deuxième moyen, les moyens, qui invoquent une cassation par voie de conséquence, sont sans portée.


PAR CES MOTIFS, la Cour :

REJETTE le pourvoi ;

Condamne M. [X] aux dépens ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-neuf novembre deux mille vingt-trois.ECLI:FR:CCASS:2023:C100643
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