Cour de cassation, civile, Chambre sociale, 6 décembre 2023, 21-21.338, Inédit
Cour de cassation, civile, Chambre sociale, 6 décembre 2023, 21-21.338, Inédit
Cour de cassation - Chambre sociale
- N° de pourvoi : 21-21.338
- ECLI:FR:CCASS:2023:SO02147
- Non publié au bulletin
- Solution : Cassation partielle
Audience publique du mercredi 06 décembre 2023
Décision attaquée : Cour d'appel d'Aix en Provence, du 17 juin 2021- Président
- Mme Mariette (conseiller doyen faisant fonction de président)
Texte intégral
RÉPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
SOC.
CH9
COUR DE CASSATION
______________________
Audience publique du 6 décembre 2023
Cassation partielle
Mme MARIETTE, conseiller doyen
faisant fonction de président
Arrêt n° 2147 F-D
Pourvoi n° C 21-21.338
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
_________________________
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________
ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 6 DÉCEMBRE 2023
M. [Z] [D], domicilié [Adresse 1], a formé le pourvoi n° C 21-21.338 contre l'arrêt rendu le 17 juin 2021 par la cour d'appel d'Aix-en-Provence (chambre 4-5), dans le litige l'opposant :
1°/ à l'association Société des courses Côte-d'Azur, dont le siège est [Adresse 2],
2°/ à Pôle emploi, dont le siège est [Adresse 3],
défendeurs à la cassation.
Le demandeur invoque, à l'appui de son pourvoi, deux moyens de cassation.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de M. Seguy, conseiller, les observations de la SCP Boutet et Hourdeaux, avocat de M. [D], de la SCP Gatineau, Fattaccini et Rebeyrol, avocat de l'association Société des courses Côte-d'Azur, après débats en l'audience publique du 7 novembre 2023 où étaient présents Mme Mariette, conseiller doyen faisant fonction de président, M. Seguy, conseiller rapporteur, M. Barincou, conseiller, et Mme Aubac, greffier de chambre,
la chambre sociale de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Désistement partiel
1. Il est donné acte à M. [D] du désistement de son pourvoi en ce qu'il est dirigé contre Pôle emploi.
Faits et procédure
2. Selon l'arrêt attaqué (Aix-en-Provence, 17 juin 2021) et les productions, M. [D] a été engagé en qualité d'ouvrier agricole, le 10 mars 1992, par l'association Société des courses de la Côte d'Azur. Dans le dernier état de la relation contractuelle, il exerçait les fonctions d'ouvrier spécialisé avec la qualification de chauffeur.
3. L'employeur lui ayant notifié le 4 février 2013 une mise à pied disciplinaire de deux jours, le salarié a saisi la juridiction prud'homale d'une contestation de cette sanction et de demandes subséquentes.
Examen des moyens
Sur le premier moyen
4. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ce moyen qui n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation.
Mais sur le second moyen
Enoncé du moyen
5. Le salarié fait grief à l'arrêt de le débouter de ses demandes fondées sur le harcèlement moral, alors « que pour se prononcer sur l'existence d'un harcèlement moral, il appartient au juge d'examiner l'ensemble des éléments invoqués par le salarié, en prenant en compte les documents médicaux éventuellement produits et d'apprécier si les faits matériellement établis, pris dans leur ensemble, permettent de présumer l'existence d'un harcèlement moral au sens de l'article L. 1152-1 du code du travail ; que, dans l'affirmative, il revient au juge d'apprécier si l'employeur prouve que les agissements invoqués ne sont pas constitutifs d'un tel harcèlement et que ses décisions sont justifiées par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement ; que pour rejeter la demande du salarié formée au titre du harcèlement moral, l'arrêt retient que s'il a fait l'objet de plusieurs procédures disciplinaires, dont certaines n'ont pas abouti et que l'ambiance de travail au sein de la Société des courses était dégradée, ces éléments ne prouvent pas la matérialité de faits précis, de nature à laisser présumer l'existence de harcèlement moral à l'égard du salarié, sans examiner l'ensemble des faits invoqués par lui au titre du harcèlement, à savoir sa convocation à trois reprises - les 29 juin 2012, 21 janvier 2013 et 6 mars 2013 -, à des entretiens préalables au prononcé d'une sanction disciplinaire, sans qu'aucune sanction ne lui soit notifiée, caractérisant un usage abusif par l'employeur de son pouvoir disciplinaire et les difficultés éprouvées par le salarié pour consulter son dossier personnel, l'employeur faisant obstruction à cette consultation et ayant interdit la copie des pièces de son dossier, la cour d'appel a violé les articles L. 1152-1 du code du travail et l'article L. 1154-1 du même code, dans sa rédaction antérieure à la loi n° 2016-1088 du 8 août 2016. »
Réponse de la Cour
Vu les articles L. 1152-1 du code du travail et L. 1154-1 du même code, dans sa rédaction antérieure à la loi n° 2016-1088 du 8 août 2016 :
6. Il résulte de ces dispositions que, pour se prononcer sur l'existence d'un harcèlement moral, il appartient au juge d'examiner l'ensemble des éléments invoqués par le salarié, en prenant en compte les documents médicaux éventuellement produits, et d'apprécier si les faits matériellement établis, pris dans leur ensemble, permettent de présumer l'existence d'un harcèlement moral au sens de l'article L. 1152-1 du code du travail. Dans l'affirmative, il revient au juge d'apprécier si l'employeur prouve que les agissements invoqués ne sont pas constitutifs d'un tel harcèlement et que ses décisions sont justifiées par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement. Sous réserve d'exercer son office dans les conditions qui précèdent, le juge apprécie souverainement si le salarié établit des faits qui permettent de présumer l'existence d'un harcèlement et si l'employeur prouve que les agissements invoqués sont étrangers à tout harcèlement.
7. Pour débouter le salarié de ses demandes au titre du harcèlement moral, l'arrêt retient que les pièces qu'il produit démontrent, d'une part, qu'il a fait l'objet de plusieurs procédures disciplinaires dont certaines n'ont pas abouti et, d'autre part, que l'ambiance de travail au sein de la société s'était dégradée mais qu'en revanche, elles ne prouvent pas la matérialité de faits précis de nature à laisser présumer l'existence d'un harcèlement moral à son égard.
8. En statuant ainsi, alors que le salarié invoquait, outre la multiplication des procédures disciplinaires n'ayant pas abouti, l'obstruction faite par l'employeur à la consultation de son dossier et l'interdiction d'en prendre copie, autant d'éléments ayant dégradé ses conditions de travail, ainsi qu'une altération de son état de santé en produisant notamment des certificats médicaux, la cour d'appel, qui, d'une part, n'a pas examiné tous les éléments présentés par le salarié et qui, d'autre part, n'a pas apprécié si les faits matériellement établis, pris dans leur ensemble, permettaient de présumer l'existence d'un harcèlement, a violé les textes susvisés.
Portée et conséquences de la cassation
9. En application de l'article 624 du code de procédure civile, la cassation du chef de dispositif de l'arrêt qui déboute le salarié de ses demandes fondées sur le harcèlement moral entraîne la cassation du chef de dispositif qui rejette sa demande formée sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, qui s'y rattache par un lien de dépendance nécessaire.
PAR CES MOTIFS, la Cour :
CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il déboute M. [D] de ses demandes formées au titre du harcèlement moral et en application de l'article 700 du code de procédure civile, l'arrêt rendu le 17 juin 2021, entre les parties, par la cour d'appel d'Aix-en-Provence ;
Remet, sur ces points, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel d'Aix-en-Provence, autrement composée ;
Condamne l'association Société des courses Côte d'Azur aux dépens ;
En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par l'association Société des courses Côte d'Azur et la condamne à payer à M. [D] la somme de 3 000 euros ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du six décembre deux mille vingt-trois.ECLI:FR:CCASS:2023:SO02147
SOC.
CH9
COUR DE CASSATION
______________________
Audience publique du 6 décembre 2023
Cassation partielle
Mme MARIETTE, conseiller doyen
faisant fonction de président
Arrêt n° 2147 F-D
Pourvoi n° C 21-21.338
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
_________________________
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________
ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 6 DÉCEMBRE 2023
M. [Z] [D], domicilié [Adresse 1], a formé le pourvoi n° C 21-21.338 contre l'arrêt rendu le 17 juin 2021 par la cour d'appel d'Aix-en-Provence (chambre 4-5), dans le litige l'opposant :
1°/ à l'association Société des courses Côte-d'Azur, dont le siège est [Adresse 2],
2°/ à Pôle emploi, dont le siège est [Adresse 3],
défendeurs à la cassation.
Le demandeur invoque, à l'appui de son pourvoi, deux moyens de cassation.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de M. Seguy, conseiller, les observations de la SCP Boutet et Hourdeaux, avocat de M. [D], de la SCP Gatineau, Fattaccini et Rebeyrol, avocat de l'association Société des courses Côte-d'Azur, après débats en l'audience publique du 7 novembre 2023 où étaient présents Mme Mariette, conseiller doyen faisant fonction de président, M. Seguy, conseiller rapporteur, M. Barincou, conseiller, et Mme Aubac, greffier de chambre,
la chambre sociale de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Désistement partiel
1. Il est donné acte à M. [D] du désistement de son pourvoi en ce qu'il est dirigé contre Pôle emploi.
Faits et procédure
2. Selon l'arrêt attaqué (Aix-en-Provence, 17 juin 2021) et les productions, M. [D] a été engagé en qualité d'ouvrier agricole, le 10 mars 1992, par l'association Société des courses de la Côte d'Azur. Dans le dernier état de la relation contractuelle, il exerçait les fonctions d'ouvrier spécialisé avec la qualification de chauffeur.
3. L'employeur lui ayant notifié le 4 février 2013 une mise à pied disciplinaire de deux jours, le salarié a saisi la juridiction prud'homale d'une contestation de cette sanction et de demandes subséquentes.
Examen des moyens
Sur le premier moyen
4. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ce moyen qui n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation.
Mais sur le second moyen
Enoncé du moyen
5. Le salarié fait grief à l'arrêt de le débouter de ses demandes fondées sur le harcèlement moral, alors « que pour se prononcer sur l'existence d'un harcèlement moral, il appartient au juge d'examiner l'ensemble des éléments invoqués par le salarié, en prenant en compte les documents médicaux éventuellement produits et d'apprécier si les faits matériellement établis, pris dans leur ensemble, permettent de présumer l'existence d'un harcèlement moral au sens de l'article L. 1152-1 du code du travail ; que, dans l'affirmative, il revient au juge d'apprécier si l'employeur prouve que les agissements invoqués ne sont pas constitutifs d'un tel harcèlement et que ses décisions sont justifiées par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement ; que pour rejeter la demande du salarié formée au titre du harcèlement moral, l'arrêt retient que s'il a fait l'objet de plusieurs procédures disciplinaires, dont certaines n'ont pas abouti et que l'ambiance de travail au sein de la Société des courses était dégradée, ces éléments ne prouvent pas la matérialité de faits précis, de nature à laisser présumer l'existence de harcèlement moral à l'égard du salarié, sans examiner l'ensemble des faits invoqués par lui au titre du harcèlement, à savoir sa convocation à trois reprises - les 29 juin 2012, 21 janvier 2013 et 6 mars 2013 -, à des entretiens préalables au prononcé d'une sanction disciplinaire, sans qu'aucune sanction ne lui soit notifiée, caractérisant un usage abusif par l'employeur de son pouvoir disciplinaire et les difficultés éprouvées par le salarié pour consulter son dossier personnel, l'employeur faisant obstruction à cette consultation et ayant interdit la copie des pièces de son dossier, la cour d'appel a violé les articles L. 1152-1 du code du travail et l'article L. 1154-1 du même code, dans sa rédaction antérieure à la loi n° 2016-1088 du 8 août 2016. »
Réponse de la Cour
Vu les articles L. 1152-1 du code du travail et L. 1154-1 du même code, dans sa rédaction antérieure à la loi n° 2016-1088 du 8 août 2016 :
6. Il résulte de ces dispositions que, pour se prononcer sur l'existence d'un harcèlement moral, il appartient au juge d'examiner l'ensemble des éléments invoqués par le salarié, en prenant en compte les documents médicaux éventuellement produits, et d'apprécier si les faits matériellement établis, pris dans leur ensemble, permettent de présumer l'existence d'un harcèlement moral au sens de l'article L. 1152-1 du code du travail. Dans l'affirmative, il revient au juge d'apprécier si l'employeur prouve que les agissements invoqués ne sont pas constitutifs d'un tel harcèlement et que ses décisions sont justifiées par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement. Sous réserve d'exercer son office dans les conditions qui précèdent, le juge apprécie souverainement si le salarié établit des faits qui permettent de présumer l'existence d'un harcèlement et si l'employeur prouve que les agissements invoqués sont étrangers à tout harcèlement.
7. Pour débouter le salarié de ses demandes au titre du harcèlement moral, l'arrêt retient que les pièces qu'il produit démontrent, d'une part, qu'il a fait l'objet de plusieurs procédures disciplinaires dont certaines n'ont pas abouti et, d'autre part, que l'ambiance de travail au sein de la société s'était dégradée mais qu'en revanche, elles ne prouvent pas la matérialité de faits précis de nature à laisser présumer l'existence d'un harcèlement moral à son égard.
8. En statuant ainsi, alors que le salarié invoquait, outre la multiplication des procédures disciplinaires n'ayant pas abouti, l'obstruction faite par l'employeur à la consultation de son dossier et l'interdiction d'en prendre copie, autant d'éléments ayant dégradé ses conditions de travail, ainsi qu'une altération de son état de santé en produisant notamment des certificats médicaux, la cour d'appel, qui, d'une part, n'a pas examiné tous les éléments présentés par le salarié et qui, d'autre part, n'a pas apprécié si les faits matériellement établis, pris dans leur ensemble, permettaient de présumer l'existence d'un harcèlement, a violé les textes susvisés.
Portée et conséquences de la cassation
9. En application de l'article 624 du code de procédure civile, la cassation du chef de dispositif de l'arrêt qui déboute le salarié de ses demandes fondées sur le harcèlement moral entraîne la cassation du chef de dispositif qui rejette sa demande formée sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, qui s'y rattache par un lien de dépendance nécessaire.
PAR CES MOTIFS, la Cour :
CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il déboute M. [D] de ses demandes formées au titre du harcèlement moral et en application de l'article 700 du code de procédure civile, l'arrêt rendu le 17 juin 2021, entre les parties, par la cour d'appel d'Aix-en-Provence ;
Remet, sur ces points, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel d'Aix-en-Provence, autrement composée ;
Condamne l'association Société des courses Côte d'Azur aux dépens ;
En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par l'association Société des courses Côte d'Azur et la condamne à payer à M. [D] la somme de 3 000 euros ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du six décembre deux mille vingt-trois.