Cour de cassation, civile, Chambre sociale, 29 novembre 2023, 22-15.794, Publié au bulletin

Texte intégral

RÉPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

SOC.

CH9



COUR DE CASSATION
______________________


Audience publique du 29 novembre 2023




Cassation partielle


M. SOMMER, président



Arrêt n° 2099 FS-B

Pourvoi n° X 22-15.794




R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________


ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 29 NOVEMBRE 2023

Mme [Y] [X], domiciliée [Adresse 2], a formé le pourvoi n° X 22-15.794 contre l'arrêt rendu le 3 mars 2022 par la cour d'appel de Paris (pôle 6, chambre 5), dans le litige l'opposant à la société Comparadise groupe, société par actions simplifiée, dont le siège est [Adresse 1], défenderesse à la cassation.

La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, deux moyens de cassation.

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de Mme Salomon, conseiller, les observations de la SCP Lyon-Caen et Thiriez, avocat de Mme [X], de la SCP Fabiani, Luc-Thaler et Pinatel, avocat de la société Comparadise groupe, les plaidoiries de Me Lyon-Caen et de Me Pinatel, et l'avis de Mme Wurtz, avocat général, après débats en l'audience publique du 24 octobre 2023 où étaient présents M. Sommer, président, Mme Salomon, conseiller rapporteur, Mme Capitaine, conseiller doyen, Mmes Lacquemant, Nirdé-Dorail, Palle, conseillers, Mmes Valéry, Pecqueur, Laplume, MM. Chiron, Leperchey, conseillers référendaires, Mme Wurtz, avocat général, et Mme Jouanneau, greffier de chambre,

la chambre sociale de la Cour de cassation, composée, en application de l'article R. 431-5 du code de l'organisation judiciaire, de M. Sommer, président, Mme Salomon, conseiller rapporteur, Mme Capitaine, conseiller doyen, Mmes Lacquemant, Nirdé-Dorail, Palle, conseillers, Mmes Valéry, Pecqueur, MM. Chiron, Leperchey, conseillers référendaires, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt ;

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Paris, 3 mars 2022), Mme [X] a été engagée en qualité de chef de projet internet à compter du 7 octobre 2013, par la société Compamut, devenue Compassu, aux droits de laquelle vient la société Comparadise groupe. La salariée exerçait en dernier lieu les fonctions de responsable marketing.

2. Le contrat de travail de la salariée a été suspendu du 8 septembre 2017 au 24 janvier 2018, en raison de son congé maternité et des congés payés pris immédiatement après, la reprise effective du travail étant fixée au 25 janvier 2018.

3. Par lettre du 16 janvier 2018, l'employeur l'a convoquée à un entretien préalable à son éventuel licenciement fixé au 10 avril 2018. L'intéressée a accepté le contrat de sécurisation professionnelle le 1er mai suivant.

Examen des moyens

Sur le premier moyen

Enoncé du moyen

4. La salariée fait grief à l'arrêt de la débouter de ses demandes de nullité du licenciement pour motif économique et de réintégration ainsi que de ses demandes afférentes à la rupture, alors « qu'il est interdit non seulement de notifier une décision de licenciement pendant la période de protection visée à L. 1225-4 du code du travail, mais également de prendre des mesures préparatoires à une telle décision ; qu'au cas présent, la cour d'appel, après avoir relevé que la période de protection prenait fin le 6 avril 2018, a constaté qu'une convocation à entretien préalable au licenciement avait été adressée à Mme [X] le 16 janvier 2018 et que les délégués du personnel avaient été consulté le 12 janvier 2018 sur un projet de licenciement pour motif économique concernant le poste de responsable marketing attaché à l'établissement parisien de la société ; que pour débouter la salariée de ses demandes au titre de la nullité de son licenciement, la cour d'appel a cru pouvoir retenir que la société Comparadise n'avait accompli aucun acte préparatoire au licenciement pendant la période de protection ; qu'en statuant ainsi quant la matérialité des actes préparatoires était établie, la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales de ses constatations et violé l'article L. 1225-4 susvisé ensemble l'article 10 de la directive 92/85/CEE du Conseil du 19 octobre 1992 et de l'article 15 de la directive 2006/54/CE du Parlement européen et du Conseil du 5 juillet 2006. »

Réponse de la Cour

Vu l'article L. 1225-4 du code du travail, dans sa rédaction issue de la loi n° 2016-1088 du 8 août 2016 :

5. Il résulte de ce texte, interprété à la lumière de l'article 10 de la directive 92/85/CEE du Conseil du 19 octobre 1992, qu'il est interdit à un employeur, non seulement de notifier un licenciement, quel qu'en soit le motif, pendant la période de protection visée à ce texte, mais également de prendre des mesures préparatoires à une telle décision.

6. Ainsi, l'employeur ne peut engager la procédure de licenciement pendant la période de protection, notamment en envoyant la lettre de convocation à l'entretien préalable, un tel envoi constituant une mesure préparatoire au licenciement, peu important que l'entretien ait lieu à l'issue de cette période.

7. Pour dire que l'employeur n'a pas procédé à un acte préparatoire au licenciement pendant la période de protection et débouter en conséquence la salariée de sa demande de nullité de son licenciement, l'arrêt énonce que l'intéressée ne peut valablement se prévaloir de sa convocation à entretien préalable notifiée pendant sa période de protection, ni de la réunion des délégués du personnel le 12 janvier 2018, pour soutenir que la décision de la licencier était prise en l'absence de tout élément objectif venant caractériser cette volonté de l'employeur.

8. En statuant ainsi, la cour d'appel, qui n'a pas tiré les conséquences légales de ses constatations dont il résultait que l'employeur avait engagé la procédure de licenciement pendant la période de protection dont bénéficiait la salariée à l'issue du congé de maternité, a violé le texte susvisé.

Portée et conséquences de la cassation

9. La cassation des chefs de dispositif déboutant la salariée de sa demande d'annulation de son licenciement et des demandes subséquentes n'emporte pas cassation des chefs de dispositif de l'arrêt condamnant l'employeur aux dépens ainsi qu'au paiement d'une somme au titre de l'article 700 du code de procédure civile, justifiés par d'autres condamnations prononcées à l'encontre de celui-ci et non remises en cause.

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs, la Cour :

CASSE ET ANNULE, sauf en ce qu'il condamne la société Comparadise groupe à payer à Mme [X] les sommes de 5 752 euros à titre de rappel de rémunération variable pour les années 2017 et 2018 et de 1 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile et en ce qu'il déboute la société Comparadise groupe de sa demande sur ce fondement et la condamne aux dépens de première instance et d'appel, l'arrêt rendu le 3 mars 2022, entre les parties, par la cour d'appel de Paris ;

Remet, sauf sur ces points, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Paris autrement composée ;

Condamne la société Comparadise groupe aux dépens ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par la société Comparadise groupe et la condamne à payer à Mme [X] la somme de 3 000 euros ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-neuf novembre deux mille vingt-trois. ECLI:FR:CCASS:2023:SO02099
Retourner en haut de la page