Cour de cassation, civile, Chambre sociale, 22 novembre 2023, 22-19.658, Inédit

Texte intégral

RÉPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

SOC.

HP



COUR DE CASSATION
______________________


Audience publique du 22 novembre 2023




Rejet


M. HUGLO, conseiller doyen
faisant fonction de président



Arrêt n° 2086 F-D

Pourvoi n° X 22-19.658




R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________


ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 22 NOVEMBRE 2023

M. [B] [U], domicilié [Adresse 2], a formé le pourvoi n° X 22-19.658 contre l'arrêt rendu le 1er juin 2022 par la cour d'appel de Paris (pôle 6, chambre 9), dans le litige l'opposant à l'établissement Régie autonome des transports parisiens, établissement public à caractère industriel et commercial, dont le siège est [Adresse 1], défendeur à la cassation.

Le demandeur invoque, à l'appui de son pourvoi, un moyen de cassation.

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de Mme Ott, conseiller, les observations de la SARL Thouvenin, Coudray et Grévy, avocat de M. [U], de la SCP Célice, Texidor, Périer, avocat de l'établissement Régie autonome des transports parisiens, après débats en l'audience publique du 18 octobre 2023 où étaient présents M. Huglo, conseiller doyen faisant fonction de président, Mme Ott, conseiller rapporteur, Mme Bouvier, conseiller, et Mme Aubac, greffier de chambre,

la chambre sociale de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Paris, 1er juin 2022), M. [U], engagé en qualité d'élève machiniste receveur, à compter du 11 mars 1991 par la Régie autonome des transports parisiens (la RATP), occupait en dernier lieu le poste d'assistant des gares.

2. Il est titulaire d'un mandat de délégué syndical d'établissement et dispose d'un crédit de 20 heures de délégation. Son horaire de travail est de 18h15 à 1h30.

3. Reprochant au salarié une utilisation abusive de ses heures de délégation par un fractionnement lui permettant d'être dispensé d'un nombre conséquent d'heures de service tout en percevant sa rémunération par application des règles relatives au repos quotidien, la RATP a saisi, le 1er mars 2016, la juridiction prud'homale aux fins de paiement par le salarié de dommages-intérêts pour utilisation abusive de ses heures de délégation.

Examen du moyen

Enoncé du moyen

4. Le salarié fait grief à l'arrêt de rejeter sa demande d'irrecevabilité, de le condamner au paiement d'une somme à titre de dommages-intérêts pour utilisation abusive de ses heures de délégation et de le débouter de ses demandes de rappel de salaire et de dommages-intérêts au titre des heures de délégation, alors :

« 1°/ que les heures de délégation considérées de plein droit comme temps de travail, qu'elles soient prises pendant ou hors les heures habituelles de travail, doivent être payées à l'échéance normale ; que l'employeur ne peut saisir la juridiction prud'homale pour contester l'usage fait du temps alloué aux représentants du personnel pour l'exercice de leur mandat qu'après l'avoir payé ; qu'en l'espèce, il résultait des propres constatations de la cour d'appel que les heures de délégation prises par le salarié en dehors du temps habituel de service n'ont pas été rémunérées en totalité, au titre de la majoration pour heures supplémentaires ; qu'en retenant néanmoins que la demande de l'employeur en paiement de dommages-intérêts pour usage abusif des heures de délégation était recevable, aux motifs inopérants qu'en application de l'article L. 1321-1 du code des transports, le temps de travail des agents de la RATP est régi par des textes statutaires et des dispositions internes suivant lesquels les heures durant lesquelles l'agent est en autorisation d'absence rémunérée ne sont pas des heures de travail effectif s'imputant sur le décompte du temps de travail effectif, la cour d'appel, qui n'a pas tiré les conséquences légales qu'imposaient ses propres constatations, a violé les articles L. 2111-1 et L. 2143-17 du code du travail ;

2°/ que l'employeur ne peut saisir le juge du fond d'une action en paiement de dommages-intérêts pour usage abusif des heures de délégation qu'après avoir préalablement demandé à l'intéressé, fût-ce, en cas de refus, par voie judiciaire, l'indication des activités pour lesquelles elles ont été utilisées ; qu'en l'espèce, en retenant que l'action de l'employeur en paiement de dommages-intérêts pour usage abusif des heures de délégation est recevable, aux motifs inopérants que celui-ci ne demande pas de remboursement des heures mal utilisées mais des dommages-intérêts pour usage abusif de ces heures, et sans constater au préalable que l'employeur a demandé à l'intéressé l'indication des activités pour lesquelles les heures de délégation ont été utilisées, la cour d'appel a violé l'article L. 2143-17 du code du travail. »

Réponse de la Cour

5. D'une part, l'arrêt constate que le salarié, travaillant habituellement de 18h15 à 1h30, positionne systématiquement sur certaines plages horaires, soit entre 5h et 7h puis entre 14h et 16h, en dehors de son horaire habituel de travail, des heures de délégation fractionnées de 30 minutes, de façon à interrompre par deux fois le temps de repos obligatoire de 11 heures consécutives et d'empêcher, en application des règles statutaires régissant le temps de travail des agents de la RATP, sa prise de service à 18H15, et que, dès lors, si les heures de délégation du salarié ont été prises en dehors de l'horaire normal de travail, elles ne l'ont pour autant pas été en plus du temps de travail effectif puisque les conditions d'utilisation de ces heures par l'agent, liées à l'amplitude de travail horaire maximale et au temps de repos obligatoire, ont conduit l'employeur à placer le salarié en autorisation d'absence rémunérée et à différer sa prise de service, en a déduit exactement que la majoration pour heures supplémentaires n'était pas due.

6. D'autre part, l'arrêt, après avoir constaté que l'employeur a demandé au salarié de fournir une indication précise des activités exercées pendant ses heures de délégation ainsi que des nécessités du mandat justifiant leur pose systématique en dehors de l'horaire habituel de travail et que cette demande est restée sans réponse, retient que le salarié ne justifie pas des nécessités liées au mandat le conduisant à prendre systématiquement des heures de délégation en dehors de son horaire habituel de travail.

7. La cour d'appel a pu en déduire que l'employeur était recevable à agir sur le fondement d'un abus de droit quant au positionnement par le salarié de ses heures de délégation.

8. Le moyen, qui manque en fait en sa seconde branche, n'est pas fondé pour le surplus.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

REJETTE le pourvoi ;

Condamne M. [U] aux dépens ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-deux novembre deux mille vingt-trois.ECLI:FR:CCASS:2023:SO02086
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