Cour de cassation, civile, Chambre civile 2, 16 novembre 2023, 22-10.357, Inédit
Cour de cassation, civile, Chambre civile 2, 16 novembre 2023, 22-10.357, Inédit
Cour de cassation - Chambre civile 2
- N° de pourvoi : 22-10.357
- ECLI:FR:CCASS:2023:C201128
- Non publié au bulletin
- Solution : Rejet
Audience publique du jeudi 16 novembre 2023
Décision attaquée : Cour d'appel de Grenoble, du 30 novembre 2021- Président
- Mme Martinel (président)
Texte intégral
RÉPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
CIV. 2
LM
COUR DE CASSATION
______________________
Audience publique du 16 novembre 2023
Rejet
Mme MARTINEL, président
Arrêt n° 1128 F-D
Pourvoi n° N 22-10.357
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
_________________________
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________
ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 16 NOVEMBRE 2023
La société [3], société par actions simplifiée, dont le siège est [Adresse 4], a formé le pourvoi n° N 22-10.357 contre l'arrêt rendu le 30 novembre 2021 par la cour d'appel de Grenoble (chambre sociale, protection sociale), dans le litige l'opposant :
1°/ à M. [Z] [Y], domicilié [Adresse 1],
2°/ à la caisse primaire d'assurance maladie de la Drôme, dont le siège est [Adresse 2],
défendeurs à la cassation.
La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, un moyen unique de cassation.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de M. Pedron, conseiller, les observations de la SCP Gatineau, Fattaccini et Rebeyrol, avocat de la société [3], après débats en l'audience publique du 3 octobre 2023 où étaient présents Mme Martinel, président, M. Pedron, conseiller rapporteur, Mme Renault-Malignac, conseiller doyen, et Mme Catherine, greffier de chambre,
la deuxième chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. Selon l'arrêt attaqué (Grenoble, 30 novembre 2021), M. [Y] (la victime), chauffeur livreur salarié de la société [3] ([3]) France (l'employeur), a été victime, le 10 novembre 2016, d'un accident de la circulation avec un véhicule de son employeur, pris en charge au titre de la législation professionnelle par une caisse primaire d'assurance maladie. La victime a sollicité la reconnaissance de la faute inexcusable de l'employeur.
Examen du moyen
Enoncé du moyen
2. L'employeur fait grief à l'arrêt de dire l'accident imputable à sa faute inexcusable, alors :
« 1°/ que sauf s'il est établi que l'employeur n'avait pas respecté le temps de repos obligatoire ou l'amplitude maximale de travail de son salarié, le chauffeur qui l'informe seulement de son état de fatigue ne signale pas un « risque » ; qu'en se bornant à relever que la victime, chauffeur, avait informé son employeur de ce qu'il était fatigué à cause d'un souci personnel de son enfant, pour en déduire qu'il avait ainsi signalé à l'employeur « un risque auquel il se trouvait exposé au regard de son poste de chauffeur » et « une situation de fait de nature à le mettre en danger », de sorte qu'il devait bénéficier de la faute inexcusable de droit car il avait ensuite eu un accident de la route, la cour d'appel a violé les articles L. 4131-1 et L. 4131-4 du code du travail, ce dernier dans sa rédaction issue de l'ordonnance n° 2007-329 du 12 mars 2007, ensemble l'article L. 452-1 du code de la sécurité sociale ;
2°/ qu'à tout le moins, l'employeur ne peut se voir imputer une faute inexcusable de droit si le salarié qui lui a signalé sa fatigue n'a ni sollicité ni exercé son droit de retrait et si l'employeur ne l'a nullement obligé à reprendre son activité ; qu'en retenant l'existence d'une faute inexcusable de droit au profit du salarié chauffeur qui avait signalé à son employeur son état de fatigue, sans constater que le salarié avait sollicité et encore moins exercé son droit de retrait, ou que son employeur l'avait obligé à prendre son poste de chauffeur, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 4131-1 et L. 4131-4 du code du travail, ce dernier dans sa rédaction issue de l'ordonnance n° 2007-329 du 12 mars 2007, ensemble l'article L. 452-1 du code de la sécurité sociale ;
3°/ qu'en tout état de cause, la faute inexcusable de droit de l'employeur ne peut être retenue que si le risque signalé s'est « matérialisé » ; qu'en l'espèce, il ressortait du jugement du tribunal correctionnel ayant condamné le salarié, dont l'employeur se prévalait, que la victime avait été condamnée pour violation manifestement délibérée d'une obligation de prudence ou de sécurité prévue par la loi et par le règlement, et en particulier pour avoir effectué « un dépassement sans visibilité suffisante à l'approche d'un virage », franchissant à cet effet une « ligne continue », et le tout « à une vitesse excessive et égard aux circonstances en l'espèce : chaussée mouillée et virages » ; qu'en s'abstenant de caractériser que ces faits, à l'origine de l'accident, constituaient la « matérialisation » de l'état de fatigue déclaré à l'employeur, et n'étaient pas simplement imputables au comportement fautif du salarié, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 4131-1 et L. 4131-4 du code du travail, ce dernier dans sa rédaction issue de l'ordonnance n° 2007-329 du 12 mars 2007, ensemble l'article L. 452-1 du code de la sécurité sociale. »
Réponse de la Cour
3. Selon l'article L. 4131-4 du code du travail, le bénéfice de la faute inexcusable de l'employeur prévue à l'article L. 452-1 du code de la sécurité sociale est de droit pour le ou les travailleurs qui seraient victimes d'un accident du travail ou d'une maladie professionnelle alors qu'eux-mêmes ou un représentant du personnel au comité d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail avaient signalé à l'employeur le risque qui s'est matérialisé.
4. L'arrêt retient que le salarié justifie par production d'une ordonnance des urgences pédiatriques de la veille pour son enfant, et des attestations de deux collègues, corroborées par une attestation produite par l'employeur, de ce qu'il a alerté ce dernier le 10 novembre 2016 de son état de fatigue important lié à l'absence de repos durant la nuit, signalant ainsi à l'employeur un risque auquel il se trouvait exposé au regard de son poste de chauffeur. Il relève ensuite qu'un accident de la route impliquant le salarié est survenu ce 10 novembre 2016. Il ajoute que dès lors que le salarié, dont le poste de chauffeur nécessite un état de vigilance particulièrement soutenu, avait signalé à son employeur une situation de fait de nature à le mettre en danger, il convient de lui accorder le bénéfice de la faute inexcusable de droit.
5. En l'état de ces énonciations et constatations caractérisant le risque signalé à l'employeur, la cour d'appel, qui n'avait pas à rechercher si le salarié avait sollicité et encore moins exercé son droit de retrait, et qui a fait ressortir le lien entre la fatigue signalée et les fautes de conduite de la victime à l'origine de l'accident, a légalement justifié sa décision.
6. Le moyen n'est, dès lors, pas fondé.
PAR CES MOTIFS, la Cour :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne la société [3] aux dépens ;
En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par la société [3] ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du seize novembre deux mille vingt-trois.ECLI:FR:CCASS:2023:C201128
CIV. 2
LM
COUR DE CASSATION
______________________
Audience publique du 16 novembre 2023
Rejet
Mme MARTINEL, président
Arrêt n° 1128 F-D
Pourvoi n° N 22-10.357
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
_________________________
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________
ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 16 NOVEMBRE 2023
La société [3], société par actions simplifiée, dont le siège est [Adresse 4], a formé le pourvoi n° N 22-10.357 contre l'arrêt rendu le 30 novembre 2021 par la cour d'appel de Grenoble (chambre sociale, protection sociale), dans le litige l'opposant :
1°/ à M. [Z] [Y], domicilié [Adresse 1],
2°/ à la caisse primaire d'assurance maladie de la Drôme, dont le siège est [Adresse 2],
défendeurs à la cassation.
La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, un moyen unique de cassation.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de M. Pedron, conseiller, les observations de la SCP Gatineau, Fattaccini et Rebeyrol, avocat de la société [3], après débats en l'audience publique du 3 octobre 2023 où étaient présents Mme Martinel, président, M. Pedron, conseiller rapporteur, Mme Renault-Malignac, conseiller doyen, et Mme Catherine, greffier de chambre,
la deuxième chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. Selon l'arrêt attaqué (Grenoble, 30 novembre 2021), M. [Y] (la victime), chauffeur livreur salarié de la société [3] ([3]) France (l'employeur), a été victime, le 10 novembre 2016, d'un accident de la circulation avec un véhicule de son employeur, pris en charge au titre de la législation professionnelle par une caisse primaire d'assurance maladie. La victime a sollicité la reconnaissance de la faute inexcusable de l'employeur.
Examen du moyen
Enoncé du moyen
2. L'employeur fait grief à l'arrêt de dire l'accident imputable à sa faute inexcusable, alors :
« 1°/ que sauf s'il est établi que l'employeur n'avait pas respecté le temps de repos obligatoire ou l'amplitude maximale de travail de son salarié, le chauffeur qui l'informe seulement de son état de fatigue ne signale pas un « risque » ; qu'en se bornant à relever que la victime, chauffeur, avait informé son employeur de ce qu'il était fatigué à cause d'un souci personnel de son enfant, pour en déduire qu'il avait ainsi signalé à l'employeur « un risque auquel il se trouvait exposé au regard de son poste de chauffeur » et « une situation de fait de nature à le mettre en danger », de sorte qu'il devait bénéficier de la faute inexcusable de droit car il avait ensuite eu un accident de la route, la cour d'appel a violé les articles L. 4131-1 et L. 4131-4 du code du travail, ce dernier dans sa rédaction issue de l'ordonnance n° 2007-329 du 12 mars 2007, ensemble l'article L. 452-1 du code de la sécurité sociale ;
2°/ qu'à tout le moins, l'employeur ne peut se voir imputer une faute inexcusable de droit si le salarié qui lui a signalé sa fatigue n'a ni sollicité ni exercé son droit de retrait et si l'employeur ne l'a nullement obligé à reprendre son activité ; qu'en retenant l'existence d'une faute inexcusable de droit au profit du salarié chauffeur qui avait signalé à son employeur son état de fatigue, sans constater que le salarié avait sollicité et encore moins exercé son droit de retrait, ou que son employeur l'avait obligé à prendre son poste de chauffeur, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 4131-1 et L. 4131-4 du code du travail, ce dernier dans sa rédaction issue de l'ordonnance n° 2007-329 du 12 mars 2007, ensemble l'article L. 452-1 du code de la sécurité sociale ;
3°/ qu'en tout état de cause, la faute inexcusable de droit de l'employeur ne peut être retenue que si le risque signalé s'est « matérialisé » ; qu'en l'espèce, il ressortait du jugement du tribunal correctionnel ayant condamné le salarié, dont l'employeur se prévalait, que la victime avait été condamnée pour violation manifestement délibérée d'une obligation de prudence ou de sécurité prévue par la loi et par le règlement, et en particulier pour avoir effectué « un dépassement sans visibilité suffisante à l'approche d'un virage », franchissant à cet effet une « ligne continue », et le tout « à une vitesse excessive et égard aux circonstances en l'espèce : chaussée mouillée et virages » ; qu'en s'abstenant de caractériser que ces faits, à l'origine de l'accident, constituaient la « matérialisation » de l'état de fatigue déclaré à l'employeur, et n'étaient pas simplement imputables au comportement fautif du salarié, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 4131-1 et L. 4131-4 du code du travail, ce dernier dans sa rédaction issue de l'ordonnance n° 2007-329 du 12 mars 2007, ensemble l'article L. 452-1 du code de la sécurité sociale. »
Réponse de la Cour
3. Selon l'article L. 4131-4 du code du travail, le bénéfice de la faute inexcusable de l'employeur prévue à l'article L. 452-1 du code de la sécurité sociale est de droit pour le ou les travailleurs qui seraient victimes d'un accident du travail ou d'une maladie professionnelle alors qu'eux-mêmes ou un représentant du personnel au comité d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail avaient signalé à l'employeur le risque qui s'est matérialisé.
4. L'arrêt retient que le salarié justifie par production d'une ordonnance des urgences pédiatriques de la veille pour son enfant, et des attestations de deux collègues, corroborées par une attestation produite par l'employeur, de ce qu'il a alerté ce dernier le 10 novembre 2016 de son état de fatigue important lié à l'absence de repos durant la nuit, signalant ainsi à l'employeur un risque auquel il se trouvait exposé au regard de son poste de chauffeur. Il relève ensuite qu'un accident de la route impliquant le salarié est survenu ce 10 novembre 2016. Il ajoute que dès lors que le salarié, dont le poste de chauffeur nécessite un état de vigilance particulièrement soutenu, avait signalé à son employeur une situation de fait de nature à le mettre en danger, il convient de lui accorder le bénéfice de la faute inexcusable de droit.
5. En l'état de ces énonciations et constatations caractérisant le risque signalé à l'employeur, la cour d'appel, qui n'avait pas à rechercher si le salarié avait sollicité et encore moins exercé son droit de retrait, et qui a fait ressortir le lien entre la fatigue signalée et les fautes de conduite de la victime à l'origine de l'accident, a légalement justifié sa décision.
6. Le moyen n'est, dès lors, pas fondé.
PAR CES MOTIFS, la Cour :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne la société [3] aux dépens ;
En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par la société [3] ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du seize novembre deux mille vingt-trois.