Cour de cassation, civile, Chambre sociale, 15 novembre 2023, 23-14.806, Publié au bulletin

Texte intégral

RÉPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

SOC.


COUR DE CASSATION



ZB1


______________________

QUESTION PRIORITAIRE
de
CONSTITUTIONNALITÉ
______________________





Audience publique du 15 novembre 2023




RENVOI


M. SOMMER, président



Arrêt n° 2124 FS-B

Pourvoi n° U 23-14.806


R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________


ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 15 NOVEMBRE 2023

Par mémoire spécial présenté le 18 août 2023, Mme [N] [J], épouse [Z], domiciliée [Adresse 1], a formulé une question prioritaire de constitutionnalité à l'occasion du pourvoi n° U 23-14.806 qu'elle a formé contre l'arrêt rendu le 18 novembre 2022 par la cour d'appel de Bourges (chambre sociale), dans une instance l'opposant à la société Mazagran service, société par actions simplifiée, dont le siège est [Adresse 2].

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de M. Flores, conseiller, les observations de Me Haas, avocat de Mme [J], de la SCP Gatineau, Fattaccini et Rebeyrol, avocat de la société Mazagran service, et l'avis de M. Bérriat, premier avocat général, après débats en l'audience publique du 25 octobre 2023 où étaient présents M. Sommer, président, M. Flores, conseiller rapporteur, Mme Monge, conseiller doyen, Mme Cavrois, M. Rouchayrole, Mmes Deltort, Le Quellec, conseillers, Mmes Ala, Thomas-Davost, Techer, Rodrigues, conseillers référendaires, Mme Berriat, premier avocat général, et Mme Dumont, greffier de chambre,

la chambre sociale de la Cour de cassation, composée, en application de l'article R. 431-5 du code de l'organisation judiciaire, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt ;

Faits et procédure

1. Mme [J] a été engagée en qualité d'employée commerciale par la société Mazagran services, le 12 octobre 2009.

2. Elle a été placée en arrêt de travail pour maladie non professionnelle du 10 novembre 2014 au 30 décembre 2014, puis pour accident du travail du 31 décembre 2014 au 13 novembre 2016 et à nouveau pour cause de maladie non professionnelle du 19 novembre 2016 au 17 novembre 2019.

3. Le 16 janvier 2020, la salariée a été licenciée pour inaptitude physique et impossibilité de reclassement.

4. Le 16 décembre 2020, elle a saisi la juridiction prud'homale de diverses demandes au titre de l'exécution et de la rupture de son contrat de travail.

Enoncé des questions prioritaires de constitutionnalité

5. A l'occasion du pourvoi qu'elle a formé contre l'arrêt rendu le 18 novembre 2022 par la cour d'appel de Bourges, la salariée a, par mémoire distinct et motivé, demandé de renvoyer au Conseil constitutionnel les questions prioritaires de constitutionnalité ainsi rédigées :

« 1°/ Les articles L. 3141-3 et L. 3141-5, 5°, du code du travail portent-ils atteinte au droit à la santé et au repos garanti par le onzième alinéa du préambule de la Constitution du 27 octobre 1946 en ce qu'ils ont pour effet de priver, à défaut d'accomplissement d'un travail effectif, le salarié en congé pour une maladie d'origine non professionnelle de tout droit à l'acquisition de congés payés et le salarié en congé pour une maladie d'origine professionnelle de tout droit à l'acquisition de congés au-delà d'une période d'un an ?

2°/ L'article L. 3141-5, 5°, du code du travail porte-il atteinte au principe d'égalité garanti par l'article 6 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789 et l'article 1er de la Constitution du 4 octobre 1958 en ce qu'il introduit, du point de vue de l'acquisition des droits à congés payés des salariés dont le contrat de travail est suspendu en raison de la maladie, une distinction selon l'origine professionnelle ou non professionnelle de la maladie, qui est sans rapport direct avec l'objet de la loi qui l'établit ? »

Examen des questions prioritaires de constitutionnalité

6. Les dispositions contestées sont applicables au litige, qui concerne les conditions d'acquisition de droits à congé payé d'une salariée pour les périodes pendant lesquelles, soit elle n'a pas exécuté de travail effectif en raison de son état de santé, soit son arrêt de travail n'a pas été assimilé à du travail effectif.

7. Elles n'ont pas déjà été déclarées conformes à la Constitution dans les motifs et le dispositif d'une décision du Conseil constitutionnel.

8. La première question présente un caractère sérieux en ce que, en cas d'absence du salarié de l'entreprise en raison d'un arrêt de travail pour cause de maladie, cause indépendante de sa volonté, l'article L. 3141-3 du code du travail exclut tout droit à congé payé lorsque l'arrêt de travail a une origine non professionnelle et l'article L. 3141-5, 5°, du même code ne permet pas l'acquisition de droit à congé payé au-delà d'une période ininterrompue d'un an en cas d'arrêt de travail pour cause d'accident du travail ou de maladie professionnelle.

9. La seconde question posée présente également un caractère sérieux en ce que l'article L. 3141-5, 5°, du code du travail traite de façon différente au regard du droit à congé payé les salariés en situation d'arrêt de travail pour cause de maladie, selon l'origine, professionnelle ou non, de la situation de santé qui a justifié l'arrêt de travail.

10. En conséquence, il y a lieu de les renvoyer au Conseil constitutionnel.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

RENVOIE au Conseil constitutionnel les questions prioritaires de constitutionnalité.

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du quinze novembre deux mille vingt-trois. ECLI:FR:CCASS:2023:SO02124
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